12 février 2007

Une suite …

Comme si tous les malheurs du monde tenaient dans une seule main… c’est bien l’impression sordide que me laissent les adultes lorsqu’ils parlent des déboires vécus après l’âge tendre qui visiblement amène sur l’âge con. Quel parent n’a pas hurlé à la lune et au désespoir en devant découvrir que la gentille petite fille à couettes et nœuds rose bonbon cachait insidieusement une peste insupportable capable tour à tour de transformer sa chambre en réclame à chanteurs sans voix et machos, de se vêtir si mal qu’Emmaüs refuserait la tenue et surtout que le mot non n’est plus une provocation mais un devoir civique ? de tendre gamine votre progéniture aux doigts potelés s’est transformée en tornade intenable qui exige des libertés, réclame des droits et accessoirement creuse le cratère insondable du vide au fond du porte-monnaie.

Je n’ose pas imaginer le nombre de nuits blanches qu’un père ou une mère a pu passer à se torturer l’esprit pour le rejeton métamorphosé du jour au lendemain de l’état minot à l’état adolescent en se répétant « non les yeux rouges ce n’est pas la drogue, c’est juste qu’il joue trop aux jeux vidéos ». Terreur et panique sont les deux mamelles de la période intermédiaire entre le « petit con » et le « grand con » qui devance le « vieux con » à venir. N’oublions jamais que ce qu’on a pu faire adolescents eux aussi peuvent le faire et la liste si longue qu’il est indécent d’en tenter un inventaire. De la première cigarette à la première cuite jusqu’aux premiers ébats horizontaux ces années sont le sacerdoce des parents.

Bien sûr si l’on prend l’optique de l’ado les choses se déforment, s’amplifient ou au contraire se minimisent et ce dans des proportions strictement inverses à celles perçues par l’entourage : la gamelle à mobylette n’est qu’une « grosse bûche sans importance », le cocard pendant le concert rock-destroy-metal-death-heavy-je-sais-pas-trop-quoi se réduit à « ouais le concert, il était coooool », alors que le premier échec amoureux devient le drame national dont le tout à chacun se doit de partager, et la coupe de cheveux inappropriée s’avère être « la honte du siècle ». Surprenante ironie du sort, c’est à ce moment là que les parents, trop heureux de se replonger dans la tendre enfance du détritus qu’est devenu leur descendance, se pâment et arborent des albums de photos en souriant béatement. Là, c’est le cauchemar, la rupture inévitable, le choc des civilisations : horreur et cris se mêlent à la vue du pantalon de velours brun aux pièces cousues avec amour, à la coupe « afro sans le vouloir » ou à la mèche Claude François et fin du fin des supplices LA photographie du morveux en bas âge, nu comme un ver assis au bord de la mer. La vengeance se mange froide, les parents ont su garder le plat au réfrigérateur.

Comme les valeurs peuvent changer en l’espace de quelques semaines ! l’enfant se satisfaisait du vélo maintes fois bricolé, rafistolé et cabossé par les chutes sans gravité puis tout à coup le discours mue au même rythme que la voix : scooter, mobylette se profilent dans les gutturales mélopées de plaisir qu’expectore l’adolescent le nez plongé dans un magazine sans queue ni tête. Et ça ce n’est qu’à 14 ans, que dire alors de ces paralytiques imbéciles qui ont autorisé la conduite accompagnée ? voilà les parents horrifiés à l’idée de donner le volant à la jeune fille de 16 ans, pimpante, souriante et fraîche, du moins l’espèrent-ils en secret une fois la lampe éteinte, et qui a pour seul défaut de ne jamais savoir ce qui est à gauche ou à droite. La terreur se lit dans les regards, ils tremblent, ils frémissent en se disant simplement « faites qu’on en croise pas un » !

Mais le retour de la manivelle salvatrice n’est jamais loin. Ils vont en manger de la vache enragée les moutards, ça va saigner là où ça fait mal… les sorties ! quitte à se plaindre du tempérament asocial de la petite dernière s’assourdissant à coups de rock industriel autant lui apprendre les bonnes manières en lui posant les bornes des horaires et du refus catégorique si le pédigrée du soupirant ne convient pas aux mœurs de la maisonnée. « Pas plus tard que minuit », « lui ?! moi vivante JAMAIS ! » sont des armes de destruction massive du moral adolescent. Et que dire de la sanction divine de l’interdit de sortie le samedi et dimanche ? La force, une fois de plus est dans le camp du parent qui aigri après ces quasi deux décennies de supplice renvoie la balle aux emmerdeurs qui du culottes courtes sont passés aux jeans trois fois trop grands.

Cependant il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers, l’adolescent pourra jouer la rébellion en pratiquant le silence de circonstance, l’absence de réaction aux commentaires divers et variés, comportement qui provoque d’ailleurs l’immanquable désespoir des géniteurs terrifiés à l’idée d’avoir élevés un zombie ou pire encore une amibe… mais LA dernière arme, la plus violente, la sanglante fermeture du portefeuille aura raison de toutes ces bravades certes héroïques mais jamais efficaces.

Finalement, une fois l’adolescent passé au statut de jeune adulte, les choses vont empirer…

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