21 mars 2011

Boudiou !

Ah, les joies du terroir, de l’authentique rusticité de la vie hors de nos villes aseptisées ! Comment exprimer toute la joie que l’on peut ressentir quand, enfin, on quitte la noirceur d’un quotidien organisé par le métronome de nos besoins économiques ? La vérité est assez simple je trouve, et elle tient en un seul mot : nature. Hé oui, j’aime la nature, la vraie, celle qui a des odeurs, des parfums, des saveurs, celle qui sait mettre les sens en émoi à peu près aussi efficacement que les courbes fines et raffinées d’une jolie femme. Nous nous extasions sans arrêt face à la miniaturisation de nos équipements, à tel point que certains appareils deviennent suffisamment petits pour tenir non plus dans la main, mais carrément dans l’oreille. Impressionnant, mais bien futile face au chêne centenaire qui, du haut de ses années passées à vivre notre passage sous ses branches, s’amuse à nous voir naître, grandir, puis un jour, mourir. J’aime la nature, tout comme j’aime ceux qui travaillent la terre.

C’est beau, cette abnégation pour le terroir, l’authentique. Rien n’est meilleur que le fruit frais cueilli sur l’arbre, pas celui passé entre mille mains, dans mille traitements divers, et ayant fait des kilomètres à en faire rougir le compteur des camions encombrant nos routes. Certains s’offusquent concernant leur pauvre odorat quand on ouvre une boite d’un fromage un brin robuste… Mais celui qui vit à la campagne, quand il met les pieds chez nous, c’est l’odeur même de la ville qui le révulse, et bon sang, qu’est-ce qu’il a raison ! Ce qui pue, ce n’est pas le frometon affiné avec amour, c’est le pot d’échappement, c’est la climatisation utilisée à outrance, c’est le bitume qui libère ses senteurs pendant les grandes chaleurs ! Dites ce que vous voulez, nos villes schlinguent, et les fuir est salvateur.

Après avoir eu le plaisir et l’honneur de déguster une vraie entrecôte, de celles qui vous marquent à tout jamais, après avoir poussé le déjeuner avec une vraie poire maison, n’essayez surtout pas de me vendre les bienfaits du bio en magasin. Le bio, l’authentique, c’est dans nos fermes qu’il se fait, là où la terre sent quand elle est trempée, là où la bête existe, pas le bout de bidoche sous cellophane vendu au prix du platine. D’ailleurs, allez dans la campagne la plus proche, et arrêtez vous. Prenez une bonne bouffée d’air, et admirez le travail des champs. Là, vous pourrez ressentir une vraie relation au travail bien fait, à la chaleur des hommes et des femmes du terroir, celles et ceux qui donnent honnêtement, parfois de manière un peu rustre, mais qui savent se montrer droits comme personne dans nos immeubles glauques et sans identité.

Je suis un héritier indigne d’une lignée d’agriculteurs. J’ignore tout des choses de la terre, et l’idée même de me confier une exploitation reviendrait à la retrouver au mieux ruinée, au pire en flammes suite à une faute impardonnable de ma part. Etre agriculteur, ce n’est pas seulement faire tourner une entreprise, c’est aussi un savoir faire, des gestes, des idées, des procédés qui ne doivent rien au hasard, mais totalement à l’expérience et au bon sens. L’homme de la ville gâche, l’homme de la campagne consomme avec raison. Il faut être bien idiot pour se croire capable de prendre en main une exploitation, tant celle-ci requiert un nombre invraisemblable de compétences ! Déjà qu’on n’est pas foutus de gérer un budget domestique, alors la vie d’animaux aussi robustes en apparence qu’ils sont fragiles dans les faits, n’y pensez surtout pas !

Par contre, il y a une chose surprenante… C’est là qu’il y a un seul problème. Ils sont accueillants, généreux, fiers, tout ce que j’aime, mais bordel, qu’est-ce qu’il m’arrive de souffrir en leur compagnie. Non qu’ils soient trop rustres pour mon attitude un peu « cul fin » malheureusement héritée d’une vie en ville, mais plus de l’ordre de l’auditif. Hélas oui, je le confesse, je l’avoue avec une honte sans borne… Bordel, articulez quand vous causez ! Ces accents, c’est de l’authentique, du robuste, mais pour moi, c’est de la destruction de mes tympans ! Je ne suis pas rodé aux accents toniques d’un patois local, et qui plus est infoutu de saisir tout le vocabulaire lié à la terre. Malheur à moi, je concède mon inculture profonde sur les définitions, terminaisons et autres déclinaisons du langage de l’agriculteur. A quand le dico patois/français ? Non que je leur reproche cette langue, mais bon sang, qu’est-ce que je peux avoir l’air con quand j’acquiesce à des phrases que je n’ai pas comprises !

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