10 décembre 2009

Prolocratie

De ce néologisme somme toute proche de certains concepts du communisme, il y a l’essence du comportement de certains élus qui, sous couvert de défendre les « prolétaires », agissent avec un populisme puant. Ainsi suis-je fatigué par les incessantes ruades médiatiques de madame Royal, notamment quand il s’agit de ne pas quitter la tête de l’affiche. Quelque part, je la vois un peu comme un acteur has-been qui s’acharne à vouloir être partout de sorte à ce qu’on ne l’oublie pas. Avec 2012 en ligne de mire, la « bécassine encombrante » du PS nous joue encore une de ses comédies avec l’affaire Heuliez (voir les deux liens en fin d’article pour lire plus précisément le pourquoi, le comment que je n’aborderai que succinctement).

En quoi madame Royal me gonfle ? Elle est élue en Poitou-Charentes, ce qui lui donne donc « autorité » pour parler de sa région, et donc réagir à la situation dramatique de l’équipementier automobile. Jusque là, pourquoi pas : après tout, tous les élus agissent de la sorte quand un dossier sensible leur tombe sous la main. En revanche, là où c’est particulièrement pénible, c’est lorsqu’elle tente de tirer les marrons du feu pour revendiquer une action efficace et militante dans le sauvetage de l’entreprise. Quelques précisions me semblent nécessaires : d’une, un repreneur se choisit sur son dossier financier, et donc sur des critères apolitiques, deux encore faut-il qu’un repreneur se présente à la porte pour proposer le dit dossier. Le démarchage des sociétés est possible de la part des politiques, mais en bout de chaîne, il est à noter que l’attitude des régions devient de plus en plus ambiguë. Est-ce légitime que la région et l’état investissent près de 15 millions d’Euros de fonds publics pour sauver une entreprise privée ? Il s’agit là d’une ingérence, ingérence qui a déjà été attaquée par l’Europe concernant d’autres dossiers (Air France en son temps par exemple). Le repreneur en question (groupe Bernard Krief Consulting) est dans la boucle depuis plusieurs mois, et ce n’est que le 9 Décembre qu’une première véritable signature (ayant valeur d’engagement) a entériné l’action et l’honnêteté de l’investisseur. C’est tout de même assez limite comme méthode : Krief a donc attendu que des capitaux soient débloqués par la région et le FSI pour « valider » son envie de reprendre la société… et à quel coût social ?

Madame Royal se gargarise d’une action militante. Admettons… Mais n’oublie-t-elle pas de tenir compte de l’avenir des salariés avant de tenir compte de son avenir électoral ? Une entreprise de 600 personnes qui disparaît, c’est 600 foyers sinistrés, mais aussi des centaines d’autres subissant le contrecoup. En effet, un salarié consomme avec son foyer, donc toutes les activités dépendant de ces dépenses (commerce de proximité notamment) prennent eux aussi la « baffe » économique. L’avenir de madame Royal, personnellement je m’en moque, par contre celui de milliers de personnes en cas de disparition de cette société… Je suis honnêtement outré qu’on s’approprie le malheur des autres pour s’en faire un étendard ! Vive la récupération politique, et le tout avec le ton mielleux qui vous donne rapidement la nausée. Je doute qu’elle sera accueillie avec fleurs et trompettes dans l’usine Heuliez, à moins que son arrivée soit couverte par les caméras, et que les salariés lucides soient écartés du cadre de tournage. C’est ainsi : ce qu’on voit à la télévision suffit à faire croire que les gens soutiennent un politique, mais difficile de croire qu’il n’y a que des électeurs socialistes dans l’usine… non ?

Il y a aussi un autre aspect de son intervention, avec la théorie du complot où madame Royal accuse ouvertement le gouvernement de favoriser Bolloré et Renault au détriment d’Heuliez, ceci sur le marché de la voiture électrique. Madame Royal n’a visiblement jamais entendue parler du principe de productivité et de capacité de production : comment envisager qu’une PME, certes compétente, certes réputée, mais avec des effectifs relativement réduits, puisse atteindre des capacités de production d’une société aussi grosse que Renault ? J’aimerais aussi fantasmer sur la capacité de la société poitevine de prendre l’ascendant sur Renault sur ce marché, mais ce serait au prix d’investissements délirants qu’aucune banque n’acceptera de faire. Je suis le premier à dire qu’il faut préserver le savoir-faire et la compétence d’une société, mais qu’il faut aussi savoir faire preuve de bon sens face aux réalités du marché. Toutes les entreprises de l’automobile ont pris de plein fouet le choc de la crise mondiale, et nombre d’entres elles continuent à se débattre dans des difficultés telles que les sous-traitants sont au mieux payés en retard, voire pas du tout.

Madame Royal reprend à son unique compte la gestion de la situation, et déclare qu’elle travaille pour les ouvriers d’Heuliez. Et contre son adversaire pour les prochaines régionales aussi, non ? Cela me paraît d’une bêtise sans borne de jouer les saintes dans un système où elle agit sur le principe du « faites ce que je dis, pas ce que je fais ». Quiconque s’intéresse au marché de la voiture électrique sait que les problèmes techniques actuellement rencontrés par les concepteurs ne sont pas propices à la création d’un véhicule électrique réellement capable de concurrencer la voiture thermique. Marché de niche, pourquoi pas, mais sûrement pas une alternative immédiate. Et ce n’est pas une société en redressement judiciaire qui pourra investir dans la recherche, et encore moins dans la production de masse. Ce serait comme croire que la voiturette sans permis pourrait se substituer à la voiture « classique », et ce sans difficulté ou complication de la part des clients. La loi du marché est dictée par les grandes entreprises qui détiennent les fonds, et par les clients qui choisissent et décrètent si un produit est bon ou non. A ce jour, il n’y a que l’hybride qui fonctionne à peu près correctement (commercialement s’entend), et on est loin du tout électrique !

Elle me fatigue…

Article sur le Monde.Fr

Article sur le Nouvel observateur

Aucun commentaire: