22 décembre 2010

Prof dans l’assistance

Je me demande parfois si j’aurais fait un bon enseignant. En effet, certains de mes proches n’hésitent pas à me flatter l’ego en prétendant que je suis suffisamment cultivé pour prétendre enseigner. Erreur atroce s’il en est, je ne suis guère convaincu que mes méthodes pédagogiques soient réellement adaptées à l’instruction, notamment pour enfourner dans des crânes quasi vides d’adolescents écervelés et convaincus de tout savoir nombre de choses pouvant remettre leurs systèmes de valeurs en cause. Pour autant que je sache, réussir à faire apprendre quoi que ce soit à des gosses, c’est soit à l’aide de corruption, soit par la menace latente d’une sanction en cas de mauvais résultat. Certains classent d’ailleurs ces punitions sous le terme élogieux et inapproprié d’ « éducatif ». Or, si la sanction était si efficace, on n’aurait de biens meilleurs résultats avec nos détenus… mais passons, là n’est pas le sujet.

Donc, moi professeur. L’idée est tout de même risible, au titre qu’il n’y guère que les rêveurs (donc les débutants) et les blasés (en l’occurrence le reste de la profession) qui résiste réellement à l’usure de devoir gérer des gosses. Notez qu’entre les deux reste une population qui tangue, hésite, et se demande s’il est vraiment si intéressant et enrichissant que cela de faire ce métier pénible de prof. Ah ça, pour vous vanter le confort des congés en surnombre, pour vous dire « une fois la méthode écrite, tous les ans ce sera la même rengaine », il y en a des wagons, mais pour vous dire la vérité sur « tu vas te cogner, et ce chaque année, au moins un branleur, un petit con prétentieux, une petite peste cachant ses conneries derrière un sourire enjôleur, et quelques fayots », ils sont déjà moins nombreux ! Croire que la mission d’éducation suffit à faire ressortir en moi la fibre enseignante ? Hérésie !

J’admire ces professeurs. Sans rire, quand je me souviens de mon tempérament curieux certes, mais particulièrement pénible, je me dis que ces hommes et ces femmes ont une résistance incroyable à la bêtise. Que de fois ils doivent se répéter, ruminant intérieurement leur lassitude de redire les mêmes propos, les mêmes explications, au point que cela en devienne une ritournelle ! Dites vous bien que tous, oui je dis bien tous, nous avons été des sales gosses, quoi que notre mémoire puisse nous dire. Cela semble mignon, un gosse qui vous demande sans cesse la même chose… Mais arrivé au point de saturation, notamment quand la dite question est réitérée par une trentaine de marmots, il y a de quoi légitimer l’usage massif de tranquillisants ! En l’espèce, je serais curieux de voir le nombre d’enseignants qui suivent un traitement à base d’anxiolytique, de calmants, ou d’antidépresseurs. Je pense que le résultat serait des plus effrayant.

Et puis, là dedans, il y a aussi une forte responsabilité morale. Vais-je les baratiner en leur faisant voir l’histoire sous un jour particulier, ou bien énoncer des faits en comptant sur leur jugeote pour qu’ils analysent correctement le passé ? Je doute qu’il soit simple d’agir de la sorte, d’autant plus que les programmes sont on ne peut plus orientés. J’avais déjà critiqué la censure globale qui est pratiquée sur les heures sombres de la France, ainsi qu’a contrario l’acharnement à imprimer des dates dites « glorieuses » de cette même France. Pourquoi ? Parce qu’il faut absolument que le môme soit convaincu de la grandeur de son pays, quitte à occulter sciemment les choses où l’on pourrait remettre en doute les décisions prises, si lointaines soient-elles. Enfin bref, enseigner, c’est alors censurer, déformer, ou du moins interpréter l’histoire à sa sauce, et comme je suis un très mauvais cuistot, difficile d’espérer que mes classes seraient promptes à avaler n’importe quel de mes bouillons.

Finalement, transmettre le savoir, apporter la connaissance, c’est un travail souvent ingrat, avec majoritairement aucun remerciement de la part des gosses, et encore moins des parents démissionnaires. Je suis accablé par l’absence quasi-totale d’implication de la part de ces géniteurs qui se délestent de leur marmaille dès le portail de l’école atteint, qui viennent les récupérer le soir, et qui, sombres idiots qu’ils sont, se foutent totalement de ce que viennent d’apprendre leur descendance. Ca n’a rien de si grave finalement, avec un peu de chance, ces odieuses petites bestioles se vengeront d’eux en les taxant de rétrogrades, d’imbéciles, d’incultes et j’en passe. C’est marrant, n’est-ce pas là l’attitude classique des adolescents dits rebelles ? Il y a quelque chose à creuser là !

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