18 mai 2007

Bozophilie

Sous ce néologisme se cache probablement l’un des pires travers de la nature Humaine, une véritable tare sociale qui perdure et sûrement perdurera jusqu’au jour tant attendu de la rencontre amicale d’un météorite avec la Terre ou d’un holocauste atomique. La bozophilie mes chers lecteurs, c’est le plaisir malsain qu’on a d’apprécier la présence d’épaves prétendues humaines et de s’offrir un moment de détente en s’en moquant. Quelle joie de pouvoir rire aux dépends d’un autre qui n’est pas comme soi ! Quel délice d’en appuyer tous les travers et ce qu’ils soient physiques ou mentaux, voire moraux. La linguistique du bozophile est riche d’énormément de descriptions pointues et spécieuses : détaillons donc ces mécanismes si obscurs et pourtant si courants en chacun de nous.

« Le rire est véritablement l’expression de la joie » selon un certain nombre d’avis dits éclairés, et il serait même « un médicament doux et relaxant pour ceux qui souffrent ». Dubitatif je suis, dubitatif je resterai bien que je ne sois pas homme à contester certains résultats cliniques, m’est avis que l’action frénétique des zygomatiques ne valent en rien la radiation atomique pour traiter certains cancers et certaines tumeurs. De fait, le rire est donc un accessoire permettant de s’exprimer et non de se soigner docteur. C’est là que le bozophile entre en jeu, le couard moqueur dont la tunique auréolée par la sueur d’un trajet de métro avec ses congénères semble faire écho aux perles glissant sur son front bas et plat. Car oui tout comme certaines personnes (voleurs aux doigts crochus, hypocrites au nez retroussé et j’en passe…) le bozophile a ce physique passe partout qui le rend invisible dans une foule d’ahuris agglutinés sur le quai d’un RER bondé. Il entre, n’importe quand, n’importe où et s’offre une partie de rigolade à tout bout de champ. Observons un bozophile placé dans une situation quelconque comme par exemple un couloir d’hôpital avec près de lui un fauteuil roulant. Une majorité restera silencieuse, discrète et polie mais le bozophile lui REVERA de se servir du dit fauteuil pour foncer dans le couloir rectilignes, un peu comme des lévriers courant après un appât dans un ovale de terre battue. L’incongru ne fait pas peur au bozophile loin s’en faut, il n’a peur ni du ridicule ni de l’imbécillité totale. C’est sa force première.

A prendre un peu de distance avec notre sujet d’étude on constate malheureusement que la bozophilie est, contrairement aux dires des experts en épidémiologie une maladie éminemment contagieuse et virulente. Ne dit-on pas que le rire se propage vite, très vite et ce même chez les plus ridés et arque boutés sur le respect d’autrui ? Notre patient lui porte non seulement un germe dangereux mais en plus il fera tout pour le disperser à loisir. Le bozophile est un malade, une peste qui serait bien plus en sécurité dans des bocaux étiquetés « toxique » ou même « à manipuler avec précaution » que dans nos ruelles sombres aux heures mornes des sorties de restaurants trop chargés en cholestérol.

L’ignominie est vacharde chez le bozophile : il ose rire de tout, et surtout il rit de tout n’importe comment et c’est là qu’il en est scandaleux. Qu’on puisse rire de tout, c’est une évidence, à chacun de savoir choisir un ton adéquat… mais se moquer n’importe comment et à tout propos là c’est un crime de lèse majesté - et non de lèse Walesa… et merde ça me contamine ! – donc je disais un crime terrible et innommable. Reprenons le fauteuil roulant de tout à l’heure : l’handicapé à l’humour nappé d’autodérision répondra souvent au « Comment vas-tu ? » par un « Ca roule mon vieux, ça roule… » alors que le bozophile lui va se louper lamentablement en demandant si « tiens y a pas de boîte à vitesse sur ta bagnole ? » en espérant bien entendu faire rire son auditoire pris à parti par la connerie du malade susnommé. Pathétique et pénible non ?

Nous les côtoyons chaque jour, ces clowns se croyant drôles mais dont l’attitude pénible et pédante a le don de mettre mal à l’aise l’entourage surtout quand il s’agit de sujets non pas tabous mais qui méritent un peu plus de finesse que la méthode bulldozer appliquée par le bozophile. Il me semble souvent franchement très difficile d’aborder l’homosexualité, la maladie sous toutes ses formes, la pauvreté ou la violence sur le ton de l’humour sans dériver immanquablement vers le graveleux, le vulgaire ou le malsain. Rire oui, à n’importe quel prix non. Pour reprendre un bon mot de M. Desproges - et j’emm… les esprits chagrins qui me diront que j’y fais bien trop référence – « Peut on rire de tout ? Oui… Peut on rire avec tout le monde ? C’est dur… »

La bozophilie est certainement un de ces travers honteux dont on hérite par l’éducation et la culture : il est plus facile de se moquer de la faiblesse que de trouver à redire à la force. La moquerie tient alors plus de l’esprit chagrin vexé de l’attention portée au sujet que du véritable trait d’humour parfois salvateur. Ne vous demandez pas si le bozophile a envie de rire quand il raconte une blague « C’est deux tantes… », dites vous qu’il a besoin d’un attention qui quête avec la seule arme qu’il croit à tort maîtriser : l’humour. Ne soyez pas charitables ! Dites lui que sa faconde vous énerve sinon il insistera de plus en plus au point de vous horripiler et vous inonder cette « bonne parole ». Bonne parole ? Laissons là aux évangiles ou à toute personne capable de jouer les Messies…

Sur ce je vais sortir une carabine, une nuée de bozophiles vient de sortir dans la foule… faut pas que je loupe l’occasion de faire un score !

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