25 novembre 2009

Hérisson !

Bestiole à aiguilles, boule informe capable de te protéger des agressions extérieures en te repliant sur toi-même, je te hais ! Non que je sois de ceux qui estiment que la nature soit à éradiquer, mais là, à cause de toi, je n’ai pas pu dormir correctement. Oh, je sais bien que tu n’es pas méchant, et que tu t’avères même utile dans les jardins et autres lieux où te délectes des insectes et parasites, mais tout de même… Te pointer dans mon jardin, et rendre barge mon clébard à des heures indues, y a de quoi t’épiler épine par épine pour te donner une leçon !

Et quoi ? Merde alors ! C’est pas une heure pour traîner ta couenne dans le fond du jardin, une nuit de pluie, puis de narguer ce corniaud décérébré qui n’a rien trouvé de mieux que d’hurler son incompréhension à la lune, sous la forme de hululements capables de tirer une larme au moins sensible des bourreaux. Bougre de con de chien ! Aboie, renifle, cherche, mais arrête de geindre ! Et que ça couine, encore et encore, et que me voilà à traverser le bourbier pour d’une part, vérifier l’état de santé du canidé (inquiétude du maître, que voulez-vous…), et d’autre part identifier la cause de ce remue-ménage. Et te voilà, oursin terrestre brun sombre, ne bougeant pas d’un pouce, juste là, en plein milieu du gazon boueux. Mais, qu’est-ce qui t’as pris de t’amener ici !?

Et dire que je t’avais vu, il y a quelques jours, gambadant paisiblement chez la voisine. Là-bas, au moins, aucun risque qu’un prédateur, ou qu’un chien stupide vienne t’importuner. Mais non, on est tellement bien à jouer les citadelles sous le nez d’un bulldozer à truffe ! Tu as le sens de l’humour, le hérisson. Et puis me voilà à chercher un chiffon ou une couverture pour pouvoir me saisir de toi… L’air malin, à presque deux heures du matin, la tronche enfarinée, baillant tout mon saoul de sommeil troublé par ce réveil en fanfare, errant en quête d’un moyen de ne pas te blesser. Merci, non franchement, merci la bestiole tue ver de terre.

C’est vrai que t’es mignon. Je l’admets, tu te dandines, l’air de rien, sans faire de bruit ou d’esclandre, cherchant juste ta pitance dans mon bout de gazon mal foutu. Mais là y a de l’abus quand même. Et l’instinct de survie, tu connais ? Je me penche, t’embarque délicatement pour te déposer hors du territoire du sac à puces, et fais en sorte que celui-ci ne vienne pas te saluer comme il songe visiblement à le faire. Quelle épopée ? Moi, te tenant tout près de moi pour que je fasse écran contre le chien devenu kangourou curieux, avançant avec précaution vers la zone franche symbolisée par le grillage marquant la frontière du jardin de la voisine. Doucement, ne pas se vautrer dans la boue, ne pas avoir l’air d’un con à une heure indue, et éviter de jurer, et ainsi réveiller tout le voisinage avec mes vociférations…

Voilà qui est fait… Et l’autre con de clébard qui reprend sa ritournelle ! Un coup de botte dans el croupion pour lui signifier mon mécontentement et mon désaccord concernant ses vocalises nocturnes, et enfin, assommé par l’envie de dormir, retour sur le matelas m’appelant de ses mots doux tels que sommeil, rêveries, ou encore apaisement. Et je m’effondre lourdement, recouvrant ma paillasse de la couette qui commençait déjà à me manquer…

Mais quand j’y pense, deux personnes m’appellent « hérisson », eu égard à mes cheveux toujours coupés très ras, formant ainsi une sorte de tapis de tout petit épis soi-disant doux comme du velours… Et quoi ? Mon blase, c’est aussi le museau de ce fouineur empêcheur de roupiller en rond ? Bon. Je peux aussi saisir le fait qu’un hérisson soit hérissé de pointes, tout comme je peux l’être verbalement pour préserver ma tranquillité, mais de là à en faire une analogie aussi incongrue… Quoique, après tout, le hérisson a cette tendance à être ventripotent, peu difficile sur son régime alimentaire, et qui plus est assez solitaire.

Lointain cousin à épines : évite de revenir quand le clébard est dans le coin, fais en sorte de squatter le jardin qui lui est inaccessible. Ta santé et mon sommeil te diront tous les deux merci…

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