06 février 2007

Quelques notes au coin d’une page

Je me remémore souvent la manie qui me tenait au creux de son vice pendant cette enfance classique (sur laquelle je ne m’étendrai pas) et qui me rendait fou de tout ce qui peut se lire. Avide d’écriture, j’engloutissais tout ouvrage capable de m’offrir l’exil intellectuel ou bien la connaissance, un peu à l’instar de ces scientifiques proches de l’autisme se nourrissant l’âme de pages incompréhensibles par la majorité de la population et le corps à coups de pizzas froides. Bien évidemment cela déplut à la population infantile locale qui (déjà) me prenait pour un être bizarre, un rien timide et surtout susceptible de répondre à des questions imprévues comme la date de naissance d’un roi quelconque (chose dont je me suis départi aujourd’hui), un résultat de mathématique (pire encore…) ou le nom d’un obscur groupe de rock anglais traductible en « pierres qui roulent ».

Bref, c’est errant dans les bibliothèques et les bras chargés de ma drogue papetière que je pris conscience que l’Homme n’avait de respect que pour les choses pouvant se négocier. Moi qui vénérait (et vénère encore) toute forme de littérature (enfin presque, pardonnez-moi de faire l’impasse sur les polars populeux d’une Clark en panne d’inspiration…) voilà que je croisai le regard malsain d’un de ces adolescents gavés de coca cola, de hamburgers, de musique infâme et surtout de bêtise télévisuelle (en noir et blanc). Le barbare prenait un malin plaisir à annoter son livre d’un geste distrait, pliant la couverture et les pages telle une faux couchant l’herbe verte trop fraîchement coupée, arrêtant là sa vie végétale et végétative. Rage ! Colère ! comment osait-il saccager un livre !

Trop court sur pattes pour lui rendre la monnaie de sa pièce, mes yeux se posèrent sur l’ouvrage torturé par ses soins. Je ne pouvais pas m’approcher pour voir quel auteur était ainsi violenté, mais pas à pas je me décidai, téméraire à venir lui demander sous quel prétexte il offrait sa prose stupide à un livre innocemment livré à ces supplices interdits. Couverture jaunâtre, impossible d’identifier l’origine… encore un pas de biais, prudence de mise afin que le fauve humain ne prenne pas la bravade pour un affront…

Soudain, satisfait de sa lecture, le grand dadais se leva, emporta son sac sur l’épaule (le fameux sac GI kaki 100% revendications populistes et gauchistes débutant) et sous le coude droite l’objet de ma légitime colère. Il se dirigea vers moi, m’ignora singulièrement de son imbécile regard morne porté sur la croupe d’une demoiselle de son âge, puis s’en fut, tel un zombie échappé d’un mauvais Roméro (pléonasme).

Loin de me défaire de cette obsédante incurie, je me tournai et vit que l’ouvrage, le pauvre livre tant maltraité n’était finalement… que les annales d’un BEPC sans intérêt ! L’étudiant de stupide m’apparut alors normal, maigrement, tristement ordinaire dans sa façon de réviser l’examen s’approchant à grandes enjambées. Quel imbécile je me sentis en constatant simplement qu’il ne faisait que ses devoirs et que le dit petit fascicule finirait de toute façon dans une corbeille ou sur le coin d’étagère poussiéreux qu’on réserve généralement à nos souvenirs enjolivés d’étudiant pathétique.

On ne m’y reprendrait plus me dis-je, plus question de défendre le livre envers et contre tout ! Qu’on brûle ceux inutiles scandai-je en moi-même quand une jeune fille, toute de bleu vêtue passa sous mes prunelles gamines… elle écrivait sur son livre de français.

Sus aux barbares !

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