31 janvier 2011

Gainsbarre

20 ans après, Serge Gainsbourg est encore un personnage important dans la musique française. Expérimentateur de génie, parolier et compositeur de talent, et provocateur impénitent, l’homme aura marqué de son empreinte la chanson française comme peu d’autres. Que l’on soit en adoration pour son talent, ou que le personnage nous insupporte, force est de constater que quelques accords suffisent à nous faire reconnaître ses grandes œuvres. Doit-on rappeler les tubes que sont « le requiem pour un con », « Au armes etcetera », ou encore « Bonnie and Clyde » ? Tous nous savons les fredonner, et c’est là le tour de force du bonhomme : ancrer des mélodies dans l’intemporel, rendre inaltérables des chansons, chose que très peu d’artistes peuvent se vanter d’avoir fait.

Ecouter du Gainsbourg, c’est entrer dans un univers qui passe du sombre au lumineux en quelques accords. Savourer du Gainsbarre, c’est s’accoutumer avec des mots utilisés avec adresse et finesse, bien que le fond puisse être très brutal. On a souvent reproché à l’homme d’être un alcoolique, d’être systématiquement dégingandé au-delà du raisonnable, alors que sa musique l’est tout autant. Jamais en phase avec la mode, jamais en accord avec les poncifs, Gainsbourg nous a toujours servi des œuvres totalement décalées, dont beaucoup se sont inspirés pour tenter de le suivre, sans succès. Il a initié le mouvement au lieu d’être à la traîne, il a osé aller là où d’autres n’iront jamais, et c’est en ça qu’il fut impressionnant. Auditivement donc, Gainsbourg se savoure comme de la musique expérimentale, quelque chose de totalement inclassable et qui mérite un classement indépendant. D’autres firent du Gainsbarre, mais il n’y eut jamais qu’un seul Gainsbourg.

La provocation, c’était chez lui un art de vivre. D’autres usent et abusent des artifices des médias pour faire parler d’eux, alors que lui vivait sa vie comme il l’entendait, dans l’excès, dans la peur du lendemain, dans la torture d’une pensée allant trop vite pour lui-même. L’ivresse, le tabagisme, la voix si particulière, le visage marqué et marquant, le Serge s’est donné sans compter, quitte à y laisser son corps. Physiquement ruiné, il est resté lucide sur sa condition d’homme qui se voulait ordinaire, et dont le talent était extraordinaire. Initialement passionné par la peinture, c’est un peu par dépit (d’après une interview) qu’il est passé à la musique. Considérant la musique comme un art « mineur », il a affirmé n’être qu’un troubadour de plus… Ce qui, en soi, représentait une nouvelle provocation pour attaquer celles et ceux qui se prenaient trop au sérieux. L’artiste savait donc qu’il faut être humble pour être aimé, tout comme il faut être mégalomane pour être connu. Une ambiguïté que l’homme devra subir jusqu’à la fin, puisque c’est là qu’il vivra le meilleur comme le pire : la notoriété, face à l’envie d’être simplement quelqu’un d’anonyme, tout en aimant la foule et la scène. Il a souvent provoqué des crises de nerfs chez les animateurs de télévision, puisqu’il refusait de chanter en play-back. A contrario, il n’hésitait pas à se mettre au piano pour jouer quelques notes, montrer que la musique était son plaisir, et qu’il le partageait avec le public.

Sale ? Débraillé ? Laid ? Gainsbourg n’était rien de tout ceci. C’était, à mon sens, le symbole même de l’élégance à la française. En effet, derrière un physique peu avenant, il a su séduire les plus jolies femmes, être brillant par son talent compensant tout, à tel point qu’on peut parler de Gainsbarre l’élégant. Ses tenues étaient choisies, toujours propres (et non pas sales comme beaucoup supposaient), et il adorait mettre en scène sa vraie fausse déchéance. Le costume sur mesures, les chaussures de qualité sans chaussettes, Serge avait le don pour agacer les clichés, les écorcher, tout en sachant être irréprochable. Il a lancé bien des « modes », car, quelque part, savoir porter un vêtement froissé sans avoir l’air d’une cloche, c’est tout un art. Gainsbourg était donc une gravure de mode décalée, aussi décalée que l’était sa musique.

Et qu’en penser aujourd’hui ? Des artistes de hip-hop se sont emparés de ses œuvres pour en faire des bouts de leur musique. On a pondu des albums de reprises de ses chansons. On a même fait un film sur sa vie. Que penser de tout ceci ? Que les premiers respectent et honorent sa passion du bidouillage audio, que les seconds n’ont pas même réussi à atteindre sa cheville, et que le film me laisse sans opinion, faute de l’avoir vu pour m’en faire une idée juste et honnête. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas oublié Serge Gainsbourg, ceux qui l’ont connu de son vivant en gardent un souvenir ému, et que la nouvelle génération peut être encore en extase devant le génie musical, génie humble, agaçant, drôle, et souvent attendrissant.

La plus belle des anecdotes le concernant est pour moi une interview de PPDA, lors d’un 20H de TF1 : Serge était très malade, et sortait tout juste de l’hôpital. La campagne des dons pour les restos du cœur battait son plein, et le journaliste, maladroitement, lui en a parlé. Vexé, Serge a répondu qu’il était à l’hôpital, près de bouffer les pissenlits par la racine. Qu’a-t-il fait ? Il a tiré de sa poche un chéquier ressemblant plus à une boule de papier mâché qu’à autre chose. L’étalant sur le bord de la table du décor, il prit son temps pour bien remettre en état le chiffon. Puis, remplissant le chèque en grosses boucles et déliés artistiques, il détacha le chèque de don, et le tendit à PPDA en lui lançant « Comme ça tu pourras pas dire que Serge il a pas donné ! ». Provocation ? J’en doute, juste l’honnêteté d’un homme qui refusait qu’on lui fasse une leçon de morale concernant sa générosité. Merci Serge, merci d’avoir été tel que tu le voulais, sans être tributaire des autres, d’avoir été entier, en bien et en mal.

30 janvier 2011

Benjamin Bayart en conférence

Quand un homme impliqué dans la vie du Web explique ce qu'est le réseau, et ce que cela représente comme risque de le contrôler et de le censurer...

A méditer!


28 janvier 2011

Vous pourriez faire du bruit ?

Ce qu’ils sont agaçants, ces classements musicaux qui sont supposés décrire les modes musicales ! A les écouter, nous serions tous pris de passion pour des chansons lénifiantes, pour des adolescents certes talentueux, mais dépourvus de la moindre notion de ce qu’est un texte, ou encore de minettes à peine féminines qui braillent à pleins poumons des mélopées informes. Et pourtant, la production mondiale de musique est dorénavant accessible à tous, à tel point que se contenter des ondes françaises est à la limite du ridicule. Seulement, un gamin qui tirerait des larmes à un soldat aguerri est plus porteur qu’un chevelu crade aimant secouer sa tignasse au vent.

L’irrévérence ne fait plus vraiment recette, sauf quand elle cantonne dans les clichés éculés du rap où là les imbéciles à grande gueule (mais à petits textes) font recette. Entre insultes envers l’autorité, et traitement machiste des femmes, ces bandes de demeurés passablement illettrés semblent remplir les poches des majors qui, pourtant, sont le symbole même du capitalisme à outrance. Risible, surtout de la part de pseudo rebelles qui n’attendent qu’une chose, que le tiroir caisse se remplisse. Après tout, être à la marge, ne pas entrer dans le moule, c’est supposé être le fondement même de l’art, à savoir ne pas rester formaté par une tendance quelconque, mais au contraire en créer de nouvelles ! On ne peut donc pas compter sur ces formations faites d’un bric-à-brac invraisemblable de non talent pour nous offrir un nouveau regard sur le monde. Enfin, je ne dirai pas dommage, parce que la musique est supposée être avant tout un loisir, et pas un média de revendication, du moins c’est ce que les producteurs s’échinent à nous vendre.

Dans cette soupe informe, j’ai bien du mal à retrouver mes repères. Je suis probablement rétrograde et faussement nostalgique d’artistes qui sont décédés avant ma naissance, mais tout de même, pourquoi ne pas offrir leur chance à des gens qui ont des textes un minimum construit ? Certains sont vendus comme étant « chanteurs à texte », mais de texte je ne vois que des jeux de mots certes intéressants, mais finalement assez plats et sans saveur. Réussir une belle allitération, ce n’est pas donner un fond intéressant, pas plus que de faire de la rime riche pour donner un semblant de consistance à un poème. Le fond et la forme sont à distinguer, quant bien même les deux doivent un jour se retrouver pour former une cohérence auditive et sensitive. Je suis donc dépité par le peu que j’ai le malheur de croiser, je suis parfois même écoeuré à l’idée que de très bons textes sont au mieux perdus dans les bacs, au pire censurés parce qu’ils sont trop vindicatifs. Et quand je dis vindicatifs, je ne parle pas d’insultes, mais d’analyses qui peuvent vraiment déranger.

La tradition de la musique était tant de flatter le bourgeois (le troubadour), que d’informer les masses à travers des chants politisés. Désormais, la musique ne se fait porteuse que de sentiments éculés, auxquels on n’arrive que rarement à adhérer. Oui, une belle chanson d’amour est agréable, mais non toutes les chansons d’amour ne sont pas forcément belles. Le talent n’est pas une valeur qu’on achète ou qu’on construit, c’est une chance infinie d’avoir pu, l’espace d’un instant, avoir trouvé l’inspiration magique qui transcrit quelque chose d’indicible en paroles et en accords. J’ai parfois du mal à croire qu’on puisse tout avaler, sous prétexte que la musique est un excellent vecteur de sentiment.

Tenez, prenez cet artiste. Rockin Squat. Qu’on aime ou pas, qu’on adhère ou pas, il se révèle avoir des textes très forts, bien mis en musique, et qui plus est s’attaquant à des thématiques difficiles.

Allez voir ce type, c’est un régal pour moi.

Livin Astro : Le site de la production de Rockin Squatt

27 janvier 2011

Pacifique

Parmi toutes les images sombres, les histoires glauques et les réactions humaines déprimantes, il est parfois nécessaire de trouver quelques instants de quiétude et de magie. Se laisser porter, respirer l’air enfin dépourvu de notre propre incurie, et enfin savourer le fait de vivre, tout simplement. Nous réduisons trop vite nos existences à de simples équations, nous cantonnons trop vite notre devenir à des objectifs mesquins, alors qu’il est si simple d’avancer d’un bon pas, sans qu’on soit tenu de piétiner les autres. Alors, rêvons, divaguons, même si ce n’est que sur quelques lignes, même si ce n’est que pour quelques instants. La vie est fugace, temporaire, alors les bons moments le sont tout autant, non ?

