05 janvier 2010

Ca va chier...

...comme dirait l’autre! La prochaine réunion des services de renseignements des USA avec le président Obama (elle est supposée se tenir ce soir même) va probablement tourner au règlement de compte, voire à la crucifixion pour certains dirigeants de ces agences de l’ombre. L’attentat manqué du 25 décembre sur le vol 253 entre Amsterdam et Detroit n’a pas manqué de faire tiquer le président Américain, ainsi que l’opinion publique mondiale. Après des années de paranoïa, entretenue à grands renforts de propagande, le pays s’était enfin senti revenir dans une voie plus paisible, bien qu’étant encore très présent en Irak et en Afghanistan. Pour tout dire, nombre d’Américains pensaient que les USA étaient enfin tirés du bourbier terroriste. Or, cet attentat a eu tôt fait de réveiller les psychoses post traumatiques du 11 Septembre, et de donner à B.Obama l’occasion de secouer les puces de ces petites mains de la politique « sombre » de son gouvernement.

Après les attentats des deux tours, les USA se sont dotés d’un arsenal juridique liberticide : Patriot Act 1 et 2, création de pénitenciers comme à Guantanamo, apparition d’une justice secrète autorisant un tribunal spécial à agir en l’absence de tout contrôle du peuple (plus de jurés, plus de procureur, plus d’avocat de la défense, et surtout plus de convocation du justiciable qui se voit donc condamné sans même qu’il le sache !). Tout cet attirail aura permis au moins une chose : le contrôle du peuple Américain, et son maintien quasi-total dans un monde d’obscurantisme politique. Les deux mandats de Bush fils sont assez significatifs sur cet aspect : atrophie du monde économique avec pour principale gangrène l’explosion des bénéfices des entreprises du pétrole, action des lobbies de l’industrie lourde et de l’armement, et sur médiatisation des actions militaires américaines dans le monde. De ce fait, B.Obama, ayant revendiqué le changement avec le slogan « yes, we can » (oui, nous pouvons), difficile de continuer à laisser traîner des dossiers sur les libertés individuelles, notamment quand le dispositif échoue lamentablement.

« Les gouvernements changent, nous autres, fonctionnaires d’état, nous restons » (citation d’un haut fonctionnaire de la DGSE). Tout est dit : les agences de renseignement ne changent pas à chaque nouveau titulaire du fauteuil de président, tout au plus leur directeur se voit gentiment remercié pour être remplacé par un pion plus proche des opinions du nouveau dirigeant. Dans les faits, les axes choisis par les prédécesseurs restent alors d’actualité, et ce n’est que de véritables changements mondiaux qui peuvent dicter une rénovation, si ce n’est une révision du fonctionnement des grandes agences. Concrètement, cela signifie donc que Obama pourra se servir de cet échec médiatique et sécuritaire pour dépoussiérer la CIA, la NSA, ou le FBI. Rien de tel qu’une crise pour pouvoir décapiter les opposants passifs dans les administrations ! Bien entendu, ce n’est pas pour autant que le patriot Act sera déboulonné. Songeons y un instant : les USA ont acceptés ces abus de pouvoir sous le prétexte de protéger du citoyen du terrorisme. La pilule passée, difficile de dire « non content d’échouer à vous protéger contre les terroriste, je vais enlever ce système antidémocratique et ainsi ouvrir de nouvelles brèches ». Obama ne jouera sûrement pas le jeu du durcissement qui lui serait politiquement fatal, mais en tout cas ce « coup de sang » purement médiatique pourrait donner lieu à quelques chasses aux sorcières dans les grandes structures du renseignement.

