14 juin 2011

Corruption

L'échec de la guerre à la drogue ne peut s'expliquer seulement par les effets pervers de la répression, ou la corruption des agents de contrôle. La cocaïne rapporte beaucoup trop d'argent pour qu'on la combatte sérieusement, c'est une formidable pompe à finance qu'on ne peut abandonner aux seuls trafiquants.

Assassin : Légal ou illégal


Derrière ces paroles d’un group de rap engagé se cache une vérité terrifiante : notre monde est terriblement tributaire de la corruption. Bien que nous tentions de nous voiler la face en suggérant, par exemple, que celle-ci se cantonne à la mafia (en Italie notamment), nous ne pouvons nier l’influence financière globale de l’argent sale. La corruption, les trafics divers, la négociation illicite des compétences, tout est bon pour dégager des sommes colossales qui, tôt ou tard, viennent influer le système monétaire mondiale. Trop de gens pensent que notre monde est divisé entre ceux qui font des affaires « légalement » (qu’il faut différencier de « moralement », bien entendu), et l’argent « sale » qui circulerait dans un monde souterrain et obscur. Ce concept est faux d’une part, et complètement illusoire d’autre part. Réfléchissons ensemble concernant la réalité de cette économie supposée parallèle.

Si nous regardons ce qu’est la corruption, celle-ci est aussi indissociable de l’histoire que la trahison l’est des arcanes du pouvoir. En effet, la corruption n’est pas qu’affaire de finances, elle est aussi affaire de passes-droits, d’avantages, voire même de pouvoirs supérieurs à la moyenne. Tout est bon à négocier : les papes vendaient des documents pour le repos de l’âme, afin que les notables puissent se rassurer, et le clergé puisse édifier des lieux de culte ; les sénateurs Romains négociaient leurs votes en l’échange de terres, d’or, ou d’un maintien en poste avec l’empereur en place ; nos ministres actuels ajustent des lois et autres règlements de sorte à ce que des entreprises puissent « aider » les dits ministres à maintenir une forme de paix économique et sociale… Et ainsi de suite. Bref, la corruption est une chose historique, et les coups d’état, assassinats, putschs et autres révolutions sont des sources intarissables d’anecdotes tournant autour de la corruption active ou passive.

L’autre aspect essentiel à comprendre, est qu’aujourd’hui les corrupteurs ne sont pas nécessairement des trafiquants de drogue ou des vendeurs d’armes : une entreprise de taille mondiale peut représenter un tel poids financier et humain que les états se voient obligés de courber l’échine ! La ploutocratie n’est pas si loin qu’on le pense, et les lobbies sont la démonstration par l’absurde que tout peut être force de corruption : un élu se doit de prêter l’oreille aux groupes d’influence de son secteur, et d’en flatter les aspirations, sous peine de ne pas être aisément reconduit dans ses fonctions. Typiquement, nombre de députés se voient muselés parce qu’ils ne doivent surtout pas aller à l’encontre des lobbies du vin par exemple ! N’est-ce pas là une forme de chantage et corruption mêlés ? « Si tu ne préserves pas nos intérêts, tu pourrais très bien rater ta réélection dans deux ans… ». Menace à peine voilée, et chantage aux urnes. C’est un traquenard politique, mais également un piège financier, et il est indispensable d’y réfléchir concrètement.

Qu’on ne se fasse surtout pas d’illusions à ce sujet : l’argent est une façon efficace de s’assurer la fidélité d’autrui. Ainsi, une campagne médiatique bien structurée est nécessairement bâtie par des gens compétents… Et la compétence est une chose qui se paye. Derrière les présidentielles aux USA, chaque candidat se devrait, à mon sens, de présenter sur sa vareuse les logos des entreprises ayant participées à leur campagne. Dans ces conditions, nous pourrions alors voir pourquoi certaines « faveurs » apparaissent dans les décisions politiques à haut niveau. Pire encore, si l’on raisonne avec cynisme : les guerres pour le pétrole et les énergies, ne sont-elles pas l’expression même de la corruption de la politique par les intérêts financiers ? G.W Bush a été accusé, et à raison je pense, d’avoir favorisé les compagnies pétrolières détenues par ses proches, au point qu’on pourrait presque corréler l'attitude Américaine au moyen orient avec les politiques de prospection et d’expansion des dites compagnies. Corruption ? Probablement, ceci à travers les dons pour le financement des campagnes, ou, pire encore, à travers des marchés juteux faits avec des entreprises appartenant à la famille du président ! On a donc là l’un des summums en terme de débâcle politique : un politicien devant sa place à des financements intéressés, des décisions prises pour flatter les dits financiers, et au final des guerres déclarées pour leur donner la possibilité de faire des bénéfices délirants. Est-on encore dans des affaires légitimes, ou bien dans du trafic pire des méthodes les plus sordides concernant les stupéfiants ?