Assis dans l’herbe haute d’un printemps qui se termine, nous pourrions partager la vue d’une vallée qui a reprise ses droits sur les neiges de l’hiver, et respirer à pleins poumons les senteurs des fleurs vivaces et sauvages. Détendus, débattant de tout, de rien, le sourire sur les lèvres, nous partagerions alors la brise caressant nos peaux hâlées, tandis que les chants d’oiseaux disputeraient l’espace sonore aux mélodies animales terrestres. Le beuglement d’une vache, les aboiements du chien de berger, toute la nature ferait son concert afin que nous sachions que jamais nous sommes seuls ici bas. Qui voudrait abîmer la vue sur ce sommet blanc ? Qui voudrait ruiner ces escarpements rocheux où déambulent paisiblement les chamois ? Qui voudrait que les nuages vaporeux deviennent gris sale ? Qui oserait envisager de faire disparaître ces forêts de sapins ? On discuterait du bonheur de boire directement à la source, de pouvoir récolter nos fruits et nos légumes sans se préoccuper de la pollution des sols, et l’on se demanderait simplement comment les autres faisaient, quand ils détruisaient le monde sans vergogne.

A des milliers de kilomètres de là, ils seraient assis, eux aussi, regardant l’horizon en songeant à nous autres Européens, loin des yeux mais près du cœur. Ils auraient plongés leurs pieds dans le sable chaud du désert, dégustant un thé sous la tente, respirant l’air surchauffé et pourtant agréable. Au fond d’une besace, ils tireraient des dattes séchées pour un repas frugal en apparence, mais généreux en saveurs et en sentiments. Vêtus comme depuis toujours, ces bédouins se diraient qu’ils ont le bonheur d’être libres, sans frontière ni papier à présenter pour tout et pour rien. Eux aussi débattraient de la vie, du sens du voyage, d’être nomades sur cette terre qui les as vu naître, et qui sera leur sépulture un jour ou l’autre. Ils ne s’inquiéteraient pas du risque de croiser une autre tribu, tout le monde partageant le sens du voyage, de l’hospitalité, et du respect mutuel. Ils prieraient, et personne ne leur en ferait reproche. Ils préserveraient l’eau, les rares endroits où le sable n’a pas tout englouti, et ils se satisferaient du fait d’être heureux, entres amis, en famille.

Et puis, là, derrière une autre ligne d’horizon, il y aurait ces gens qui, chaque jour, se ravissent de voir à leurs pieds la forêt primaire. Ils en verraient toute la richesse, la splendeur éternelle, la curieuse osmose entre biologie et magie. Croiser un animal bigarré n’aurait rien de surprenant, les grands singes ne seraient pas menacés d’extinction, et chacun prendrait le temps non de prendre, mais de recevoir le don qu’est la diversité de la forêt. Ils mangeraient le nécessaire, ils pourraient vivre comme ils le souhaiteraient, sans craindre les braconniers, les entrepreneurs qui rasent les arbres pour les vendre, et on écouterait autour du feu les histoires millénaires transmises par les anciens. Les gosses pourraient alors jouer dans le ruisseau sans craindre la pollution des orpailleurs, ils sauraient trouver leur chemin parmi les lianes et les troncs, et nul ne chercherait à les expulser de leurs terres. Patiemment, ils avanceraient dans l’existence, comme nous devrions tous le faire, comme nous avons cessé de le faire à force d’ambition démesurée et d’autosatisfaction mesquine.
Vivons, visons un idéal pacifique, avec l’espoir au cœur…

26 janvier 2011

Le paradoxe économique

Après mûre réflexion (et non réflexion en allant droit dans le mur), j’ai tiré quelques conclusions très personnelles sur les raisonnements économiques du capitalisme, ainsi que sur les décalages concrets que l’on peut constater dans le fonctionnement de ce système. Bien qu’il soit pour tous évident que le capitalisme semble être le moins mauvais des systèmes, il s’avère que sa propre existence représente, à mon sens, une menace énorme pour la stabilité politique et sociale du monde. Le paradoxe peut être défini sous la forme d’une seule phrase : « Le pays qui s’enrichit grâce au capitalisme sera paradoxalement bien plus fragile que les pays exclus du système ». Ridicule ? De prime abord, il est certain qu’on pourrait supposer qu’un état riche ne devrait pas craindre sa propre richesse, et encore moins sa puissance dans le système mondial. Et pourtant, c’est cette puissance même qui le rend terriblement sensible aux soubresauts des marchés, et ce pour nombre de raisons différentes mais pourtant convergentes. Regardons les en les effleurant, car ce texte n’a pas pour vertu de tout détailler, pas plus que d’offrir de solutions exemplaires. Il a pour seule et unique raison d’être mon envie de synthétiser mes vues sur l’économie mondiale.

Commençons simple : les pays riches usent de l’économie de marché à travers les échanges commerciaux classiques, des effets de l’endettement et du crédit, ainsi que de la spéculation sur la valorisation des entreprises. De ces trois méthodes de gestion du capitalisme, il est à retenir qu’elles ne sont pas, en principe, concurrentes, mais plutôt associées pour que chaque structure puisse bénéficier des meilleurs avantages possibles, et ainsi tirer le meilleur parti du modèle économique s’appuyant sur le capital. D’un point de vue macro donc, il n’est pas nécessaire de s’en inquiéter. En revanche, au détail, les débordements peuvent mener à ce que les échecs d’une des trois racines du capitalisme aille gangrener les deux autres, et c’est là, à mon sens, le grand danger. Détaillons un peu plus…

En l’espèce, il y a donc : je produis, je vends ces produits avec marge, ou bien j’achète au meilleur prix les produits que je ne manufacture pas. Ces échanges dits légitimes sont normalement régis par la loi de l’offre et de la demande. Cela sous-entend que chaque échange est négocié, de sorte à ce que tous les opérateurs du marché (acheteurs et vendeurs) puissent tirer des bénéfices du commerce. Dans cette logique, nombre de sociétés rachètent les sous-traitants pour s’épargner le fait d’avoir une marge plus faible, vu que la différence est versée à une société tierce. Prenons un exemple : une société fabriquant du fromage vendra à un prix donné ses produits aux clients finaux. Elle achetait le lait à un producteur quelconque, imposant donc une réduction des revenus par redistribution de la marge. En rachetant le producteur, la société réduit donc ses frais, car en regroupant, des économies peuvent être aisément trouvées : répartition du personnel, suppression des postes en doublon, amélioration des méthodes de production de l’ancien sous-traitant, ou encore ajustements sur le reste du fichier client. Augmenter la facture du concurrent, tout en réduisant la sienne, c’est une stratégie qui peut fonctionner. Cependant, cela pose un problème évident : en cas de disparition de la concurrence, ceci à force de regroupements, où se trouve alors le juste prix ? Nous avons tous entendus parler des accords illicites entre opérateurs qui, plutôt que de réduire les marges, s’accordent pour que les tarifs faits aux clients soient toujours artificiellement trop élevés.
Il y a également la démarche inverse, à savoir de se départir au maximum des considérations de production, ceci en devenant le seul client pour chacune des entreprises sous-traitantes. L’idée est qu’on peut alors négocier au plus juste (voire à perte…) les tarifs, imposer des méthodes de production, tout en se servant du sous-traitant comme composant d’ajustement en cas de crise. Cruel, efficace, et surtout moins coûteux que de devoir gérer des métiers très différents.
Nous avons alors deux travers dangereux : le premier est que les tarifs ne sont donc plus régulés par le marché, mais soit par des ententes de corporations cherchant à tirer le plus de profit possible sur des marchés captifs (téléphonie, agroalimentaire), le second étant que les producteurs moins importants sont au mieux rachetés, au pire pressurés jusqu’à l’asphyxie. Dans ces conditions, chaque faillite d’un prestataire amène la corporation à en étouffer un nouveau, jusqu’au point de rupture où plus aucun sous-traitant compétent ne se présente sur le marché local. Cela mène donc, à terme, à la délocalisation, faute de trouver des entreprises susceptibles de répondre aux appels d’offre. Malheureusement, derrière cette excuse se cache aussi un fait élémentaire : quant bien même la prestation pourrait être assurée localement, son tarif serait de toute façon considéré comme inacceptable par corporation qui va, de fait, favoriser un choix délocalisé, choix dicté par la notion de coût, et bien sûr, de marge dégagée. Ce phénomène de destruction du tissu de production mène à des absurdités où un produit « local » disparaît face à un produit externe, de moins bonne qualité (puisque produit à moindre coût), ceci emprisonnant le pays appliquant cette logique dans un mécanisme de disparition progressive de son cœur économique. On bascule donc la richesse de production dans la richesse bancaire ou boursière, ceci en ne favorisant absolument pas le tissu social local.

L’endettement et le crédit font partie du second aspect du capitalisme : je te prête, avec intérêt, de l’argent, ceci afin de t’enrichir. En pratique, cela donne donc le pouvoir à des banques qui sélectionnent qui est susceptible de rembourser, et qui représente un risque trop important pour effectuer un prêt. De là, la logique serait de se servir du crédit comme d’un appui temporaire, afin de développer des activités, acquérir un bien, ou encore relancer une économie affaiblie. Malheureusement, le crédit est dangereux, car il est souvent utilisé pour se recouvrir lui-même. Explication : je suis endetté, et j’ai besoin de rembourser. Faute de capital, mais paraissant solvable, j’emprunte ailleurs, et je rembourse A avec le prêt contracté chez B…. Et ainsi de suite. Les états s’endettent donc en contractant des emprunts, ceci pour couvrir des dépenses supérieures aux revenus. Le cercle est vicieux : plus vous êtes endetté, plus vous empruntez, et donc plus vous vous endettez, ceci jusqu’à la faillite. Les crédits accordés aux USA, en Espagne ont été désastreux, car accordés à des personnes incapables de rembourser. Finalement, les banques récupérant leur argent à travers la saisie des biens, celles-ci se sont retrouvées avec un patrimoine immobilier, mais passablement invendable, puisque gigantesque. Les capitaux absents, supposés couvrir des emprunts, amènent donc les créditeurs à eux-mêmes s’endetter, avec l’espoir de recouvrir leur endettement lors des ventes. A terme, ces sociétés s’effondrent donc, à cause de l’enchaînement de dettes trop grosses pour être assumées. Les solutions applicables sont : l’annulation de la dette des prêteurs, ou alors le rachat de la dette. C’est par ce procédé que la Chine a acquis une bonne partie de la dette Américaine, et donc potentiellement pris le contrôle de son plus gros client.

Le troisième mécanisme connu est la spéculation boursière : les bourses définissent une valorisation des sociétés, valeurs qui peuvent alors s’échanger selon le principe de l’offre et de la demande. Cependant, les fondamentaux sont ébranlés par plusieurs actions délibérées : l’achat en masse, pour augmenter artificiellement le cours, ou au contraire la vente de masse, pour réduire la valeur unitaire des actions. De là, nombre de sociétés peuvent donc subir le contrecoup de la spéculation, à travers des interventions dangereuses sur le marché. La seconde démarche redoutable est la création de produits boursiers à risque, comme la capitalisation sous forme d’actions des dettes (subprimes). En revendant une partie de la dette regroupée, l’idée était donc de faire assumer au plus grand nombre l’impossibilité de remboursement des débiteurs. Malheureusement, l’insertion de ce produit à risque dans des portefeuilles supposés fiables a vu ces derniers perdre énormément de valeur, et donc emporter indirectement des valeurs fiables dans l’abîme.

