07 avril 2010

Souviens toi de ce que tu manges

Le quotidien d’une société comme la nôtre s’appuie essentiellement sur l’omnipotence des sciences : médecine de « pointe », télécommunications, informatisation à outrance, notre société croit, à tort, que la technologie saura résoudre tous les problèmes. Or, jusqu’à preuve du contraire, un ordinateur n’est pas comestible, et je n’ai jamais vu une orange pousser au bout d’une fibre optique. Il est vrai ce que ces progrès sont utiles pour le partage de la connaissance, mais, pour autant, est-ce que nous devons nous emprisonner dans une logique totalement appuyée sur la science devenue religion ?

L’agriculture est un domaine aussi vieux que l’humanité : dès que l’homme a voulu se sédentariser, celui-ci a dû se poser la question fondamentale qui est celle de se nourrir. Comment ? La cueillette ? Trop aléatoire et soumise au bon vouloir de la nature. Ainsi, la maîtrise de l’agriculture est devenue un besoin fondamental de nos sociétés. Depuis les routes tracées pour amener en ville les denrées alimentaires, jusqu’à la création de canaux pour véhiculer, sur des péniches, des volumes autrement plus importants de marchandises, les diverses civilisations se sont préoccupées de se nourrir, et avec donc un certain respect pour ceux qui travaillaient la terre. Force est de constater qu’aujourd’hui, un agriculteur n’est plus considéré comme un entrepreneur, mais comme un « bouseux », un de ces types arriérés qui ne servent qu’à bêcher pour planter des patates.

Et qui est l’idiot là-dedans ? Nous ! A force de croire dans un système économique trop orienté sur le bénéfice instantané, et non sur la viabilité des exploitations, nous obtenons donc des produits qualitativement bien moins bons qu’auparavant, à des prix qui ne sont pas aussi abordables ou intéressants qu’ils n’y paraissent. La vérité ? L’agriculteur vivait de sa terre, sa production lui donnait un salaire en retour de sa tâche quotidienne. Aujourd’hui ? Ce sont les banques qui possèdent les exploitations, ce sont les distributeurs qui récupèrent la marge sur la vente des denrées, et l’agriculteur, lui, est finalement réduit à payer pour travailler ! N’est-ce pas une folie ? Quoi qu’on en dise, ce modèle est de notre fait, tout autant que la pollution engendrée par l’usage des pesticides en pagaille.

J’entends déjà les gens gueuler bien haut « On n’a pas demandé qu’ils polluent avec leurs saloperies ! ». Ah bon ? Et qui demande des rendements délirants pour réduire le prix unitaire des produits, qui exige des fraises en hiver, alors qu’en principe la saison ne s’y prête pas du tout, qui veut un aspect calibré, parfait pour les pommes ? NOUS ! Nous portons la responsabilité d’avoir légitimé le modèle économique où la centrale d’achat d’un Carrefour, Système U et compagnie décrète un prix d’achat auprès des exploitants, et impose ensuite un prix de vente sans commune mesure… Puis, pardessus le marché, de faire payer (oui, vous allez halluciner) l’agriculteur une marge arrière, au titre de « participation publicitaire ». Résultat élémentaire : marge ridicule pour l’agriculteur, encore rognée par le paiement de ces « frais », parce que, concrètement, si l’exploitation ne paie pas, la centrale se fournira ailleurs, ceci signant l’arrêt de mort de l’entreprise. Ca semble délirant, mais c’est un fait : nous payons cher ce que nous croyons économique, nous tuons la qualité et le savoir faire, ceci parce que nous autres, clients, avons des exigences absurdes.

Certains se demandent pourquoi les agriculteurs s’endettent. C’est assez évident en fait. Si l’entreprise veut produire son quota à l’hectare, il doit s’équiper. L’équipement coûtant cher, et les prix étant tirés vers le bas, la seule solution pour survivre est de prendre des crédits, d’augmenter la productivité au détriment de la qualité, jusqu’à la noyade totale dans un système qui ne leur sera jamais favorable. Ajoutons à cela l’intervention des entreprises telles que Monsanto, ou plus récemment BASF, et vous obtenez un carnage écologique et économique. Ces entreprises déposent des brevets sur la vie, et cela ne choque personne ! Elles détiennent l’exploitation des semences, interdisent de réutiliser le grain pour le replantage, et pardessus le marché n’hésitent pas à attaquer en justice les exploitants, sous prétexte que « utiliser du Monsanto, c’est acheter chaque année les graines ». Magnifiquement inique, le système détruit donc des variétés de plantes séculaires, au profit d’OGM sans garantie sanitaire, avec pardessus le marché l’obligation d’user de produits chimiques associés. Si la graine est Monsanto, l’engrais proviendra du même périmètre. Planter des pommes de terre BASF, c’est s’assurer, à terme, la fin des pommes de terres originelles. Et personne ne semble s’en préoccuper.

Je suis furieux et écoeuré. L’agriculture n’est pas un terme péjoratif, c’est un métier noble, où, contrairement au cliché bien implanté chez les citadins, le tracteur ne fait pas tout. Debout aux aurores, couché tard dans la nuit, subissant les éléments, payant le tribut de l’usage intensif de produits nocifs, l’agriculteur d’aujourd’hui mérite autant de considération que celui d’il y a un siècle. Qu’espérez vous comme avenir ? Des produits sains, frais, de qualité, ou bien des produits douteux, provenant d’exploitations à l’étranger, où les normes sanitaires sont pour le moins aléatoires ? Voulez-vous voir des hectares en jachère, ou bien le maïs, le blé qui pousse en été ? Acceptez-vous qu’un jour, être agriculteur en France sera du passé ? Pour ma part, je hurle, parce qu’il n’est pas tolérable que la France, ou que quelque pays que ce soit, puisse un jour parler au passé de ses agriculteurs. Ils ont été l’essence de notre développement, nos villes mangent grâce à eux, et il est de notre devoir d’en préserver l’existence….

Aucun commentaire: