09 juin 2010

Faites grincer des dents votre entourage

Certaines attitudes sociales sont plus recommandées que d’autres. En effet, on conseille fortement au beau-fils de fermer sa gueule face à la belle-mère envahissante, au salarié de s’écraser face à son chef, ou encore de ne pas avoir de propos désobligeants avec un type en uniforme. Somme toute logiques, ces attitudes sont pourtant bien souvent empruntes d’un désir immodéré de beugler un « merde ! » salvateur, d’autant plus quand l’intéressé est obligé de faire des courbettes et des ronds de jambes. Qui n’a pas eu envie d’étrangler un parent insupportablement prétentieux et pédant ? Qui n’a pas ressenti l’intense désir d’accrocher à son véhicule la carcasse décharnée d’un agent assermenté, affecté à votre insécurité ? Admettez que se mordre la lèvre et se taire relève parfois du challenge, ou du supplice de Tantale. Dans le meilleur des cas, on arbore un sourire de circonstance, on se tait, on fulmine intérieurement, et l’on plie bagages aussi vite que possible, ceci pour réduire au maximum la durée de la torture mentale.

Cessez donc d’agir de la sorte ! Le remède est pourtant aussi simple et identifiable que le mal, parce que finalement, quel est le mal, si ce n’est le fait qu’on accepte tacitement de ne pas réagir ? Agissez, exprimez vous, dites ouvertement ce que vous pensez, n’ayez plus peur de froisser. Déjà, vous ne sentirez plus la tension intérieure d’avoir été tenu au silence, ce qui en soi est une grande victoire sur l’adversité. Ensuite, respirez, prenez une bonne bouffée d’oxygène, car il vous faudra gérer le pogrom à venir. Hé oui : envoyer balader la belle-mère, c’est prêter le flanc à la colère de la compagne (ou du compagnon), mais également donner une chance inespérée à celle-ci de se plaindre de vous. Pas de panique, il y a également des méthodes efficaces pour faire grincer des dents la vioque aussi chiantes que du chiendent, les crises d’urticaire en bonus. Pour cela, agissez avec intelligence, ne jouez pas les bulldozers aveugles de la bande de Gaza, soyez plus pernicieux !

Il ne faut jamais, ô grand jamais soulager votre ego flétri par des colères rouges agrémentées de noms d’oiseaux. Déjà parce que l’élégance prône que les insultes soient réservées aux classes inférieures, et parce que se mettre à postillonner a quelque chose d’inélégant. Servez vous des arguments et idées de l’adversaire, et surtout mettez le en défaut aussi souvent que possible. Je vous avertis par avance, il faut le faire avec un argumentaire aussi solide que complet, sous peine de passer pour un « fouteur de merde », bien que cela puisse servir à ne plus avoir à supporter le sempiternel cassoulet familial aussi bourratif que trop cuit. J’aborderai peut-être la question dans un autre texte, sous l’étiquette probable du « comment ne pas avoir à se taper votre famille en quelques leçons très simples ».
Revenons à nos moutons, ou plutôt à nos punaises ; tout d’abord, identifiez le sujet qui passionne la cible. Généralement, vous avez tous remarqués un certain radotage concernant des thèmes tels que l’immigration, la prostate du grand oncle Machin, ou encore sur la politique économique du président. Là, engagez la cartouche et tirez le chien, simplement en lançant des piques bien senties. Si c’est un cancer, et que le « pauvre tonton » était un alcoolique, n’hésite pas : « Il aurait pu apprendre à se modérer ». Si c’est l’économie ? « Que proposez vous ? Une réforme des systèmes de taxation de la richesse boursière ? ». Si c’est l’immigration, faites preuve d’imagination… tout est possible !

Toutefois, faites le, je le répète encore, avec intelligence. Si l’insupportable compagnon de tablée connaît le sujet, traînez le sur des terrains boueux où vous savez qu’il s’enlisera à loisir. Un fervent partisan du capitalisme aura du mal à défendre le pourquoi des fermetures d’usines rentables, et la création d’un chômage au profit du capital (donc au détriment de la nation). Un amateur des méthodes expéditives sera sûrement mal à l’aise à la suggestion de l’instauration de brigades dignes des voltigeurs de triste mémoire. Le fin du fin, le caviar du fouteur de merde des repas familiaux, c’est la gauchiste de salon ! Là, sortez l’artillerie, visez juste, et videz la culasse ! En effet, ce sont les mêmes qui se plaignent que « le petit Nico, il ne trouve pas de boulot, c’est terrible quand même, ce chômage » et qui ajoutera dans la foulée au détour d’une melba infecte « on devrait régulariser les sans papiers ». Là, faites votre fasciste qui se cache, piquez au vif avec un « Et ces régularisés, ils vont avoir du boulot ? Et pour Nico alors ? ». Oui je sais, c’est dégueulasse, mais ça marche.

Jouez aussi les antagonismes. Prenez un couple que vous avez en grippe, et jetez les l’un contre l’autre sur des sujets où ils ne s’entendront jamais. Lui est adhérent CGT à la SNCF, elle est cadre dans une société de service où son salaire est mirobolant. Balancez leur un sujet sur du social… Et comptez les points. De temps en temps, abondez dans le sens de l’un ou de l’autre, parce que cela fait grand seigneur de ne pas soutenir une idée, et parce que cela leur fera croire que vous êtes quelqu’un d’intelligent et posé. C’est un régal, surtout si tout le monde se détourne de vous pour se mettre sur la gueule.

Et là, ce sera le moment de prendre la tangente, satisfait de ce forfait verbal, vous assurant quelques mois de quiétude, parce qu’on ne réinvite que rarement les fouteurs de bordel ambiant. Bien sûr, l’obligation morale et généalogique aidant, vous devrez sacrifier une autre soirée, mais aussi lointaine que possible ! Ahhh… que ça fait du bien de dire merde à celles et ceux qui vous prenaient pour un idiot fini… Que c’est bon de savourer un moment où vous n’êtes plus au centre des préoccupations !

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