18 juin 2010

J’aurais voulu être un artiste…



Ah, cette rengaine, elle semble être mélancolique, douce amère, d’un pauvre type qui pense avoir foiré sa vie en n’ayant pas assouvi son désir d’être un artiste… Tu te fous de qui ? Salopard ! Oui, j’y vais avec la virulence inhérente à ma saine colère contre les menteurs et les baratineurs en tous genres, parce qu’en fait, si l’on y réfléchit un instant, quelqu’un qui réussit dans les affaires ne peut décemment pas s’être encombré de telles considérations métaphysiques, sauf éventuellement en phase terminale d’un cancer quelconque que son argent ne peut pas aider à guérir.

Je suis intimement convaincu que la réussite financière passe tôt ou tard par une forme plus ou moins pernicieuse d’ambition. Celui qui n’a pas les dents longues ne peut pas espérer réussir dans les affaires, parce qu’il est de notoriété publique que les hyènes ne se font jamais de cadeaux. Prenez Kerviel et cette pantalonnade de jugement : croyez-vous sincèrement que ce type, ou que ses anciens patrons et collègues, puissent être innocents de ce qu’on leur reproche ? Kerviel paye comme un lampiste, celui qui a fait quelque chose qui se voit un peu trop sur les comptes. Pour les autres, c’est devenu un pestiféré, celui qui a « merdé », alors que ce n’était clairement pas le bon moment (subprimes… quand tu nous tiens par le portefeuille). Croire à cela, c’est oublier que lui, comme les autres, brassaient et brassent encore des sommes colossales, et que tous se base sur des prises de risques souvent délirantes. Amis d’hier, les hyènes déchiquètent aujourd’hui le lampiste désigné, parce qu’il faut bien un coupable au naufrage du système boursier.

Mais Kerviel, seul ? Prenant des décisions unilatérales, par devers ses responsables et sa direction ? Juste une réflexion : pour ceux qui travaillent, est-ce déjà arrivé que vous preniez une décision capable de mettre la boîte en faillite, sans qu’un chef quelconque avalise ce geste ? Non ? Alors pourquoi croire que la société générale ait pu rester aveugle et sourde à de tels agissements ? Je ne vois que deux possibilités : soit ceux qui gèrent notre argent sont des incompétents notoire, et c’est grave, soit ils ont cautionnés ces agissements pour rapporter plus en peu de temps, et c’est grave ! Je suis tout particulièrement amusé par la candeur de l’ancien trader, notamment dans sa communication. Qu’il cesse un instant de se poser en victime d’un système, car sinon je me ferais un plaisir non dissimulé de lui demander de nous présenter ses revenus à la belle époque, ainsi que les bonus encaissés sur le dos des petits épargnants. Il a participé, et il s’est vautré. Maintenant, il n’est pas plus logique qu’il paye pour tout le monde. A mon sens, son chef, et le directoire même de la banque mériteraient de tâter du banc des accusés.

Pour revenir à la chanson de Michel Berger, je l’écoute systématiquement avec un ton plus cynique, telle qu’elle fut écrite à l’origine : un PDG qui se fout de ses ambitions d’ado rêveur, et qui constate où il a pu en arriver en piétinant le monde entier, en vivant sans vraiment avoir une présence sociale, et qui finalement se dit qu’il est arrivé à son but… être riche, mais à quel prix. C’est Michel Berger qui en a fait un air mélancolique, certainement pas le parolier Luc Plamondon ! Relisez donc ces paroles, et dites moi si vous y voyez un air triste, ou un air cynique… (très second degré je dois l’admettre).

Bonne lecture, cynique !

[i]J'ai du succès dans mes affaires
J'ai du succès dans mes amours
Je change souvent de secrétaire
J'ai mon bureau en haut d'une tour
D'où je vois la ville à l'envers
D'où je contrôle mon univers
J'passe la moitié d' ma vie en l'air
Entre New York et Singapour
Je voyage toujours en première
J'ai ma résidence secondaire
Dans tous les Hilton de la Terre
J'peux pas supporter la misère.

{Choeurs:}
Au moins es tu heureux?

{Chant:}
J'suis pas heureux mais j'en ai l'air
J'ai perdu le sens de l'humour
Depuis qu' j'ai le sens des affaires.
J'ai réussi et j'en suis fier
Au fond je n'ai qu'un seul regret
J'fais pas c' que j'aurais voulu faire.

{Choeurs:}
Qu'est ce que tu veux mon vieux!
Dans la vie on fait ce qu'on peut
Pas ce qu'on veut.

{Chant:}
J'aurais voulu être un artiste
Pour pouvoir faire mon numéro
Quand l'avion se pose sur la piste
A Rotterdam ou à Rio
J'aurais voulu être un chanteur
Pour pouvoir crier qui je suis
J'aurais voulu être un auteur
Pour pouvoir inventer ma vie
Pour pouvoir inventer ma vie

J'aurais voulu être un acteur
Pour tous les jours changer de peau
Et pour pouvoir me trouver beau
Sur un grand écran en couleur
Sur un grand écran en couleur

J'aurais voulu être un artiste
Pour avoir le monde à refaire
Pour pouvoir être un anarchiste
Et vivre comme un millionnaire
Et vivre comme un millionnaire

J'aurais voulu être un artiste....
Pour pouvoir dire pourquoi j'existe[/i]

Aucun commentaire: