28 mai 2007

Les émois

La tendresse légère des premiers sentiments amoureux s’allumant dans les yeux nimbés d’innocence du pré adolescent, quoi de plus mignon ? N’est-ce pas à ce moment là qu’on découvre toute la richesse et l’étendue magnifique des sensations que peuvent nous remonter un esprit sur lequel l’on a, finalement, que peu d’influence ? Tout concourt à nous rendre passablement niais, le sourire imbécile soudé au visage et les prunelles suivant chaque mouvement de l’autre, et même les paroles que l’on boit à satiété. Etonnante alchimie qui rend fébrile le fort, qui rend fort et entreprenant le faible, et surtout qui provoque des situation dignes des plus mauvais psychodrames…

L’émotion, ah quelle fâcheuse tendance à systématiser une réaction de moiteur des paumes lorsque l’autre arrive à grandes enjambées. La cour du collège semble vraiment propice à ces évènements incontrôlables tant il est vrai que c’est précisément sur cette période de puberté que les catastrophes s’enchaînent : les filles deviennent potentiellement femmes, les garçons des gargouilles légèrement pustuleuses et les professeurs des gardes chiourmes bien en peine à maîtriser les ébats labiaux de cette turbulente troupe bigarrée. Entre jalousies, larmes et bagarres les nœuds amoureux se nouent et se défont au rythme des respirations haletantes des premiers baisers affolés. C’est étrange à quel point l’on peut alors se souvenir clairement de la première embrassade, alors que ceux qui viennent ensuite restent pathétiquement perdus dans nos limbes mémoriels. Cruelle est la déception quand les souvenirs s’en vont tandis que les sensations restent.

Entre tragiques et rigolards mes sourires oscillent sans cesse quand je songe à cette période où, loin de me douter du pouvoir implacable d’un sourire de femme aimée, je rôdai paisiblement, accompagné de la douce et charmante présence de mes chers et tendres livres. Etonnement isolé tant par choix que par mon comportement probablement hostile, je ne fus guère touché par le phénomène en dehors de quelques rencontres savoureuses qui ne furent, hélas, qu’une vague discussion ou un passage d’assistance scolaire. Quoi qu’il en soit, certains visages réapparaissent, à croire qu’ils m’étaient plus chers que je n’osais l’admettre… enfin, puis je me souvenir de ces prénoms à présent lointains ? Tout au plus est-ce la vue d’une chevelure au vent m’étourdit les sens tandis qu’à l’époque je les tançai d’importance. Idiotie du pseudo intellectuel individualiste.

Ai-je jamais été séducteur ? Sur cette période aucun doute possible : non, on ne peut être séduisant quand on est hirsute et inadapté à la communication sociale. Qu’est-ce qui faisait de moi un solitaire ? Physiquement pas plus dégradé qu’un autre, intellectuellement et culturellement acceptable… je crois qu’il s’agissait surtout de ma propension à écarter toute approche trop bizarrement chaleureuse pour être honnêtes qui me rendit bien peu attrayant. Cependant, je ne fus jamais réellement exclu, toujours invité aux fêtes des uns et des autres, mais souvent avare de réflexions mais jamais de gentillesses. C’est ça d’être un ours, peu sociable mais souvent trop patient…

Le temps passa sur les souvenirs, assassin de bons moments et cruels destructeurs de sentiments trop vite créés et démembrés. Peu à peu le sexe opposé m’offrit une perspective plus attirante, et pourtant je restai de marbre ou presque, à croire que je cherchai un absolu. En toute honnêteté l’absolu n’est qu’une manière peu sincère de fuir les possibilités qui s’offrent à soi et que l’on considère bien souvent à tort comme étant pathétiques. L’attirance est une alchimie complexe, mélange de bonne volonté et d’irrationalité, et quelque part de craintes bien souvent invérifiées. N’oubliez pas qu’aimer quelqu’un ça n’est pas qu’être sexuellement compatibles ou moralement mutuellement tolérables, non c’est toute une part d’inconscient qui revient à la charge quand l’on essaye de la raisonner.

Ne soyons pas bégueules, le collège fut pour moi l’occasion de constater qu’un vocabulaire étendu rend tout aussi impopulaire qu’un pitre peut à contrario peut devenir une vedette éphémère. Le plus amusant c’est que cette foi inébranlable en la culture m’offrit aussi des moments de pur plaisir, celui de ne pas devoir être derrière quelqu’un mais de me bâtir, bien souvent seul, mais toujours accompagné de mes rêves qui, parfois se réalisent l’espace de l’instant fatidique de l’étreinte avec un être que j’ai intimement désiré.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

bcp de toi là dedans, je t'y retrouve complètement...c étrange te fascinant à la fois...
et bizzarement à l'opposé, je m'y retrouve aussi...merci
Didine