17 juin 2009

Iran, espoirs ou échec

Toute la question se pose aujourd’hui de manière aiguë : savoir si l’Iran va, ou non, opérer un virage dans sa politique avec la destitution du président en poste, ceci par la voie des urnes. Depuis 1979, l’état Iranien n’a jamais faibli ni cédé face aux possibilités de réforme ni même d’assouplissement de sa politique intérieure : contrôle des institutions par le culte, oppression et censure, répression des idées libérales, en gros une dictature stable et sûre d’elle-même. En tout cas jusqu’à présent.

L’élection présidentielle a opposé le président sortant Mahmoud Ahmadinejad à Mir Hossein Moussavi. Nous connaissons le premier pour ses prises de position concernant le nucléaire Iranien, sa décision de se passer de l’accord du monde pour entreprendre des recherches « civiles » (et potentiellement militaire, car seule la destination finale du carburant nucléaire diffère dans le processus d’enrichissement), ses mots plutôt virulents à l’encontre des USA et de l’Europe, ainsi que le maintien d’un système édifié à la chute du chah, en 1979 (révolution islamique avec l’accession au pouvoir de Khomeiny). Son alter ego, lui, semble plus obscur aux yeux de l’occident : visibilité faible pour les non avertis, discours peu voire pas diffusés à notre destination, Moussavi n’a pas du tout le profil Obama (primaires à l’américaine, médiatisation à outrance…). Tout ceci serait resté confiné à une contestation du résultat de l’élection (donnant Ahmadinejad gagnant à 63%) si les critiques à l’encontre de la régularité du dépouillement n’avaient été émises… par les tenants du pouvoir en place ! Des politiques conservateurs se sont d’ailleurs lancés dans l’arène en exigeant que l’on mette en cause toute l’élection, avec une annulation pure et simple du scrutin à la clé.

Fondamentalement, l’Iran est une nation qui a tenté sa révolution intérieure durant les dernières années de règne du chah : statut de la femme devenant quasi Européen, amélioration de l’alphabétisation, modernisation des administrations, et surtout grande réforme agraire mettant fin au monopole des grands propriétaires terrains, le pays tenta donc de faire un bond en avant, surtout sous l’impulsion de sa troisième et dernière épouse. Seulement, c’était se heurter aux traditions, provoquer les instances religieuses garantes de la cohésion morale de la patrie, et surtout remettre en doute des siècles de contrôle sur la société Iranienne. Cela a été le déclencheur final de la révolution, déjà latente pour des raisons tournant autour du rôle du chah, ainsi que de sa politique intérieure et extérieure. Une fois le mouvement engagé, l’état a alors opéré un repli vers la religion, un durcissement significatif des règles de vie, et une rupture avec le reste du monde. Tout ceci pouvait fonctionner du fait d’un soutien inconditionnel d’une partie de la population, toujours fervente religieuse, et profondément convaincue que la société n’aurait pas dû être modernisée.

Seulement, le peuple Iranien rajeunit : d’une démographie contrôlée et d’une mortalité infantile faible, le pays a vu sa part de jeune croître de manière significative. A l’heure de l’Internet, de la téléphonie mobile et de la modernisation mondiale, l’Iran ne peut plus prétendre à rester fermé au progressisme. On pourrait alors croire que la vindicte populaire, menée par le candidat perdant en Iran, ainsi que celle des Iraniens de la diaspora, sont motrices pour moderniser le pays. Dans les faits, cela me semble plus complexe. Vu que le pays s’est isolé par la censure des journaux ainsi que par la rupture des communications (réseaux mobiles déconnectés ce jour), difficile de présumer du véritable objectif des manifestants. Sortir le président en poste, sûrement, mais pour quel objectif ? Les manifestations semblent se succéder, les premières exhortant le pouvoir à se remettre en cause, les suivantes exigeant des élus de ne pas céder à la horde des déçus.

L’éclatement de l’unité religieuse et politique semble donc morte, et il est, à l’instant où j’écris, impossible de présumer de l’avenir. Si l’élection s’avère être frauduleuse, Ahmadinejad sera sacrifié comme étant le seul responsable de la fraude, et les élections seront refaites sous contrôle militaire… militaires à la solde des tenants réels du pouvoir, c'est-à-dire une unité religieuse dure. S’il n’y a pas fraude organisée, mais que le doute plane, Ahmadinejad exigera alors que le scénario soit rejoué, avec le risque d’un revirement des urnes en sa faveur. Enfin, si le recomptage valide les affirmations se Moussavi, force est de constater que Ahmadinejad sera, encore une fois, le seul responsable. Moussavi pourra potentiellement prendre le pouvoir, mais pour autant il restera encore muselé par l’organisation qui a cours dans l’administration du pays.

Ne doutons enfin pas de la détermination de la jeunesse Iranienne : elle a su être virulente à l’encontre des USA durant la guerre en Irak, s’engager (même au combat) aux côtés des Palestiniens, et aujourd’hui donner de la voix pour rappeler que son vote a autant de valeur que celui des religieux. Pour autant, est-ce une révolution ? Je crois qu’il sera très difficile de trouver une transition acceptable entre un totalitarisme politico religieux, et une voie intermédiaire située entre l’ancien régime et celui d’une nation comme la France par exemple. Je ne crois pas à la « mort » du système religieux en tant qu’instance politique, j’espère que son pouvoir sera pondéré par des pragmatiques capables de concilier histoire et modernité.

l'Iran sur Wikipedia
Le dernier Chah d'Iran
La révolution islamique de 1979
Le groupe paramilitaire "Gardiens de la révolution"
Biographie de Khomeiny

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