14 janvier 2008

Une arche à la dérive

bon... j'avoue... j'ai été un rien flemmard ces derniers jours, alors permettez-moi une pirouette en vous offrant un article ce soir et en espérant ne pas avoir trop déçu de lecteurs.

Cordialement...

Il est évident que même les moins attentifs des français ont tôt ou tard eu ouïe dire concernant la sordide affaire de l’arche de zoé et que, mine de rien, malgré tout le battage et le soutien apporté par des comités divers et variés, les membres des pieds nickelés de l’humanitaire sont actuellement jugés en France. Personnellement, bien que je sois de ceux qui soutiennent que du bout des lèvres les actions humanitaires pour bien des raisons que je m’efforcerai un jour d’exprimer, il s’avère qu’à mon sens les institutions françaises nous démontrent qu’elles peuvent fonctionner correctement. Pourquoi ? Et oui, j’ai annoncé et je maintiens que les avoir rapatriés est un acte d’ingérence dans la justice Tchadienne, cependant le tribunal de Créteil actuellement en charge du dossier vient d’annoncer qu’elle demandait la même durée de peine pour les accusés, c'est-à-dire huit ans d’emprisonnement. Tout au plus l’observateur finaud remarquera que la dite peine de travaux forcée est commuée en détention pure et simple.

Je viens d’aborder succinctement ce sujet lamentable pour des raisons autrement plus importantes que la mise sous les verrous d’incompétents doublés de fats sans vergogne. En effet, il est important de se souvenir ce qu’est une ingérence et dans quelle mesure elle peut représenter un salut tout comme une incurie totale. Il ne s’agit pas de rester sur les positions de la défense d’un ressortissant à l’étranger, il s’agit aussi de se poser un certain nombre de questions sur d’une part la nécessité d’agir de la sorte, et d’autre part se demander s’il est vraiment judicieux de renier ouvertement la justice du pays concerné.

Quand on parle de diplomatie, nous savons tous qu’il s’agit de l’art précieux et maniéré de réussir à (je cite) « La mettre à son adversaire mais en y mettant les formes ». Est-ce si caricatural ? C’est un donnant-donnant auquel s’adonne toutes les nations du monde ou presque, puisque dans l’esprit c’est par la diplomatie que s’expriment les états entres eux pour légitimer une place dans la communauté internationale. Une fois ce principe élémentaire acquis, il me semble tout à fait indispensable d’en comprendre alors que pour un bien un mal sera forcément possible. Entres humains nous sommes déjà incapables de nous tolérer les uns les autres, alors entres nations… Donc concrètement la diplomatie c’est chacun chez soi, tout va bien, et ce du moment qu’on est d’accord sur la manière d’y rester. Caricatural ? Demandez si c’est si caricatural que ça à bien des pays encerclés par des nations peu amicales mais qui sont restées calmes. Prenez la Suisse… Bon j’admets que la Suisse est un coffre fort qui a su rester aussi neutre que du cyanure dans un sirop de Josacine lors des conflits européens et qu’aucun belligérant ne s’est même imaginé l’envahir… Mais ce n’est pas le fait d’être Helvète qui fait que… Passons.

A présent deux positions sont identifiées : si ton voisin a maille à partir avec ton ressortissant, tu t’en mêles ou tu laisses l’autre s’en charger ? Dans un premier temps il nous incombe de savoir le pourquoi d’une telle problématique et d’en déterminer l’impact. On ne se posera sûrement pas en sauveur du pauvre Français perdu dans la jungle de Sumatra et en prison par erreur si celui-ci s’avère être un trafiquant de narcotiques, tout comme à contrario l’on aura tendance à offrir un soutien souvent inefficace il est vrai mais toujours bienvenu au touriste empêtré dans des tracasseries administratives dont seules les républiques bananières ont le secret. Pour autant, même si notre chère « victime » est dans une situation inextricable, doit-on la sortir de ce mauvais pas ? Moralement j’aurais forcément tendance à répondre par l’affirmative, le passeport Français offrant par sa seule présence bien des garanties morales et même financières dans certains cas. L’état est l’institution supposée offrir une équité totale à tout Français (de nationalité… pas d’équivoque stérile je vous prie) et donc offrir aussi une certaine sécurité et un cachet moral en cas d’ennuis. Ainsi, faire revenir l’arche de zoé (par exemple) pour les juger en France est envisageable pour garantir un jugement équitable aux différents accusés.

Là où je m’insurge et ce pour des questions totalement juridiques et diplomatiques c’est en vertu de quel droit nous pouvons nous estimer plus compétents que les juges Tchadiens pour sanctionner ou non les membres de l’ONG ? Généralisons je vous prie : nous n’avons pas à nous poser en tant que juge de paix mondial où toute décision d’un état légitime serait alors asservies aux nôtres. Que le pays concerné soit une dictature, une démocratie ou quoi que ce soit hésitant entre les deux nous ne sommes pas en position de censeur ou de législateur qui aurait tout droit de faire revenir son ressortissant sur son territoire pour ensuite éventuellement le libérer. Avons-nous les mêmes lois que les Tchadiens ? La situation ne méritait-elle pas de rester Tchadienne ? Qu’on suppose à raison que les conditions de détention là-bas sont inacceptables est une chose compréhensible et malheureusement réelle, mais aller jusqu’à rejuger avec la possibilité de relaxe, j’estime qu’il y a là une insulte pour les institutions non seulement Tchadiennes, mais avant tout pour tous les pays susceptibles de négocier une telle crise. D’ailleurs de crise je considère qu’il n’y en a pas puisque, après tout, le tribunal de Créteil a décidé de requérir la même peine. On va me parler d’acte politique pour calmer les esprits, pour que la diplomatie fasse son chemin… et je dis OUI ! C’est normal et je tiens énormément à ce principe. Si un état n’offre pas des garanties suffisantes de sécurité, de jugement équitable ou de gestion acceptable des étrangers sur son sol, force est à l’état d’en avertir ses ressortissants et de leur dire « Allez-y, mais à vos risques et périls ! ».

La légitimité d’un état c’est de pouvoir prendre des décisions sur son territoire et de ne pas être tributaire d’un grand frère toujours capable d’une colère quelconque dès que le petit frère tente d’être indépendant. Qu’on aie rapatrié fort bien, après tout les prisons Françaises sont loin d’être un lieu de villégiature, toutefois je maintiens encore et encore que légalement tant que diplomatiquement s’immiscer dans les affaires des autres n’est pas un acte sans conséquence. Espérons enfin qu’à l’avenir les ONG d’une part prendront le temps de travailler dans le droit et sans prendre de risques imbéciles (ce n’est pas peu dire !) et d’autre part que ce genre de rapatriement « juridique » restera anecdotique. Il serait très mal perçu qu’on emplisse les avions de nos imbéciles de touristes foutus de se mettre dans une mouise invraisemblable en ânonnant que la France peut les juger sur son propre territoire, en vertu des lois Françaises…

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