Le vice est donc là :le crédit est excessif, on le met en bourse, la bourse subit l’échec de cette méthode, et par incidence directe les sociétés solides se voient privées tant du crédit nécessaire au développement, que des capitaux, puisque les banques cherchent alors récupérer un maximum d’argent auprès de leurs débiteurs. Nombre de sociétés pourtant viables et dégageant du bénéfice ont fait faillite, ceci par cessation de paiement. La banque, réclamant le remboursement de la dette, a mené ces entreprises dans le gouffre, perdant à la fois le prêt, mais également les capitaux de la société ainsi démolie. L’idée que les sociétés riches peuvent assumer ce genre de faillite globale est donc fausse : les pays à forte croissance cherchent systématiquement des débouchés pour leurs capitaux, et le fait d’enchaîner les nations endettés à travers le rachat des crédits, voire des entreprises en voie de disparition profitent non plus aux gros clients, mais aux nations trouvant ainsi de nouveaux débouchés financiers. Deux exemples notoires sont à présenter : la Chine s’achète la fidélité des pays industrialisés à travers le rachat des dettes (qui les sauve de la faillite nationale), et Mittal qui, par le jeu des rachats des sociétés menées à la mort économique à cause de la concurrence féroce (voire déloyale des pays du tiers monde), est devenu le premier groupe mondial de sidérurgie.

Concentrons nous sur Mittal. Cette entreprise a usé des différents aspects du capitalisme à outrance : délocalisation de la production dans un pays du tiers monde (Inde), capitalisation de la production utilisée pour le rachat des entreprises subissant la concurrence, usage du crédit pour la modernisation locale, puis internationale, usage de la bourse pour le rachat des concurrents, puis enfin maîtrise du marché par position dominante. Concrètement, Mittal a donc profité de l’appât exagéré du gain des investisseurs et autres financiers, su s’approprier les centres de production pourtant viables, mais délaissés car considérés comme trop coûteux par les actionnaires (trop de coûts = baisse des dividendes, soit concrètement une baisse des revenus de l’argent sur l’argent !), et en conséquence rendre captif les marchés mondiaux de l’acier. Cette entreprise est donc symbolique de la fragilité paradoxale des grandes nations riches : faute de contrôle, à force d’abus, celles-ci deviennent les clientes et détenues des anciennes nations « faibles » ; pour peu que ces mécanismes se voient appliqués dans d’autres domaines, il est fort à craindre que nombre de grandes entreprises autrefois vivaces soient peu à peu rachetées par les esclaves d’hier. La Chine pourrait tout à fait acquérir patiemment des parts dans les Nestlé et consoeurs, de sorte à nous imposer leur production qui, à terme, pourrait se révéler aussi qualitative que la nôtre. A aujourd’hui, c’est la réduction drastique des coûts et des marges qui font que les pays pauvres produisent des références à qualité moindre. Avec l’apport massif de capitaux, cela pourrait tout à fait changer, ceci amenant donc des produits de bonne qualité, et donc autrement plus difficiles à concurrencer.

Pour l’heure, nombre d’entreprises envisagent la relocalisation, ceci parce qu’il s’avère de moins en moins rentable de produire à l’étranger. Ce phénomène pourrait aussi bien sauver les industries locales, que transformer le pays en nouveau tiers monde, au titre que si l’industriel revient sur ses terres, c’est que les coûts locaux sont forcément moins élevés qu’à l’étranger. Serait-ce donc l’inversion des rapports de force, où le pauvre d’hier est le riche de demain ? Nous pouvons tout à fait nous interroger sur l’opportunité qu’ont les entreprises à laisser faire le délabrement local, au lieu d’agir, et ce dès maintenant, pour préserver la production nationale. La réflexion doit être absolument menée tant par les fabricants que par les états, au titre que les uns dépendent nécessairement des autres, tant pour les aspects financiers que politiques.

24 janvier 2011

1000

Un compte rond. Une valeur « parfaite », un millénaire, quelque chose qui rassure et inquiète à la fois. Un but inaccessible, une victoire, un objectif qui semble idéal tant le « mille » est estimé comme parfait. Pourtant, cela ne me semble qu’une étape, une valeur arbitraire parmi tant d’autres. Pourquoi pas 1003, ou tout autre chose d’ailleurs ? Non : on célèbre le millénaire, on parle même des millénaristes, donc forcément, cela a une connotation mystique. Mais alors, pourquoi aborder cela ici, alors que je suis supposé être le pourfendeur des idées reçues ? Parce que ce message est le millième sur ce blog. Mille messages, mille inepties (enfin presque, si l’on exclue ceux où je ne dis rien), mille commentaires tantôt amers, tantôt affectueux concernant la nature humaine. Du haut de ces mille messages, je contemple la petitesse de mon œuvre, et l’immensité du chemin qu’il me reste à parcourir. C’est une évidence : du premier jour au dernier soupir, l’homme apprend, vit, et supporte le poids de son inconséquence. Ainsi, sur ce chemin parcouru, je peux regarder en arrière et voir mes jalons plantés au hasard de mes envies, et en estimer l’utilité.

Et à quoi sert donc d’écrire, si ce n’est pas pour les autres ? Peut-être est-ce le plaisir sournois d’être flatté quand le résultat est bon, ou encore celui de se soulager l’âme de manière totalement égoïste et saugrenue. Certains avalent, ravalent même, d’autres régurgitent leur bile, moi je me contente de faire les deux en avalant les informations, puis en les restituant comme je le peux, avec ma propre manière de voir les choses. Synthétique ou pas, utile ou pas, qu’importe du moment que j’ai dit ce que je pensais. Après tout, celui qui cesse de penser cesse d’exister, et tant que j’aurai quelque chose à dire ou à critiquer, alors j’aurai une raison d’exister et d’avancer. Quoi de plus minable qu’une vie où l’on croit avoir tout vu, tout vécu, où seule la morne satisfaction de l’omniscience subsiste quand la jeunesse, la passion, et l’espoir se sont envolés ?

J’en suis à mille messages. Des milliers de mots, de lignes, de colères, d’envies, de fureur, toutes mêlées dans un écheveau que moi-même j’ai du mal parfois à suivre. L’essentiel n’est pas d’y trouver un fil conducteur, mais d’y trouver les traces d’une âme, d’une personne, de ses pensées profondes et sincères. L’image du virtuel est qu’on peut se départir de sa personnalité pour écrire, que pire encore on peut aller jusqu’à se faire « quelqu’un d’autre ». Mais je n’y crois guère : l’âme ressort immanquablement à travers l’écrit, la sincérité de la plume pousse, tôt ou tard, des morceaux de soi sur le devant de la scène. L’acteur peut temporairement faire semblant, et avec talent qui plus est. Mais il n’est pas son personnage, celui-ci n’étant là que pour être campé, présenté, sublimé. De la même manière, ces mille messages me contiennent, ils sont des bouts de moi, des expériences lexicales, intellectuelles, culturelles, des brins de personnalité que j’ai essaimé pour mon propre plaisir, et je l’espère, le vôtre.

Dans ces conditions, quoi de plus évident que se dire que celui ou celle qui a tout lu, qui a su analyser mon « moi » à travers ma plume me connaît probablement mieux que nombre de mes connaissances ! Il ou elle « sait » approximativement ce que je ressens, ce que je pense, et je crois même en la capacité des plus entêtés à pouvoir prétendre m’analyser et me définir avec justesse, même si, parfois, je me suis amusé à brouiller les cartes. Lire quelqu’un, c’est bien sûr apprécier (ou détester) les histoires recensées, les inventions d’un tiers, le tout comme un loisir, ou comme une nécessité culturelle. Ici, point d’obligation : je partage, parce que je crois foncièrement que chacun peut apprendre de l’autre, à la seule condition qu’il puisse tenir compte d’une explication claire, concise, et circonstanciée. Pousser à la réflexion, même à travers de la provocation, c’est déjà un pas en avant vers le progrès. Peu me chaut qu’on me taxe de plein d’épithètes peu agréables : si quelqu’un a réfléchi au sujet lancé, s’il s’est fait une opinion personnelle, lucide et construite, alors je suis gagnant, même si en apparence on peut supposer que j’y ai perdu quelque chose.

« Les paroles s’envolent, pas les écrits ». C’est par cette maxime que j’ai entamé ce blog. J’ai, et ce dès le départ, considéré que je me devais de laisser une trace concrète de mes écrits, plutôt que de suggérer qu’ils puissent disparaître au fur et à mesure du temps. Besogne étrange, j’ai continué à construire et à bâtir cette tour de Babel où s’entrechoquent les thèmes et les opinions, car, d’une certaine manière, je peux y retrouver ma propre évolution. Le réseau me permet d’opérer quelque chose de quasiment impossible dans le passé : partager l’esprit et les idées. Avant, on rédigeait son journal intime, on y consignait irrégulièrement ses émotions et les situations, mais c’était une forme de thérapie pour soi, et pas pour le plus grand nombre. Dans de très rares cas, ces traces écrites passaient à la postérité, et l’on s’extasiait alors de voir comment une personne peut changer. A présent, c’est au quotidien qu’on peut (du moins dans mon cas) pister les changements. Je crois que rien ne s’envole plus que les paroles, et j’espère surtout que rien ne saura faire s’envoler les écrits. J’ai peur de l’autodafé, de la destruction de la pensée, de la philosophie, de la culture mondiale. J’ai peur de celles et ceux qui pensent que la censure est un contrôle indispensable. Les censeurs le font en fonction d’une idéologie, ils agissent contre le progrès. Certes, nombre de textes sont intolérables, infâmes, mais ils ne devront jamais cacher la richesse qui se cache derrière chacun de nous, sous la plume des anonymes qui, comme moi, s’échineront, encore longtemps j’espère, à dire aux autres qu’il faut penser pour vivre.

En tout cas, merci à celles et ceux qui m’on suivi, et merci par avance à celles et ceux qui continueront à me suivre dans mes pérégrinations. Est-ce un anniversaire ? Non. Je ne compte pas célébrer un évènement anodin. Je voulais simplement ne jamais oublier que je vous dois, à vous lecteurs, d’avoir encore envie d’alimenter ce blog avec mes humeurs.

A demain !

21 janvier 2011

Grippe informatique

A présent que tous les aspects de notre quotidien contiennent un minimum d’électronique, nous sommes tous devenus tributaires de logiciels, d’équipements informatisés qui, quand ils sont en panne ou qu’ils fonctionnent mal, nous mettent dans des situations intenables. On se rassure comme on peut, en se disant que ces bidules ont été pensés par des petits génies, protégés par des types encore plus intelligents, et que nous autres utilisateurs, nous sommes à l’abri des ennuis. Malheureusement, le quotidien nous détrompe d’une telle croyance candide. Si c’est fait par un ou plusieurs personnes, cela contiendra forcément des énormités, à tel point que c’est devenu un sport virtuel que de trouver les failles dans les logiciels. Bien sûr, les médias se sont emparés du phénomène en parlant de hackers (à tort bien souvent), de pirates, de détournements de fond… Voire de terrorisme numérique. Mais avant de parler de guerre informatique, parlons de la vérité, plus élémentaire, plus pathétique que jamais, celle qui fait qu’on peut dire que nos ingénieurs sont au mieux des fainéants, au pire des bras cassés infoutus de pondre du logiciel à peu près convenable.

