11 mai 2007

Maltraitez moi !

Que ceux qui se trouvent immédiatement attirés par ce titre pour des espoirs de relations sado masochistes se ravisent sur le champ, il s’agit non pas d’une tendance à apprécier le plaisir de la souffrance, mais plutôt du cri de douleur que pousse la langue française sur internet. Moi-même il m’arrive de me saisir la tête à deux mains pour expier le calvaire que provoque en moi certaines lectures intenables. Pardonnez mes offenses oh saint Dictionnaire, je souffre avec vous sur le bûcher de la toile honnie !

Il n’y a pas une journée où de nouveaux sites naissent, se modifient ou évoluent, et pour la plupart c’est à croire qu’ils sont mis à jour par des personnes peu au fait des règles élémentaires de grammaire ou pire encore d’orthographe. Etant parfois maladroit, j’aime à ce qu’on me fasse remarquer mes propres fautes afin que j’en corrige immédiatement le scandale de mes doigts boudinés, mais un conseil : ne tentez pas cela chez un autre au risque d’au mieux vous faire copieusement insulter, au pire de ne pas être du tout compris. Qui n’a pas hurlé au scandale en ayant sous les yeux un de ces torchons virtuels que sont les « blogs » pour jeunes ? Qui n’a pas eu envie de se taper la tête contre un mur en y découvrant des inepties que même un adolescent en pleine crise identitaire n’irait pas déblatérer à son journal intime ? J’avoue, je souffre quand je suis confronté à ça…

L’équation de destruction de la qualité est vérifiée sur internet : plus vous mettez de commentateurs en présence plus ceux qui avaient un discours intéressant seront noyés et disparaîtront corps et biens dans les méandres des sites finissant en « erreur http 404 ». Quelle infamie ! La bêtise surplombe alors de ses ordures la qualité, l’esprit et la critique, vociférant alors des « lol », « mdr » et autres insupportables « ptdr » en quantités innombrables. Je suis ainsi convaincu que si l’on pouvait supprimer ne serait-ce que ces signaux hilarants (parait-il) du web l’on s’économiserait 20 à 30% de texte ! Que dire si ce n’est ALERTE ! Et que dire des humeurs journalières ressemblant vaguement à un « lol mon cha il é béton de la fenetr ». Comprenne qui pourra, pour ma part je ne dispose pas encore d’une transcription du langage crétin en Français intelligible.

Pourtant, il arrive qu’on puisse trouver de véritables perles… dit comme ça, enfin … écrit comme ça l’on pourrait croire que c’est un compliment, grand Dieu non ! Comprenez par perles le meilleur - hum - du pire est disponible, à portée de doigts et de souris. Non content de véhiculer des lieux communs ou pire encore de ne rien véhiculer du tout (qui s’intéresse au shampoing utilisé par une adolescente pré pubère ou à la méthodologie de classement des caleçons d’un jeune adulte sans culture ?), il arrive même que la phraséologie de l’illettré pourtant bachelier contienne un discours franchement raciste, intégriste quelque soit la religion ou allant jusqu’à revendiquer la violence et le vol. L’impression que le web devient non pas une encyclopédie interactive et universelle mais en fait le dépotoir à idées m’irrite au plus haut point.

La conséquence même de cette dégradation est, à mon avis, reflète totalement ce que notre société a de pervertie. En quelques années la démocratisation des connexions internet a permise de tous nous rejoindre sur les mailles du filet câblé, mais en rejoignant « l’élite » (entendre par là les riches et ceux travaillent dans les métiers de la communication via l’informatique) qui pouvait prétendre à une certaine éducation, le tout venant y apporte aussi ses travers : manque de structure familiale, abandon progressif des études, perte des repères classiques nécessaires à la jeunesse… tout y passe avec une virulence et une haine pathologique des institutions. L’écorchement même de la langue devient signe de rébellion, une marque distinctive de ceux qui comprennent ce charabia sur ceux qui ne comprennent pas. Certains tordus sublimes sont allés jusqu’à m’expliquer qu’il s’agissait là d’une inévitable évolution du langage écrit. Désolé, mais jusqu’ à nouvel ordre je refuserai fermement de remplacer des lettres par des chiffres sous prétexte que phonétiquement c’est presque correct. Un exemple « G envie 2 voT » qui donne « J’ai envie de voter ». Les majuscules, l’astuce sublime signifiant « prononcez mon nom ! ». Cette incurie ne passera pas par moi, et ce même dans les messages émis depuis mon téléphone portable. Je tiens à être compris de l’autre et exige le même respect en retour.

Pour ceux qui préfèrent se taire et tolérer de tels débordements, sachez enfin qu’il s’avère que nombre d’étudiants se présentent au baccalauréat et emploient ces abréviations, ces raccourcis de cour de récréation pour répondre aux questions posées… après ça je ne me demande plus pourquoi les statistiques de l’illettrisme en France sont terrifiantes.

Pour des jeunes qui ont quitté le système scolaire après le collège (en 3ème), on constate que :
- 29 % sont incapables de passer le seuil de la phrase simple (sujet - verbe - groupe nominal) en lecture.
- 6 % ne peuvent accéder au sens des mots.

Et pour ceux ayant quitté le collège en 5ème ou 4ème :
- 53 % ne passent pas le seuil de la phrase simple (sujet - verbe - groupe nominal)
- 18,5 % n’accèdent au sens des mots.

Le nombre de personnes testées représenterait 25 à 30 % de la population totale.

Tremblez chers dictionnaires… tremblez…

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonsoir.
L'ineptie ayant mis un terme à une sympathique soirée, je suis revenu en ce lieu virtuel prolonger une espérance de qualité. Je me suis surpris à toujours être étonné par les sujets variés et l'efficacité de la plume. Etonné toujours également de retrouver le plaisir de lire, presqu'avec une âme d'enfant des livres avec pour sujet des affaires d'adultes. Un jour, je l'espère, j'apprendrais que tous ces textes seront compilés et réunis pour une publication. Cela, pour deux raisons. La première, que plus de personnes aient la chance de lire ces textes, pensées, actions et réactions; que ces personnes lisent et confrontent leurs idées (si elles en ont...) à celles exposées dans ces articles et les fassent vivre par leurs contestations ou leurs approbations. Secondement, cela signifierait que ce pays, capable de belle et bonne littérature, aura redressé le cap et la barre de son enseignement et de sa faculté à apprendre la reflexion; avec de surcroît une mémoire de l'information.
L'ami dira: Merci. Le citoyen écrira: Chapeau bas, Monsieur. Il me semble avoir déjà tenu ces propos, il y a quelques années. Avec sincérité, je les réitère.
La poésie est aux mots ce que la pensée est à la philosophie, est-il dit. JEFAISPEURALAFOULE est à la conscience ce que le viagra est à la gérontocomie.

JeFaisPeurALaFoule a dit…

Je ne me retiens pas de rire et de relire ce compliment. C'est amusant, moi du viagra intellectuel? Certes non car de ce point de vue je n'ai jamais constaté quelque efficacité sur la foule... par contre j'aime à me dire que si une personne, même une seule prend la peine d'évoluer et réfléchir après m'avoir lu alors j'aurai gagné...