16 avril 2008

Ne me faites pas rire, ça fait mal aux côtes

Bon, après quelques messages d’élucubrations (que je compte bien continuer par ailleurs), me revoici sur la brèche pour vilipender la publicité malsaine qui est fait sur une thématique récurrente : la famine dans le monde.

Au fait, désolé pour le silence d'hier, je n'ai pas eu le loisir de travailler ma plume. Voici donc un retour en fanfares (et puis les violettes pour tapisser mon chemin jusqu'à la gloire... bon d'accord je deviens mégalo et alors?!)

Tiens, c’est marrant, les gens constatent avec effroi que le tiers monde ne se nourrit pas correctement, qu’une part importante de l’humanité vit sous le seuil de pauvreté et que pardessus le marché que ces pauvres erres ne consomment quasiment aucun produits manufacturés. Quel drame ! Quel gâchis ! Ils pourraient nous acheter des céréales en boîte au moins ! Et non mes chers fumeurs de havane (je sais c’est cliché, mais on ne se refait pas), les pauvres ont pour priorité de favoriser l’économie locale bien assez catastrophique pour ne pas subir d’importations sauvages. Raisonnons à l’échelle d’un pays pauvre : pourquoi aller s’endetter avec des biens produits ailleurs alors que les mêmes sommes pourraient être allouées au développement local ? Pour la simple et bonne raison que les investissements et crédits sont proposés par les mêmes sociétés (et états) qui vendent les dites boîtes de céréale. En conséquence, nous avons donc le paradoxe de pays capables de produire de quoi se nourrir, mais qui achètent les marchandises pour faire tourner l’économie de nations riches. Ca semble compliqué ? Pas tant que cela, nous cautionnons même ce principe sans le savoir en favorisant l’importation et non en tentant de maintenir des industries. Typiquement il est devenu de plus en plus difficile, voire impossible de consommer des fruits et des légumes uniquement français car la demande du client ce n’est pas une appellation d’origine, c’est avant tout un prix de vente. En conséquence, nous avons des marchandises trop chères, soumises à des quotas et qui finissent souvent à la destruction en échange d’aides financières. Merci à la PAC (Politique Agricole Commune) de décréter qu’un agriculteur ne doit pas dépasser un taux maximal de production pour ne pas faire chuter les cours, mais sans pour autant s’assurer que les importations en provenance de l’extérieur de la zone soient régulées.

Que ce soit le Mexique, plus généralement l’Amérique du sud, l’Afrique ou bien des pays d’Asie, toutes ces régions vivent sous la pression de pôles industriels qui sont de véritables dictatures du prix bas : tu veux vendre et donc vivre ? On achète, mais pas cher ! Telle est la devise courante de ces systèmes où le petit commerce n’a pas à être cité. On vous expliquera que ces majors de l’agroalimentaire font en sorte de faire tourner ces pays, mais prenons la mécanique globale et détaillons là par étapes simples pour comprendre comment tant les pays pauvres que les clients en bout de chaîne, nous, les couillons en l’occurrence, nous subissons cette aberration morale (mais pas économique vu l’amoralité de l’économie de marché) :
1 Le producteur réalise un volume donné d’une denrée A. Ce volume subit bien entendu le prix du marché et il est difficile de le vendre à qui que ce soit plus cher que ce prix fixé par les majors. Ce prix a pour particularité d’ôter toute possibilité d’évolution de l’entreprise, tout juste permet-il de couvrir frais et dépenses courantes et de payer un salaire décent (et encore à l’entrepreneur).
2 La major, en s’assurant un prix bas et des volumes d’achat gigantesques maintient donc d’une part le producteur comme une société annexe, mais sans les risques financiers, et d’autre part s’offre une marge confortable à la revente.
3 Le produit est importé, subit le surcoût du transport, passe par des intermédiaires souvent de paille puis atterrit dans une usine de transformation. On applique donc encore une fois une marge confortable.
4 Le produit « transformé » (oui, laver des tomates c’est une transformation !) est alors vendu aux centrales d’achat des distributeurs nationaux. Re-marge.
5 Le produit est vendu (VENDU AVEC MARGE !) au magasin final qui lui-même le revend enfin à nous, pauvres pigeons incapables de se séparer de ce système inepte.

De fait entre le producteur et l’acheteur final, nous, le prix peut aller jusqu’à se décupler ! Colossale culbute, colossale escroquerie morale, et parfois même cautionnée par des politiques comme celle d’échange « Matière première contre biens manufacturés ». Donnez-nous vos bananes à pas cher, nous vous donnerons des radios produites à moindre coût. Tout le monde y gagne sauf évidemment les personnes ayant besoin de devises pour progresser.

A l’heure actuelle la misère mondiale est maintenue et même souhaitée de manière à ce qu’aucun monopole ne soit remis en question. Est-il par exemple logique que des milliers de tonnes de céréales soient détruites chaque année sous prétexte que celles-ci seraient dangereuses pour le cours du marché ? Allons, un peu de sérieux : le cours est déjà fixé et la production subit et n’a pas son mot à dire. Il y a quelques années les éleveurs de porcs français avaient demandés à ce que le cours de la viande soit revalorisé pour leur éviter un endettement fatal à leur activité. Qu’a-t-on fait ? On a simplement décrété des aides à la branche au lieu de faire levier sur les distributeurs. Aussi absurde que cela puisse paraître, les gouvernants n’ont pas osé toucher aux bénéfices de ces sociétés, et bien entendu en arguant que le prix de vente final augmenterait. Tiens donc, ce n’est pas déjà le cas ?

Enfin, n’oublions surtout pas que le principe même de l’économie de marché voudrait que la concurrence soit ouverte à tous les étages, et que le plus productif (et surtout le plus performant) gagne la mise. Là, on est dans un schéma où aucune concurrence n’est possible puisque le gros « possède » indirectement le petit. Si le Mexique est affamé c’est donc que d’une part ils doivent de l’argent aux gros, que cet argent servait à acheter des biens chez les mêmes gros… et que là les prix des gros sont montés ! Imaginez le cercle vicieux : j’ai besoin de me nourrir, donc j’achète. Il n’y a qu’un vendeur… je n’ai pas d’argent donc j’emprunte. A qui ? Au vendeur pardi ! Donc on lui reverse sa propre monnaie tout en lui devant les intérêts dessus. Allons au bout du raisonnement cette fois ci : pour peu qu’on veuille couler une nation, rien n’est plus simple, il suffit d’augmenter le prix des matières premières, assassiner l’économie en la plombant d’un coût alimentaire inacceptable, et finalement de réclamer son dû à l’état déjà moribond. Qui a osé parler d’aide alimentaire ? J’en ris d’avance rien qu’en imaginant les bonnes âmes déposer des paquets dans les banques alimentaires, produits qui bien entendu arriveront en retard, pillés, ou pire encore dégradés par le transport. Ca vous paraît logique, à vous qu’un pays qui puisse cultiver la canne à sucre ait besoin de sucre en poudre ?

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