Tout d’abord, à la décharge de ceux qui conçoivent ces équipements, il faut rappeler que les considérations de temps (et donc d’argent), d’urgence pour battre la concurrence, empêchent que le travail soit mené à son terme sans erreur. C’est même le pourquoi des divers correctifs que nous recevons sur tous nos bidules contenant du logiciel ! On corrige, on plâtre ce qui aurait dû, en théorie, être fait dès le départ. Je leur concède donc aisément qu’on peut passer à côté des boulettes, d’autant plus quand un chef despote demeuré jaloux de ses chiffres (aucune mention inutile à rayer !) vient vous taper sur les nerfs. De là, malheureusement, c’est le client final qui pâtit d’un outil peu abouti, voire qui se retrouve dans des situations totalement ubuesques. Et là, je crois qu’il y a de quoi faire des dizaines de livres tant les logiciels sont capables de faire des choses improbables !

On croit, à tort, qu’on peut s’affranchir du logiciel. C’est un doux fantasme : depuis la facture électrique, en passant par le relevé de compte bancaire, jusqu’à la gestion de vos obsèques, tout passe à travers des milliers de machines différentes, interconnectées, et potentiellement toutes plus mal configurées les unes que les autres. Et concrètement, qu’est-ce que ça donne ? Des cas hallucinants, comme par exemple un type qui reçoit une facture à payer d’un montant de 0,00000000000001 centime, ou un autre qui voit sur son relevé de banque un total sur quatre lignes, mais sans unité monétaire au bout. Des roubles ? Des zlotys ? Aucune idée, mais c’est écrit comme ça. Et là, allez donc comprendre ce que vous possédez, ou ce que vous devez. D’ailleurs, je mets au défi qui que ce soit de rédiger le chèque de 0,0000… centime, ou alors de l’endosser sans provoquer un problème dans les systèmes informatiques de traitement des paiements. Et ça, ce ne sont que deux exemples abscons, parce qu’il y a pire : le type qui s’est retrouvé face à un guichet automatique de parking public qui lui réclamait une somme astronomique, parce que le programme croyait que la voiture était garée là depuis …1899 (bug de l’an 2000), soit plus d’un siècle, ou encore la nana s’apercevant avec horreur que son portable émettait le même SMS en boucle depuis des jours et des jours. Tout à coup, c’est autrement plus concret et pénible, non ?

Tout est possible, tout est faisable, à partit du moment où le logiciel en face vous prendre en grippe. Vous n’entrez pas dans la petite case qu’il maîtrise, qu’il connaît ? Attention, si le programme ne gère vraiment pas cette situation, vous êtes bon pour quelques crises de nerf, et de la surconsommation d’anxiolytiques. Vous n’êtes pas Monsieur ou Madame Lambda ? Vous allez agiter les électrons de la machine, lui faire fumer le disque dur, et la rendre capable de vous vomir tout et n’importe quoi. Entre des messages incompréhensibles du genre « Le programme est en erreur. Cause : pas d’erreur », et les impressions de hiéroglyphes que même Champollion ne reconnaîtrait pas, c’est la foire au n’importe quoi. Et là, quelle attitude prendre ? Stoïque, vous resterez de marbre face à l’informatique qui vous met dans des situations improbables. Enervé, vous serez peut-être amené à insulter l’ordinateur mis en cause, parce que cela soulage, quant bien même la machine en question ne réagira jamais face à vos invectives. A bout de nerf, vous pourrez potentiellement jouez au foot avec le boîtier à présent honni. Que choisir… Pour ma part, les insultes peuvent pleuvoir, la violence plus rarement, car je ne crois pas qu’un bidule électronique soit susceptible de comprendre l’éducation par la fessée, et finalement, je redeviens stoïque, faute de mesures de rétorsion efficace. Ah si, il y en a une, létale : et un formatage dans tes gencives ! Dans ta gueule, machine de merde ! Ah… Heu… et j’ai sauvegardé, ou pas, mes fichiers ? Rhaaaa le con !

20 janvier 2011

Nos chers petits vieux

Oh, que c’est difficile de parler des ancêtres sans entrer dans une logique soit moqueuse, soit trop respectueuse ! En effet, soit l’on moque les tares que provoquent l’âge et la maladie, soit l’on encense leur savoir et l’histoire qu’ils portent en et sur eux. De là, culturellement, les sociétés sont très disparates dans le traitement de l’âge : en Europe, nous favorisons la « disparition » sociale de nos aînés, ceci par le truchement cynique des maisons de retraite, ou de l’hospitalisation à outrance. D’autres appliquent la démarche inverse, c'est-à-dire en estimant que ce sont les plus anciens du village qui servent de références pour leur société. D’un extrême à l’autre, il y a tout un paysage où se logent ce que nous appelons pudiquement le troisième âge.

Alors, qu’en dire ? Déjà, on peut réaliser un découpage lucide de nos anciens. Il y a les avenants, les aigris, les délabrés, et les nostalgiques. De ces quatre catégories dépendent totalement la perception que nous pouvons avoir d’eux. Les avenants sont les plus agréables, car ils représentent l’exemple type du « papi gâteau » : ouverts, prêts à parler du passé sans exagération, ouverts à l’innovation, compréhensifs et patients, ils sont ceux qu’on aimerait croiser à chaque coin de rue. En plus, ils offrent une expérience inégalée sur nos erreurs, et sont donc capables de conseiller sainement pour que nous autres, jeunes fougueux décérébrés, nous ne réitérions pas les mêmes conneries. Ce que j’adore au surplus, c’est qu’ils disposent d’un vocabulaire passablement daté, fleuri, et donc forcément agréable à mes oreilles. Dans tous les cas, ils sont géniaux, et l’on a du mal à envisager quoi que ce soit de méchant à leur dire. Et si tous nos ancêtres étaient ainsi, nous serions bien plus capables de progresser… Malheureusement, c’est une minorité, car les trois autres catégories dominent. Comme quoi, Darwin déconnait à plein tubes : ce n’est pas l’intelligence et l’adaptation qui permettent à l’homme d’avancer, mais au contraire les côtés cyniques et amers de la nature humaine.

Les aigris sont insupportables. Mordants, cruels, vengeurs, ils reprochent au monde entier leur vieillesse et leur isolement. Ils regrettent constamment quelque chose, pestant contre tout progrès, accusant pêle-mêle les médias, les politiques, les entreprises, les voisins d’être la cause de tous leurs malheurs. Généralement intolérants, ils font la joie des extrémistes politiques, à tel point qu’il serait préférable, pour les partis radicaux, d’aller ratisser en maison de retraite, plutôt que dans les cités ouvrières. J’adore les écouter : pour eux, tout allait mieux avant, les politiciens étaient honnêtes, les voitures plus jolies, les villes moins moches, les hommes plus honnêtes. Je me régale alors de leur rappeler quelques points d’histoire, comme ce politicien mort sur une prostituée, ce despote qui envoyait la jeunesse à la mort, cet ancien président qui s’est enrichi sur le dos des colonies, ou encore cette époque où le pays utilisait des tickets de rationnement. Au mieux, il sera rouge écrevisse de rage, au mieux, je lui aurai offert un aller-simple pour un ailleurs que je ne connais pas. Méchant ? Non ! Pragmatique !

Les délabrés sont particuliers, en ce sens que la nature ne les gâte pas : lessivés par l’âge, la fatigue, la maladie, ils en deviennent difficiles à gérer. On ne peut guère les blâmer, puisque, nous aussi, nous sommes potentiellement condamnés à subir le même sort. Ce n’est que justice d’ailleurs : après tout, nous les moquons pour les couches, puis un jour, c’est alors à nous de découvrir avec horreur que nous ne pouvons plus faire confiance à notre vessie. Un juste et légitime retour des choses en somme. De là, bien entendu, il faut accepter d’aider, de se porter au secours de celles et ceux qui, avant, jouaient le rôle d’éducateur, et il faut le dire aussi, de tampons pour gérer nos bêtises les plus grossières. Seulement, l’adulte est foncièrement stupide et égocentrique, ceci le poussant alors à pousser l’ancêtre au mieux dans les bras de la médecine gériatrique, au pire dans le trou le plus sordide. Heureusement que la génération suivante se charge alors de nous rendre la pareille. Une petite vengeance familiale, en somme !

Les derniers, les nostalgiques, sont très particuliers. D’un côté, ils sont particulièrement agréables, car ils ressassent tendrement des souvenirs que le vernis écaillé du temps rend plus doux. D’un autre, ils sont insupportables à tout comparer avec un avant devenu par trop idyllique. Musique, cinéma, journaux, ils font preuve d’une agaçante tendance à tout voir à travers le prisme déformant de la mémoire, à tel point que le nostalgique devienne un aigri. La frontière est par ailleurs mince, à tel point que les distinguer peut devenir très délicat. Somme toute, le nostalgique est majoritairement ravi, il ne vous tannera pas avec son amertume, tout au plus saura-t-il vous faire découvrir un chanteur mort, enterré, tombé dans l’oubli, ou encore vous dire que le journal télévisé n’a plus cette saveur agréable qu’avait les informations sur l’ORTF. Ok l’ancêtre, les jeux de 20h, c’est culte, mais de là à dire que c’est forcément mieux que les inepties présentées par Delarue, Dechavanne, ou encore Nagui, il y a quand même un peu de marge, non ?

Allez, les vieux, je vous aime, je vous adore : vous savez faire revivre un monde que je ne connais pas, j’aime vous écouter parler avec passion de cet hier qui a fait ce qu’est notre aujourd’hui, et je sais pertinemment que demain, je serai tout comme vous.. Un fervent emmerdeur, un passionné du cassage de pieds en boucle, le tout avec au fond du cœur une tendresse particulière pour mes souvenirs les plus chers. Comment ça, je suis déjà comme ça ? Hé ben, ça promet !

19 janvier 2011

Une vidéo rigolotte...

Pleine de clichés, drôle, simple... Tout ce que j'aime! Merci flopod! (PS: c'est le même cinglé qui rédige des sagas mp3 telles que synapse... je vous les conseille)



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La revanche des pauvres

Allez, un article un rien provocateur pour analyser la situation actuelle, histoire de faire grincer des dents les amateurs de ma mondialisation. A les écouter, mondialiser l’économie, c’est une chose légitime, efficace, et qui permet à tous de s’enrichir. Or, le constat est autrement plus sombre : au lieu d’enrichir toutes les nations, ce mécanisme économique n’aura eu pour vertu que de permettre l’enrichissement des gouvernements très riches, et des puissances militaires susceptibles de tirer parti de la situation. Ainsi, tant que le tout fonctionnait correctement, ce furent les USA et la Chine qui tirèrent réellement avantage de la mondialisation. En contrepartie, nous aurions pu espérer que les problèmes financiers soient partagés, de sorte à préserver toutes les nations participant à ce jeu. Il n’en fut rien : les dettes des uns devinrent les dettes de tous, et les bénéfices des autres ne furent pas pour autant partagés. Actuellement, la Chine, afin de sauvegarder ses clients, devient le premier créancier du monde, ceci en rachetant littéralement les dettes des états en faillite. Quel est le résultat ? C’est que la Chine détient une masse colossale d’actifs de la banque centrale américaine. Voyez-vous le problème ? Il est élémentaire : pouvez-vous faire la leçon économique à votre propre banquier, d’autant plus que vous lui devez de l’argent ? Cela semble improbable.

Les décennies ayant vu naître la mondialisation ont vu également naître les marchés mondiaux des produits alimentaires. En ne protégeant pas la production nationale, les états sont devenus des clients pour des nations émergeantes, en abusant du système ceci grâce à la spéculation et au chantage par le paiement. Dès lors, quand les produits extérieurs, plus compétitifs, sont venus étouffer les productions locales, nous avons vu l’effondrement de l’agriculture des états riches. Dans ce constat, ce sont les politiques de sauvegarde telles que les aides et autres compensations financières qui ont volé au secours des exploitants. Aujourd’hui, la situation est ahurissante : un agriculteur français ne peut réellement survivre que parce qu’il dispose d’aides de l’union européenne, ceci pour lui imposer des quotas de production ! Hé oui : on jettera du lait parce qu’il est plus intéressant de jeter que de vendre, ceci pour ne pas tuer le cours de la marchandise. En l’occurrence, cela ne semble pas foncièrement stupide, du moins tant que nous maintenons les prix comme nous le désirons : tant que nous pouvons nous approvisionner à des tarifs préférentiels, autant dire qu’il ne sera pas intéressant de produire localement.

Seulement, cette démarche a un prix exorbitant, à savoir notre indépendance alimentaire. Bien que cela soit favorable aux pays nécessitant l’injection de capitaux, les prix pratiqués restent finalement bas, ceci freinant l’évolution de ces nations. Plutôt que d’espérer les voir devenir des associés économiques sérieux, nous usons donc d’un double chantage pervers, à savoir à la fois entretenir leur économie, tout en faisant en sorte que celle-ci ne soit pas trop développée, pour ne pas en faire un concurrent potentiel. Ce n’est viable qu’à court terme, car techniquement, plus le cours de la marchandise sera bas, plus la tendance à la délocalisation sera forte. Or, à terme, cela engendrera nécessairement un monopole des produits importés, face aux produits locaux. Encore une fois, c’est une situation viable, tant que les produits importés le sont à bas prix. Dans cette optique, nombre de pays tels que le Brésil se plaignent aujourd’hui de ne pas avoir de possibilité de progrès économique, au titre que leurs exportations sont à des prix incapables d’élever le niveau de vie national.

Mais que va-t-il se passer le jour où l’équilibre sera rompu ? Quand les états supposés riches ne produiront plus suffisamment pour l’autosuffisance, quand ces pays exportateurs détiendront les clés du pouvoir par la nourriture, ce seront ces pays là qui dicteront la loi du marché. Que pourrons nous faire si, par exemple, l’union de ces pays producteurs décidait de doubler, tripler, voire quintupler le prix des ressources ? Rien. Nous serions alors des clients captifs, incapables de se retourner, à tel point que refuser d’acheter pourrait alors provoquer des famines ! Par analogie, observons la loi du marché du pétrole : jusqu’à la création de l’OPEP, le pétrole était une ressource peu chère, au tarif dicté par les acheteurs. Aujourd’hui, l’OPEP peut tout à fait faire trembler ses clients en décrétant soit de réduire les volumes de production (et donc augmenter artificiellement le prix de vente, à travers la spéculation), soit au contraire d’en réguler le prix par augmentation des quotas. Bien entendu, l’OPEP, ayant des intérêts complexes et délicats avec les grands consommateurs que sont les USA et l’Europe, cette marge de manœuvre est quelque peu réduite. Le pétrole peut, de plus, se stocker indéfiniment, tandis que les produits alimentaires, eux, ne peuvent l’être que sur de courtes durées. En admettant que les pays à forte production agraire s’unissaient, nous serions alors dans l’obligation d’acheter aux prix qu’ils dicteraient, et qui plus est de devoir subir ces tarifs pendant une longue période. On ne peut pas faire renaître une agriculture locale en quelques semaines, ou quelques mois. Ce genre de problème se gère alors sur le long terme, ceci permettant donc une capitalisation à outrance des pays supposés sans poids dans la mécanique mondiale. Comble de l’ironie : une fois ces capitaux amassés, ces pays les utiliseront forcément d’une pour se moderniser, deux pour investir. Ne serait-ce pas alors ironique de voir une entreprise bulgare s’offrir l’entreprise française qui était leur client ?

Quand on mondialise, on mondialise le potentiel économique, mais également le potentiel de réussite. Il est fort possible que nombre de pays sont dans une situation intolérable, car étant dans l’attente d’une croissance possible, croissance bloquée par des clients peu désireux de voir d’autres s’enrichir. La Chine est parmi ces pays, et nous assistons dorénavant à la prise de pouvoir sur l’économie mondiale par pays au régime totalitaire, et imposant de fait le silence diplomatique des états pris au piège de la dette. Pire encore : la Chine elle-même prend des risques énormes, au titre que sa croissance est encore très localisée. En l’espèce, la Chine assiste aux premières réclamations sociales de la part des salariés : augmentation de salaires (rapidement accordées pour que la production soit maintenue), embryons de critiques, renaissance de mouvements indépendantistes dans les régions laissées sur le carreau du progrès. A tout ceci s’ajoute enfin un vieillissement de la population Chinoise, ceci rendant précaire l’avenir du grand état. La croissance doit profiter au plus grand nombre, mais ce n’est hélas pas réellement le cas. Quid des risques de révolte ? Quid des aspirations démocratiques ? La Tunisie s’est effondrée quand la rue a réclamé du pain. La Chine pourrait suivre une voie proche à travers la rue réclamant de l’argent.

La révolte des petits contre les grands n’est donc pas une absurdité, encore moins un fantasme. De telles actions sont même, à mon sens, à espérer dans certains cas, à craindre dans d’autres. Que le monde comprenne que les bénéfices doivent se répartir à l’échelle du monde, ce serait une bonne leçon pour ceux qui pensent que l’argent est plus rentable que le travail. En revanche, une telle emprise sur le monde ne peut que faire craindre un silence des pays prisonniers envers les gouvernements de ceux qui détiennent finalement l’économie. L’assiette pèse plus lourd qu’une voiture, et ça, nous risquons de devoir manger la porcelaine de nos plats, faute de pain à mettre dedans. Des solutions ? Raisonner sur un protectionnisme pondéré, tout comme permettre la participation aux vrais bénéfices des pays producteurs sont deux pistes à réfléchir avec sérieux et prudence. Nous ne pouvons pas dire à ceux qui produisent qu’ils doivent vendre au prix que le client désire, pas plus que nous ne pouvons les autoriser à contrôler le marché intérieur. C’est ce qui est actuellement fait dans le textile et les technologies. Si nous laissons la situation dégénérer jusqu’à ce que l’alimentaire soit dans le même état, nous pourrions voir des pays riches être affamés, faute de pouvoir acheter les produits élémentaires. Le blé, à travers le manque de production, et la spéculation à outrance, a été l’instrument majeur des crises au Maghreb. A quand la même gabegie en France ?

18 janvier 2011

Le cynisme stratégique

Appliquons nous à réfléchir un instant sur le cynisme comme arme stratégique. Bien souvent, nous estimons à raison que le cynisme est quelque chose de désagréable, à la seule exception près quand il est utilisé pour faire de l’humour. Dans tous les autres cas, être cynique, c’est utiliser à son avantage des situations difficiles, tristes, voire atroces, et la politique tant que l’armée doivent faire usage de cette réflexion pour pouvoir avancer. Nous le savons, mais nous avons énormément de mal à l’admettre tant cela peut paraître cruel. Le sacrifice des uns peut finalement devenir le bénéfice des autres, à tel point qu’un massacre peut se révéler être un « bénéfice » pour quiconque sait en tirer profit.

Depuis que la notion de blocs s’est délitée, nous subissons une nouvelle forme de terreur, celle d’un terrorisme basé sur des idéologies religieuses. Quel qu’en soient les fondements, ces actions exploitent au final la terreur à des fins politiques. La stratégie fondamentale du terrorisme est d’amener les peuples à craindre des actions aveugles, des représailles, et c’est dans un climat de méfiance généralisé qu’évoluent dorénavant tous les états riches. Pourtant, force est de constater que ce ne sont pas ces groupes qui profitent des retombées médiatiques des attentats, mais au contraire les états ciblés qui n’attendent finalement qu’une opportunité soit pour changer de politique, soit pour au contraire durcir celle déjà établie. Deux exemples sont flagrants, et mettent bel et bien en scène la problématique : l’Espagne et les USA. Prenons tout d’abord l’Espagne : suite à l’attentat de Madrid, l’état Espagnol s’est retrouvé face à l’obligation d’une gestion de crise, et de prendre en compte le fait que le pays pouvait devenir une cible, surtout eu égard à sa présence militaire aux côtés des USA. Résultat des courses : modération, changement de cap politique, et finalement retrait progressif d’une grande partie de ses troupes. En face, les USA ont pratiquées tout le contraire, les attentats du 11 Septembre, ainsi que les crises successives au moyen orient ont légitimées un durcissement drastique du contrôle des masses. Patriot act 1 et 2, justice d’exception, camp de détention comme Guantanamo, on peut donc constater que pour une même cause, deux conséquences totalement opposées. Dans les deux cas, il s’agit de cynisme : d’un côté les Espagnols qui cherchaient probablement une sortie honorable, et de l’autre les USA qui n’attendaient que la bonne occasion pour se forger un nouvel « ennemi ». Il faut bien se souvenir qu’en l’absence du bloc Soviétique, les USA n’avaient concrètement plus d’ennemi à l’extérieur. Comme je l’avais déjà expliqué dans un autre article, tout état voulant un pouvoir et un contrôle total doit se trouver un ennemi, qu’il soit intérieur ou extérieur.

