05 janvier 2011

Ecrivain

« Plume en main, je rédigeai un de ces textes que j’aime à partager quand, tout à coup, je fus pris de doutes : suis-je réellement un auteur, ou juste une façon de transmettre une histoire dont je ne suis nullement l’inventeur, mais juste le transcripteur zélé ? ». C’est ainsi que je pourrais aisément décrire le rôle de celui qui écrit, c'est-à-dire cette situation étrange où l’on se voit devenir non plus celui qui choisit la voie à prendre, mais au contraire celui qui subit son récit, au titre qu’on vit de manière symbiotique avec l’œuvre. Cela peut sembler quasi incompréhensible expliqué de cette manière, je vais donc m’atteler à décrire ce que je peux ressentir lorsque je pousse l’écriture à son paroxysme personnel.

Si j’avais à schématiser très grossièrement la relation qu’entretient un auteur avec son ouvrage, je dirais qu’il s’agit d’une relation entre le ver solitaire et son hôte. Cela peut sembler barbare, mais c’est un peu ce que vit tout écrivain. Le livre, le texte est là, présent, il grandit intérieurement, sans véritable autre raison que d’exister pour lui-même. J’exclue bien entendu les plumes besogneuses, celles que l’on paye pour obtenir un résultat. Là, il s’agit bien de ce ténia littéraire, qui se nourrit de toute émotion assimilée, de la culture générale et des expériences, et qui, au bout d’un certain temps, devient si pesant et encombrant qu’on souhaite le voir se coucher une fois pour toutes sur le papier. Quand j’ai parlé de symbiote, c’est bien de cela qu’il s’agit : on le nourrit malgré nous, parfois même on se refuse à le voir, mais au final, il ne nous quitte que si l’on fait le nécessaire pour cela. D’un certain point de vue, c’est ce qui peut rendre l’écriture douloureuse, car elle transmet alors les moindres émotions et douleurs de l’auteur qui se met alors à nu, sans autre camouflage que celui du silence devenu parole par l’écrit.

D’un autre côté, l’écriture, c’est aussi ressentir au-delà de la simple mécanique huilée du « je transforme en écrits ce que j’imagine ». Si l’on caricature (encore une fois), l’écrivain peut soit se savoir maître de l’imagination, choisissant soigneusement ses effets, un peu à l’instar d’un réalisateur de théâtre qui ajustera chaque passage selon « sa » vision de la pièce. Tout à son opposé, il y a les écrivains viscéraux, ceux qui, comme moi, ressentent sans préparation, qui deviennent les scribes de leur travail. Typiquement, sur les fictions que je peux être amené à rédiger, je constate qu’il m’arrive de « vivre » les scènes, à tel point qu’elles se construisent sous mes yeux, avant même d’être coulées dans le moule du langage. Cette sensation, de ne pas être écrivain mais observateur, elle s’avère plus que troublante quand les thèmes sont dérangeants. On devient voyeur de sa propre scène, observateur méthodique, froid, qui choisit alors de ne pas intervenir, quitte à laisser le récit se naufrager sur les rochers de la facilité. En soi, vivre l’écriture de cette manière s’avère être efficace d’un côté, mais nerveusement épuisant de l’autre. En effet, quoi de plus épuisant que de devenir soi même acteur inconscient ? Je ferme les yeux, je « vois », je « perçois », mes sens subissent les flots des odeurs, du toucher, des saveurs, et finalement, écriture devient plus un travail de description que réflexion. Allez comprendre ce processus… Me concernant, il est capable de m’amener à affirmer, tout en frémissant, que je me fais le porte voix de mes personnages, comme s’ils avaient existés de quelque manière que ce soit. Fiction ? Réalité ? La différence n’est que trop ténue pour l’esprit humain.

Et puis finalement, écriture, réflexion, imagination, la plupart du temps on en use comme exutoire, comme thérapie mentale pour déverser ses névroses sous forme de textes plus ou moins acérés. Celui qui écrit, c’est celui qui éprouve le besoin d’exprimer, de relater, de raconter une histoire. La Vérité, au sens absolu du terme, n’a pas de sens dans l’écriture : le mensonge d’une histoire inventée survit très bien face à l’exigence de réalité des hommes. On peut sans difficulté rêver et décrire un monde onirique, sans pour autant se défaire de la seule Vérité que subit l’écriture : Ecrire, c’est savoir transmettre. Vérité historique, ou bien fiction bien construite, peu importe, l’écrit doit attirer, donner du plaisir, transformer les mots en tragédie, en comédie, en analyse. Chacun doit pouvoir y trouver son bonheur, sa façon de « vivre » l’histoire. Pour chaque roman, pour chaque livre, vous trouverez des avis différents, de personnages préférés par les uns et les autres, mais toujours vous pourrez confronter objectivement chaque avis. L’essentiel est d’avoir réussi à mener au plaisir ceux qui veulent bien aimer vos écrits.

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