Sous le feu
Il y a eu comme une sorte d'éclair, un long flash si intense que certains en sont devenus aveugles.
Je suis sourd, je n'entends plus rien. Je sens que quelque-chose coule de mes oreilles. Seuls mes yeux continuent à percevoir mon environnement. Je pose mes doigts sur les lobes, et j'en tire un liquide rouge. Je crois que mes tympans sont crevés. Je ne distingue plus rien, et j'ai du mal à rester debout. J'ai perdu le sens de l'équilibre.
Maintenant, je peux voir ce que les autres ont perçu. Il y a, au loin, une sorte de colonne de poussière qui s'élève majestueusement au-dessus de la ville. Le tube est gris, gigantesque, et se propulse vers le ciel. En son sein une sorte de lueur dorée perle et se condense en une sphère immense, splendide, dont le coeur serait en train de palpiter d'une lueur improbable. Autour d'elle, ce sont des anneaux de nuages qui se forment et s'écartent de la base de ce gigantesque tunnel vaporeux. C'est incroyable, superbe, et mes yeux sont hypnotisés par ce spectacle dantesque.
Le monstre de vapeur et de poussière s'est élevé au-delà des nuages, il a repoussé le ciel et les éléments pour dessiner, tout en haut, un panache de nuages qui retombent si lentement que tout me semble être au ralenti. C'est grandiose et terrifiant, cela me dépasse, je suis si petit, si ridicule... Tout autour de moi, les gens courent, se ruent à travers la ville, comme s'ils cherchaient un refuge. Je les observe, et je souris, car c'est une action complètement vaine... Il est déjà bien trop tard pour fuir, il n'y a ni échappatoire ni le moindre espoir. Je le sais, je le sens au fond de moi, il me reste simplement à attendre le dénouement. Je suis assis à présent, bien au milieu de l'avenue, et mes yeux fixent l'horizon où s'est dessiné ce champignon fatal. Je ne les entends pas hurler, ils doivent crier comme des damnés dont le sort est scellé... je remercie l'onde de choc de m'avoir rendu sourd à tout jamais, je ne m'entendrai pas crier le moment venu.
Certains se sont mis en position foetale, d'autres se sont jetés sous les voitures ou se cachent derrière des murs. Est-ce utile ou futile? Je n'en sais rien, je suis même convaincu que chacun a le droit d'envisager sa fin comme il l'entend. Moi? J'attends. La première onde est arrivée si vite que les vitres ont volé en éclats, que des corps ont été projetés en l'air, tuant certains sur le coup, en blessant des tas d'autres. Maintenant, il ne me reste plus qu'à attendre le second choc, plus violent, létal, qui ne va pas tarder. C'est une affaire d'instants, de secondes, voire moins... mais tout est si lent, si terriblement lent, que j'ai l'impression de pouvoir lire chaque moment de l'existence, comme si tout était distendu, étiré à l'extrême par la vitesse et la brutalité de l'évènement. Patience, cela ne va plus tarder.
Pourquoi? Pourquoi est-ce ainsi que va se finir ce jour? Pourquoi fallait-il que j'assiste à ce spectacle aussi fascinant qu'atroce? Pourquoi la folie s'est emparée de ce monde? Sûrement parce que nous sommes ainsi, prêts à tout, à la pire des extrémités, pour des idéaux temporaires, parce que celui en face ne pense pas "comme nous". Ils ont lancé l'attaque, et les nôtres sont sûrement en train d'en faire autant. L'holocauste a bien lieu, là, maintenant, sous mes yeux écarquillés.
Il vient, il arrive, vif, brûlant et incinérant tout sur son passage. Les vitres restantes éclatent, les façades s'effritent, les arbres sont déracinés, les voitures, les bus, tout s'envole, tout est déchiré et pulvérisé. Sur l'avenue, je vois distinctement les corps se vaporiser au contact de ce souffle démoniaque, comme si le Cerbère grognait sur la Vie de son haleine de Mort. Ils ont le visage qui disparaît, je les vois se contorsionner puis s'évanouir. La douleur est-elle si vive, ou bien n'ont-ils pas le temps de souffrir? Je vais le savoir très bientôt.
Je prends une longue inspiration, comme pour me donner du courage. Un abribus vole en éclats, ses débris lacèrent et tuent ceux qui étaient dessous. Juste à côté, une animalerie s'est embrasée au contact de l'aire surchauffé. Cela a, je l'espère, tué instantanément les gens réfugiés à l'intérieur. Quelle idée stupide... Pourquoi repousser l'inéluctable, sachant que les bâtiments vont tomber en poussière, que la chaleur les fera littéralement cuire à l'intérieur de toutes les structures? Des miraculés survivront peut-être dans les caves plus profondes... et encore, je n'en suis même pas sûr. Alors autant assumer l'horreur, accepter ce sort, et regarder, bien en face, la vague de feu supersonique qui va me frapper de plein fouet.
Ca y est, je sens sa caresse sur ma peau. Je deviens lambeau, et la haute température a instantanément neutralisée mes terminaisons nerveuses. Je ne sens rien ou presque, si ce n'est la gêne de ne plus pouvoir bouger. D'ailleurs, je n'ai plus rien à bouger, mes membres sont en poussière. Je sens mon coeur défaillir, mes yeux ne m'offrent plus qu'une obscurité éternelle. Encore quelques microsecondes, des sensations, qui s'éloignent, je m'éloigne... Je...
