10 septembre 2013

Comme quoi

Allez, je refais du bois pour ma cheminée à opinion, car la Syrie est bien active en ce moment... Raisonnons un peu, écoutons les dernières informations, et préparons nous à sortir les mouchoirs, soit pour éponger l'hilarité ironique qui va nécessairement faire tressaillir les plus méchants chroniqueurs, soit pour ramasser les larmes de tristesse qui, à n'en pas douter, vont couler le long des joues des plus grands marchands de mort. Hé oui, désolé, mais là, pour le coup, la Russie a réussi à faire passer une idée simple, un truc aussi évident que le tarin au milieu de la trombine: "Et si on allait tout bêtement leur prendre leurs armes chimiques, et enquêter pour savoir qui a fait quoi?".

Effectivement, ca semble être une évidence, notamment quand on prend le temps de la réflexion. Naïvement, beaucoup ont crû qu'il suffisait de balancer de la bombinette sur les assassins à l'arme chimique pour régler le sort et la crise des Syriens. Fol espoir, voire même stupidité politique et pratique, cette façon de voir les choses ne pouvait certainement pas mener à un apaisement quelconque. Réfléchissons un peu ensemble voulez-vous, et identifiez vous à un peuple en guerre interne. Etes-vous du genre à accepter que des inconnus prennent des décisions à votre place, seriez-vous prêts à ce qu'on vous prenne par la main pour vous guider et vous imposer "une façon de voir les choses"? Probablement que non, d'autant plus quand vous avez l'intime conviction que le dit coup de main va rapidement devenir une véritable invasion ne disant pas son nom. Vietnam, Corée, Indochine, Irak... Ex-Yougoslavie, les exemples sont nombreux et particulièrement clairs. En substance? "Occupez-vous de vos miches, on s'occupera des nôtres".

Résultat des courses? Damas accepte qu'on vienne faire le ménage dans les stocks d'armes, surtout parce que Poutine a donné de la voix. Un soutien comme le sien ne se refuse pas, pas plus qu'on peut refuser quoi que ce soit à l'ours Russe. Alors, l'Europe et l'ONU seraient impuissants face à Moscou? Bien entendu, et quiconque en douterait serait un très mauvais lecteur de la situation internationale. Nous ne devons jamais oublier que la Russie, malgré la fin de l'ère Soviétique, reste une nation puissante, bien armée, et pesant énormément sur les marchés des matières premières, de l'énergie, et bien entendu de l'armement. L'indépendance d'action de la Russie est autrement plus grande que pour n'importe quelle autre nation du globe, USA exceptés. On ne saurait trop prendre en compte les idées et opinions des deux ennemis d'hier, car aujourd'hui encore l'antagonisme est-ouest perdure, mais sous d'autres formes.

Entre les deux, nous avons donc des vassaux, des larbins, les ramasseurs de balle du duel continental, et ce n'est pas la possession de l'arme atomique qui peut y changer grand-chose. Quand nous alignons un soldat, ces deux pays peuvent en aligner des milliers; Quand nous réfléchissons à une action, nous en sommes même parfois réduits à leur demander de l'assistance logistique et/ou technique. Ce n'est pas que la France soit un pays ridicule en terme de position mondiale, c'est simplement qu'on ne peut décemment pas fantasmer sur un contrepoids Français face aux géants Russe et Américain. Question de lucidité et de pragmatisme. Cela n'interdit pas pour autant d'avoir une position politique claire, voire même de refuser de suivre bêtement l'un des deux pôles du monde! La preuve en est, la France a bien refusé d'intervenir en Irak en 2003, et ce à notre grand bénéfice tant politique que diplomatique. De fait, tenir une position ferme n'est pas contradictoire avec l'acceptation de notre taille.

Mais là, force est de constater que la position de la France était au mieux intenable, au pire carrément à côté de la plaque. Je me dis simplement qu'on ne peut pas prétendre intervenir militairement sans certitudes fermes et surtout définitives, et qu'au surplus on ne se lance pas dans un affrontement sans avoir au préalable avoir eu la conviction qu'on y va pour y réussir quelque-chose. Là, si les USA sont frileux, ce n'est pas pour rien. On les a connus plus téméraires, voire suicidaires, et si Obama s'est tenu à l'écart d'une action trop rapide, c'est qu'il a senti le piège qu'est un engagement militaire précipité, et surtout le risque d'enlisement. J'ai la quasi certitude qu'il a consulté nombre d'experts, qu'il s'est interrogé sur la capacité militaire Syrienne, et qu'au final il a tiré une conclusion proche de celle-ci: si la Syrie est dans un état instable ressemblant par trop à celle du Vietnam, il est plus que probable que l'armée va frapper, que la riposte ne sera pas anodine, et qu'au final cela va tourner à un engagement terrestre... donc à voir les troupes Américaines s'enterrer dans un conflit inextricable, aux tenants et aboutissants trop complexes, tout ça pour un résultat plus que douteux.

Comme quoi, j'en avais le pressentiment: malgré l'arrogance Américaine, les Anglais se sont refusés à agir. C'est un signe qui, à mon sens, ne trompe absolument pas. L'empressement Français, qu'il ait été moral, ou juste politique pour se donner une prestance qu'on ne peut pas avoir seuls, le résultat est que la France s'est retrouvée isolée, puis maintenant pratiquement humiliée car la solution Russe est acceptée par El-Assad. Que va faire la France à présent? La ligne de l'action militaire n'est plus tenable, et participer semble aller de soi... Quoique: si l'on envoie des troupes pour aller débarrasser le pays des bombes chimiques, n'aura-t-on pas l'air d'être des roquets que les Russes auront muselé, et les Américains pris par la laisse? Pauvre de nous, notre diplomatie n'en ressort pas grandie, pas plus que ne sortira grandie l'image de notre président.

Un constat final à faire: maintenant que notre position est taillée en morceaux, que notre bonne volonté est éparpillée, force est de constater que nous passons pour des idiots trop pressés de jouer les flics d'opérette! Si les USA étaient intervenus, nous aurions été des suiveurs du géant étoilé; si nous n'avions pas suivi cette ligne militaire, nous aurions été taxés de tièdes (surtout après avoir agi dans tout le nord de l'Afrique); si nous partons en solitaire, nous serons alors des agresseurs et plus des sauveurs de civils. Que choisir? La peste, ou le choléra? Demandez vous ce que VOUS, vous feriez...


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