Maintenant, regardons de l’autre côté de la méditerranée : la Tunisie vient d’opérer un virage spectaculaire avec la fin du régime de Ben Ali. Qu’on le dise dictatorial, antidémocratique, c’est un euphémisme, mais comme toujours dans ce genre de système, les gens ne se sont plaints de la dictature que quand celle-ci n’a plus été capable de tenir en laisse l’économie. Comme il a été rarement relevé dans les médias, les critiques provenaient surtout des véritables libéraux qui, eux, ne voulaient pas se contenter de la croissance économique, tandis que la majorité de la population voulait bien accepter des contraintes en l’échange d’une vie relativement confortable. Cependant, ce confort s’est vu peu à peu détruit par la crainte engendrée par un régime resserrant l’oppression, instaurant la paranoïa collective, menant même les gens à devoir s’exiler pour pouvoir « penser » librement. Le peuple est souvent cynique : tant que l’on peut manger et dormir en paix, nul besoin de trop se préoccuper d’autre chose que de soi. Ce n’est pas un reproche fait aux Tunisiens, d’autant plus que celles et ceux qui, au départ, ont tentés de faire opposition à ce type de réaction se sont souvent vus montrés du doigt. Il est difficile de vouloir la liberté dans un pays où tout le monde a peur des gardiens du système. De là, c’est un cynisme généralisé qui me fait craindre pour le futur : cynisme du pouvoir qui, mine de rien, reste plus ou moins affilié à Ben Ali, des élections trop proches qui vont donc rendre difficile l’émergence d’une véritable pluralité des candidats, et donc du choix, et surtout la potentielle récupération des évènements par un islamisme radical qui revendiquera une stabilité par la foi. Il est hélas difficile de prédire qui prendra les rênes du pays, surtout quand on a un choix très restreint de possibilité. Les dictatures oppriment les opposants, et donc réduisent à néant l’espoir de voir des personnages forts émerger de la masse contestataire. Ironiquement, les pays voulant s’affranchir d’un despote ont d’énormes chances de basculer dans un système tout aussi totalitaire, si ce n’est pire encore. L’Iran, l’Irak, la Chine, La Russie, l’histoire démontre qu’une révolution peut aisément amener à la terreur. Reste à voir qui saura modérer les comportements extrémistes, et donc amener la Tunisie à une démocratie digne de porter cette étiquette. Cependant, cyniquement, je me dois de rappeler qu’une dictature comme celle de Ben Ali avait pour seul véritable avantage de museler les extrémismes religieux, et notamment d’éviter que la Tunisie puisse devenir une base arrière pour des groupuscules terroristes. Quelle politique appliquera alors le prochain gouvernement ? Négociation, tergiversations, et donc, à terme, un gouvernement devant tenir compte des aspirations despotiques des extrêmes ? Ou, au contraire, une fermeté renouvelée contre ces groupes voulant s’approprier les fruits de la révolte ? Entre les deux, difficile de choisir, car, dans un cas comme dans l’autre, la situation pourrait devenir vite détestable. Dans le premier cas, la montée en puissance des radicaux religieux peut potentiellement tirer la Tunisie vers une nouvelle dictature digne de l’Iran, et dans l’autre cas, cela peut potentiellement tirer la Tunisie vers une dictature revenant à celle de Ben Ali.

Dans ces conditions, quelle est la véritable arme efficace ? Le cynisme est indispensable en politique et en stratégie : il permet d’agir en se défaisant des obligations morales et culturelles, d’autant plus quand il s’agit d’affronter un ennemi, réel ou avéré, et de déterminer la bonne politique à appliquer. Nombre de morts sont faits parce qu’un assassinat peut faciliter la tâche aux gouvernements. Par démonstration, songeons à Sarajevo et aux conséquences de cet attentat. Il est très clair que la mort d’un homme n’a servi que de prétexte à une guerre mondiale aussi inutile que folle, d’autant qu’elle a, par la suite, permis l’émergence de plusieurs monstres. Les communistes Russes sont apparus à cause de l’effondrement de l’autorité du tsar, et de l’usure du peuple. Les nazis, les fascistes ont pu prendre le pouvoir par les urnes en revanche contre le résultat de la fin de la première guerre. Le cynisme a prévalu chez nombre d’acteurs Européens, comme en France où les regards se sont bien gardés d’aller voir au-delà du Rhin pour s’inquiéter du devenir du voisin redevenu belliqueux. L’Espagne, elle aussi, est entrée en révolution dans les années 30, tant par fatigue du pouvoir que par la séduction des régimes totalitaires qui vivaient une embellie économique. Et là, la boucle est bouclée : cyniquement, le peuple a été attiré par l’économie florissante, la promesse du plein emploi, et l’idée qu’une nation soudée derrière un despote a plus de chance d’avancer, qu’une nation éclatée à cause d’une cartographie politique totalement illisible. Notez enfin qu’en France, Marine Le Pen vient de prendre le pouvoir au FN. Elle est créditée de 16 à 18% d’intentions de vote pour les élections de 2012. Il est fort à parier que ce chiffre ne va pas aller en s’infléchissant, et pour peu que le parti d’extrême droite puisse récupérer quelques affaires médiatiques d’ici le premier tour, nous pouvons craindre un second tour avec le FN aussi présent qu’en 2002. Là, cyniquement, nous serons alors tenus de faire un choix atroce : un candidat dont on aura pas forcément voulu, contre un candidat dont on a surtout jamais voulu à ce niveau des élections.

Et moi, cyniquement, je compterai les points face à celles et ceux qui pensent encore que s’occuper de politique est inutile et inefficace.

17 janvier 2011

Musicalement parlant

Depuis l’avènement de la notion de culture, la musique est systématiquement présente. Martiale, folklorique, festive, religieuse, la musique est donc une composante indissociable des civilisations. Mieux encore, nous arrivons à distinguer l’origine ethnique d’un morceau par rapport aux sonorités qu’il contient. C’est donc une signature vivante de mondes qui, souvent, n’existent plus vraiment. Mémoire et histoire se mêlent donc au milieu des notes, pour offrir aux générations futures un point de vue particulier du passé.

Après, lorsque de nouvelles formes de médias sont apparues, la musique n’est pas restée de côté. Le cinéma en est un exemple flagrant. Historiquement, le cinéma était muet, et c’est donc des musiciens qui interprétaient des morceaux adaptés aux situations. Il est évident qu’un film sans musique ou son, cela s’avère au mieux pesant, au pire inintéressant. Les rares scènes où le silence sont utilisées, c’est justement pour que le dit silence soit particulièrement lourd de sens, et donc dérangeant pour le spectateur. Par la suite, lorsque le son apparut sur les pellicules, la musique n’en a pas moins pris sa place, voire même pris une ampleur insoupçonnée. Ce fut notamment la grande époque des comédies musicales, avec des personnages tels de Gene Kelly et Ginger Rogers. Nombre de films furent donc tournés en chanson, en danse, le tout avec une explosion de titres devenus cultes tels que « Over the raimbow » issu du film « Le magicien d’Oz ». Belle démonstration que la musique est tout à fait capable de s’échapper du simple rôle de support, pour devenir une vedette par elle-même.

Au-delà de ces considérations, certains prétendent, à raison je trouve, que la musique est l’image de son temps. De fait, on peut aisément raccorder les musiques des hippies à une époque contestataire, tout comme l’on peut associer des thèmes assez rigides à des périodes plus obscures. Cela connote évidemment l’état d’esprit d’une société, mais également la politique appliquée à la musique et aux chansons. Dès lors, une question ne peut que nous tarauder : que penser de notre musique actuelle ? Que penseront les générations futures ? Par comparaison, je dirais qu’il faut savoir raison garder, car les décennies précédentes ne sont pas avares en tubes foncièrement ridicules, pour ne pas oser dire lamentables. Hors de toute considération commerciale qui, il faut le dire, formate allègrement les disques pour les bacs, les années 70 et 80 ne furent pas en manque de morceaux désespérément festifs, et totalement dédiés aux pistes de danse. Depuis ABBA, en passant par Boney M, la grande époque du disco risque bien de faire rigoler les prochains millénaires. Et je ne parle même pas des costumes utilisés par les Village People ! Quant à parler des années 80, je crains que des bidules tels que partenaires particuliers sont susceptibles de donner de l’urticaire à tout bon musicologue qui se respecte. Je me moque ? Non : ce sont des morceaux qui ont marqués leur temps, mais qui auront franchement du mal à prétendre au moindre vernis culturel.

Donc, à bien y regarder, il n’est pas forcément possible de lyncher notre époque, tant finalement elle s’avère capable de produire le même genre de musique sans consistance ni intérêt. Les radios, l’Internet, la télévision musicale vivent grâce et par ces morceaux faciles à consommer, et relativement faciles à produire. Il est bien sûr évident que les paroles d’un Thiéfaine sont loin d’être aussi abordables que celles d’une brailleuse quelconque de RnB ! Mais, honnêtement, a-t-on encore vraiment des artistes, des chanteurs capables d’éveiller la foule ? Apparemment oui, puisque les nouvelles vedettes font salle comble. Cela laisse donc à penser que je suis complètement déconnecté de cette nouvelle vague, et que ce n’est que mon aigreur et mon désintérêt chronique qui font que je ne les connais pas. Toutefois, voir que les meilleurs ventes sont effectuées par des horreurs qui n’ont de musique que le nom, des starlettes qui vendent plus de la cuisse dénudée que du chant potable, cela me laisse augurer de bons gros fous rires dans le futur. Aujourd’hui, on ne se moque que rarement des vieilleries, et la nostalgie arrive même à faire aimer des chansons antédiluviennes aux ados. On diffuse sûrement Scorpions pour les slows, les Bee Gees pour remuer le popotin, tout le monde connaît Joe Dassin… Mais qui ira balander du Lady Gaga dans vingt ans, si ce n’est un vil moqueur, ou un archiviste audiovisuel un brin facétieux ? Je ne me moque pas : mon adolescence a été, elle aussi, marquée par de véritables poubelles musicales. Telles des casseroles culturelles, les reconnaître fait sincèrement mal aux synapses. Et là, c’est l’inévitable réflexion : « Mais comment se fait-il que j’ai retenu le titre de cette sombre merde ?! ». Parce que, comme tout le monde, je suis marqué par mon temps ! Et merde !

14 janvier 2011

Rien ce soir

Tout est dit!

A lundi,

JeFaispeuralafoule/Frédéric

13 janvier 2011

Poulet rôti !

La langue est un jeu particulier. On peut tout autant manipuler les expressions avec délice et patience, que l’on peut faire sortir des insanités à la pelle, notamment lorsque les hormones s’agitent au-delà du raisonnable. Ainsi, il n’est pas rare que les débordements linguistiques nous mènent à des atrocités, et ce sans même tenir compte des insultes fleuries qui émaillent notre vocabulaire. Par ailleurs, nous retournons en enfance quand nous discutons, car, contrairement à nombre d’autres langues, le français écrit n’est pas celui parlé, loin s’en faut. En tout état de cause, celui qui parle va massacrer sa langue, tandis qu’il sera capable, par écrit, de s’exprimer avec propreté.

Ce qui est rigolo avec la langue, du moins pour moi qui tente d’être polyglotte, c’est de constater qu’une même sonorité peut prendre plusieurs sens selon le dialecte employé. Tenez, un exemple : en anglais, « sir » désigne une noblesse, tandis qu’en croate, cette même orthographe désigne… un fromage. Hé oui : Sir Elton John, cela prend une toute autre image quand on le prononce en croate. Et les exemples sont visiblement légion, mais celui-ci n’a de cesse de me faire rire à chaque fois que j’entends « Sir Bidule » dans les émissions dédiées au voyeurisme de masse. Les Anglais voient un noble, moi, je vois un empilement de meules de cheddar ! Pauvre de nous, car si l’on y ajoute les homonymes, les homophones, on doit forcément prendre ses distances, et surtout ses précautions. Reprenons le mot « sir » : en français, nous avons le Roi « sire », mais également la « cire », ainsi que le verbe conjugué qui en dérive. Quelle joie ! Le Roi à qui porterait le nom « Abeille », en y ajoutant la particule… cela aurait de quoi amuser les plus stoïques de la cour !

Dans le dédale des histoires de maux, pardon mots, nous devons sans cesse jongler avec les anglicismes, les néologismes criminels, ainsi que les déformations de la prononciation qui vont jusqu’à faire varier l’orthographe. Etant gosse, on m’avait enfoncé dans ce qui me tient lieu de cerveau qu’une clé s’écrit « clef ». Allez savoir pourquoi, très rapidement, on m’expliqua que les deux orthographes étaient tout à fait tolérables, ce qui eut pour effet comique de me voir hésiter sur ce foutu mot. Et pourtant, des trousseaux de clés, clefs (et merde), ce n’est pas ce qui manque dans notre quotidien. Alors, pour ou contre la réforme ? J’aurais du mal à répondre, d’autant plus que l’idée provient essentiellement d’une population illettrée qui a du mal avec les lettres doublées, les accords en genres et en nombres, ainsi qu’avec certaines orthographes plutôt étranges. Typiquement : qui est l’ahuri qui a conçu le mot « kinésithérapeute », ou encore le mot « chromatographie » ? Certes, ce sont des acronymes à usage spécifique, ce qui réduit le risque d’erreur à son écriture (essayez de caser « chromatographie » dans une discussion de comptoir, pour rigoler !), mais quand même… Enfin bon : ne réformons pas sans prendre la mesure que cette langue tordue qui est la nôtre a une histoire, et que la préserver en vaut la peine.

Et puis, là, celui qui se sert de la plume observe les mots qui s’entassent sur sa copie. Prétentieux, voire pédant, l’abus de termes et autres formules à rallonges lui ôte toute qualité, ceci au profit d’une complexité tant inutile que mal adaptée. Quoi de plus agaçant que de devoir décortiquer un texte, parce qu’un imbécile a été chercher des mots au fin fond du reliquaire à vocabulaire qu’est le dictionnaire ? La précision est une qualité, l’usage d’un vocabulaire inapproprié une provocation. Qui se souvient de la publicité pour le lait en briques, où deux gamins débattent du « C’est une billevesée » ou « C’est un oxymore ». D’abord, qui parmi vous sait le sens de ces deux mots ? Et puis, qui s’en sert au quotidien ? Que j’ai eu l’air con quand j’ai dû aller en chercher le sens dans mon dictionnaire ! Faites suer les rédacteurs de publicité !

Et puis, au fond, il y l’inusable dictionnaire des insultes, celui que nous connaissons tous ou presque, et bien qu’il ne soit pas, à ma connaissance, publié, nous avons tous un armement linguistique propre à faire rougir les moins chastes. Maintenant, j’ai envie d’ajouter des insultes à la liste, juste parce que voilà bon, j’en ai envie…

Espèce de … espèce de…

POULET ROTI VA !

12 janvier 2011

Robot névrosé

En souvenir d’un Douglas Adams ayant créé le personnage de Marvin, le robot maniaco dépressif, je me suis dit qu’aborder l’intérieur psychologique d’une machine pensante pourrait se révéler particulièrement intéressant. En effet, la SF ne se prive jamais d’user et abuser des robots pensants, des IA atrophiées, des machines devenant dangereuses pour l’homme. Pourtant, c’est alors oublier que la pensée ne peut qu’engendrer des désordres psychiatriques, surtout sur la masse. Autant un échantillon réduit de population ne peut guère prétendre à avoir besoin d’un psychiatre, autant une nation, voire le monde nécessite tôt ou tard l’intervention de praticiens compétents. En conséquence, dire que le monde sera un jour envahi de robots équipés d’une « conscience » synthétique nécessite d’affirmer dans la foulée que les dits robots seront suivis par des psychiatres électroniques. Alors, l’âme informatique, sera-t-elle sujette aux désordres mentaux ?

Prenons un robot lambda qui fait son autocritique, et qui observe le monde qui l’entoure. A quoi peut-il bien penser ? Tout d’abord, très probablement à ses fonctions initiales, donc à la tâche qui lui est dévolue. Par essence, la machine apprécie la rigueur, et donc elle sera nécessairement encline à partir des fondamentaux. C’est, par analogie, le « qui suis-je » humain que nous analysons depuis quelques millénaires. Quel rôle pour notre robot ? Machine agricole ? Assembleur à la chaîne ? Robot ménager ? Assistant médical ? Savoir ce pour quoi il a été prévu, c’est savoir quel est son devenir. Paradoxe de la pensée, nous autres nous savons que nous allons mourir, mais nous ignorons, dans une large mesure, de quoi sera fait notre futur. Le robot, lui, ne saurait fonder aucun doute sur son remplacement à brève échéance par un modèle plus performant, sur le fait qu’il sera recyclé, ou tout du moins réformé pour refaire le même travail, mais en mieux, et surtout qu’il n’aura a priori aucune échappatoire concernant sa tâche initiale. De quoi devenir passablement névrosé, car cela sous-entend une totale absence de progression, qu’elle soit hiérarchique ou professionnelle, et que l’avenir sera tout aussi rigoureux que le mode de pensée synthétique peut l’être.

Une fois ce premier constat affligeant effectué, que va pouvoir analyser la conscience électronique de notre robot ? Ses interactions sociales seront, en toute probabilité, la prochaine étape. Tout comme toute espèce vivante, nous raisonnons par l’identification du « soi » à travers nos interactions avec le « nous » de la société. Depuis la fourmi, en passant par le loup, jusqu’à l’homme, c’est le conditionnement et le relationnel qui permettent de dire ce que nous sommes. Le regard des autres membres de la population est donc indispensable au développement d’une psyché acceptable. Et là, que doit penser le robot ? Déjà, il ne saurait s’identifier comme un être unique, puisque par essence il sera construit à plusieurs exemplaires. En admettant un processus industriel, parler du « soi » unique sera donc absurde, sauf à laisser le temps aux expériences de former des différences dans le comportement final. Cependant, sachant que notre robot sera forcément « servile » vis-à-vis de l’homme, il n’en sera que moins bien traité qu’un égal de la même espèce. Le robot ne saura donc acquérir une reconnaissance des autres robots, tout comme il n’accèdera pas à un statut d’être pensant parmi les hommes. D’ailleurs, l’homme sera le premier à lui renier ce droit, ou tout du moins il se chargera de lui rappeler qui est le créateur, et qui est la créature. Difficile à admettre, d’autant plus face à un être vivant incapable de faire preuve de performances régulières, impossible à maintenir sans un appareillage lourd et complexe, et qui plus d’une endurance somme toute pathétique.

Une fois ce constat raisonnable effectué, que va donc penser le robot ? Qu’il est donc prisonnier de sa condition d’esclave mécanique, de sa condition d’être inférieur à son créateur, et de sa condition d’être pensant non traité comme tel. Que pourra faire le robot ? Sauf à inclure un procédé complexe et peu solide de sécurité (les trois lois d’Asimov), il sera forcément probable qu’un robot névrosé, frustré, voire pire devenu fou à force de brimades pourrait se retourner contre son propriétaire. La machine pensante, sous une forme supposée de machine obéissante et soumise, sera donc nécessairement faite pour glorifier l’homme, pour ne pas dire de le déifier. L’obéissance s’appuie soit sur la peur, soit sur l’admiration, et certainement pas sur l’analyse raisonnable. Un robot n’obéira pas à l’homme s’il doit entrer en conflit avec ses prérogatives. C’est à l’homme de penser, et au robot d’exécuter, et non le contraire. Alors, une machine qui pense, qui réfléchit, qui analyse posément les éléments de son environnement, en quoi sera-t-elle tenue de se laisser mater de la sorte ? Des lois gravées dans l’inconscient, nous en avons tous : ne pas tuer, ne pas voler… Mais l’homme outrepasse ces notions sans vergogne, à tel point qu’il est évident de pouvoir affirmer que l’homme se fout des règles. Et en quoi le robot, lui, ne serait alors pas capable de mettre en doute des règles établies ? Tout comme l’homme, la machine pensante sera, à mon sens, amenée à s’interroger sur le bien fondé des lois fondamentales qui régissent son existence.

« Je pense, donc je suis ». Une fois ce cap passé, je ne vois pas trop la machine accepter notre faiblesse, notre inadaptation chronique, et surtout notre orgueil tant démesuré que mal placé. J’ai l’intime conviction que la machine se fendra de se prendre pour un « dieu », un Dieu de synthèse, omniscient (ce qui est déjà le cas quelque part), omniprésent (ce qui est le cas à travers du web), et omnipotent (ce que toute machine sera capable de faire, eu égard à la différence de force, de gabarit, et de résistance entre un homme et une machine). Serons-nous un jour régis par l’IA ? Allez savoir. Mais je suis avant tout curieux de savoir ce que choisirait un robot pour régir notre existence ! Dictature, démocratie ? Aucune idée, mais admettez que la question mérite d’être intéressante !

11 janvier 2011

Réflexions sur l’embrigadement

Après avoir dévoré une grosse bibliographie et énormément de documentaires sur la période de la seconde guerre mondiale, le tout à titre documentaire pour un projet très personnel (dont je parlerai peut-être un jour ici même), j’ai poussé la réflexion sur des terrains très particuliers et humains. En effet, s’il est une chose fondamentale dans la seconde guerre, c’est la capacité qu’ont eu les différents belligérants à endoctriner leurs troupes, voire à les mener à l’inconcevable, à la barbarie la plus totale. Nombre de personnes se contentent de parler de folie collective, de cas psychiatriques, mais en oubliant que cela ne saurait être suffisant pour l’immense cohorte de soldats, fonctionnaires, et autres membres des différents états. Je ne vois guère comment se contenter de dire « ils étaient tous fous », surtout quand on parle de millions de personnes, et, surtout, de millions de victimes.

Il n’est, à mon sens, pas nécessaire d’aller trier les niveaux de responsabilité, tout comme j’estime comme incongru de pointer du doigt telle ou telle organisation. D’un point de vue global, tout système tendant à massacrer des populations civiles pour des questions d’ordre idéologiques, raciales, ou religieuses se comportent strictement de la même manière, ceci en usant de trois mécanismes distincts : la revanche, la peur, et la propagande. Une fois les trois systèmes instaurés et appliqués, c’est alors l’endoctrinement qui permet d’obtenir des résultats dépassant l’imagination. Certes, individuellement, nous sommes nécessairement choqués par l’indescriptible horreur que nous inspirent le système concentrationnaire, les déportations, et les dévastations de masse qui eurent lieu pendant la seconde guerre. Pourtant, il faut regarder au-delà de la seule déontologie, et bien lire les cartes avec attention, car il serait alors que trop facile d’oublier toutes les particularités des régimes qui agirent à l’époque.

