22 avril 2008

Le jour de l’atterre

Amusantes ces journées où la bonne conscience s’étale en quatre par trois sur les murs des villes, dans la lucarne à propagande ou sur les ondes hertziennes. Amusantes aussi ces réactions épidermiques où tous les vindicatifs s’engouffrent pour taxer leur voisin de sagouin, de mauvais bougre et de tirer les sonnettes d’alarmes qui sont à leur disponibilité. Et puis tout aussi amusantes les démonstrations de bonne foi qui ne durent qu’un jour. Tout comme je fus un râleur pour la journée de la femme je râle pour celle de la planète. C’est tout de même bien facile de nous en coller pour une journée alors que la terre est notre environnement quotidien, non ? Nous sommes donc si bornés qu’il faut nous marteler notre incurie à coups de publicités ? Comme si les concepteurs de réclames, vendeurs de bienséance et afficheurs d’états d’âmes travaillaient gratuitement. Allons, il est de notoriété publique que les annonceurs sont des œuvres de charité…

Je suis atterré par cette dégoulinante démonstration de faux espoir qui engorge tant nos téléviseurs que finalement tous les médias disponibles. Entre un site tel que Yahoo ou Google qui affichent ostensiblement leur déterminisme écologique, et des journaux financés par la publicité se targuer d’être recyclables, j’ai de quoi me demander qui est l’idiot dans l’histoire. Pourquoi ne pas commencer par les fondamentaux en éduquant simplement les enfants pour qu’ils mettent en œuvre les gestes simples du tri sélectif ou du pourquoi il ne faut pas jeter ses déchets par terre. D’une certaine manière on veut moraliser les choses au point qu’on fait de tout citoyen un terroriste écologique. Oui nous polluons, oui nous souillons, mais merci d’éviter de jouer les hypocrites en matraquant les gens sur le terrain de la mauvaise conscience ! Le réalisateur est-il plus écolo que le spectateur ? Je ris d’ironie en observant les jolis documentaires et autres films supposés nous montrer la beauté de la nature, le tout tourné depuis… un hélicoptère. J’ignorais franchement qu’un hélico était le moyen le plus propre pour se déplacer. Enfin bon, je ne serai pas cynique là-dessus, quoique ce serait tentant de poser la question aux caméramans et autres financiers de ces jolies démonstrations de moralisation.

Bref, l’écologie est un terrain meuble où se plante pêle-mêle les aspirations de vieux anarchistes qui ne sont toujours pas revenus des idéaux de 68 et celles de fanatiques au moins aussi misanthropes que je le suis. La démarche écologiste ne devrait pas être un combat contre l’homme, elle devrait être un combat pour la cohabitation avec l’homme, c’est une nuance de taille qui, semble-t-il, n’effleure pas les pires extrémistes dans ce domaine. Loin de moi toute idée de rejeter la démarche avec virulence car sans quelques volontaires rien ne serait fait, mais à tout choisir choisissons la pédagogie et non l’affrontement. Chacun à notre échelle nous pouvons faire du bien, charge aux politiques d’engager des actions d’éducation et non de répression. Considérons aussi que le citoyen est un maillon important certes, c’est aussi oublier le rôle des industriels. Pour l’heure, être propre coûte plus cher que d’être sale, et payer les amendes forfaitaires n’engage en rien la responsabilité des grands groupes. Ce n’est pas pour rien que Total se débat pour ne pas payer les dégâts de l’Erika, tout comme les compagnies responsables du trafic de déchets à destination de l’Afrique font en sorte de se cacher derrière des sociétés fictives. C’est par le bout de la grande échelle que nous pourrons alors prendre en main notre avenir, pas en martelant à qui veut l’entendre que nous sommes tous des pourris … quant bien même je serais assez d’accord avec cette description.

Somme toute l’action écologique doit avant tout partir d’une démarche pragmatique et non pas d’une fleur au fusil. L’esprit du « flower power » est bien oublié et le gain d’institutionnaliser l’amour est absolument nul. Tant qu’à faire écologique autant le faire avec à l’esprit l’obligation de le faire de manière constructive. Prenons quelques exemples simples : en légiférant sur les contenus des produits de construction nous pourrions donc introduire des éléments non polluants, économiquement viables et même issus du recyclage dans le BTP. Des exemples ? l’isolation basée sur des plantes renouvelables comme le chanvre, des peintures à pigments naturels et sans solvant, l’amélioration des procédés de fabrication des structures pour les immeubles, l’incitation à la conception de ces structures pour économiser l’énergie… tout ceci ne tient pas d’un fantasme d’écolier mais d’une cible à atteindre. Continuons plus avant : les gens « pleurent » le prix du pétrole en oubliant (confortablement installés dans un canapé) que le dit carburant est fossile et non renouvelable… donc de plus en plus rare. C’est inéluctable, tôt ou tard nous serons à court. Alors, pourquoi pas les nouvelles technologies ? Parce que nous, autant que les industriels, nous refusons tous de mettre la main dans la poche pour financer les études et trouver de vraies solutions durables à un problème délicat. On ne se passera pas de pétrole (et dons de ses effets pervers) comme si l’on décidait du jour au lendemain d’arrêter la production de tabac par exemple. C’est une démarche citoyenne qui s’imposera d’elle-même avec une véritable décision d’informer et non de culpabiliser. J’ai en mémoire la campagne supposée faire rendre les gens prudents sur l’éclairage domestique. Le bon sens veut qu’on éteigne en quittant une pièce, le manque d’habitude fait qu’on l’oublie. Pourquoi dire aux gens qu’ils sont cons quand ils ne font pas ce geste simple ? Mieux valait leur dire simplement qu’un peu de volonté nous rend intelligents…

Enfin bon, vive la Terre, celle de tous les jours, pas celle d’une journée de bonne conscience collective.

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