05 mai 2011

Comme le lapin

Le lapin, cette bête improbable hante depuis toujours les contes pour enfants, l’esprit des chasseurs, ainsi que les marmites de toutes les cuisines du monde. En effet, il n’y a pas, à ma connaissance, de religion qui préserve cette bestiole contre le sort culinaire qui lui est généralement dévolu. A partir de là, on ne peut que constater que le lapin est omniprésent, et ce jusque dans les plus saugrenues de nos expressions populaires. Mais pourquoi diable le lapin est-il aussi célèbre ? Me concernant, je ne saisis vraiment ce qu’il peut avoir de fascinant : petit, rondouillard, des pattes arrières surdimensionnées, un museau à larges moustaches, et surtout une intelligence des plus limitées, l’animal n’a donc que peu d’attraits…

Quoique : les enfants adorent ce truc, tant parce qu’il entre aisément dans les critères classiques de ce qui est supposé être mignon, et parce qu’il n’est pas trop difficile de s’occuper d’un lapin chez soi. Contrairement à un chat trop indépendant, et à un chien ayant la capacité de mordre, le lapin, lui, ne saura qu’être à sa place, à savoir la bonne grosse cage de tortionnaire dans laquelle nous le ferons vivre parmi ses reliefs de repas, et ses déjections quotidiennes. Bon, il est vrai que la chose ne s’inquiète probablement pas des conditions de détention qui sont la condition d’animal de « compagnie », mais de là à trouver un lapin en cage « mignon », cela me dépasse. Pire encore : quand l’animal se voit doté d’une liberté relative, il se fera une joie, en sa qualité de rongeur, d’user ses quenottes sur tout et n’importe quoi. Depuis le fil du téléphone, jusqu’aux plantes présentes dans la maison, il sectionnera tout ce qu’il fera passer entre ses dents… quitte à finir grillé lors d’un court-circuit fatal. Et encore, s’il est dans un jardin, là ce sera le coup de la bataille de la Somme, à force de tentatives aussi vaines que pathétiques pour creuser un hypothétique terrier. N’espérez pas le dresser d’ailleurs, le lapin ne se dresse pas, tout au plus sur ses pattes arrières pour humer l’air par inquiétude concernant un prédateur supposé.

Ah, le régime alimentaire du lapin, toute une légende ! Ne croyez pas que la chose ne mange que des carottes, sous peine de le voir dépérir. « Monsieur » longues oreilles n’aime pas forcément le légume orangé, et pire encore, il peut même le détester ! Feuilles de choux (non, pas votre journal du matin), salade, légumes divers, pourquoi pas, mais pas de carotte. Il aime aussi tout ce qui est dur et croquant, comme par exemple les tartines à petit déjeuner, ou les biscuits secs dont on n’ose pas vraiment étaler l’emballage lors du café. La bestiole a le goût fin, contrairement à ce que pourrait laisser sa basse extraction de squatter des champs. Vous ne le verrez pas s’abaisser à la fouille des poubelles, pas plus qu’à se passionner pour autre chose que des plantes. Le lapin n’est donc pas aussi brouillon et stupide qu’il y paraît, car l’homme, lui, n’hésite certainement pas à manger n’importe quoi, et surtout n’importe où. Cela expliquerait aussi l’absence de lapin au menu des Mc Do, certainement car la bestiole rechigne à s’étaler sur les cartes d’une chaîne aussi roturière.

Mais le lapin, c’est aussi un langage étrange, des expressions qui sont venues nous polluer le quotidien. On dit bien « il a fui comme un lapin », sous-entendu « Le couard ». Il est évident qu’un lapin se doit d’être couard pour survivre le plus longtemps possible ! Herbivore, sans capacité réelle de combattant, le lapin ne donc que fuir. De là à dire que s’entendre dire cette phrase est à la limite de la flatterie… enfin bref, encore une belle bêtise de la langue. Une autre, plus classique, parle du lapin comme d’un coucheur trop rapide, trop prompt à finir sa besogne et à disparaître. Encore une fois, rien de plus logique, puisque l’homme est un des rares mammifères à éprouver du plaisir lors de l’accouplement, alors que le lapin, non. Il fait son boulot, il « honore » madame, et hop, question bouclée. Et puis, contrairement à nous, le taux de natalité du lapin n’est pas négligeable, à tel point que l’animal sait se révéler être un fléau. Donc, non content de parvenir à ses fins, monsieur lapin le fait en grande quantité. Il y a des hommes qui devraient en prendre de la graine ! Et puis enfin, le lapin en retard, l’inusable cliché de Alice… Qu’il m’énerve à sauter partout, à se plaindre de son sempiternel retard dieu sait où ! Celui-là mériterait, pour une fois, de finir en fricassée ou en potée, mais avec la précaution de lui ôter sa foutue tocante avant de passer le tout à la cuisson.

J’allais oublier le meilleur pour la fin, LA phrase qui explique tout : pourquoi les Romains avaient-ils souvent cette bestiole sur leurs étendards ? Parce qu’ils parlaient le lapin… Bon, d’accord, elle est minable, mais admettez qu’elle aura eu le mérite de vous faire sourire !

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