12 mars 2008

Une page se tourne

Et quelle page… Le dernier des poilus de la grande guerre est décédé aujourd’hui. Lazare Ponticelli est mort à l’âge de 110 ans et emporte avec lui la dernière voix française de cet enfer que furent les tranchées. Gardons nous de toute polémique sur ce qu’est la guerre, laissons de côté les vaines discussions que menèrent quelques politiques soucieux de se faire une image avec cet homme et rendons hommage, à travers lui, au courage des soldats tombés des deux côtés. Gentil ? Méchant ? Quelle importance ? Il a vu et entendu de telles horreurs que les mots manquent, que le superfétatoire de la langue devient ridicule et que seul le silence parvient à définir l’immensité de la douleur.

A vous, Monsieur, à vous tous, hommes et femmes ayant eu à vivre cette terrible et inutile guerre, à ceux qui ont creusé des tranchées pour y périr, j’estime que la sonnerie aux morts du clairon n’est pas juste nécessaire, elle est encore trop petite pour élever la gloire de votre sang versé. A présent que cet homme n’est plus la vielle Europe peut décréter que l’oubli est autorisé. Les monuments érigés au souvenir du « plus jamais ça » seront peu à peu délaissés, oubliés, puis qui sait un jour rasés pour construire une autre place ou un autre monument pour les conflits à venir. Quel sens la jeunesse donnera au 11 Novembre à présent ? Des générations se succèderont et le souvenir de l’aïeul parti au front et souvent jamais revenu se perdra dans les méandres de la généalogie et bien des tombes finiront abandonnées faute de personnes au courant qu’elles existent.

L’anonymat, atroce situation où un « inconnu » est porté sur la pierre fut le lot de trop de tombeaux et aujourd’hui encore des dépouilles ressurgissent pour être, elles aussi, inhumées avec une certaine dignité… mais sans la famille autour. De ces millions de morts qui saura évoquer avec justesse leurs souffrances ? Ce fut le premier conflit filmé et couvert par la presse, ce fut également le premier grand conflit tant mécanisé (aviation et blindés) qu’extrême dans l’atrocité (emploi des gaz de combat). Ne méritent-ils pas de survivre dans nos mémoires plutôt que de périr dans le passé ? C’est un défi permanent que de savoir où nous mène le destin, c’est un problème délicat que d’envisager le futur et de savoir si, par chance, la paix sera maintenue.

Monsieur Ponticelli n’a pas eu la chance de vivre la paix comme nous la connaissons : premier conflit mondial, puis le second, les guerres de décolonisation… que de jeunes il vit partir au front, que de pleurs il a du entendre de mères effondrées. N’est-ce pas là un prix terrible à payer pour avoir le droit à un peu de quiétude ? Volontaire à 16 ans, il est parti comme trop de ses camarades pour défendre la patrie. 1,6 millions ne sont jamais revenus côté français. Les chiffres, ces maudits chiffres n’ont plus de sens tant ils sont démesurés. Aujourd’hui l’on se contente de voir ces statistiques bien ordonnées dans les livres et nous sommes parfois même amenés à ne pas nous en souvenir. Lui se souvenait, lui parlait et savait ce qu’est la douleur de perdre quelqu’un pendant le combat. Rien que pour cette mémoire perdue il mérite une larme et un silence respectueux.

Certains politiques vont se servir de l’image de cet homme pour « un hommage national ». La dignité voudrait qu’on lui rende hommage en effet, mais qu’on le fasse pour tous les combattants. Il a vécu pour nous dire, nous faire dire que « la der des ders » ne l’a malheureusement pas été que le vœu pieux du « plus jamais ça » est resté vivace en lui. A chacun de trouver la voie qui mène à la paix, à chacun de nous d’amener le monde et ses dirigeants à comprendre que ce n’est pas le peuple qui doit payer l’absence d’entente mais aux chefs de ne pas se cacher derrière « C’est la faute de l’autre » pour se donner une caution morale.

Il reste aujourd’hui dix survivants dans le monde. Dix, juste dix sur les 11 millions de morts au front. Un bien petit chiffre qui pourtant représente ce qui reste de ces combats atroces qui, je le souhaite, restera à jamais un symbole de la folie humaine pour que jamais plus nous recommencions un tel carnage. Encore un vœu pieux ? Probablement mais qu’importe, mieux vaut faire un vœu que de laisser faire…

Le dernier des poilus . (c)AFP 2008

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Ceux qui oublient le passé se condamnent a le revivre…

Anonyme a dit…

N'oublions jamais les jeunes qui sont morts, ceux qui sont revenus,meurtis d'avoir perdus leurs camarades de guerre

Anonyme a dit…

tres bon hommage
dans cet article !!!