04 avril 2007

Surprise infantile

Il y a parfois dans la parole simpliste et soi-disant digne de confiance de l’enfance quelque chose d’une cruauté telle qu’on ne peut pas vraiment dire si c’est une volonté délibérée de blesser ou juste une innocence bientôt flétrie. Bon nombre de personnes vont me marteler sans cesse que l’enfant est un être dénué de haine, de méchanceté et que ce n’est que l’expérience accumulée au contact des humains avilis qu’ils se dépravent chaque jour un peu plus. J’aime ce portrait enjôleur, il me plait à penser que j’adorerais que ma descendance soit aussi pure que la croyance populaire le revendique. Seulement j’émets comme un doute depuis que je croise le chemin de mes chers et tendres neveux.

Je vois ces deux têtes blondes (au propre comme au figuré) grandir peu à peu, et les propos qui fusent de leurs lèvres mutines m’enivrent parfois d’un rire chaleureux, mais souvent c’est le regard dubitatif d’un adulte qui s’impose. Comment ces deux petits monstres trouvent-ils le moyen de mettre en pièces les diverses croyances qu’on a sur la tendresse du marmot avec une telle virulence ? tout objet rigide pourra et sera utilisé comme une arme offensive et toute chose prise en main sera nécessairement jetée au visage le plus proche. Moi qui croyais que l’enfantin a une valeur ajoutée, mais bordel de bordel ils vont arrêter de se cogner dessus oui ?!

L’agacement peut pointer, l’envie d’hurler sa juste colère remonte le long de la trachée et pourtant rien ne sort. On se saisit des bras minuscules, on explique, éduque et poliment les prie de faire la paix. En parlant de paix je crois qu’ils ont inventés le concept même d’armistice : « en paix tant qu’un des belligérants ne déclare pas à nouveau la guerre. » Et là on se sent pathétique et faible, le cirque des explications reprend et le quart d’heure paisible obtenu à grande peine s’enfuira dès le dos tourné. Agaçant n’est-ce pas ?

Là il ne s’agit que de l’aspect physique des choses et pas celui verbal parce que là, quitte à rire autant que ce soit au détriment d’un tiers souvent choisi pour une difformité ou une différence ethnique ostensible. Quel enfant blafard n’a-t-il pas fait remarquer à ses parents que le bébé dans la poussette attenante dans le parc contient « un bébé tout noir », ou bien quelle petite fille à couettes et nœuds roses n’a pas sorti une insanité du genre « elle est très grosse la madame ». Là, c’est le fou rire assuré pour le raseur de bitume et le piquage de fard pour l’accompagnateur dépité. Dans ce genre de moment de grande solitude l’envie d’utiliser le tilleul du jardin public comme potence peut poindre, pas de panique… sous peu ça sera pire encore…

L’émulation des enfants est un phénomène autrement plus intéressant à étudier qu’une crème de nuit pour quinquagénaire déprimée par la ménopause, et s’atteler à la tâche de la compréhension de la communication au milieu d’une cour de récréation de maternelle vaudrait bien plus que le « rouge à lèvres étanche, indestructible, séchant en dix secondes et ne s’effaçant qu’au décapant ». La science peut mettre sur pied énormément d’équations mi fumeuses mi réalistes sur le sujet, mais là c’est le summum : si un adulte a eu la bêtise de dire une infamie devant son rejeton, les chances que le reste de la colonie apprenne le mot ou la phrase interdite approchera probablement les 100%. Le bouche à oreille est à lui seul autrement plus efficace que toutes les semonces verbalement tirées par les enseignants furieux d’entendre parler de « co….ard », de « coui…es » et autres joyeusetés fleuries du vocabulaire adulte. Ceux qui vont jusqu’à prétendre que l’enfant en bas âge n’est qu’un magnétophone emmagasinant les sons et les recrachant sans réflexion sont de frustes imbéciles ! L’enfant SAIT le principe de contexte, il CONNAIT l’idée même d’à-propos et n’épargnera pas sa peine à recracher ses découvertes labiales à tous ses copains. L’épidémie peut commencer…

Dieu, enfin Dieu ou bien n’importe quel témoin de mon désarroi teinté de découragement, Dieu qu’il est pénible de passer pour un con quand on se croit à l’abri d’une remarque pernicieuse du moufflet et qui au détour d’un jeu ou d’une émission de télévision vous balance sans autre forme de prévention « dis tonton, le monsieur il te ressemble et que le dit monsieur est une espèce de monstre déformé et verdâtre. Sale gosse !!!

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