26 mai 2008

Bon... me voici de retour!

Bon...

Puisqu’il faut revenir tôt ou tard aux affaires, me voici de retour pour le grand plaisir des uns et le désagrément du plus grand nombre. N’étant pas exhibitionniste outre mesure (bien qu’un blog soit par essence une façon peu orthodoxe de se dénuder l’âme en public) je me garderai de vous donner trop de détails sur mes pérégrinations balkaniques et me contenterai de dire que je me suis reposé, que j’ai eu plaisir à revoir « mes » terres, et que surtout j’ai en réserve de quoi vous abîmer les rétines pour quelques temps encore.

Passons au sujet qui me titille le melon surmontant mon cou et mes épaules. Au cours d’une conversation d’une hauteur intellectuelle insoupçonnée avec un collègue dont je tairai le nom tant par respect de sa dignité que parce que… et bien parce que ce détail est inintéressant, il s’est avéré que le langage fut pris en défaut d’une manière fort convenue mais totalement impromptue. A la sempiternelle phrase de convenance « Tu vas bien ? » fut répondu un « Boarf ! » sonore, peu avenant et qui plus est particulièrement lourd de sens cachés. Le Boarf ? Quelqu’un en connaît la définition exacte ? Pour ma part, bien qu’il s’agisse d’une onomatopée classique, il s’avère être un terme qui à lui seul rebâtit et déstructure les discussions avec une terrifiante efficacité. Regardons y de plus près (pas de trop près cela pourrait nous faire perdre énormément de mots de notre vocabulaire, bien qu’il y ait des millions de personnes capables de survivre avec un vocabulaire de 300 mots, enfin passons).
« Boarf », ce n’est ni oui, ni non, ce n’est pas plus une affirmation joyeuse qu’un non triste et déprimant. « Boarf », c’est la nébuleuse, le « on ne sait pas trop où, mais c’est dans le coin » qui vous donne un avant goût de déprimante banalité sans pour autant avoir l’arrière goût amer d’une situation désagréable. Ce n’est pas clair ? « Boarf » l’est pourtant ! Aussi surprenant que cela puisse paraître ce passe partout oral sacrifie certes la syllabe et la forme au profit du fond, mais il donne avant toute chose la profondeur d’absence d’intérêt pour la question posée. Vous demandez « Alors ce week-end ? » et on vous répond « Boarf… » c’est on ne peut plus évident : c’est une fin de semaine placide, sans sortie exceptionnelle, le nez dans un plateau repas quelconque et les yeux plantés sur un programme décérébrant. Ca y est ? Vous me suivez ?

Il y a quantité de choses que la voix peut crachoter tel un phonographe hors d’âge : entre le « mouais », les « heu… » de sauvetage, ou encore les « hum » passe partout, toutes les émotions peuvent être résumées par quelques grognements sonores et signifiants. Le linguiste -que je ne suis pas vous noterez- est souvent confronté à ces gémissements tantôt maussades, tantôt joyeux mais souvent surannés qui viennent égayer le quotidien des propos tant de comptoir que de boudoir. Qui serait foutu d’aller fouiner l’origine du « boarf » si ce n’est un acharné espérant à tort pouvoir coller une étiquette et un pedigree soit latin ou … on s’en fout tant que c’est tatoué et estampillé quelque chose de connu ? Je m’amuse rien qu’à l’idée du pauvre type penché sur des volumes de grec ancien, décortiquant phonétiquement « Boarf » en espérant découvrir le saint Graal, la définition et la source de ce « ni oui ni non » morose sans être triste. Bonne chance, lui lancerais-je alors d’un sourire cynique mêlant moquerie à peine voilée et désespoir de la bêtise humaine lui totalement revendiqué.

Ma foi, si la langue s’offre alors le luxe du superfétatoire dans les formes et les circonlocutions, l’oral lui trouve le raccourci idéal sans qui toute discussion irait s’éterniser tout en gaspillant énormément de salive, à la grande joie des cafetiers et teneurs de tripots aussi peu reluisants qu’ils sont indispensables à la vie en société. D’ailleurs, si l’on allait faire un parallèle entre « Boarf » et la vie de tous les jours, n’est-ce pas « Boarf » qu’un shampoing à je-ne-sais-quoi supposé pêle-mêle protéger le cuir chevelu, vous délester des pellicules et même créer une brillance dans la tonsure d’un moine, ce foutu shampoing n’est-il pas « Boarf » en diable ? Ahurissant ! L’objet devenant signe de « On s’en fout, sans intérêt mais on s’en sert quand même ». Dans cette optique on pourrait pousser le vice (si j’ose dire) jusqu’à créer le label « BOARF » : la patère à torchon au double face ne collant jamais correctement, la télécommande universelle qui ne gère qu’un dixième des fonctionnalités, ou bien la fabuleuse invention offrant le confort du… non en fait la toute bête pince à billets qui n’est utilisée que par gage de prétention et de luxe ostentatoire. Risible ? Certes, mais l’Homme n’est-il pas par sa propre essence objet de railleries permanentes ? Arguons de notre intelligence pour pouvoir se moquer de nous-mêmes à défaut de pouvoir, hélas ne plus avoir à être pathétiques dans notre superbe… Boarf quoi !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Vraiment pas mal comme article, je me souviens qu'au bureau on s'était marré avec mes collègues sur "tous les sons inutiles qui sortent de la bouche", je pourrais pas développer carr boarf jdois retourner bosser!
Tchuss

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Je ne saurais trop recommander l'exégèse des lieux communs (voir les livres listés dans le bandeau de gauche) pour prendre toute l'ampleur de la vacuité des propos humains...

Anonyme a dit…

Rien à voir avec l'article mais je te propose de lire un livre de Swift qui va beaucoup t'intéresser je pense : "l'art du mensonge politique". (traduction du titre : plus c'est gros et mieux ca passe)

tchuss