27 mars 2012

Surfer sur la mauvaise vague

J’aurais pu faire comme tout le monde. J’aurais pu réagir intensément après l’horreur de ces derniers jours, et surtout faire la polémique autour des thématiques que trop souvent entendues. « Encore des juifs qui se font tuer ! », « Encore un arabe qui tue aveuglément » et j’en passe. Stop ! Qu’on arrête immédiatement le carnage, les amalgames, qu’on interrompe sur le champ toute intervention mal venue. Vous oubliez tous la première des réactions qui se devrait d’être pour toute personne, à savoir la dignité ! Ca ne vous touche pas, mais vous récupérez les thèmes qui vous conviennent, vous instrumentalisez la mort de gosses sans vergogne, et vous poussez tous le vice jusqu’à en faire des prétextes pour la haine sectaire et raciale. Dans quel monde sommes-nous donc pour encore tolérer de telles inepties ? N’avez-vous donc rien appris ?

J’aurais pu faire l’effort de tenter de comprendre les arguments des uns et des autres, surtout quand il s’agit de débattre sur la sécurité des citoyens, sur la surveillance des extrémistes, et donc sur l’intervention en sous-marin des services secrets. J’adore le double discours des gens qui, d’un côté veulent un monde sécuritaire et rassurant, et de l’autre qui refusent obstinément de comprendre que la sécurité extrême se fait systématiquement au prix des libertés individuelles de chacun de nous. C’est que trop facile de mettre en accusation les compétences et les lois, mais avant tout, n’est-ce pas nous qui revendiquons que nous voulons de l’anonymat, de la démocratie, du droit à l’opinion personnelle, même si celle-ci peut se révéler nauséabonde ? Quelle est la frontière entre religion et sectarisme ? Quelle est la ligne qui sépare opinion politique et danger pour autrui ? Chacun doit se regarder dans le miroir et se demander quelle est sa frontière personnelle. Je me refuse de classer facilement, comme beaucoup le fond, les musulmans dans le bac des dangers. Qui est dangereux ? Le catholique qui met le feu à un cinéma parce que le film parle du Christ ? Un athée qui vandalise une mosquée parce que l’islam est, selon lui, l’ennemi, ou bien le juif qui expulse des gens pour faire sa résidence dans un kibboutz ? Tous sont des terroristes, tous sont des racistes, des pourvoyeurs d’horreur, et je ne crois pas que nous puissions dire « Je suis hors de cette mécanique ».

On met en accusation les forces d’intervention du Raid face à l’assassin. On dit çà et là « c’est un échec ». Ben voyons, tant que vous n’avez pas la décision entre les mains, ou sans porter l’arme pour donner l’assaut, qui êtes-vous pour dire de telles choses ? C’est dingue de se rendre compte à quel point l’incompétence et la méconnaissance permet au tout à chacun de réagir et de se placer en expert. Personnellement, je ne peux pas critiquer l’assaut, puisque je n’ai pas l’expérience de ces hommes là, mais un peu de bon sens s’impose. On le voulait vivant pour l’interroger, il ne s’est pas rendu ; on ne savait pas ce qu’il y avait dans l’appartement, il était donc dangereux de donner l’assaut aveuglément. On ne pouvait pas envoyer à l’abattoir des hommes d’élite sans avoir un minimum essayé de trouver une solution négociée. Oui, cela a duré, peut-être trop longtemps, peut-être aurait-on dû tenter quelque chose dans l’heure qui suivait la découverte de son dernier refuge, mais de là à traiter ces hommes courageux d’incompétents, je hurle au scandale ! Tentez donc de déloger quelqu’un de retranché dans un appartement, armé et potentiellement nihiliste, et nous en reparlerons plus longuement.

