23 mars 2008

En mémoire d'un jour de Pâques 1916

Je ne puis exprimer autrement que par ces quelques mots le respect que j’éprouve pour celles et ceux qui se sont levés à Pâques, en 1916, contre l’oppression et les fusils, à Belfast. Qu’il soit rendu hommage à ces gens courageux qui ont refusés la répression, qui ont choisis le combat et l’orgueil plutôt que la mort de ce qu’ils étaient. Que les drapeaux irlandais soient placés sur les avenues, qu’on les mette en berne de manière à rappeler la douleur d’un peuple à qui l’on refuse, aujourd’hui encore existence et respect. A ceux qui ont mis leurs pas dans ceux des Michael Collins, de Patrick Pearse, puis plus tard lors du « Bloody Sunday » ceux de John Duddy, Patrick Joseph Doherty, Bernard McGuigan, Hugh Pious Gilmour, Kevin McElhinney, Michael G. Kelly, John Pius Young, William Noel Nash, Michael M. McDaid, James Joseph Wray, Gerald Gerald McKinney, William A. McKinney et John Johnson, je baisse les yeux de honte et salue votre courage et ce dévouement qui mène trop souvent à la mort.

On oublie, on tourne la page, mais eux n’ont pas accepté de tourner celle du grand livre de l’indépendance, ces écrits qui réclament liberté et honneur. Pour la majorité des gens ces mots sont creux, vides de sens tant ils sont vendus leurs âmes à des causes minables et égoïstes, ils souillent la valeur de l’héroïsme ordinaire de leur existence. A exister sans être fier, autant ne plus exister du tout. Sacrifiée sur l’autel des bonnes relations avec l’empire britanniques nous avons fermés nos portes et les yeux quand la répression s’est faite honteuse dans les rues de Belfast. Qui sommes-nous pour oser leur refuser le droit de se tenir droit ? Nous ne sommes même plus capables de regarder en face la vérité simple qui est qu’il subsiste, à nos portes, un système basé sur l’impérialisme et la répression. A quand les prochains coups de fusils pour faire taire les envies de liberté d’un peuple ? Les villes d’Irlande du nord sont les dernières d’Europe où circulent régulièrement l’armée et les blindées au nom du maintien de l’ordre. Qui peut tolérer une telle insulte à la dignité d’un peuple ? Quand ôtera-t-on les barbelés placés sur les murs entourant les quartiers catholiques ? Quand le traitement d’un catholique sera-t-il équivalent à celui d’un protestant ?

L’Angleterre a la mémoire courte : les protestants furent pourchassés, torturés et massacrés de part leurs croyances, l’église romaine leur a fait subir le joug politique du bras armé des états d’Europe. Pourquoi oublient-ils ? Pourquoi répètent-ils le même modèle honteux ? Sommes-nous si arriérés qu’on doive oublier le respect d’autrui ? A l’heure actuelle la gestion du territoire Irlandais tient en deux mots : ordre et soumission. En quoi les négociations faites jusqu’à présent sont-elles profitables à qui que ce soit puisque le Sinn Féin est encore considéré comme un parti terroriste ? L’IRA n’a jamais eu pour but d’être une armée de terroristes, elle a tenté de défendre l’existence d’un état oublié de tous. Je renie donc à toute autorité européenne le droit de critiquer ou même de commenter les actions de ces groupes armés. N’a-t-on pas élevé en héros les combattants de l’ombre de la seconde guerre mondiale ? N’étaient-ils pas considérés par l’occupant comme des terroristes ? Remettre de l’ordre dans notre morale à deux vitesses est une nécessité absolue.

Pâques est symbole de renaissance et non de mort. De part le monde des millions de catholiques se remémorent cet événement, et les autres fêtent tels des païens la venue des cloches. Le chocolat est distribué dans les maisons, mais combien savent que ce jour là, en 1916, des gens prirent leur courage à deux mains pour obtenir ce qui n’était pas une exigence mais un droit, celui de vivre libre. Simplement libre. La foi parle de la renaissance comme d’une chose qui symbolise aussi l’ascension de l’âme vers le paradis, la pureté des convictions face à l’oppresseur armé. Si le Christ a été crucifié ce fut pour symboliser le joug des romains et leur détermination à écraser la foi des chrétiens. L’ironie de l’histoire voulut que l’empire fut peu à peu métamorphosé par cette nouvelle croyance, et pour finalement faire de l’empire Romain le premier empire du monde au gouvernant converti au christianisme. Cette ironie, pourrait-elle arriver en Irlande pour qu’enfin les drapeaux ne soient plus en berne mais flottant à la brise légère d’un printemps verdoyant ?