Je suis sourd, je n'entends plus rien. Je sens que quelque-chose coule de mes oreilles. Seuls mes yeux continuent à percevoir mon environnement. Je pose mes doigts sur les lobes, et j'en tire un liquide rouge. Je crois que mes tympans sont crevés. Je ne distingue plus rien, et j'ai du mal à rester debout. J'ai perdu le sens de l'équilibre.
Maintenant, je peux voir ce que les autres ont perçu. Il y a, au loin, une sorte de colonne de poussière qui s'élève majestueusement au-dessus de la ville. Le tube est gris, gigantesque, et se propulse vers le ciel. En son sein une sorte de lueur dorée perle et se condense en une sphère immense, splendide, dont le coeur serait en train de palpiter d'une lueur improbable. Autour d'elle, ce sont des anneaux de nuages qui se forment et s'écartent de la base de ce gigantesque tunnel vaporeux. C'est incroyable, superbe, et mes yeux sont hypnotisés par ce spectacle dantesque.
Le monstre de vapeur et de poussière s'est élevé au-delà des nuages, il a repoussé le ciel et les éléments pour dessiner, tout en haut, un panache de nuages qui retombent si lentement que tout me semble être au ralenti. C'est grandiose et terrifiant, cela me dépasse, je suis si petit, si ridicule... Tout autour de moi, les gens courent, se ruent à travers la ville, comme s'ils cherchaient un refuge. Je les observe, et je souris, car c'est une action complètement vaine... Il est déjà bien trop tard pour fuir, il n'y a ni échappatoire ni le moindre espoir. Je le sais, je le sens au fond de moi, il me reste simplement à attendre le dénouement. Je suis assis à présent, bien au milieu de l'avenue, et mes yeux fixent l'horizon où s'est dessiné ce champignon fatal. Je ne les entends pas hurler, ils doivent crier comme des damnés dont le sort est scellé... je remercie l'onde de choc de m'avoir rendu sourd à tout jamais, je ne m'entendrai pas crier le moment venu.
Certains se sont mis en position foetale, d'autres se sont jetés sous les voitures ou se cachent derrière des murs. Est-ce utile ou futile? Je n'en sais rien, je suis même convaincu que chacun a le droit d'envisager sa fin comme il l'entend. Moi? J'attends. La première onde est arrivée si vite que les vitres ont volé en éclats, que des corps ont été projetés en l'air, tuant certains sur le coup, en blessant des tas d'autres. Maintenant, il ne me reste plus qu'à attendre le second choc, plus violent, létal, qui ne va pas tarder. C'est une affaire d'instants, de secondes, voire moins... mais tout est si lent, si terriblement lent, que j'ai l'impression de pouvoir lire chaque moment de l'existence, comme si tout était distendu, étiré à l'extrême par la vitesse et la brutalité de l'évènement. Patience, cela ne va plus tarder.
Pourquoi? Pourquoi est-ce ainsi que va se finir ce jour? Pourquoi fallait-il que j'assiste à ce spectacle aussi fascinant qu'atroce? Pourquoi la folie s'est emparée de ce monde? Sûrement parce que nous sommes ainsi, prêts à tout, à la pire des extrémités, pour des idéaux temporaires, parce que celui en face ne pense pas "comme nous". Ils ont lancé l'attaque, et les nôtres sont sûrement en train d'en faire autant. L'holocauste a bien lieu, là, maintenant, sous mes yeux écarquillés.
Il vient, il arrive, vif, brûlant et incinérant tout sur son passage. Les vitres restantes éclatent, les façades s'effritent, les arbres sont déracinés, les voitures, les bus, tout s'envole, tout est déchiré et pulvérisé. Sur l'avenue, je vois distinctement les corps se vaporiser au contact de ce souffle démoniaque, comme si le Cerbère grognait sur la Vie de son haleine de Mort. Ils ont le visage qui disparaît, je les vois se contorsionner puis s'évanouir. La douleur est-elle si vive, ou bien n'ont-ils pas le temps de souffrir? Je vais le savoir très bientôt.
Je prends une longue inspiration, comme pour me donner du courage. Un abribus vole en éclats, ses débris lacèrent et tuent ceux qui étaient dessous. Juste à côté, une animalerie s'est embrasée au contact de l'aire surchauffé. Cela a, je l'espère, tué instantanément les gens réfugiés à l'intérieur. Quelle idée stupide... Pourquoi repousser l'inéluctable, sachant que les bâtiments vont tomber en poussière, que la chaleur les fera littéralement cuire à l'intérieur de toutes les structures? Des miraculés survivront peut-être dans les caves plus profondes... et encore, je n'en suis même pas sûr. Alors autant assumer l'horreur, accepter ce sort, et regarder, bien en face, la vague de feu supersonique qui va me frapper de plein fouet.
Ca y est, je sens sa caresse sur ma peau. Je deviens lambeau, et la haute température a instantanément neutralisée mes terminaisons nerveuses. Je ne sens rien ou presque, si ce n'est la gêne de ne plus pouvoir bouger. D'ailleurs, je n'ai plus rien à bouger, mes membres sont en poussière. Je sens mon coeur défaillir, mes yeux ne m'offrent plus qu'une obscurité éternelle. Encore quelques microsecondes, des sensations, qui s'éloignent, je m'éloigne... Je...
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