02 mai 2007

Artistes à dégager

Si l’intelligence avait été une richesse à partager équitablement entre les Hommes, il est certain que les moins bien lotis trouveraient le moyen de se séparer d’une partie de ce bien pour faire fortune. C’est impressionnant à quel point le mouvement dit « culturel » et surtout celui dont la moyenne d’âge est plus proche de la sortie de lycée que de l’entrée à l’hospice revendique un socialisme dégoulinant de bons sentiments. Non que je sois réellement contre une portion non négligeable de bons sentiments dans la gestion d’un Etat, mais je doute qu’il soit de bon aloi d’espérer intégrer une dose de « feeling » dans le fonctionnel institutionnel. Un état ne se gère pas comme une association loi 1901 et encore moins comme un groupe de Rock-metal-destroy-punk-Hardcore chose bidule…

En toute sincérité le côté artiste des gens me fascine, notamment quand ils ont un véritable talent (salauds !) : que ce soit par la plume, le crayon ou les cordes vocales, en quoi le fait de faire preuve de créativité doit nécessairement impliquer une rébellion dénuée de l’once de réflexion nécessaire à une construction morale solide ? C’est une véritable pathologie, si tant est que les dits artistes ne vivent pas d’autre chose que de leurs talents respectifs. Dans l’absolu, l’Art est une manière d’exprimer -à mon sens- la complexe relation entre l’affectif et la conscience personnelle de soi. Si le dessinateur gribouille sans cesse, c’est autant pour le plaisir onanique d’accomplir une œuvre que d’apprécier les regards ébahis de ceux dénués de ce don inaccessible aux autres mortels que nous sommes. De fait, la connexion révolte - art me semble un rien curieuse. Par analogie, en quoi pourrait-on bâtir un parallèle entre une excellente plume et un parti quel qu’il soit ? L’écrivain est-il foncièrement tenu par son style à être plus d’une couleur politique qu’une autre ? Ce raisonnement me dépasse.

Il y a bien quelque part une jointure profonde entre l’artiste et l’exclusion volontaire d’un moule social parfois bien étriqué, ça je l’appréhende en me disant qu’en effet des parents « vieille France » auront bien du mal à supporter le rejeton guitariste chevelu ayant rejoint son groupe de sauvages dont l’odeur saurait faire fuir un bouc. Là, vu sous cet angle ça reste digne d’intérêt, mais bon sang en quoi la « gauche » est-elle symbole de force sociale plus que la droite ? Par son nom ? Il me semble peu approprié de délester quelque parti que ce soit de sa force de proposition sur ces sujets, car les uns comme les autres la gestion de la société fait partie des attributions les plus importantes des fonctions de gouvernant. Après tout, faire preuve de créativité l’implique pas le moins du monde une notion d’altruisme, et d’ailleurs les exemples pullulent : rien que côté plume on trouvera les antisémites, les négationnistes, les homophobes… alors qu’est-ce que ça pourrait donner côté peinture ou musique ! Les chants guerriers ne se sont pas composés par une opération divine, pas plus que les affiches de propagandes ne se sont dessinées sous le crayon d’un enfant de quatre ans.

Je dois rendre hommage à celles et ceux qui restent stables sur leurs convictions, artistes ou pas. La constance morale, bonne ou mauvaise, est une qualité autrement plus rare que l’instabilité sensible qui apparaît à chaque fois qu’il s’agit de prendre une décision. Mine de rien les phases de transitions entre les pouvoirs opposés font partie de notre paysage depuis la fin de l’ère des présidents trop charismatiques. Toutefois, l’étonnement de la singularité de l’artiste « de gauche » revient une fois de plus en droite ligne sous mes doigts boudinés. Je bloque.

A bien y réfléchir, n’est-ce pas simplement un désir flagrant de se démarquer en revendiquant une différence, surtout en la teintant grassement d’une empathie définitivement puante ? Tout bien considéré je pense que la majorité des gens se prétendant ainsi -comprendre par là artistes engagés- « de gauche » sont tout au plus des sommités dans l’art de se faire valoir par la richesse affichée d’un cœur lourd des souffrances du monde. Effectivement da ns la masse il y a de vrais engagés sur le terrain des associations, agissant dans l’ombre pour faire acte de civisme, mais combien sont aussi là pour se faire voir ? Les concerts dits de charité ne sont-ils pas une ressource inépuisable de la mercatique moderne ?

Finalement, je suis convaincu que bien des « artistes » vendent leurs véritables opinions pour être dans la normalisation incongrue des standards populaires : l’artiste se doit d’être fort, présent, exprimant ses idées avec la véhémence qu’a tout rebelle bien comme il faut, mais sans être trop sale ou exigeant quant aux résultats obtenus. Il est facile de se taper la panse de fierté quand celle-ci est bien pleine…

Aucun commentaire: