25 septembre 2006

Enfants de la patrie

Depuis la nuit des temps le pouvoir a toujours estimé que nous sommes des enfants et que nous expliquer les fondements même des décisions prises à notre sujet ne nous concernaient pas. Cette réflexion a ceci d’affreusement cynique qu’elle mène à une autre idée : sommes-nous, en tant que peuple, une masse ignare et indocile nécessitant qu’on nous cache sans cesse des vérités ?

Que ce soit l’Irak, l’implication des services secrets dans les actions terroristes et même les meurtres perpétrés contre certaines personnalités publiques, nous n’avons le droit de savoir que des bribes symboliques, ces petits riens qui font les grandes rumeurs. Kennedy est mort sous les coups de feu de tireurs professionnels, dans un vrai champ de tir… et pourtant l’on nous ressert sans arrêt Oswald l’unique assassin du président. Quoi d’étrange là-dedans ? le monde était-il (le sera-t-il un jour ?) prêt à saisir les raisons profondes de cette exécution publique ? après tout le monde a continué à tourner sans lui bien que certaines de ses idées aient pris le chemin de la trappe (dont notamment le retrait rapide des troupes américaines au Vietnam).

Globalement on (entendre par là le peuple) aime tous la propreté, la transparence dans l’imagerie populaire de la politique internationale. Il n’est pas gênant d’avoir un dictateur, au moins le peuple peut le haïr ou l’encenser en toute connaissance de cause alors que l’obscurité des hommes (ou femmes) de pouvoir est plus difficile à cerner. Je parlais de Kennedy, était-il si propre que ça ? était-ce réellement le jeune révolutionnaire de la politique américaine qu’il semblait être ? ce qu’on en sait n’a pas l’immaculée conception pour symbolique : trafics d’influence, votes biaisés, présence occulte de la mafia en tâche de fond, rien n’est simple et rien n’est clair, et ce bien qu’on voudrait en faire un héros national.

A présent on peut alors légitimement se poser la question suivante : si ces hommes et ces femmes qui nous dirigent sont si humains, doit on les laisser exercer ainsi leurs mandats sans que nous, peuple électeur n’ayons rien à leur dire ? en toute honnêteté je me demande s’il est si judicieux de laisser à la rue le droit de commenter et de vociférer contre tout et n’importe quoi. Ne perdons pas de vue que la foule par essence est une chose mécontente et qui n’acceptera de réponse que celle qui lui convient. Si les gens prennent le pouvoir ce sera encore et toujours non pour le bien public, qui se constitue du moindre mal mais pour le bien unitaire et personnel. De fait cela revient donc à dire qu’une population révoltée se croyant démocratiquement investie d’un droit de réponse n’est finalement détentrice que d’une force physique et non intellectuelle. Les dernières manifestations publiques (anti CPE et autres) n’ont pas démontré une présence d’esprit ou une quelconque réflexion mais juste une capacité à repousser personnellement certaines décisions prises pour tout le monde.

Bien entendu le droit de manifester, de renier le pouvoir et d’en tenter le changement font partie de mes priorités : il ne faut surtout pas interdire ces droits élémentaires du peuple à s’exprimer et à présenter les griefs nécessaires à la bonne marche d’un état. Cependant comment réagirait la foule si elle savait réellement tout ? apprécierait elle d’apprendre les vraies dépenses, les vraies problématiques qu’on nous cache chaque jour ? durant les années noires de la guerre froide combien de fois le monde a-t-il frôlé l’affrontement atomique ? Dieu (et quelques hommes clés du pouvoir des grandes nations d’alors) seul sait que notre monde a failli s’auto détruire pour des convictions bassement idéologiques. Ainsi je crains fort que chaque complextié des arcanes du pouvoir ne peut être présentée avec toute la transparence qu'on souhaiterait car la terreur de comprendre le cynisme de notre monde serait si effrayante que la panique serait alors générale. Savoir que l'on vit sous un parapluie atomique est franchement affolant non?

En tout état de cause l’avenir des nations ne passera pas par une clarification des décisions et une transparence du pouvoir. On ne vivra jamais mieux que dans la douce quiétude de l’ignorance des manipulations à l’échelle mondiale. Je ne doute pas que bon nombre de bavures ont été commises au nom de la liberté, de la démocratie ou bien de la sécurité de l’état. Qui est l’état ? démocratie veut dire « par le peuple et pour le peuple ». Par le peuple, vaste blague puisque nous ne sommes que des électeurs, pas les détenteurs de la vraie force de décision. Pour le peuple, encore faudrait-il que chacun d’entre nous assume ses responsabilités en agissant avec responsabilité et non en se refusant à décider. Il serait bien plus honnête d'accepter alors les choix secrets pris pour notre "sécurité" que de râler à chaque squelette sorti d'un placard électoral.

Evidemment, on peut instrumentaliser ces craintes et ces actions camouflées en les ressortant le moment venu pour dire qu'un tel est un pourri, qu'un autre est un escroc et que le dernier n'a jamais rien compris aux besoins réels de son pays. C'est une arme redoutable mais finalement peu s'en servent de peur que l'adversaire visé en fasse autant... douce ironie qu'est le pouvoir sur la société, incroyable force qu'est celle du silence de plomb qu'on scelle à coups de contre vérités...



Peuple, ne te plaint pas de ne pas savoir si tu refuses de choisir ceux qui t’informent.

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