On ne saurait trop croire que notre système monétaire se serait affranchi de l’argent sale. La bourse, l’actionnariat de masse, les montages financiers complexes sont, à mon avis, les meilleures ficelles pour permettre de rendre légitime ce qui ne le sera jamais. Ainsi, nombre d’entreprises sont très probablement détenues par des gens dont les avoirs sont issus en droite ligne des trafics de drogue. Des milliards à écouler, du potentiel d’investissement au-dessus de tout soupçon, et pardessus le marché une image d’investisseur intelligent. Rien de tel pour ôter toute hésitation concernant l’usage de ces fonds ! Les trafics de drogue, d’arme, de contrefaçon représentent des sommes délirantes. C’est à un point tel que la plupart des déclarations de guerre contre la drogue ne sont, au mieux, que de vœux pieux, et, au pire, que de simples annonces électoralistes. Dans les faits, les moyens mis en œuvre pour lutter contre ces trafics sont insignifiants face aux sommes employées pour les faire vivre. Une fois ces capitaux blanchis, rien de tel que de financer quelques députés, sénateurs, et de leur souffler que « la guerre à la drogue coûte bien trop cher… Laissons les pays producteurs s’en dépêtrer ». Où est la réalité ? Est-ce une question financière qui pousserait un état au laisser-faire, ou bien est-ce le financier lui-même qui pousserait finalement à une déb��cle afin de s’assurer un avenir économique radieux ?

L’injection des milliards issus de l’économie souterraine est gigantesque. Plus rien ne se décide sans que cet argent ne soit tôt ou tard mis dans la balance. Une analyse pertinente a été faite sur ce site :

352 Milliards de dollars d'argent sale au secours de notre système financier...

Alors, concrètement, les milliards de la drogue qui renflouent notre système capitaliste ? A n’en pas douter, oui. Nul financier ne saurait passer à côté de telles sommes, d’autant plus si ces capitaux se voient devenir « légitimes » à travers des investissements de masse. Qui, de l’actionnaire ordinaire, ou du chef d’un trafic de drogue mondial, a le plus participé à la construction de ponts, de grattes-ciels, ou encore à l’expansion de nombreuses compagnies aériennes ? Qui, de nous, ou de ces gens, a le plus perdu au change ? Il me semble bien entendu élémentaire de comprendre que notre pouvoir est donc corrompu de fait par les institutions financières, elles-mêmes tributaires de la santé des grandes entreprises, qui sont, pour une bonne partie, détenues par les grands patrons de l’économie souterraine !

- Comment ne pas douter, dans ces conditions, de la bonne foi des pays qui clament qu’ils veulent s’affranchir de cette influence maudite ?
- Comment empêcher qu’un policier mexicain payé une misère ne soit pas tenté par les dollars de la drogue ?
- Comment demander à un paysan de refuser de produire de la coca au lieu de faire des haricots ?
- Comment imposer à un afghan de faire des fleurs au lieu de faire du pavot ?

Et enfin, comment croire que les quelques milliards alignés de par le monde pour faire cesser les trafics puissent peser contre les 350 qui sont injectés chaque année dans la machine mondiale ?

Nous devons rapidement raisonner sur notre capacité à ne plus intégrer cette manne financière, quitte à prendre un risque colossal. La légitimité d’une entreprise devrait se juger non à son rôle socioéconomique, mais à sa capacité à démontrer que ses avoirs ne proviennent pas en droite ligne des poches des marchands de mort. Mais d’ici à ce que cela arrive… N’oublions pas, en contrepartie, que nous continuons sans honte à légitimer l’existence des paradis fiscaux, d’entreprises fictives, bref des lessiveuses officielles de l’argent sale mondial. Je doute donc de notre capacité à faire volte-face de sitôt !

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