15 septembre 2008

Passe moi le sel

La morne situation d’être assis à la même table qu’une population à laquelle l’on a peu voire rien du tout à dire est une des choses les plus communes qui soit. En tout état de cause les réunions familiales sont souvent le siège de ces interminables monologues et autres soliloques où chacun va de son analyse politique ou de son expertise météorologique, sans compter les interminables et vains souvenirs d’une unité supposée ou tout du moins singée par les plus aptes à l’hypocrisie. Vous me trouvez méchant en affirmant ça ? Allons bon ! La seule et unique vérité est qu’une famille c’est comme les pizzas : il est rare que l’on trouve celle dans laquelle on aime absolument tous les ingrédients.

C’est un peu facile de taper sur les repas de famille… la plupart du temps ils sont organisés pour se donner une conscience unitaire, un rassurant rôle de « je viens comme ça je continue à en être », et parfois aussi le moment opportun pour faire les poches de l’oncle qui vient d’hériter d’un magot ou pire encore de se partager la grand tante qui s’est enfin décidée à passer l’arme à gauche. Loin d’une simple fête, ces bouffes sont un ensemble de méandres complexes qui opposent de véritables clans à l’intérieur même des fratries. Entre le premier qui a envie de changer de bagnole et le second qui lorgne sur la porcelaine de l’étagère chez la grand-mère, c’est à coup de propos enfantins qu’atterrissent les revendications les plus sournoises. Ceci étant, la meilleure façon de se disputer c’est de parler et je peux certifier que la plupart des combats internes s’évitent grâce aux lieux communs. Ah ça ce que le pape peut avoir les oreilles qui sifflent ! Evidemment, le beau-frère qui en est à sa troisième compagne a de quoi provoquer terreur et colère chez le souverain pontife, mais de là à s’en truffer le discours pour ne pas parler de la dette contractée et jamais remboursée… il y a un pas qu’il franchira sans la moindre tache sur l’âme.

Après le mobilier ou immobilier, pensez donc au pognon ! Car s’il n’est pas cause de vie l’argent fait évidemment les choux gras de nos financiers en herbe. La bourse, le cours du pétrole, la faillite d’une banque, les sub machin choses auxquels personne ne comprend quoi que ce soit mais que tout le monde commente, le fric est affaire de famille… et qui dit affaire de famille dit affaire sérieuse. Sans rire, que j’ai dû supporter des analyses de bistrot de la part « d’experts » ayant déjà bien du mal à se gérer et qui ajoutent au ridicule l’inusable commentaire « J’aurais fait comme ci… » Mouais. Laissez moi objecter qu’avant de vouloir faire la leçon il faut déjà commencer par savoir se (pardonnez l’expression) savoir se torcher le cul. C’est méchant, bassement méchant, mais à tout choisir je préfère encore le silence du rôti que les propos de l’entremet.

J’allais oublier ! Les enfants ! Quel délice, quel bonheur que de dépiauter les gosses de chacun à coups de commentaires félons et de cruauté dissimulée dans les mots mais revendiquée par le ton ! Les « Il est mignon » dit avec si peu de conviction ne sont-ils pas l’arme de la grognasse épouse du cousin, ou bien du neveu abruti se croyant génie car sortant tout juste d’une école d’ingénieur moins lamentable que les autres ? Le bonheur est dans le pré et les emmerdeurs à ma table ! Pourtant les mômes sont moins responsables car ils ne choisissent pas leur sort : s’il est vrai qu’ils sont parfois pénibles par absence d’éducation et même demeurés par des lacunes grossières dans leur scolarité, n’est-ce pas les parents qui sont à blâmer en tout premier lieu ? Et puis quitte à se moquer des tares de chacun autant s’en payer une bonne tranche avec l’entêté qui n’a toujours pas compris que le syndicalisme de grand papa est mort il y a cinq décennies… Enfin bon, les quolibets étant très utilisés dans les réunions familiales autant que j’aille de ma petite vacherie non dissimulée du genre « alors tata, toujours aussi conne et pingre ? »

Bon là... je sens que je serai expulsé de la table manu militari, pour le plus grand plaisir de mes nerfs et de mes oreilles !

Bien sûr que je déconne !

Quoique…

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