Ouvre les yeux
Il fait encore nuit, la pluie clapote au dehors dans les flaques qui se sont formées autour de la maison. Il y a un peu de vent, les branches dansent en rythme, et la lune n'est pas de sortie avec les étoiles. Pourtant, l'instant est agréable, délicieux même. Je vois des gens qui accourent pour se mettre à l'abri, des voitures anonymes repoussent l'eau dans les caniveaux, et moi, pourtant, je laisse la pluie perler sur ma peau. J'arbore un sourire aussi large qu'il est possible de l'être, et mon cœur bat lentement, paisiblement, comme si rien ne pouvait être plus agréable que cette pluie d'automne.
Je remonte un trottoir, les mains dans les poches, la tête couverte par une capuche qui ne sert pour ainsi dire à rien du tout. Je sens l'eau glacée suivre mon échine, mes vêtements me coller à la peau, et cependant je continue, j'avance, j'ai toujours le sourire, je suis ravi même. Au loin, quelque part, le soleil doit s'apprêter à prendre sa place au milieu de la grisaille. La circulation se fait de plus en plus dense, monotone litanie de véhicules tous plus gris les uns que les autres. Mais de là où je suis, tout brille, tout resplendit. Les arbres ont la rougeur de la saison, les trottoirs arborent des mosaïques de feuilles mortes, et mes chaussures passent dessus comme l'on passerait sur l'imposant carrelage d'une cathédrale. Ici, ce sont les nuages qui font les nefs, les arbres les colonnes, et je suis au cœur même d'un endroit béni.
Encore de quoi marcher, comme si une obsession martelait mon esprit, comme s'il y avait un but à atteindre. La pluie ne ralentit pas, on entend même un grondement étrange, ni désagréable ni menaçant, juste un bourdonnement, celui d'une nature qui vit, tout simplement. Je suis bien, ma chaleur intérieure continue à faire frémir mon âme, et je regarde les autres avec douceur et charité. Peut-être suis-je comme eux, au petit matin, quand il s'agit d'aller travailler, quand il s'agit d'oublier ses rêves au profit d'une vie pragmatique, bien rangée, somme toute ordinaire. Peut-être sommes-nous tous fous de courir après la temporelle et inutile carrière qui prendra tôt ou tard fin? Peut-être suis-je au contraire fou de m'en moquer ce matin précis, sous cette pluie devenue battante, les doigts de pied à moitié gelés par le froid qui commence à mordre ma peau?
Qu'importe, je suis presque arrive à mon but. Sans hâter le pas, sans même être énervé ou même inquiet, je continue ma route, à mon rythme, faisant abstraction de ce que les autres prennent pour des désagréments. Moi, je suis bien comme cela, arrosé vivement par la nature, trempé par l'eau du ciel, heureux de vivre, d'exister, de pouvoir ressentir les choses avec profondeur et sincérité. Ce petit matin, très tôt, très froid, très humide, il est sûrement l'un des plus beaux que l'on puisse m'offrir à tout jamais. Il pleut? Et alors? Est-ce qu'il ne pleut pas souvent ici? Est-ce que le monde est plus laid quand il pleut? Non, le monde est tel qu'on veut bien le voir, beau quand il pleut, laid sur les plages ensoleillées, magnifique quand il fait nuit, hideux quand tout le monde se croit ravi d'avoir un rayon sur la peau. Je m'en moque complètement, il ne me reste plus que quelques pas à faire, et je serai arrivé.
Je monte des escaliers, encore des marches, encore des couloirs, je remonte un flot de gens que je ne connais pas. Ils ont tous les âges, toutes les couleurs que le monde daigner créer sur les hommes, et enfin j'arrive à un panonceau. Je suis les indications, je ne cours pas, je ne m'énerve pas face à la litanie des questions qu'on peut me poser. J'écoute, je réponds, j'ai le sourire, un sourire impossible à briser. Il faut que j'avance, je suis là, à deux pas seulement, il faut franchir les derniers barrages, les dernières interrogations et recommandations; Et là, je franchis le seuil de la porte…
… Et elle est là, la tenant dans ses bras, la mère sourit, la fille dort. Je suis attendri, abasourdi même. Qu'il est magnifique ce matin orageux où, pour la première fois de son existence, ce petit bout de vie voit enfin la lumière. Ce sont les premiers moments d'une existence, un moment oublié par elle, inoubliable pour d'autres. Il pleut? Et alors, ce sont mes yeux qui se vident, il pleut sur mes joues à grosses gouttes… Et ta maman te dit alors "Ouvre les yeux ma puce, c'est papa!".
