22 décembre 2009

Folie?

Dans mon nombrilisme un rien narcissique, je peux affirmer que, sans conteste, rien n’est plus agréable que l’autosatisfaction. C’est une véritable drogue que les humains aiment à s’injecter à hautes doses : l’orgueil, la vanité, tous ces comportements sont des composantes essentielles de la nature humaine. Sans accomplissement personnel point d’avancée du monde ! Et pourtant, la fierté est hélas tout autant vecteur de progrès que de dégâts incommensurables de la condition humaine. C’est fou à quel point la même cause peut avoir des conséquences aussi diverses…

Ah, la saine fierté d’avoir le pouvoir, de le maîtriser et même de s’en vanter ! Robert Oppenheimer, au moment de l’explosion de la bombe atomique qu’il avait fortement aidé à concevoir, aurait déclaré (je cite d’après nombre de sites, dont Wikipedia ) la citation sanskrit du Bhagavad Gita: Kalosmi lokaksaya krt pravrddho - « Je suis Shiva, le destructeur de mondes. » Etait-ce une fierté ou une réaction de terreur face à son œuvre ? Je ne saurais en juger, mais l’ambiguïté de la situation ne peut que laisser perplexe. Orgueil de la réussite de la mise en pratique des théories les plus complexes, ou alors crainte de voir une telle arme être utilisée ? Lui seul saurait me répondre honnêtement… Quoi qu’il en soit, cela démontre une chose assez pathologique chez l’homme : donnez lui du pouvoir, donnez lui la capacité intellectuelle de s’en servir, et il aura toutes les chances d’en faire usage pour détruire et non construire.

Nous avons, et ce depuis des décennies, tentés de mettre en équation la psychologie humaine, afin d’en établir une classification méthodique et donc d’en trouver les déviances. Soigner la folie, l’analyser, la répertorier, tel fut le boulot de nombre de médecins. Et comme l’homme est inventif, il a découvert tout le panel affolant des déformations de la pensée : sociopathe, psychotique, névrosé, mégalomane, mythomane, nous avons de quoi créer de véritables monstres à faciès humain ! C’est d’autant plus spectaculaire quand le dit « fou » revendique son statut et ses ambitions. Nombre de dictateurs étaient des paranoïaques (Staline par exemple) et mettaient en branle toute leur intelligence pour se protéger contre leurs ennemis réels ou supposés. J’avoue me régaler en lisant les analyses faites a posteriori des grands de notre temps, et d’y voir précisément tout ce que je m’attendais à voir dans l’esprit des génies : mégalomanie avancée, paranoïa aiguë, et souvent une addiction quelconque (drogue, alcool…). Le génie serait donc tributaire de la folie ?

Certains affirment avec emphase que tout être humain a sa part de folie : névrose quasi universelle, peur du lendemain, peur de la mort, peur d’une forme de bestiole, donc en gros nous sommes tous des fous, ou du moins juste ce qu’il faut d’intelligent pour éviter que cette folie ne devienne dévastatrice. L’éducation, ce vernis souvent mâtiné d’idées politiques et/ou religieuses, semble pouvoir contenir nos psychoses les plus courantes. « Tu ne tueras point ». Pourquoi ? « Parce que sinon c’est perpétuité avec 18 ans de sûreté ». Ah oui, tout de suite, ça rend plus prudent sur l’envie de tuer son voisin… Ceci dit, certains passent l’étape des retenues culturelles et morales, et vont donc allègrement jouer de leur pouvoir pour détruire et écraser l’autre. La frustration sociale est aussi un bon bâtisseur de brutalité et de violence : misère culturelle, désoeuvrement économique, tout est bon pour légitimer la haine et la revanche. Dans ces conditions, on ne peut qu’être épaté de voir notre société subsister malgré ses travers les plus infâmes ! Comme quoi, un système si pourri soit-il réussit perdurer grâce, justement, à sa pourriture ! A croire que, tout comme un rosier, nous aimons la tourbe pour y plonger les racines de notre capitalisme teinté de socialisme de bonne conscience.

Je crois que notre folie est fonction de notre perception des règles, et non d’un écheveau de conséquences. Fut un temps l’homosexualité était considérée comme une pathologie grave, on exécutait les hommes coupables d’acte de sodomie (chose qui a failli coûter la vie à Léonard de Vinci) ! Les mœurs progressent, tout comme la « valeur » d’une vie. Tuer n’était pas quelque chose d’exceptionnel au moyen âge, c’était même un acte pouvant passer pour être de la bravoure ! De ce constat découle aussi une petite histoire que j’apprécie, et dont je me sers de temps en temps pour rappeler que la perception des choses est tributaire de soi, mais aussi des autres. (Je précise que je n’ai plus en tête le texte d’origine). « Un roi expulsa une méchante sorcière de son royaume. Celle-ci, pour se venger, empoisonna tous les puits du royaume pour rendre les sujets fous. Seul un puit fut épargné, celui du Roi, vu qu’elle n’avait pas accès à son donjon. Ainsi, tout le royaume fut pris de folie, et les habitants déclarèrent le Roi fou. On voulut le pendre, le tuer, mais le Roi, ayant eu vent de la vérité, se résolut à boire de l’eau d’un puit contaminé. Ainsi, en devenant fou, le Roi fut déclaré comme étant revenu à à la raison… et le royaume vécu ainsi. » Tout n’est qu’angle de vue après tout…

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