12 février 2008

Deux chevaux !

Tout d’abord je tiens à saluer mes lecteurs pour avoir pris la peine de me lire hier soir, ce fut pour moi une réussite que d’obtenir des réactions de surprise et un rien d’agacement dans la conviction naissante que j’aurais changé de bord ou que, pire encore, je me sois moqué de vous durant ces presque deux années d’existence. Ceux qui au contraire ont ri de ma boutade se voient remerciés avec chaleur, ceci prouvant également que le second degré et la dérision sont des choses qui sont appréciés ici bas. Dans tous les cas cela n’a pas laissé indifférent et je m’en félicite.

Revenons au thème du jour. J’avais un temps envisagé d’aborder une question délicate qui est celle du « héros » désabusé et usé par ses convictions et voilà que l’histoire automobile me rattrape avec l’anniversaire de la 2CV ! 60 ans l’ancêtre tout de même ! C’est hallucinant que ce… bon là c’est fou mais j’en vois déjà plein qui ont décroché et qui se disent « il va nous gonfler avec ses vieilles bagnoles… allez on se prend un pot ? », mais sombres personnages que vous êtes, la dite bagnole en question a un historique tout à fait intéressant et qui plus est représente le meilleur de ce que l’homme peut avoir au fond de lui. Vous ne me croyez pas, misérables cloportes satisfaits de ces machines sans relief que sont devenues les automobiles ? Et bien lisez donc ce qui suit.

Tout d’abord il s’agit de savoir pourquoi et comment fut conçue la deux pattes : un engin polyvalent, pas cher et surtout facile à fabriquer. L’étude fut lancée dans les années trente sous le code TPV (très petite voiture) avec pour objectif de motoriser la France des prolétaires (front populaire oblige) et ce rapidement. Tout d’abord minimaliste avec un seul feu, un essuie-glace manuel et pas même un chauffage, l’engin dût se cacher pendant l’occupation Allemande. Théoriquement, si les bureaux d’études de Citroën avaient obéis à l’occupant, les prototypes et les plans de la TPV auraient dû rejoindre Berlin et ainsi être mis à contribution dans l’étude de la VolksWagen. Evidemment, franchouillards que nous étions à l’époque, les dits ingénieurs s’échinèrent à traîner les pieds, cacher les maquettes et même envoyer une caisse lestée de pièces usagées pour tout prototype de conception. De là, si ce n’est pas de la résistance passive qu’est ce que c’est ? Ces hommes et ces femmes, déterminés à conserver l’idée et désirant aboutir à quelque chose de concret, la TPV fut donc un secret en interne, une espèce de Graal à produire pour pouvoir relancer la machine au sortir du conflit.

Une fois la grande lessive terminée, l’étude reprit de plus belle pour déboucher sur le modèle d’exposition de 1948 qui fut en soi la première « vraie » 2CV : peu puissante (d’où son nom pour sa puissance fiscale), la voiture n’en était pas moins une voiture d’ingénieur. D’ailleurs, petit aparté : les voitures Citroën, du moins jusqu’au rachat par Peugeot furent souvent nommées voitures d’ingénieur de part des conceptions innovantes, mais aussi la nécessité d’être ingénieur pour en comprendre les subtilités. C’est ainsi que la 2CV fut équipée de suspensions à pots inédites, de dispositifs à clips pour la carrosserie, ainsi que d’un moteur bicylindre à plat à refroidissement à air. D’abord boudée pour son style bizarre, elle fut rapidement le symbole du retour à la prospérité. Voiture de monsieur tout le monde, depuis le paysan jusqu’au docteur, engin de madame comme second véhicule, le concept n’évolua pas des masses jusqu’à la fin de sa production en 1990. Et oui, 42 ans de productions messieurs dames, un record du genre, ainsi que plus de 5 millions de voitures vendues (toute finition et dérivés confondus, dont environ 1,2 millions de version utilitaire).

Ce qui est important dans la 2CV ce n’est pas tant sa conception particulière et minimaliste (voir l’intérieur d’une 2CV c’est voir des fauteuils de camping fixés sur un plateau de tôle nue), c’est aussi le symbole même du côté récréatif de la voiture : facile à vivre et à entretenir, pour ainsi dire indestructible, dure au mal au point d’avoir été maltraitées de partout, elle a fait preuve de sa bravoure sur tous les continents. Aujourd’hui encore c’est un emblème de la France au point que le cinéma étranger n’hésite pas à en placer une comme cliché des rues parisiennes, malgré sa disparition progressive de nos routes.

La 2CV, inadaptée aujourd’hui ? Pourquoi donc ? Polluante ? Plus suffisamment sûre ? Techniquement il y a probablement du potentiel pour nous pondre la 2CV du futur, j’entends par là une voiture avec une vraie bouille, pas un œuf sur quatre roues, et de plus aussi peu chère avec l’essentiel : quatre places, quatre portes, un moteur et un volant. Le reste pouvant être relégué au rang d’options, je suis convaincu qu’on pourrait avoir une forte demande d’étudiants, de salariés peu fortunés et de personnes cherchant une voiture de ville pour pas cher, tous fédérés derrière l’idée que l’automobile ça peut être pas cher et un plaisir à la fois. Si les constructeurs me lisent, qu’ils songent au succès de la 2CV, de la Fiat 500, de la Coccinelle ou de la Mini… urbaines, mignonnes, décalées ensuite et rustiques. Des bagnoles quoi.

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