Je remonte un trottoir, les mains dans les poches, la tête couverte par une capuche qui ne sert pour ainsi dire à rien du tout. Je sens l'eau glacée suivre mon échine, mes vêtements me coller à la peau, et cependant je continue, j'avance, j'ai toujours le sourire, je suis ravi même. Au loin, quelque part, le soleil doit s'apprêter à prendre sa place au milieu de la grisaille. La circulation se fait de plus en plus dense, monotone litanie de véhicules tous plus gris les uns que les autres. Mais de là où je suis, tout brille, tout resplendit. Les arbres ont la rougeur de la saison, les trottoirs arborent des mosaïques de feuilles mortes, et mes chaussures passent dessus comme l'on passerait sur l'imposant carrelage d'une cathédrale. Ici, ce sont les nuages qui font les nefs, les arbres les colonnes, et je suis au cœur même d'un endroit béni.
Encore de quoi marcher, comme si une obsession martelait mon esprit, comme s'il y avait un but à atteindre. La pluie ne ralentit pas, on entend même un grondement étrange, ni désagréable ni menaçant, juste un bourdonnement, celui d'une nature qui vit, tout simplement. Je suis bien, ma chaleur intérieure continue à faire frémir mon âme, et je regarde les autres avec douceur et charité. Peut-être suis-je comme eux, au petit matin, quand il s'agit d'aller travailler, quand il s'agit d'oublier ses rêves au profit d'une vie pragmatique, bien rangée, somme toute ordinaire. Peut-être sommes-nous tous fous de courir après la temporelle et inutile carrière qui prendra tôt ou tard fin? Peut-être suis-je au contraire fou de m'en moquer ce matin précis, sous cette pluie devenue battante, les doigts de pied à moitié gelés par le froid qui commence à mordre ma peau?
Qu'importe, je suis presque arrive à mon but. Sans hâter le pas, sans même être énervé ou même inquiet, je continue ma route, à mon rythme, faisant abstraction de ce que les autres prennent pour des désagréments. Moi, je suis bien comme cela, arrosé vivement par la nature, trempé par l'eau du ciel, heureux de vivre, d'exister, de pouvoir ressentir les choses avec profondeur et sincérité. Ce petit matin, très tôt, très froid, très humide, il est sûrement l'un des plus beaux que l'on puisse m'offrir à tout jamais. Il pleut? Et alors? Est-ce qu'il ne pleut pas souvent ici? Est-ce que le monde est plus laid quand il pleut? Non, le monde est tel qu'on veut bien le voir, beau quand il pleut, laid sur les plages ensoleillées, magnifique quand il fait nuit, hideux quand tout le monde se croit ravi d'avoir un rayon sur la peau. Je m'en moque complètement, il ne me reste plus que quelques pas à faire, et je serai arrivé.
Je monte des escaliers, encore des marches, encore des couloirs, je remonte un flot de gens que je ne connais pas. Ils ont tous les âges, toutes les couleurs que le monde daigner créer sur les hommes, et enfin j'arrive à un panonceau. Je suis les indications, je ne cours pas, je ne m'énerve pas face à la litanie des questions qu'on peut me poser. J'écoute, je réponds, j'ai le sourire, un sourire impossible à briser. Il faut que j'avance, je suis là, à deux pas seulement, il faut franchir les derniers barrages, les dernières interrogations et recommandations; Et là, je franchis le seuil de la porte…
… Et elle est là, la tenant dans ses bras, la mère sourit, la fille dort. Je suis attendri, abasourdi même. Qu'il est magnifique ce matin orageux où, pour la première fois de son existence, ce petit bout de vie voit enfin la lumière. Ce sont les premiers moments d'une existence, un moment oublié par elle, inoubliable pour d'autres. Il pleut? Et alors, ce sont mes yeux qui se vident, il pleut sur mes joues à grosses gouttes… Et ta maman te dit alors "Ouvre les yeux ma puce, c'est papa!".
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