06 juin 2007

Collègue(s)

De part ma nature misanthropique bornée et mon intolérance intellectuelle, j’éprouve de la difficulté à me mêler à la foule de ceux qui ne disposent pas, malheureusement, du bagage intellectuel suffisant pour soutenir une conversation concrète avec moi. C’est à la fois un drame pour me sociabiliser étant donné l’obligation de côtoyer ces « gens », mais également le bonheur paradoxal de pouvoir me permettre de traiter avec dédain cette même populace. Enfin de compte de telles oppositions ont pour effet de rendre indéchiffrable mon attitude aux yeux ébahis des observateurs qui m’entourent… ça vaut la peine d’être vécu non ?

Dans la catégorisation des collègues, on peut faire des distinctions franches pour cerner les différents profils : ceux qu’on apprécie, ceux qu’on exècre et ceux dont on se fout. Dans l’absolu c’est une définition fort manichéenne mais qui semble coller au plus près du relationnel dans le monde professionnel. Ces trois nuances doivent bien entendu supporter la chromatique de la hiérarchie, mais pour le moment contentons nous d’un monde idéalisé où chacun serait l’égal de son voisin (chose qui me semble être utopique).

Commençons bien bas, attaquons d’emblée le fossé servant de charnier à ces personnes pour qui nous n’avons pas même un regard condescendants, ces collègues transparents qui pourraient tout aussi bien disparaître dans une rafle que vous n’en remarqueriez pas même l’absence. Ces gens sont si nombreux, si englués dans nos regards de biais où seules les formules de politesse perdurent qu’au bout du compte ils sont d’une vaste trace de pastel grasse sur un mur poreux. Pas de prénom, pas de visage, tout au plus un vague attrait pour la collègue un peu moins grise que les autres, et encore… D’emblée l’on sait que rien n’est à attendre de cette foule pour laquelle aucune pitié ne saurait percer dans nos âmes d’égoïstes bornés. Doit-on se le reprocher ? A tout choisir je ne m’estime pas être l’âme riche d’un Abbé Pierre et encore moins le charitable samaritain prêt à porter secours aux inconnus qui me coudoient à l’heure du départ des locaux. Je ne saurais m’en excuser, tout au plus j’en éprouve une espèce de morne satisfaction… Cruel non ?

Les cons, les abrutis, les inutiles, les parasites… Que de noms et d’épithètes pour définir ceux qu’on ne peut pas encadrer, ces goguenards qu’on sait être différents pour souvent des raisons bien explicites : planqué dans un bureau pour fuir la tâche, escroc notoire déguisé en expert quelconque vendu une fortune à un client crédule, la liste est longue et fortement bien garnie. Se coltiner ceux qu’on déteste, c’est un peu le chemin de croix mais en sens inverse, c'est-à-dire l’insatisfaction de devoir à nouveau se payer le poids mort d’un morceau de bois et ce en sachant que l’objectif premier est déjà atteint. Pathétique situation que de devoir jouer les hypocrites ou au mieux les indifférents pour ne pas transformer un bureau en chemin des Dames. On peut trouver les jugements durs voire méchants, mais finalement si l’avis commence à se généraliser et qu’il se vérifie jour après jour, qu’est-ce qui empêche la hiérarchie d’agir ? Deux possibilités : soit c’est un membre de la dite hiérarchie, soit celle-ci s’en moque éperdument. Dans l’esprit, c’est garder un incompétent pour faire un métier d’incompétent… que c’est constructif ! Et encore… que dire des racistes, sexistes, machistes… Un vrai musée à têtes à claques !

La dernière tranche est plus agréable, c’est celle avec laquelle on tolère de partager un repas, boire un verre hors des heures de bureau, voire même accepter bon gré mal gré de passer une après-midi avec la progéniture du collègue qui se dit votre pote. Pourquoi pas, il offre les bières, le buffet et pour certains (parait-il…) sa femme. Allons y gaiement, jouons les bonnes pâtes, ça changera de l’ulcère permanent engendré par les cons d’un côté et les inconnus de l’autre. Bien évidemment les critiques fusent, la langue chargée sort et déblatère, mais finalement on craint surtout l’hypocrisie et le mensonge plus que toute autre chose venant de ces collègues qui deviennent un peu de bons potes. L’agaçant dans ce principe c’est que le temps émousse certaines colères même légitimes et qu’on se prend à pardonner plus facilement à un ancien qu’au petit jeune qui s’est planté sans méchanceté aucune.

Ah les relations humaines, ce jeu d’échec et de poker menteur où chacun tente de comprendre l’autre soit pour s’en servir, soit pour lui être agréable ! Quelle satisfaction de pouvoir ne pas être standardisé, impossible à mettre dans une case donnée et surtout d’être hilare à la moue agacée de la personne tentant de jouer les psychologues de comptoir. Monsieur Freud, constatez que vous en tant que père de cette science vous êtes plagié tous les jours par des incompétents trop contents de jouer les détectives et analystes, le tout accompagné de cacahuètes et d’une bière blonde…

Que je les « aime » mes collègues…

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