17 décembre 2007

Délit de commerce

Ce soir j’avais envisagé un certain nombre de pistes pour un article, et finalement j’ai choisi de réagir sur les fondements même de notre « politique » mondiale qui se base avant tout sur des piliers économiques avant même d’être des bases idéologiques. En effet, fut un temps la politique jouait un rôle prédominant dans les choix des commerçants et des clients, puis une fois le système à l’étoile rouge en pleine déliquescence les idées sur la démocratie furent étouffées au profit des idées sur le compte bancaire. Toujours est-il que les vives réactions qu’engendrent les divers marchés de grandes envergures sont à la fois intéressantes et risibles tant l’hypocrisie s’est avérée un choix stratégique.

Reprenons un peu quelques fondements de l’économie de marché : pour tout produit il faut nécessairement un « marché », c'est-à-dire un domaine où le dit produit est susceptible de trouver preneur à un tarif acceptable. De fait, on en vient donc à la notion de concurrence où des produits équivalents luttent pour être vendus à un même acheteur. Si l’on se bornait à analyser ce fonctionnement à une échelle individuelle, ce serait le duel entre deux pots de rillettes uniformément mauvais mais vendus sous deux marques différentes à des prix comparables. Maintenant, calquons notre pot de rillettes sur la vente d’armes… d’accord c’est osé de comparer une cochonnaille avec un chargeur de mitraillettes, bien que l’un comme l’autre cela finit forcément dans le buffet de quelqu’un. Je disais donc, si l’on identifie un marché potentiel pour des armes, il est alors essentiel de voler la politesse à son concurrent en offrant des produits soit moins chers, soit plus performants. A ce petit jeu il est d’ailleurs amusant de constater que les guérillas contrairement aux états-majors favorisent la pérennité au clinquant de la nouveauté. Le succès de l’inusable AK Soviétique/Chinois/Russe ne se dément d’ailleurs pas le moins du monde puisque c’est l’arme la plus produite de tous les temps (excepté si l’on considère que les magasines « people » sont des armes de décérébration massive… mais c’est un autre débat).

Maintenant que l’on sait que les armes est un domaine très sujet à la concurrence, il faut ajouter que les plus grands producteurs d’armes sont également les membres du conseil de sécurité de l’ONU, ceci expliquant probablement l’incroyable facilité avec laquelle bien des nations émergentes se retrouvent à utiliser les surplus des armées modernes. Bien sûr, on résumerait un peu facilement la vente d’armes à celles d’armes de poing ainsi qu’à quelques équipements dérivés comme les mines et les grenades, mais ce serait également passer sous silence la nécessité de faire survivre des industries de pointe ! La France, comme toutes les autres nations engagées dans l’industrie de l’armement lourd n’est pas la dernière à tenter de vendre des chars, des avions, et même parfois des navires d’occasion. Il faut bien maintenir à flot des sociétés qui représentent des milliers d’emplois directs et indirects, mais aussi se faire une véritable publicité auprès des grands de ce monde en réussissant à distancer les américains ou les russes sur des marchés auparavant « protégés ». Comme tout bon commercial, il faut donc envisager la chose comme si GIAT Industrie (fabricant du char Leclerc) vendait non pas des équipements pour tuer mais des télévisions : la société fait sa publicité sur les Champs-élysées à chaque défilé quelconque, propose des produits clé en main livrés aux frais non de la société mais de l’état, puis fait vivre son réseau de service après-vente en proposant des contrats jumelés achat + maintenance. Economiquement imparable non ?

Et la morale me direz-vous… quelle morale ? L’argent a cette puissance d’être totalement amoral puisque le papier n’a pas la faculté de renier ses origines. Un billet de 500 se fout d’être le produit d’un délit ou d’un cadeau, il est, et cela suffit à sa propre nature. On entend des voix s’élever contre la possibilité de vendre de l’équipement à un ancien « état voyou » (un grand merci aux linguistes de Washington pour cette imbécillité) comme la Libye. Personnellement j’ai deux attitudes : la première est de me moquer ouvertement de cette classification car celle-ci dépend essentiellement des intérêts politiques que l’on peut avoir à soutenir ou honnir un pays, puis pour la simple et bonne raison qu’à ce compte là il serait judicieux de se rendre compte que tous nous travaillons et finançons d’autres hontes autrement plus graves. Et oui, vendre un avion à Kadhafi ça n’est pas plus honteux que de ne pas se préoccuper des sans-abri, de voir des pans de l’économie sacrifiés à des investisseurs en mal de bénéfices faciles, avec bien entendu à la clé le démantèlement de l’activité ciblée, ou encore du naufrage annoncé de systèmes qui n’ont plus de sociaux que le nom. Le plus amusant c’est le manque de pragmatisme de certains chroniqueurs : de toute façon dans une économie de marché si un produit est susceptible d’être vendu un commerçant se mettra forcément dans la brèche. N’espérons pas que le colonel sera désarmé si la France ne signe pas d’accord commercial, pas plus qu’il faudra espérer la moindre pitié économique de la concurrence du TGV ou des Airbus.

La raison du dollar est la meilleure, si l’on en croit les économistes. J’objecte simplement qu’aujourd’hui encore nous pâtissons de la balance entre le dollar et l’euro, et ce uniquement parce que le dollar est encore la monnaie de référence. Lors d’une discussion à bâtons rompus avec des amis, il s’est avéré que le principe de base est éminemment simple : faites un contrat aujourd’hui avec pour base de calcul de un euro pour un dollar, puis dans six mois finissez le travail et faites vous payer en dollars. Jusque là pourquoi pas, mais si le dollar perd de sa valeur ? C’est pourtant simple : si vous vendez quelque chose pour 100 millions de dollars de l’époque, soit 100 millions d’euros, et que la valeur du dollar chute de moitié entre la commande et la livraison, et bien finalement vous touchez bien les 100 millions de dollars, soit 50 millions d’euros. Stupide non ? Et pourtant c’est une des causes de la déconfiture de plus d’une entreprise européenne qui négocient encore et toujours leurs contrats en billets verts. Pour ma part ceux qui écrivent les contrats ne me semblent pas être ceux qui récupéreront les factures…

Vive l’économie !

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