15 octobre 2012

Les machines nous détestent

Contrairement à la croyance populaire affirmant sans égard pour la réalité que "les machines nous veulent du bien", j'affirme haut et fort que les machines nous détestent, et sans la moindre trace d'ambiguïté ou d'hésitation. Oui! Ces engins, ces bidules plus ou moins complexes nous haïssent, ils veulent notre disparition à court terme, à tel point que je suis particulièrement épaté de constater, chaque jour, que notre instinct de survie est sollicité pour éviter leurs complots les plus retors. On va me taxer de paranoïaque, de technophobe, mais j'en suis convaincu, ces machines n'ont d'autre but que de nous mettre dans la tombe le plus vite possible, afin que l'avènement d'une ère sans humanité vienne!

Là, déjà, les camisoles se préparent, les seringues s'emplissent de fluides, et les médecins rédigent des rapports dont l'éloge à ma folie deviennent dithyrambiques. Allez, laissez donc au fou que je suis le droit d'être, le droit de penser comme bon me semble, et observez donc la démarche hautement intellectuelle qui me pousse à vouloir spéculer sur notre mise en danger par la présence même de nos bidules du quotidien. Bien sûr, on va me balancer à la tête qu'un micro-ondes n'a rien d'agressif, qu'une télévision obéit au doigt et à l'oeil, et qu'un ascenseur n'a d'autre but dans la vie que de nous balader d'un étage à un autre, le tout sans la moindre colère, frustration de ne pas connaître le mouvement horizontal, ou de dégoût quand le dit ascenseur véhicule des gens à l'hygiène douteuse. Détrompez vous, pauvres aveugles! Tous ces engins ont le Mal en eux, ils ont le potentiel de destruction le plus vicieux qui soit, parce que, justement, nous ne voyons pas en eux des dangers potentiels!

Tenez, prenons un micro-ondes. Si anodin que soit cette machine, et si ordinaire que soit son usage, nous omettons poliment de nous demander comment fonctionne ce truc maudit. C'est potentiellement assez simple dans l'idée, et complexe dans le fonctionnement. En gros, imaginez une diva qui braille pour faire éclater une flûte de cristal. Vous voyez la scène.... Maintenant, dites-vous que le four à micro-ondes utilise la même méthode, à une puissance bien supérieure, ceci non pour agiter le verre victime de la soprano, mais les molécules d'eau présentes dans nos gamelles. Résultat? On secoue vigoureusement les molécules en question, ce qui génère de la chaleur, et donc, au final, nous offre des petits plats rapidement mis en température. Rien de diabolique là-dedans me direz-vous... Mais qui n'a pas hurlé de frustration face au plat "bouillant dehors, gelé dedans"? Qui n'a pas eu des envies de destruction à la masse au moment du "Café qui sort fumant, mais à la tasse froide", provoquant un inévitable "café cro-ondes, bouche bouillie". C'est la petite vengeance mesquine de cette engeance, c'est sa façon de nous faire payer sa misérable existence. Et que dire de sa sonnerie, ce "ding" perce tympans, cette agression sensorielle qu'on guette constamment afin d'y couper court? Retors! C'est ce que je vous disais, cet engin est retors, car, pour éviter une sonnerie, vous avez le droit à un "ding" au moment d'annuler la cuisson! Pourriture!

