13 décembre 2007

Peuples du passé

« Quand mon regard a embrassé la vallée infinie où les ombres des anciens planent en nuages blancs, j’ai senti en mon cœur la force de notre peuple et la Vie monter comme la sève monte dans l’arbre. La chaleur du soleil, la fraîcheur du vent se sont mêlées et sont venues caresser ma peau tannée. J’ai fermé les yeux, senti la patte de l’ours, la mâchoire du loup, le poison du serpent et le dard du scorpion réunis non pour me tuer mais pour me montrer la voie des Dieux, celle qui mène au respect de la nature où nous ne faisons que passer. Que les tambours de la tribu résonnent, dansons à la gloire de l’aigle majestueux, chantons en l’honneur des Dieux vivants et inclinons nous face aux miracles quotidiens. »

De ces paroles imaginaires que j’aurais volontiers mises dans la bouche d’un chaman il n’y a pas d’enseignement à tirer, pas plus que la parole d’un sage ne cherche à convaincre car le sage n’enseigne pas, il partage sa connaissance pour que chacun y trouve ses vérités. A ces peuples du passé, à ces traditions que notre « modernisme » et notre racisme ont fait disparaître je fais un salut désolé et triste. Nous, peuples du monde, nous sommes tous responsables de la fin des traditions ancestrales où l’Homme vivait en harmonie avec son environnement, où toute chasse n’était que de subsistance, et surtout où la notion de famille ne s’arrêtait pas à l’union de quelques êtres mais s’étendait à tout un village, voire toute une tribu.

« De ses mocassins poussiéreux il foulait la place du campement, se tenant droit, heureux et fier de voir ses enfants courir autour des tipis. Le torse nu, l’œil vif et l’oreille à l’affût, son sourire et son silence marquaient la plénitude d’un homme sûr de son avenir et certain de la richesse de son peuple. De ses bras puissants il tirait orgueil car autant que guerrier il était avant tout chasseur pour subvenir aux besoins du village. Excellent cavalier, il arpentait les terres riches de la plaine où les hautes herbes savaient offrir eau, nourriture et le gîte à toute sa famille. »

La conception de l’habitat est une chose très variable entre les peuples : comparez les Romains et les Indiens d’Amérique par exemple, les premiers étaient d’entêtés bâtisseurs, innovant sans cesse pour le confort des cités, les seconds se contentaient de l’essentiel en étant des peuples nomades. Lequel a raison, lequel a tort ? Pour ma part peu importe, le confort du sédentarisme semble aussi abêtir les gens, les rendant plus propices à accepter n’importe quelle contrainte morale pour conserver le confort physique, tandis que le nomade lui refusa toujours d’être dominé par le matériel, et donc de perdre une identité morale et intellectuelle. Un juste milieu ? Si juste milieu il existe, je doute qu’on l’ait trouvé, et encore plus qu’on le trouve un jour…

« Lorsqu’elle entendit le premier cri de son enfant, elle versa une larme de bonheur qu’essuya avec fierté le père. Elle lui demanda d’emmailloter le nouveau-né, de le protéger du vent qui venait de se lever. En son honneur un feu de joie fut érigé au centre, les hommes et les femmes partageant les tâches pour préparer la grande fête : les épouses préparaient le pemmican tandis que les maris partirent chasser quelques lièvres et avec un peu de chance un bison pour avoir un beau repas. Les matriarches vinrent saluer l’heureuse mère, lui dirent les mots séculaires souhaitant prospérité et santé pour le petit homme venant de rejoindre le monde des vivants. »

On a banalisé tellement de choses, mis au rebut tant de moments à respecter qu’on se demande s’il existe encore des codes de déontologie chez les gens. Une femme qui accouche, n’est-ce pas un signe d’avenir ? Pour autant est-il inadmissible d’être en joie quand il y a un mariage ? Je suis de ceux qui ne défendent pas les traditions à tout prix si celles-ci renient le droit à la pensée indépendante ou bien à la possession de toute liberté individuelle, toutefois je constate souvent avec tristesse qu’au mépris d’une forme d’union basée sur un respect mutuel on s’est mis à tout tolérer. Pourquoi se marier si c’est pour ne pas en respecter les serments et les principes ? A quoi bon prendre le risque d’avoir un enfant si c’est pour avorter dans la foulée ? Je ne renierai jamais ce droit élémentaire qu’une femme a de disposer de son corps, mais paradoxalement je suis contre le principe qui fait que l’avortement soit devenu un acte banal, presque autant qu’une bête opération des amygdales.

« Ils montèrent à cru sur leurs chevaux, se saisirent des carcans tendus par leurs épouses. Ils épaulèrent arc et flèches et se lancèrent droit dans la bataille dans les mélopées de ceux qui restent et dans les cris de guerre de ceux qui partent. »

Aujourd’hui quelqu’un qui défend ses convictions est suspect, celui qui revendique le droit de se défendre passe pour être contre la paix, et plus encore celui qui réclame qu’on soit digne lors d’un hymne ou sous un drapeau devient immédiatement un nationaliste. La condition humaine c’est autant vivre en paix que se faire la guerre, et malheureusement le combat fait partie de notre système de pensées. La guerre ne se justifie pas, elle devient sa propre justification, c’est l’Homme qui ne sait pas faire preuve d’intelligence pour la faire disparaître à jamais. Lorsque les colons Américains prirent le chemin de l’ouest, ils estimèrent les indiens comme des indésirables. Lorsque les anglais s’installèrent en Inde, ils considérèrent les Hindous comme des manœuvres corvéables et non comme des habitants méritant le respect. C’est le drame de toute nos civilisations : détruire ce qu’on ne comprend pas, imposer nos vues à tout prix pour bien évidemment en profiter un maximum.

« Alors, la lune, ronde et brillante, apparût derrière les nuages. Le jour nocturne se fit et teinta de bleu l’horizon et la terre. Assis sur des rochers affleurant ils se mirent à chanter à la gloire de l’astre de la nuit, rappelant aux hommes que la lune existait avant eux et qu’elle existerait après eux… et pour l’éternité. Les anciens couvèrent les jeunes de leurs regards attendris, les enfants vinrent quêter l’espace des bras de leurs parents. Tous unis, ils écoutèrent alors le vent soulevant la poussière, le chant d’un rapace isolé, le frémissement d’une broussaille habitée par quelque animal. Et ils se sentirent heureux de vivre… »

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