25 février 2008

Quatre roues

Je vais décevoir les amateurs de dessins animés de qualité mais il ne s’agira pas de commenter l’excellent film d’animation du studio Pixar (à ce titre je vous conseille leur dernier film nommé « Ratatouille » qui est un vrai régal à tous les niveaux), mais en fait d’aborder la rude et délicate question du handicap. Etant ami avec l’un d’entre eux, je puis sans difficulté énumérer les bêtises et autres hontes dont nous nous affublons quand il s’agit de traiter avec eux. J’omets de dire que je me refuse à faire une brève sur la performance de notre président au salon de l’agriculture au titre que j’ai trouvé son comportement indigne par deux fois de la charge présidentielle. Qu’il se ridiculise, il n’a même plus besoin d’analystes pour identifier ses bourdes…

Revenons donc au sujet du jour je vous prie. Tous autant que nous sommes (je parle des valides, du moins ceux qui se targuent de l’être), nous sommes pour la plupart totalement incapables de gérer la proximité d’une personne ayant un handicap qu’il soit physique ou mental. D’ailleurs j’insiste lourdement sur la formule « Personne » : les handicapés sont des personnes à parts entières et pas une caste de gens à exclure de notre société. Je diverge, m’énerve et grogne… je vais finir par perdre le fil. Ah oui, ça y est : je disais donc que nous tous, chanceux de ne pas connaître une existence différente nous sommes réduits à l’impuissance par ces personnes qui ont bien souvent besoin de nous pour des choses élémentaires comme se laver et même se nourrir. Pourquoi avons-nous un geste de recul, cette faiblesse morale de fuir au lieu d’être simplement humain ? Probablement par crainte d’être maladroit autant que de se sentir inutile car oui, finalement c’est notre inutilité avérée qui nous frustre plus qu’autre chose. Il est connu que le handicap n’est pas contagieux, sauf excepté dans les zones minées ou bien dans les régions atteintes par la lèpre, mais globalement toucher quelqu’un en fauteuil ne risque pas de vous y coller à votre tour.

Ce qui me fait souvent hurler de colère c’est qu’une fois de plus tant que quelqu’un n’est pas directement impliqué par la problématique son comportement sera celui de l’indifférence la plus scandaleuse, et poussera même le vice jusqu’à brailler sa colère quand un retard se fera jour dans un train sous prétexte de « Encore un handicapé à embarquer. Font ch… ces gens là ». Ces gens là : notez le dédain teinté d’un racisme qui ne se revendique pas. En quoi celui touché par le destin ou la maladie devrait pâtir de la bêtise d’un égoïste ? Dans une société où la maladie se soigne, où la durée de vie se prolonge sans arrêt, on trouve encore le moyen de traiter le handicap comme une tare. Je suis passablement révolté par le manque de respect dont on fait preuve pour le quotidien de ceux et celles qui vivent ces difficultés : places de parking utilisés par le fainéant parti faire ses courses avec sa morue (je pèse mes mots et les maintiendrai même dans un tribunal), le manque chronique d’équipements fondamentaux dans les lieux publics (certaines administrations sont inaccessibles… et il s’est avéré que fut une époque les services dévolus au handicap étaient eux aussi touchés par ce problème ! Un comble !) et pardessus l’absence totale d’aide de la part du quidam. « Qu’il se démerde ce gars en fauteuil »… Ecoeurant.

Je parlais du handicap moteur car il est celui que je connais le mieux. On ne remarque que rarement le fauteuil roulant, on s’en moque, on n’y pense pas. Il n’est là que quand il est « trop tard » ; Désolé pour les imbéciles bornés croyant que toutes les personnes assises dans un fauteuil sont des victimes de la route : la maladie peut faire de vous un utilisateur de ces équipements tout comme les accidents de la vie auxquels bien des crétins ne songent même pas. On ne demande jamais à finir paraplégique, on le subit. On ne demande jamais à être dépendant des autres pour sa toilette : on fait avec en serrant les dents. On ne demande rien d’autre que d’être accepté comme on est. Voilà ce qu’ils demandent. Je voue un grand respect à celles et ceux qui se battent chaque jour contre un corps défaillant, se débrouillant tant bien que mal pour avoir une indépendance suffisante pour ne pas se sentir tel un poids pour l’entourage. L’autonomie c’est un trésor que l’on gâche à loisir et qui lorsqu’on la perd vous semble la valeur la plus indispensable au monde. Quoi de plus ordinaire de pouvoir aller aux toilettes ? Quoi de plus gratifiant que de ne plus à être assisté pour le faire ? Songez y, ce n’est pas anodin.