L'ascenseur est un salopard, une ordure qui se cache derrière des déguisements utilitaires. Vous en doutez? Qui n'a pas vécu le syndrome des bras pleins après les courses, et les quatre étages à pieds parce que l'ascenseur s'est mis en arrêt maladie? Qui n'a pas maudit le concepteur de cette cochonnerie lorsque la cabine, loin de tenir compte de votre demande d'arrêt à un étage, vous emmène trois étages plus haut, juste pour le plaisir de vous faire jurer? L'ascenseur, loin d'être un lieu de convivialité, est même un endroit où l'aspect social se délite totalement. On a tous eu le droit à la promiscuité avec, en vrac, une pimbêche embagousée et braillarde au téléphone, la mégère au parfum si subtil que AZF passerait pour un bienfaiteur de l'odorat, ou encore du duo de "comiques" qui s'engueulent dans l'espace clos d'une cabine d'ascenseur jamais suffisamment grande... Et je ne parle même pas des mouflets tête à claques insuffisamment martyrisés, qui, pour s'amuser, vous font visiter tous les étages! Non, les ascenseurs sont tout sauf des amis, ce sont des ennemis de la tranquillité et de votre santé mentale.

D'autres objets supposés anodins peuvent être cités. Allons voir du côté de la perceuse. L'enflure qui a pondu ce truc devrait être crucifié, lapidé, noyé, incinéré, puis éparpillé au loin dans un lieu tenu secret. Pourquoi? Vous voyez donc la perceuse comme un outil utile et servile? Pauvres fous que vous êtes! La perceuse n'a que deux buts dans l'existence: saboter vos travaux de décoration, et pourrir l'existence de toute personne vivant dans son champ d'action sonore. Si on ajoute à "perceuse" le mot "voisin" bizarrement, tout être humain normalement constitué va se mettre à avoir de l'écume aux lèvres, des désirs inavouables de torture sur son congénère de voisin, ainsi qu'une folle envie d'expérimenter la destruction d'une machine outil à la masse de 5kgs. Ah, le doux chant de la perceuse le dimanche matin aux aurores! La douce mélopée de son forêt qui force inexorablement et vainement sur le béton armé du mur porteur! La stridente mélodie de son moteur tournant à haute vitesse... Quel régal pour mes oreilles! On ne peut qu'aimer ce machin, hein! Et puis même son usage fondamental est une insulte au bon sens. C'est quoi cette idée de coller des trous partout, juste pour le plaisir de les faire?! A croire que certains jouent au "tirer point"... Vous ne voyez pas ce que c'est? Mais si, ce jeu idiot pour gamins avec des points numérotés à rejoindre pour faire des dessins! Peut-être qu'il y a des dingues qui font cela sur leurs murs pour avoir un jeu plus grand que sur les journaux du genre "Super picsou géant".

Bordel de bordel, les machines nous détestent. Elles font le coup de la panne au pire moment, elles se rappellent à votre bon souvenir quand vous voudriez que, justement, elles vous foutent une paix totale. Le chauffage qui rend l'âme en hiver, la voiture qui tombe en panne le jour d'un rendez-vous essentiel, la télévision qui refuse de recevoir les chaînes juste au moment de la révélation dans un film palpitant, l'ampoule qui claque alors que vous êtes dans une cave sans fenêtre ni lampe torche, ou encore cette insupportable machine que vous avez devant vous, là maintenant, qui perd sa connexion internet tandis que vous avez une discussion passionnante avec des gens adorables. Elles se vengent, nous font payer leur existence, telles des Frankenstein cachées sous des aspects extérieurs engageants.

Mais n'ayez crainte. L'homme a la solution, il a l'arme absolue, l'objet pour leur rendre la pareille. Vous ne voyez pas? Les ciseaux! Les ciseaux sont nos amis! Ils peuvent, en vrac: couper le cordon de ce salopard de micro-ondes, s'empaler dans le panneau de contrôle de l'ascenseur, pénétrer au coeur de l'écran de cette connasse de télévision, cisailler le cordon téléphonique de ce fumier de modem, et finalement se ficher dans votre paillasse (ou celle de votre voisin à perceuse casse bonbons), et donc vous soulager du poids de l'existence!

Amis, votez ciseaux! Votez ciseaux!

Non toubib, je ne prendrai pas ces pilules, elles sont mauvaises pour moi... Comment ça?! Une sismothérapie? Ah non! Pas question! Cette machine électrique m'en veut! SATAN! SATAN!

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