17 décembre 2006

N'oubliez pas


Tout d’abord cette brève va commencer par un simple merci, sincère et direct à tous ceux qui perdent leur temps pour lire ces propos parfois incohérents, souvent virulents mais toujours honnêtes avec mes opinions. A défaut de pouvoir saluer mes lecteurs de vive voix je le fais donc à l’aide de ces quelques lignes qui vous sont destinées. J’aimerais bien pouvoir vous faire cadeau de plus mais à défaut vos passages sont une incitation à continuer dans ma lancée. Par conséquent bonne lecture de ce qui va suivre.

Lorsque mes pas me mènent dans certains lieux particuliers je ne peux m’empêcher de songer à ce que l’Histoire a pu laisser comme trace soit sur l’asphalte glacée de ces nuits automnales soit sur les antédiluviens pavés de la capitale. Est-ce la noyade d’un fleuve déchaîné, le martèlement des chaussures ou des bottes, ou encore la souillure du sang versé qui ressort ? la ville a des relents rances et c’est stupéfiant de prendre une carte et de marquer par de petites croix les zones où la violence s’est déchainée. Depuis un pont on a jeté des innocents, sur certains murs des balles ont percées des corps, des soldats ont utilisé l’homicide volontaire contre la foule pour en réprimer les demandes les plus élémentaires de liberté ou pire encore de nourriture et pourtant l’on arpente tels des rats sans mémoire ces mêmes endroits.

Au hasard de certains carrefours on peut voir un petit mausolée, sur des façades une plaque commémorative mais aujourd’hui qui se souvient ? le calendrier est-il seulement fait de saints, de prénoms de martyrs dont les histoires elles-mêmes deviennent obscures ? j’ai été frappé de voir un bout de marbre portant des noms de résistants fusillés en 1944 par les allemands en déroute être dégradé, gribouillé par des imbéciles. C’est une insulte à la mémoire de ces gens ordinaires mais courageux de marquer d’une croix gammée sur ce petit rappel au souvenir collectif ! j’ai honte pour l’homme dans son ensemble, de plus en plus honte pour la façon dégueulasse qu’il a de jeter aux orties ses propres erreurs et d’agir contre toute forme de bon sens.

En septembre 1972 un commando de terroristes Palestiniens a pris en otage des sportifs, des « innocents » puis a fini par les exécuter suite à une des plus grosses bavures policières de la décennie : un assaut totalement raté, une démission quasi-totale des forces d’intervention et la réussite médiatique pour la première terreur mondialement diffusée sur les petits écrans. Ce qui m’écoeure ici c’est que bon nombre de responsables prétendent qu’il n’y avait rien à faire, mais sait-on seulement qu’on a sacrifié ces otages sur l’autel de la réconciliation entre les peuples allemands et juifs ? oui ! je l’affirme l’action n’a pas échouée, on a choisi de la faire échouer pour s’assurer d’avoir des martyrs de la cause Israélienne et ne pas entacher la toute fragile et naissante collaboration entre Bohn et Jérusalem. Là on va me demander ce que vient faire une telle remarque ici, mais bon sang c’est une évidence : il fallait jouer sur la mémoire d’un pays brisé par sa propre folie et s’en servir pour une cause totalement différente. Ainsi, l’Allemagne De Brandt a eu les mains liées, les journalistes bâillonnés et le tout transformé en pugilat contre les idées de la toute jeune autorité Palestinienne. On oublie, on enterre, on nettoie… les familles des victimes ont porté plainte contre l’état allemand pour négligence criminelle : on leur a répondu qu’il y avait ensuite prescription... Bienvenue en démago.. non démocra… j’ai du mal à utiliser le bon terme !