Je suis intraitable aujourd’hui. J’ai honte pour les gens qui se mettent à tout récupérer. Politiques, journalistes, homme de la rue, tous sont dans le même panier de pommes pourries. Chacun va de sa petite phrase profondément connotée, jusqu’au point d’aller oser faire des ignominies comme cette institutrice qui a eu le culot de demander à ses gamins une minute de silence pour le tueur ! Mais bordel, qui est-elle pour oser cela ? Ce n’est pas une mise à pied que cela mérite, mais un licenciement sans indemnité, voire même une plainte pour son comportement. L’école n’est pas un lieu de prosélytisme pour les enseignants engagés, pas plus que c’est un lieu de recrutement pour y embrigader des gosses dans des idéologies débiles. Si un enseignant s’autorise cela, où sont nos limites ? Quels sont vos critères de décence ? L’école n’est pas un lieu à politiser, mais visiblement nombre de professeurs perdent cela de vue. Le cercle privé n’est pas le cercle des élèves, loin s’en faut. Et je n’ose même pas imaginer ma réaction si un de mes enfants était l’élève de cette femme. Je pense qu’il y aurait rapidement eu « explication ». Si la République forme ses esprits de la sorte, ne nous étonnons pas d’avoir des dérives sectaires, des extrémismes à gauche comme à droite, et surtout une culture de l’intolérance.

Je suis profondément atterré de voir qu’on ose me dire « pourquoi protéger les mosquées autant que les écoles juives ? » Parce que l’envoi de bombes incendiaires dans les mosquées, le vandalisme de ces lieux de culte, ça ne vous semble pas mériter une sécurité au même titre que pour les lieux de culte juifs ? Quelle est cette mentalité scandaleuse ? J’en ai plus que ras le bol de cette victimisation systématique, cette manipulation morale où l’on se devrait de dire « les juifs avant les autres ». Non ! Encore trois fois, mille fois non ! Juif, musulman, orthodoxe, tous ont le droit à la même sécurité, à la même tolérance, mais aussi aux mêmes devoirs de réserve et de tolérance. Et j’attends non sans plaisir qu’on me traite d’antisémite. Cela ne fera que me confirmer que, tant en religion qu’en politique, quand on veut le droit à s’exprimer, cela revient toujours à être taxé de « fasciste », ou bien de « antisémite ». Le fascisme, c’est censurer quand on ne pense pas comme les autres. Le fascisme, c’est de se penser supérieur aux autres. Le fascisme, c’est de prétendre à écraser les autres en se faisant passer pour des victimes ou des maîtres.

Je ne reculerai pas : Pas question de dire « Tous les arabes sont mauvais ». Pas question de dire « Les juifs sont des victimes partout, protégeons les ». Toutes les communautés ont des victimes. Toutes les religions peuvent être maltraitées. Je ne distingue pas les victimes, parce qu’une victime n’a plus de religion ou d’identité, elle devient une statistique pour tous ces gens. Ils se foutent du malheur des familles, ils se foutent complètement de mettre tout le monde dans le mauvais sac. Je ne surferai jamais sur cette mauvaise vague ! Ici, je suis supposé exprimer ma colère avec acidité, mais là les seuls mots qui me viennent à l’esprit sont des insultes. Marre d’entendre ces gens aux propos étriqués, marre d’entendre seriner les mêmes idées viciées ! J’en ai du mal à garder mon calme tant cela me fait enrager… Et pourtant, je me le dois parce que sinon je vais succomber aux mêmes extrêmes qui me font justement horreur. Le démon de la violence me hante, il me taraude l’esprit presque aussi sûrement que la haine raciale taraude celui des racistes. La xénophobie ? Elle est en moi : je suis xénophobe aves les cons, les rétrogrades, les attardés de l’évolution sociale, avec les despotes moraux, avec les fascistes bien pensants, avec les escrocs, avec les falsificateurs d’histoire. Oui, je vous hais, tous, en bloc, sans tri, sans distinction. Tous, vous créez la haine, vous provoquez la violence, vous faites naître des rancoeurs, puis vous vous dites innocents des carnages. Que ne donnerais-je pas pour qu’on fasse payer le prix de vos actions !

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