Contrairement à l’idée reçue de l’agent James Bond capable de tout, le renseignement est tout autant un métier de terrain que de techniciens. Nombre de données sont analysées, recoupées, et ceci par des gens ayant des horaires classiques de bureau, manipulant juste des documents sur un ordinateur, et rédigeant quantité de rapports plus ou moins correctement traités. La vérité est là, pénible à entendre pour certains : la sécurité n’est pas infaillible, et il est impossible (à moins d’agir en despote) d’obtenir le risque zéro. Les fondements mêmes d’une organisation de sécurité, c’est de savoir anticiper, et de savoir entendre rapidement les bruits de l’ennemi que l’on traque. Cela a une conséquence évidente : plus le périmètre surveillé est grand, plus il faut de monde pour l’observer… et plus il y a de monde pour faire cette surveillance, plus les risques de perte d’information, ou de mauvaise interprétation sont grands. La CIA, tout comme la NSA, ou encore à l’international le MI5 ou la DGSE sont de grosses structures, et qui se battent contre des groupes minuscules, des entités mobiles et diluées dans nos sociétés. Le terrorisme est devenu une marque de fabrique à travers Al-Qaeda (dont j’ai déjà parlé avec le syndrome du « Stand alone complex »), alors que, dans les faits, ce sont des cellules qui agissent. Il est votre voisin, vous l’avez croisé. Il a l’air ordinaire, mais il peut aussi trimballer une bombe sur lui. Le terroriste n’a pas une gueule de l’emploi, c’est monsieur tout le monde, cela pourrait être même être un de mes lecteurs ! Lutter contre des entités de ce type s’avère alors problématique : qui peut approcher des gens qui se connaissent et n’échangent que très peu avec l’extérieur ?

Les USA ont caricaturés le fonctionnement de leurs services de sécurité : omnipotence dans leurs pouvoirs, tentative d’omniscience avec Echelon (réseau de recherche et d’écoute de tous les médias, depuis la télévision jusqu’à nos mails, en passant par la téléphonie fixe et mobile), tout ceci pour parvenir à des administrations sclérosées et peu mobiles, passionnées par la paperasse, l’attente du contresignataire, et donc réduisant à néant des heures de travail. L’information, par essence, doit aller vite, trop vite pour de tels mastodontes englués dans les guerres de prérogatives (le terrorisme est-il de l’ordre de la sécurité intérieure, ou bien à mettre sous la tutelle de l’armée en Irak par exemple). De ce fait, B.Obama va avoir face à lui des chefs bien ennuyés face à un constat simple : dépenser plus n’améliorera pas les performances des services. Attaquer frontalement les acteurs du domaine de la sécurité ne sera pas plus rentable tant l’on a vu le résultat avec J.F Kennedy (il ne fut même pas informé de la baie des cochons à Cuba par la CIA, avec deux conséquences graves : l’ordre de retrait de l’assistance aux Cubains débarquant pour le putsch par Kennedy lui-même, ainsi qu’une haine féroce de la CIA pour le président).

Alors, que choisir ? Les drones semblent être une réponse toute militaire à la guerre de l’information, et la guerre médiatique va faire rage pendant un bon moment entre le président Obama et ses administrations. Tout ceci peut aussi bien mener à un nettoyage en règle, qu’à un durcissement de la position de Washington. C’est la seconde option qui fut prise dans l’urgence : contrôle systématique des bagages et des voyageurs à destination des USA, refus de visas pour certaines nationalités estimées à risque, et probablement, à terme, le maintien définitif de telles solutions. Les USA, paranoïaques ? Pas tant que cela : à force d’aller frapper la fourmilière des opposants au totalitarisme économique de la nation, impossible de ne pas voir, tôt ou tard, une riposte. Elle s’est exprimée économiquement à travers le pétrole, politiquement par les rebuffades du monde, et militairement par le terrorisme et la guerre civile. Les prochaines années seront cruciales non pour B.Obama, mais pour les USA. Le règne du pétrole roi, de l’industrie imbattable est terminé. Avec l’effondrement de GM, la recherche de moyens de substitution au combustible fossile, l’écologie attaquant brutalement le gouvernement Américain, les USA se doivent d’aborder la prochaine décennie avec plus de maturité, moins d’arrogance, et surtout plus de prudence vis-à-vis de leur discours. Le « American Way Of Life » a mis à la rue des millions de personnes sur leur propre territoire, et il n’est donc plus symbole de réussite… mais de désastre social et économique. En espérant que ce n’est pas le conservatisme et l’extrémisme qui va dicter les prochaines politiques mondiales de cet état.

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