15 avril 2010

La foule

Il est un phénomène de masse que j’adore disséquer du regard : les réactions exacerbées de la foule. A elle seule, la foule mériterait même qu’on l’analyse comme étant une véritable entité vivante, plus qu’un phénomène spécifique et localisé. En effet, rien n’est plus improbable que l’union des esprits « intelligents » pour créer un monstre dénué de la moindre intelligence ou logique. C’est d’ailleurs spectaculaire : que ce soit dans un stade de football bondé, ou lors d’une promotion flash dans un hypermarché, la foule se déplace de manière désordonnée, et n’hésite pas à éliminer ses propres cellules supposées déficientes. En quelque sorte, la foule est un macro organisme pratiquant la sélection naturelle à outrance.

Imaginez donc un incendie bien terrifiant, avec les flammes, la fumée, les cris, les larmes, tout les clichés possibles et imaginables sur le sujet. Collez le tout dans un immeuble, et maintenant ressentez les réactions animales de cette foule. Individuellement, chacun essayerait de raisonner (en tout cas plus ou moins) au lieu de se jeter comme du bétail dans les escaliers, en écrasant tout sur son passage. Et pourtant, on pourrait croire que l’addition des esprits devrait donner un esprit supérieur, or l’union des esprits accouche d’un demeuré fini. Stupide, bourrin, à la limite du suicidaire, la foule est donc l’animal crétin par excellence. C’est quand même ahurissant que si la foule se heurte à une porte fermée, celle-ci continuera à pousser, éliminant ainsi ceux servant de tampon, puis se déversera de manière désordonnée si la dite porte finit par céder.

Si l’on observe cette même foule dans des conditions d’excitation, le résultat ne change guère. Les individualités pacifiques deviennent des brutes épaisses quand un mouvement de foule se crée. Violence urbaine, entraînement des plus faibles par les meneurs ? Interrogez les à froid, tous répondront qu’ils ne sont pas violents… et pourtant, deux heures plutôt, tous brandissaient un poing vengeur, invectivant les supporters d’en face, les invitant à en découdre (puis à se faire recoudre dans l’hôpital le plus proche). Et là, c’est la question qui fait mal : si l’on place donc des gens ensemble, ils vont donc immanquablement se mettre sur la tronche ? Allez savoir, mais ce dont on peut être certain, c’est que l’anonymat de la foule devient un prétexte pour se décharger des frustrations trop longtemps enfermées en soi. A bien y réfléchir en fait, la foule ne fait que mettre en avant ce que nous avons tendance à mettre en sommeil, notre côté brutal et sanguin, qui est cadré par notre éducation et notre vie en société.

Il en faut peu pour satisfaire une foule : contrairement à l’individu qui est généralement très exigent, la foule, elle, aime les choses simples. Gagnez une coupe du monde et vous aurez des fêtes à n’en plus finir. Parlez individuellement de sport à chacun des acteurs de la nuit, et la plupart vous diront que ce n’était qu’un prétexte pour boire et danser. Il y a alors comme une anomalie dans la démarche, non ? Le supporter, lui, prétend être un élément déterminant les victoires et les défaites. On parle souvent de douzième homme pour le football ! C’est dire son impact psychologique. Mais alors, qu’on m’explique l’efficacité du soutien moral quand les dits supporters insultent ouvertement leur propre équipe ! Pour ma part, aller au boulot (ce que font les sportifs d’ailleurs), et me faire insulter pendant toute ma période d’activité professionnelle, ce serait contreproductif au possible… Mais non, ils continuent, heureux de pouvoir s’exprimer, revendiquant ce droit en annonçant que « je paye ma place, j’ai donc le droit de critiquer ».

Et puis il y a cette foule imbécile qu’on ne voit plus guère, celle qui n’existait qu’à l’époque des exécutions publiques : pendaison, crucifixion, sacrifice aux lions, puis finalement guillotine, la foule adorait ces spectacles de mort en direct, et systématiquement traitaient le condamné en criminel. Bel exemple d’union de la bêtise pour une seule et même cantonade ! De là à dire que la somme des intelligences donne de la connerie en lingots, il n’y a qu’un pas. Et puis, me concernant, étant un misanthrope et faisant peur à la foule (ça tombe bien tiens), je suggère qu’on se contente d’apprécier les spectacles, notamment ceux de la foule débile qui vandalise un centre ville lors d’une panne de courant généralisée. Ah, que je suis fier de leur coller la pétoche, à ce bétail informe…

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