28 mai 2008

Largesses et étroitesse

En cette époque où le tout venant se croît être détenteur de toutes les libertés dont celle redoutable de critiquer son voisin, sans autoriser lui-même sa propre mise en lumière, il s’avère difficile de passer au travers des gouttes de l’exposition artificielle par les quolibets mais surtout l’esquive agile des critiques acerbe. C’est l’évidence : il faut être vu sans pour autant se montrer, voir sans être voyeur, et à ce petit jeu chacun suppose que son concitoyen de voisin est tenu de lui dévoiler ses secrets, dans le respect de la vie privée ça va de soi. Largesse de l’Homme vis-à-vis du désir d’être informé, ou étroitesse d’esprit permettant la gymnastique du « on peut espionner les gens tant que les gens ce n’est pas moi ».

Que de bêtises n’a-t-on pas raconté sur les services secrets, sur les réseaux de surveillance et sur les écoutes téléphoniques ! Que n’a-t-on pas vendu à la population avide d’informations croustillantes sur les muets de nos services de sécurité ! Depuis la période faussement libertaire de la fin des années soixante à celle contemporaine des attentats dits « islamistes » en passant par celle où tout passait par l’argent et le pouvoir (merci les années 80), l’ère est au déni de nécessité d’avoir un organe de sûreté tout en étant paradoxalement passionné par les frasques politico financières voire sexuelles de nos dirigeants ou de nos stars. Il y a deux camps qui s’affrontent : les paranoïaques et les voyeurs. Les premiers sont faciles à identifier, ce sont ceux qui n’hésitent pas à écrire une lettre anonyme (par timidité) au commissariat pour dénoncer le voisin turc et barbu, ce sont ces mêmes paranoïaques qui crient sur les toits que toute personne portant un sac à dos est un danger potentiel, ou bien qui se gave de chaînes d’information tout en oubliant de faire un tri indispensable entre le propos populo, l’info pure et dure, et l’analyse mal dégrossie. Le deuxième, ce voyeur est plus fin, plus dangereux et perfide. Le voyeur, c’est celui qui vous soutient qu’il se fout de la vie privée du président, qui se targue d’être totalement largué concernant les informations du jour et qui achète gala et/ou VSD en cachette de son entourage. Ces deux espèces sont donc contre l’espionnage (ah caca la violation des libertés individuelles) mais qui ne voient pas d’objection à la traque des personnalités par des charlots armés d’appareils photos ou de caméscopes.

En un mot : lamentable.

Pourtant, rien n’est plus nécessaire que d’avoir des espions… Ca y est, vous me regardez avec cet air de dire que je prône le retour d’une Gestapo… mais non tas d’hurluberlus soucieux de vos écarts conjugaux et de vos fraudes au FISC, si j’estime le besoin d’officines peu légales comme la DGSE ou bien la CIA, c’est qu’après tout la liberté n’est qu’une vue de l’esprit et que par conséquent c’est l’intérêt du plus grand nombre qui primera sur le petit intérêt égoïste de l’individu. Au surplus, je suis hélas convaincu que plus d’une fois les dits services se sont faits forts de désamorcer des situations épineuses sans en tenir informé le peuple. Regardez : une bombe explose dans le RER, tout le monde crie au scandale « Quoi ? Y z’étaient pas au courant ??? ». Un attentat est évité mais personne ne le dit ? Ah mais ma bonne dame, c’est le jeu du secret : on ne voit que ce qu’on est supposé voir, pas plus.
Il est de notoriété publique que bien des fois enfreindre les lois c’est préserver La Loi, la seule qui mérite d’être conservée à tout prix : la sécurité de la population. Je n’ai que peu d’estime pour celui qui, sous couvert d’un militantisme libertaire puant à pleins nasaux l’égocentrisme indécrottable affirme sans frémir que l’on peut se passer d’armée et d’espions, voire de police. Bah voyons, c’est si simple de prôner l’anarchie tout en tenant bien au chaud dans sa poche le numéro du commissariat le plus proche…

Un autre mot dans ce dernier cas : ridicule.

Enfin, s’il m’est donné de dire que je trouve légitimes (malgré ses aspects peu reluisants et liberticides) les actions des services secrets, ce n’est pas pour autant que j’admettrai un usage immodéré et inconsidéré d’un tel pouvoir. DGSE ne devra jamais rimer avec STASI, pas plus que nous, population assujettie au bon vouloir des politiques, saurions accepter sans rechigner des écoutes comme elles purent être pratiquées pour des buts purement personnels. L’usage de la force, tout comme celui du déni de démocratie doivent être des armes dans un arsenal dissuasif, pas répressif. Merci de ne pas amalgamer à tort le pardessus noir et la traction avec le costume trois pièces de ces fonctionnaires et serviteurs de l’état. J’ai en mémoire la phrase d’un ancien de la DGSE (lors d’une interview… je n’ai rien d’un membre de la « piscine ») : « Les présidents et les ministres passent, nous, nous restons ».

Une phrase : tout est dit.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

quand j'ai vu le titre "largesse et étroitresse" j'ai pensé à autre chose... Tu aurais du préciser "d'esprit"...^^

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Je me doutais bien que je récolterais sur la toile une population de gens attirés par d'autres ... sens.

Anonyme a dit…

Lire un bouquin de Serge Quadruppani: L'anti-terrorisme en France, ou, La Terreur intégrée 1981-1989.
Comme cela en passant.

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Merci pour la référence!