01 décembre 2009

Rendre hommage à Corbier

Non, le bonhomme n’est pas mort d’une cirrhose ou d’une overdose, pas plus qu’il a été enterré après avoir un câlin à grande vitesse au pont de l’Alma. Aux dernières nouvelles, le chansonnier qui a bercé bien des enfances (dont la mienne) de ses pitreries et de ses textes potaches se porte plutôt bien, et n’est pas en manque de verve et de talent. C’est beaucoup par hasard que j’ai retrouvé le personnage sur la toile, et grand bien m’en fit d’écouter ces œuvres qui sont, hélas pour mes oreilles sévèrement réfractaires à la radio actuelle, que trop peu connues et diffusées. Il est devenu aussi rare de trouver un bon parolier qu’un char estampillé de l’étoile rouge aux frontières de la communauté Européenne. Ah, fausse nostalgie, quand tu nous tiens…

Donc, Monsieur François Corbier se porte assez bien (il le dit lui-même), compose et rédige sur sont site des billets d’humeur aussi instructifs qu’ils peuvent être amusants. Je n’ai pas boudé mon plaisir aujourd’hui en faisant tourner ses morceaux dans le casque isolateur, de sorte à ne partager, en bon égoïste que je suis, mon hilarité qu’avec moi-même. Pourtant, je crois qu’on ne saurait trop partager ce rire et cette finesse avec le plus grand nombre. Il dédramatise, rit de tout et de lui, présente son profil à la face des gens avec un sourire qui n’appartient qu’à lui. C’est un grand bonhomme qui écrit bien mieux que je ne sais le faire, qui compose avec un quelque chose de Brassens (sans le roulement bavarois si caractéristique), et ce que je ne sais quoi d’ironique. Lucide ? C’est probablement un terme qui lui sied le mieux tant ses morceaux, bien que teintés par le gloussement de son public, s’avèrent être tous clairvoyants sur le monde qui nous entoure. Nous sommes des cons ? Certes. Des Con-sommateurs ? Plus encore ! Et il en rit ? Oh que oui !

Ma génération, enfin celle des actuels demeurés ayant passé l’adolescence le nez collé au petit écran à dévorer du Dorothée à toutes les sauce, aime à faire vibrer la corde nostalgique. Tiens donc, on devient nostalgique en prenant de l’âge ? Je conviendrais bien du fait qu’on est amusé de revoir ces dessins animés datés et souvent aussi mauvais qu’ils étaient bon dans nos souvenirs, mais de là à pleurer les matinales, les mercredis, et les « comédies » lamentables créées pour entretenir la flamme… Sans moi. Ma curiosité pour ce passé est née par hasard ou presque, en traînant mes guêtres d’internaute sur « Bide et musique ». Qu’est-ce donc que ce truc ? Une radio Internet (ou Webradio, ça fait plus branché) qui permet d’écouter et découvrir (ou redécouvrir) ce que le monde du disque est capable de faire de pire ou de plus potache. Où en étais-je… ah oui, bide et musique. Donc, en errant sur cet OVNI musical, j’ai vu, parmi les œuvres (toussotement poli) un disque de Corbier. « Sans ma barbe ». Tiens, un truc de quand j’étais minot et que je me cognais des heures de télévision cathodique ! Allons voir ce qu’il est devenu celui-là.

Stupeur. Etonnement, puis enfin, ravissement.

Il n’était donc pas qu’un pitre mais un chansonnier ! Il n’était pas qu’un personnage construit pour le format, mais aussi un artiste entier et intègre ! Que ceux qui critiquent le fait de faire de l’émission pour enfants se taisent : la priorité dans l’existence, c’est quand même vivre, et la gamelle ne chauffe pas avec de bonnes intentions ou des rêves inachevés. Monsieur Corbier, vous avez fait rire au moins une génération de moutards braillards et irrespectueux, merci à vous pour ce travail qui nécessite quand même pas mal de courage (pour accepter les gags minables d’une production indigente), de persévérance (comptez le nombre d’heures que représentaient ces émissions et vous comprendrez ce que cela peut représente), et le tout sans y perdre son âme. Chapeau l’artiste.

L’autodérision est une qualité rare. On sait se moquer des autres, mais rarement de soi. C’est la différence notable entre humour et sens de l’humour. Celui qui a le sens de l’humour a le sens des réalités, et François Corbier a ce regard doux et acide à la fois sur le monde qui l’entoure. Aigre doux ? Comme la cuisine ? Peut-être, en tout cas je crois que les chansons de Corbier sont de ces plats qu’on aime manger sans ambages, sans excès de cérémoniaux abscons. Le Corbier se déguste en cave, en salle en plein air, sur un disque, dans la bagnole… Mais attention, ce n’est pas un sandwich qui rassasie et qu’on oublie, c’est le pinard qu’on ouvre avec ses potes et qui vous laisse un souvenir impérissable.

Notre capacité à nous croire supérieurs, à nous identifier comme les « gentils » nous rend souvent incapables de nous voir tels que nous sommes… des imbéciles, des bœufs, des gens susceptibles d’être cons, en tout cas plus cons que nos voisins. Et pourtant, c’est tellement évident ! Ne sommes nous pas, tous autant que nous sommes, le con de quelqu’un ? Alors, autant être son propre con, ça évite les engueulades, et ça facilite le recul vis-à-vis de notre environnement. Et ce bougre de clown barbu le dessine à coups de guitare grattée avec entrain et sourire complice. Merci Monsieur Corbier, et à bientôt j’espère. Je vous découvre tel que vous êtes, pas tel que cette télévision de fond de poubelle vous a décrit.

Reportage et extraits de concert sur chtirama.fr

Le site de François Corbier

PS : Prenez le temps d’errer dans les menus, les chansons, la partie blog. C’est un régal multiple et amusant, j’y ai pris grand plaisir !

2 commentaires:

Almaterra a dit…

Bravo pour cette réhabilitation en règle de celui qui n'a jamais cessé d'être un chansonnier de talent même dans ses heures "enfants de la télé".

François est talentueux et sympathique, ce qui ne gâte rien. Il est en tournée de concerts permanente et, sans doute, bientôt sur scène près de chez vous. Alors, ne le ratez surtout pas !

JeFaisPeurALaFoule a dit…

J'ai une sorte de "honte" à me rendre compte que j'avais en tête le cliché mal dégrossi d'un type prêt à tout pour faire rire, même à ses dépends...