Et dire que les maladies génétiques abîment le corps n’est pas un vain mot : entre maladies orphelines et syndromes ne présentant pas encore de traitements la liste est trop longue pour la détailler ici. Le physique est si fragile qu’il est incroyable que nous soyons si nombreux à ne pas souffrir de tels problèmes. La chance génétique probablement. A côté de cela les maladies déformant l’intellect ne sont pas non plus tendres avec l’être humain : trisomie, retardement mental… Pourquoi les cacher et les traiter en sous-hommes ? Le sourire honnête et franc d’un enfant atteint de trisomie me touchera toujours plus que le râtelier détartré d’un hypocrite prêt à tout pour se faire une place au soleil. L’enfant lui au moins aura cette chose pure que l’on perd en vieillissant : la candeur. Ce n’est pas pour rien que les gens atteints d’un retard mental plus ou moins grave s’avèrent être si attachants, c’est parce qu’ils aiment sans compter, se donnent sans réfléchir et qu’au bout du compte vous offrent ce qu’ils ont de meilleurs en eux. Bon nombre de crétins qui seraient avisés d’apprendre à vivre pensent que celui atteint de mongolisme est inconscient de son état. C’est une lourde erreur de croire que parce que l’esprit est plus lent que l’être n’a pas conscience de ce qu’il est. Perception et capacités mentales sont deux choses totalement différentes : on peut être lent à comprendre et être pleinement capable de le constater et l’admettre.

Honte à ceux qui ne savent pas aimer la différence, honte aux égoïstes qui se plaignent des places handicapés en ville, honte aux cons (je le répète et le revendique : SALES CONS !) qui refusent d’être charitable et généreux sans retour. La vie avec le handicap ça demeure la vie et rien d’autre. J’admire mon ami qui, malgré sa tétraplégie insuffle une chaleur intérieure à tous ceux qui le côtoient. Sa force et sa détermination me font frémir tant son regard brûle d’une flamme intense. Il vit, et je suis content que ce soit le cas. Merci à toi, mon pote, mon ami.

PS: Les industriels, ça ne vous viendrait pas à l'esprit qu'il faudrait améliorer certains produits pour aider le quotidien des handicapés? A l'heure actuelle il est tout particulièrement difficile de trouver des équipements adaptés ne serait-ce qu'en domotique ou en informatique. Tous les acheteurs ne sont pas valides, pensez à eux!

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Honte à ceux qui ne peuvent comprendre le handicap d'un enfant
Honte à ceux qui disent"regarde t'a vu comment il est "
Alors on oublie , les cons, les regards, leur envie de dire, pourquoi tu l'a mis au monde? parce que la vie est là, et que l'obstination d'une mère veut que son enfant ne souffre jamais de la connerie humaine, désolée des mots, c'est ce que je vis,
Merci à vous d'aborder un sujet qui me tient à coeur

Anonyme a dit…

Merci de ce beau post... avec lequel, je ne peux être bien sûr que d'accord ! ;o) Ma fille a "l'intelligence" d'apprécier la vie, de se réjouir de petits riens... comme la présence de sa mère, qe quoi boire et manger, un dessin animé, un bébé qui s'agite, un petit qui descend le toboggan, un chien qui vient lui lécher la main... Elle ne "réussira pas" sa vie, ne gagnera sans doute jamais d'argent... et pourtant... quel trésor ! Et j'aime mieux ma vie que celle de tel ou telle qui ne vit que d'argent, de gloire, de reconnaissance...

Anonyme a dit…

AH, j'oubliais... jolie découverte que ce blog au détour d'un commentaire sur le mien... ;o) Merci !

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Merci à vous d'être venue me lire, c'est un plaisir.

Anonyme a dit…

Aveugles avant la fatalité.
Sourds après qu'elle les frappent.

Finalement, JFPALF, tu ne pourras que constater la connerie d'autrui mais pas lui nuire. Tristement, je me dis même puisqu'il n'y a plus de chroniqueur en ces temps millénaristes que tu passeras sans doute à la postérité quand tu seras découvert ou publié. Et les autres de demain seront d'accords avec toi. Mais je doute que ce soit par intelligence. Plus pour se cacher de nouvelles conneries que le futur inventera ou consolidera... Et alors? Que faire?, me diras-tu... Rien, continuez à faire ce que tu fais, ce que nous faisons et tant pis pour eux. Tant pis pour les cons.