21 octobre 2008

Collabo, qui moi?

Je dois l’admettre, ma couardise naturelle s’éveille à chaque fois que le sujet de la collaboration, ou de la résistance est mise en scène dans un documentaire. Jamais las d’exhumer un croulant sympathique ou d’éveiller l’émoi avec une relique centenaire survivante des geôles nazies les réalisateurs de ces spectacles simplistes à destination du demeuré moyen ont juste le mérite de secouer ma conscience. Aurais-je été un vil collaborateur, un sadique gardien jamais en manque d’imagination, ou bien un résistant actif prêt à crapahuter pour se débarrasser de l’occupant honni. En tout état de cause ce n’est pas tant la moralité de chacun de ces statuts qui me posent un vrai problème, c’est avant toute chose l’analyse des conséquences. Oh je sais, nombre de petits malins bourrés de poncifs et d’une fierté mal placée vous ânonneront qu’ils auraient pris les armes contre le vert de gris et qu’ils auraient acceptés de sacrifier leur vie pour la « cause ». Pensez-vous qu’ils sont sincères ? Croient-ils dans ces idéaux aussi stimulants que dangereux ?

« On ne s’improvise pas juge pour des choses que l’on a pas vécu » vous dira le sage que je ne suis pas. Ma foi, je ne porte en effet pas de jugement sur le passé mais je mets les accusés modernes face à la tribune pour qu’ils supportent la vindicte populaire. Non messieurs dames, vous n’êtes certainement pas les héritiers d’un courage commun aux deux ennemis car après tout ce n’est pas la collaboration active qui est lâche, c’est l’apathie égoïste qui est criminelle. Enfin bon, on va me susurrer que les collabos clichés se sont enrichis à outrance et que peu d’entres eux ont subis les foudres de la justice, si ce n’est celle divine si l’on a le malheur d’y porter crédit. Oui certes, faire fortune sur la misère humaine est honteux, mais j’ignorais qu’il y avait une différence de finalité entre un vendeur au marché noir avec l’accord tacite de l’occupant et le PDG de société délocalisant son usine, c'est-à-dire faire du fric ! De vous à moi je ne suis pas convaincu que le commerce puisse avoir une composante morale, je dirais même (merci monsieur Comte Sponville) que le marché est amoral : il se fout des hommes, il vit grâce aux fonds et non à ceux qui les détiennent. De fait je crois que collabo dans ces conditions pourrait devenir attirant, non ?

Oh il y a bien des dérives comme la dénonciation active tant de minorités que de son voisin, et là on touche à un tabou moral qui est celui du respect d’autrui. Tiens, c’est amusant de parler de respect mutuel quand aujourd’hui l’on vomit les SDF, les immigrés ou bien les musulmans avec toute la dose de clichés sales que ces populations véhiculent. L’homme, respecter un autre homme ? Si celui-ci a un pouvoir, de l’argent ou qu’il représente une menace potentielle pourquoi pas, mais s’il s’agit de quelqu’un que l’on classe comme rebut de la société là pas de problème. C’est fou que l’on ne comprenne pas que la plupart des gens ayant dénoncés des juifs étaient convaincus d’agir avec discernement pour leur pays, et que même certains après avoir goûté le béton des prisons françaises continuèrent à revendiquer haut et fort leurs idées. N’allez pas croire que je soutiens leurs thèses, il s’agit simplement du constat édifiant qui veut que toute personne convaincue puisse mettre en sommeil toute trace de charité et même d’humanité. Bien sûr j’exclue les psychopathes et autres sadiques qui agirent pour assouvir des pulsions malsaines, mais dans la majorité des cas la collaboration ordinaire fut et sera toujours une souplesse intellectuelle qui dit simplement que « la force est à eux, profitons en ».

Résister, tenir le fusil, se dire qu’on agit contre l’ennemi commun, voilà de bien belles pensées. Mais parmi tous ces résistants oublie-t-on combien furent juste des fantoches, des vindicatifs n’ayant connu pour seule épreuve du feu celui du campement à la campagne ? Une étiquette de résistant fait toujours plus « classe » et propre sur soi que d’arborer un portrait vichyste. Je n’irai pas chercher des statistiques, celles-ci prêtant souvent le flanc à critique tant ceux qui comptaient et ceux qui répondaient avaient des intérêts communs, c'est-à-dire avoir un nombre impressionnant pour pouvoir dire avec orgueil « nous avons tous résistés ». Ne me faites pas dire que je vomis les résistants, ils furent et sont courageux, mais simplement j’aurais tant aimé que la nature humaine n’aille pas gonfler les chiffres pour que chacun se sente important. Bon d’accord, prêtons leur des intentions nobles comme prendre le pouvoir (les communistes, ça ne vous dit rien ?) ou bien simplement s’amuser comme des gosses confondant devoir et loisir. Mais là je vais encore passer pour un être méchant et vil.

Alors ? Moi ? Aucun choix étant donné que je ne suis pas en position d’en décider. Chacun est libre d’avoir des convictions mais qu’il ne vienne pas prétendre qu’à l’heure critique du choix entre un mal ou un autre qu’il prendre le « meilleur ». La vie est ainsi faite qu’un choix ne se fait qu’une fois et que la conscience n’est pas forcément bonne conseillère.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

0 commentaires, normal tout le monde s'en branle de ce que tu penses...

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Si, toi, la preuve tu viens faire un commentaire, ce qui démontre par la même occasion qu'il y aura toujours des imbéciles pour venir se plaindre et paradoxalement m'inciter à continuer.

Ravi que tu sois venu ici!

Anonyme a dit…

Et si j'étais né en 17 à Leindenstadt sur les ruines d'un champ de bataille, aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand...

J-J Goldman.

Tarik