01 décembre 2008

L’urgence de ne rien faire

C’est ainsi que l’on doit comprendre bien des décisions de nos chers politiques car dans l’absolu le courage de réformer c’est s’exposer, mais il n’est pas acceptable de prendre des risques lorsqu’on est arrivé au faite de sa carrière. Cette situation est centrale à toutes les problématiques politiques du quotidien : chômage, pauvreté, sans logis, guerre, racisme, tout stagne car s’engager rend implacablement inefficace tout ce qui était supposé marcher auparavant. Prenons cette honte nationale qu’est la vie des SDF : chacun y est allé de son idée mais personne n’a daigné se demander le pourquoi d’une telle incurie humanitaire... ou disons plutôt que personne n’a osé l’énoncer avec honnêteté. Le SDF est le fruit pourri d’un système déshumanisé, il hérite de tous les travers de l’économie de marché et de l’égocentrisme de masse. A partir de là quoi faire : rénover le système social pour que le « pauvre » ne soit plus visible, ou bien réformer un minimum en amont afin que l’Homme soit protégé ? Dans un cas comme dans l’autre l’on se heurte à des intérêts certes différents mais tendant vers la même logique : broyer l’Homme est moins gênant que de mettre à contribution le profit.

C’est un discours très communiste j’en conviens. C’est absolument fondamental dans l’idéologique de Bakounine où l’ouvrier, la base, bref la force vive est mise à contribution non pour briser le capital mais pour que le capital soit la force des ouvriers. Dans ce raisonnement cela sous-entend qu’une oligarchie ne saurait s’installer du fait élémentaire que l’outil de travail appartiendrait à chacun et non à un petit nombre. Revenons sur le politique qui évite de répondre à des questions : il ne pourra pas s’attirer les inimitiés de cette caste de très riches par peur que ceux-ci brandissent la menace du licenciement de masse A l’instar des délocalisations de la production ainsi que de la compression de personnel dans les services élémentaires, il sera impossible à un politique aussi volontaire soit-il d’aller « cracher dans la soupe » de ses maîtres capitalistes. Que faire ? Ne pas rénover, stagner, tergiverser en prétextant les risques inhérents aux éventuelles bonnes idées énoncées par quelques fous pas encore cyniques.

Dérivons un peu je vous prie. J’énonçais l’incapacité de traiter la situation des SDF par la frustrante incapacité à se heurter aux lobbies de l’immobilier (réquisitions), d’affronter des réalités professionnelles et éducatives (manque de formation, absence d’emploi pour des profils non qualifiés...). On pourrait mettre en perspective cette situation avec ce que certains nommèrent aux USA des « armées de hobos ». Le hobo est un sans logis traversant le pays dans des trains en quête d’une nouvelle chance (autrement dit un vagabond). A la fin du XIXème siècle une véritable armée de ces laissés pour compte se leva et marcha sur Washington. La réponse fut évasive, sans violence, mais sans solution. La dite armée se délita d’elle-même tant par usure que par la corruption de certains de ses meneurs. Ne donnez pas à manger à une armée et tôt ou tard celle-ci se débandera. Efficace, pragmatique, cynique même... mais surtout attentiste. Là, l’état attend hélas une usure des mouvements de contestation comme elle le fait déjà depuis des décennies. Aucun progrès si ce n’est le macabre décompte fait par les médias. Un mort par ci, un autre par là, mais finalement aucune révolution.

Je me demande parfois si la lâcheté n’est pas justement une des prérogatives de la politique. Il y a une « belle phrase » qui dit « La politique c’est faire le bon choix entre deux conneries ». Je pense qu’il n’y a rien de plus vrai que de devoir ménager la chèvre et le chou, de fuir une forme de responsabilité. Peut-on d’un côté dire aux pauvres qu’une action sera menée, et en parallèle revendiquer aux détenteurs du capital que les impôts n’augmenteront pas ? En dehors d’une démagogie certes rassurante mais tellement vomitive, difficile de prendre une position claire et définitive sur quelque sujet que ce soit. On pourrait citer une autre phrase célèbre : « Les rêves d’aujourd’hui sont les réalités de demain ». Malheureusement pour son auteur les cauchemars d’hier sont encore ceux d’aujourd’hui, mais à des échelles bien plus grandes. Prenez la guerre : chacun sait qu’il ne faut pas tuer, chacun sait que le respect de l’humanité est supposé primer sur toute chose. Et bien alors pourquoi jouer les autruches tandis que le fabricant d’armes continue son commerce sous notre nez ? Parce que c’est justement du commerce qui est légitime de par l’emploi dans les régions, le paiement des impôts et des charges, le maintien de commerces dans les villes totalement tributaires de ces usines, bref par le jeu totalement infect du « Maintenons en vie d’un côté, tant pis s’ils s’entretuent de l’autre ». Cynisme ? Non, pragmatisme mécanique à outrance où la chèvre est locale et où le chou est muet..

Nous sommes nos propres bourreaux en exigeant tacitement le silence et l’immobilisme. Ce qui intéresse le passant ce n’est pas que son voisin soit affamé, c’est que lui-même puisse garnir le sapin de ses enfants, que lui-même ne soit pas pénalisé par une crise économique qu’il ne comprend pas, et qu’en bout de chaîne l’état prenne ses responsabilités à condition que cela ne lui nuise pas. Egoïste ? Certainement, mais égoïsme ordinaire, celui qui ne dit pas son nom, celui qu’on peut facilement cacher derrière la peur du chômage ou de quoi que ce soit d’autre. Nous sommes tous totalement responsables de la sclérose des institutions car chacun à notre niveau refusons la responsabilité individuelle au profit de la collective. Ce sera toujours aux autres de se bouger, et nous élirons les politiques capables de taire des idéaux où chacun se bougera pour le bien public plus que pour le bien personnel. N’allez donc pas chercher à comprendre le pourquoi des résultats ridicules des partis comme lutte ouvrière ou du naufrage du PC. Sans force de ce genre le débat est aujourd’hui caricatural entre une gauche avec des idées de droites et une droite piochant de la morale dans la gauche en déconfiture. A nous de ne plus tolérer une telle bêtise... en votant, en se fédérant, bref en participant à l’union nationale. Mais ça, dans un pays démocratique, riche et industrialisé aucune chance que de mon vivant j’assiste à une telle révolte...

Dommage ami Bakounine, tu es né trop tôt.

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