Je me sens honteux de ne pas pouvoir mieux rendre hommage à cette volonté de ne pas se laisser briser par la volonté d’un empire, j’ai honte de n’être qu’un homme parmi tant d’autres, de ceux qui ne font que tenir une plume et non un fusil pour, moi aussi, pouvoir présenter ma poitrine et hurler aux automitrailleuses : « Si je dois mourir, ce sera avec fierté. Si je dois vivre, ce ne sera jamais à genoux ! » Gloire à vous, oui gloire et honneurs. Que les verres s’emplissent pour arroser votre sacrifice qui ne sera jamais vain. Malgré l’absence de victoire la mort d’un homme est sans prix : la mémoire d’un peuple suffit à en faire de l’or. Qu’il soit rappelé aux peuples du monde les paroles de Shakespeare concernant une autre bataille, celle de la Saint Crépin :

« Cette histoire, l'homme de bien l'apprendra à son fils,
Et la Crépin Crépinien ne reviendra jamais
A compter de ce jour jusqu'à la fin du monde
Sans que de nous on se souvienne,
De nous, cette poignée, cette heureuse poignée d'hommes cette bande de frères.
Car quiconque aujourd'hui verse son sang avec moi
Sera mon frère; si humble qu'il soit,
Ce jour anoblira sa condition.
Et les gentilshommes anglais aujourd'hui dans leur lit
Se tiendront pour maudits de ne pas s'être trouvés ici,
Et compteront leur courage pour rien quand parlera
Quiconque aura combattu avec nous le jour de la Saint Crépin. »


A toi Irlande, à toi mon ami l’Irish, je dédie ces paroles, et qu’un bouquet de violettes soit déposé sur les tombes pour leur dire que non, nous autres qui ne sommes pas Irlandais, nous n’oublions pas…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ne crains pas , mon ami, de ne sabrer les fléaux de ce monde qu'avec ta plume et de bretter avec ton verbe puissant et cinglant. Tes mots resteront sans doute un jour dans le coeur d'autres hommes, alors que la ponctuation d'une détonation ou le point final d'une déflagration ne restera pas longtemps dans l'esprit des hommes. Je peux te dire déjà, que ces quelques mots dédiés à un peuple fier, que ta pensée envers les filles et fils de la Vieille Elatha sont pour l'Irlande une belle victoire. La victoire de la fin d'un isolement, de la parole d'un étranger à ce conflit qui parle de l'Île d'Emeraude. Si tu savais comme cela me touche... Depuis quelques années, plusieurs milliers d'Irlandais ont fini cloués sur des portes d'églises, pour le simple fait d'être catholiques. En France, je n'en ai entendu parlé que deux fois. Une fois dans Le Monde et une autre fois dans les propos de l'ambassadeur d'Irlande (celui de Bruxelles, si je me souviens bien). Alors oui, c'est touchant de savoir que quelque part, au loin de nos horizons, une âme se souviendra de nous et aura écrit notre éternité au soin de sa plume. Merci pour nous tous. Merci pour tous ceux qui luttent pour leur liberté et leur droit à vivre suivant leurs choix. Et ce, contre souvent ces mêmes sociétés qui participèrent à l'édification de la SDN ou de l'ONU, au droit légitime de chaque Peuple de se déterminer par soi-même. Mòran taing.

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Ce sont les paroles d'un frère qui a vu le sang de son pays couler en vain. J'ai senti cette même odeur de poudre chez moi... nous avons réussis, vous y parviendrez.

Chez nous, on a un mot pour en réunir deux de la langue française.

Bonne chance se dit Sretno. Sretno moj brat.