Qui a la mémoire qui flanche ? le peuple abasourdi par l’histoire quand on daigne la lui raconter en toute transparence et qui ensuite l’oublie à la vitesse phénoménale des générations, ou bien les états qui se font forts de ne pas déterrer les cadavres et de fermer à double tour les penderies pleines des squelettes de leurs bavures ? il n’y a donc pas que la ville elle-même qui oublie, il y a surtout ceux qui en font l’existence qui s’arrangent pour ne se rappeler que de l’essentiel. Aujourd’hui il n’existe que très peu de villes qui conservent des stigmates des bombardements ou des batailles, le béton pousse la pierre qui a elle-même poussée la brique. Le cycle de renaissance est sans fin, et je ne vois guère qu’Hiroshima qui a maintenu la présence de ruines pour que les gens n’oublient jamais. Je ne prétends pas que voir la Mort s’afficher avec son insolente sale gueule en plein centre ville soit une solution, mais doit-on pour autant nettoyer, faire reluire et ainsi réduire à néant la mémoire des peuples ? de la nouvelle génération combien ont conscience qu’ils foulent une terre qui a du se défendre jusqu’au sang dans les sillons, combien ont connaissance de ce qu’est le vélodrome d’hiver et de ce qu’il a pu représenter dans les années noires de la guerre ?

Il y a dix ans déjà, le 3 décembre 1996 des gens sont morts dans le RER station Port Royal à Paris pour avoir eu le malheur d’être là, au mauvais endroit au mauvais moment. Quatre morts, 170 blessés par la fameuse et sanglante bouteille de gaz trafiquée. Qui connaît leurs noms à ces innocents crucifiés, qui revoit les scènes d’apocalypse dans la station ? la foule ne se rappelle pas, on a juste les « si vous voyez un paquet abandonné, veuillez le signaler aux agents… bla bla bla ». Vigipirate, es tu notre seule mémoire de la violence gratuite ? la France, le monde entier même ne doit pas oublier qu’il y a eu d’autres morts inutiles en dehors du WTC et que les américains n’ont pas eu le monopole de la souffrance de son peuple. Je tiens également à souligner l’injuste et stupide résultat de ce terrorisme aveugle : l’attentat était d’origine « musulmane » (non je ne dirai pas qu’ils étaient musulmans ces assassins, c’étaient tout sauf des humains et des croyants), deux jeunes étudiants Younes Slimane Nait et Mohamed Ben Chou, étaient de jeunes Marocains, qui étudiaient les mathématiques à Paris. Leurs thèses ont été soutenues in absento comme symbole de respect pour leurs mémoires. Merci à ceux qui ont osé agir ainsi, ils méritaient de réussir comme n’importe qui d’autre. N’oubliez pas ces deux prénoms, ils sont là pour hurler avec colère qu’on ne doit jamais faire table rase du passé et en tenir compte dans l’avenir.

« Noooël , Noooël… » braillent les gosses en ces heures qui nous séparent du minuit fatidique. Qui a le courage de dire que le bonhomme rouge et son imagerie sont made in Coca Cola ? qui va avoir encore le cran de renier ce sponsor qui vomit sa bonne publicité et son consumérisme débilitant ? j’ai horreur non pas de Noël finalement mais de l’attitude des gens lors de cette fête. Ils se souviennent de vous ? pensez vous, c’est l’obligation du donner pour un rendu qui les fait agir sans aucune conscience et sans même respect pour vous. Emballé c’est pesé doivent-ils se dire en apposant une petite carte mielleuse avec son arrière goût de fiel. « Joyeux Noël ! » et en filigrane « et n’oublie pas mes cadeaux ! ». Calendrier de l’avent ? oublié. Générosité envers les autres ? envolée. Tendresse autour de l’âtre ? dans les braises ! Doit-on se rappeler qu’on a une famille et des amis qu’au moment des fêtes et non durant toute l’année ?

Trop de questions pour si peu de réponses,
Trop de colère dans laquelle on s’enfonce.
L’Homme s’oublie si facilement aujourd’hui,
Que de se souvenir profondément l’ennuie.

Des bras tendus aux tombes creusées,
Juste un pas pour tomber dans ce Creuset.
La mémoire est une case qu’on jette,
Car de la place il faut faire dans les têtes.

Demain si la Mort frappe notre ville,
Que les bombes tueront des civils,
Une dizaine d’années suffiront à nettoyer,
Le sang dégorgé des veines sur le pavé.

Que la Terre soit détruite par notre folie,
Et qu’on assassine et viole à l’envi,
Personne ne se souviendra des bourreaux,
A part peut être des murs et des barreaux,

Qui ont servi de cellules aux résistants.

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