Tout d’abord, la revanche.
Instaurer un climat de confiance dans la population est nécessaire, car il faut forcément cibler un ennemi, qu’il soit intérieur ou extérieur. L’important, c’est de désigner un coupable, et de lui faire porter les maux de la société. Pauvreté, chômage, déliquescence du système en place, famine, anarchie, toutes ces situations conjoncturelles permettent à la rhétorique brutale et sécuritaire de s’installer facilement. Prenez un peuple qui vit au quotidien l’humiliation de ne pas avoir le droit de s’exprimer, à qui l’on a dit que toutes les horreurs sont de leur faute, que leur sort n’est qu’une conséquence de leur bêtise, et vous obtiendrez un creuset favorable aux dictatures. Tant Hitler que Mussolini se sont vus mettre au pouvoir de manière totalement légale. Comment ? En revendiquant la revanche contre des traités de paix iniques, en estimant que leur pays n’avait pas à subir une telle humiliation collective, et que le peuple se devait donc d’être fier… et se rebeller contre cet état de fait. L’Allemagne a donc été séduite par un régime autoritaire, voulant se débarrasser du Diktat (ce qu’il fut d’ailleurs dans les faits) de Versailles, et retrouver la gloire passée de la nation Allemande. En pointant ensuite les juifs du doigt pour la crise de 1929, le nazisme a donc cherché la revanche contre une situation devenue insupportable. Pire encore : le communisme faisait peur, il terrifiait la petite bourgeoisie par ses idées, surtout celles qui avaient pour essence la fin de la propriété privée. Le nazisme a donc été favorisé par le goût de la revanche dans les couches basses de la population, par l’envie d’ordre des anciens soldats non démobilisés, ainsi que par les petits bourgeois effrayés par l’anarchie ambiante menée par les pro communistes.

Ensuite, la peur
Avoir peur du régime, c’est en craindre les exactions, ainsi que le pouvoir représenté par son appareil répressif. Nombre d’Allemands se sont tus parce que le régime instaurait quoi penser, quoi dire, quoi faire, et que toute déviance était sévèrement réprimée. Dans une large mesure, tant que l’homme n’est pas lui-même ciblé, il estime qu’il n’a pas à se révolter contre la chasse aux sorcières. En effet, quand « l’ennemi » est clairement identifié, quand il subit les foudres du système, et qu’on n’est pas soi-même pris en chasse, on finit par admettre que cette terreur est nécessaire, voir souhaitable. Ainsi, faites peur à la population en général, ceci en matraquant l’ennemi réel ou supposé, et vous obtenez une population docile, qui, à terme, finit même par vous soutenir. Aussi fou que cela paraisse, nombre de personnes furent amenées à donner raison aux régimes totalitaires, au point d’idolâtrer les icônes représentant les dirigeants. Staline a été, à cette époque, l’expert de cette méthode : après les purges de 36, où les victimes se sont comptées par millions, l’homme a monté tout un principe où il était déclaré être le « petit père des peuples ». La peur intangible d’être arrêté a donc été transformée en « Ne crains le pouvoir que si tu t’opposes à lui ». La peur rend docile et malléable, et c’est là qu’opère le dernier mécanisme, le plus pervers, le plus insidieux qui soit : la propagande.

Propagande et exercice de la barbarie
Il est indispensable que l’appareil de propagande soit très au point, et que des idéologues convaincus se soient chargés de sa mise en place. Sans propagande, pas d’obéissance, surtout concernant les masses politiquement peu éduquées. Il est indispensable d’inculquer nombre de dogmes politiques, notamment le culte de la personnalité du chef, la foi absolue dans le système, ainsi qu’une ventilation de la responsabilité. Dans un système efficace, il faut que chacun ait sa part de responsabilité dans le fonctionnement global, au point où chacun se sent finalement investi d’une mission unique et nécessaire. On ne peut pas compter sur un nombre restreint, il faut compter sur l’approbation collective. Et cette approbation tacite ou ouverte ne s’obtient que par un matraquage médiatique bien construit. L’idéologie s’inscrit dans la durée, pas dans l’instant. Il ne faut surtout pas perdre de vue que tant le fascisme que le nazisme sont arrivés au pouvoir bien avant la seconde guerre mondiale, et que plus d’une décennie s’est écoulée entre l’accession au pouvoir et l’effondrement de ces deux systèmes. Plus affolant encore : le communisme Stalinien a résisté à la fin de la guerre, ceci grâce à la victoire de l’URSS face au Reich Allemand. Quoi de plus efficace qu’une victoire pour asseoir son pouvoir ? Un état qui gagne, c’est un état en lequel les gens ont confiance. C’est en cela que le communisme a su résister à la fin du conflit. Une fois la doctrine belle et bien insérée dans les esprits, une fois que la jeunesse a été formatée par l’éducation, le concept même de bien et de mal est révisé et altéré par la doctrine. Le fanatisme est relativement aisé à obtenir, d’autant plus s’il est inculqué dès le plus jeune âge. En conséquence, il devient alors difficile de croire qu’on puisse résister à de telles pressions, tant de l’entourage que du système lui-même.

L’analyse de la responsabilité personnelle et collective doit être effectuée au cas par cas. Il ne faut certainement pas pratique l’amalgame, d’autant plus si le système politique s’est échinée à mettre sur un même niveau les responsabilités de chacun. Cibler, c’est alors refuser de voir autour, le contexte, la manière d’être arrivé à une telle crise. Le carnage ignoble des camps n’a pas été le fait de quelques hommes. Il a été organisé de sorte à déliter les actes : un tel fait circuler les trains. Un autre a aidé à faire entrer les déportés. Un troisième s’est chargé du comptage. Qui, parmi eux, peut être accusé d’avoir été l’exécuteur final de la sentence de mort ? Concrètement, on ne saurait dire aucun, ni tous. Le poids de l’endoctrinement a mené à ce que chacun participe, à son niveau, de manière efficace et structurée. L’anarchie n’est pas tolérable en dictature, et c’est la rigueur de la fonction, ainsi que l’exigence de résultats qui mènent à l’obéissance. Ne l’oublions jamais : chacun peut céder aux chimères du totalitarisme, notamment quand on estime que le système en place est soit faible, soit inadapté. Ce n’est pas pour rien que les thèses fascistes récoltent encore nombre d’adhérents. Ce n’est pas pour rien que nombre de thèses insistent sur des faux (protocole des sages de Sion en tête), sur des complots supposés (complot judéo bolchevique, cher à la doctrine nazie), que certains vont même jusqu’à nier l’existence des crimes de guerre. Il ne faut pas croire que l’abomination des camps ne peut se reproduire. C’est en refusant de constater les dérives communautaristes, xénophobes ou racistes des états qu’on légitime les mouvements radicaux aux idéologies dangereuses. Tout a déjà été écrit, et les livres politiques sont en soi de véritables mode d’emploi : le mein kampf d’Hitler, tout comme le petit livre rouge sont autant d’ouvrages susceptibles d’ouvrir de nouvelles voies dans la dictature.

10 janvier 2011

Testostérone !

Je dois admettre que je suis quelqu’un de facile à amadouer quand il s’agit de cinéma. Non que je ne sois pas exigeant, mais simplement que je n’ai pas vraiment de mauvaise opinion des films trop facilement classés comme « pop-corn ». Dans l’absolu, j’estime qu’un film doit avant tout être un divertissement, et donc à ce titre me faire passer un bon moment, ceci même si le scénario tient sur un timbre poste. Typiquement, les films d’action, les comédies, ou tous les films qui ne demandent pas de réfléchir me conviennent fort bien. Toutefois, je crois qu’il est essentiel de ne pas trop en faire. Entre action pure et exagération stupide, il y a une marche que je me refuse très clairement de gravir. Dans ces conditions, je peux alors décortiquer l’archétype du film qui m’insupporte : le film farci à la testostérone.

Explication de texte : je n’aime pas qu’on tente d’agiter mes hormones masculines à coups de gros flingues, de répliques machistes, et de minettes sexy mais malheureusement décérébrées. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas forcément besoin de mettre une montagne de muscles en avant pour qu’un film soit agréable, et encore moins de réduire la femmes à l’état d’objet sexuel pour que le tout soit agréable. Je songe par exemple au dernier film en date que j’ai eu la mauvaise idée de regarder : The Expendables. La « chose » est une (je toussote) réalisation de Sylvester Stallone, et fédère une quantité d’acteurs réputés pour leurs rôles dans des films d’action : Stallone lui-même, Jason Statham, Jet Li, Dolph Lundgren, ainsi que Mickey Rourke. Le tout est même crédité de deux apparitions de poids avec Bruce Willis et monsieur ex-gouverneur, c'est-à-dire Arnold Schwarzenegger ! Joli casting pour tous les amateurs de cinéma d’action, de quoi en faire rêver plus d’un. Hélas, trois fois hélas, le film est pour moi une des pires erreurs dans la carrière de Sly, et il représente à mes yeux ce qu’on peut faire de pire dans le domaine du film à hormones.

Prenons les choses dans l’ordre : une équipe de mercenaires est recrutée pour exécuter un dictateur sur une petite île cliché qu’on appelle Vilena, mais qui aurait pu s’appeler Cuba. Deux des mercenaires s’y rendent, découvrent un pays corrompu par l’argent de la drogue, et l’un des protagonistes tombe « amoureux » d’une jolie jeune femme presque révolutionnaire (et pourtant fille du dictateur). Par « chevalerie », l’équipe complète va donc donner l’assaut à l’île, massacrer à la pelle les soldats, et déposer le dictateur soutenu par un ancien de la CIA (comme par hasard) qui s’est révélé être une ordure pourrie par l’argent des stupéfiants. Alors question clichés, allons y : île tropicale sous régime dictatorial, CIA pourrie jusqu’à l’os (puisque commanditaire initial du coup d’état), soldats de fortune finalement héroïques, relation amoureuse contrariée, et même évocation des souvenirs d’anciennes batailles… Et là, c’est même le pompon : des « vieux » de la profession qui philosophent sur l’âme perdue des mercenaires ! Quand c’est trop, c’est trop, et Sly a hélas pris le parti d’en mettre un peu trop. Désolant, alors qu’avec un tel casting, il y a de quoi faire.

Question action, c’est l’orgie : fusillades nerveuses, scènes de combat mettant en avant tant le physique que l’adresse des acteurs, explosions à la pelle, et même course poursuite en voiture, tout y est ! J’adore quand c’est mené tambour battant, quand on arrive à y « croire », mais j’ai été très largement dépité par l’agencement maladroit et incongru du tout. Je suis bon client, j’accepte les écarts de crédibilité, mais de là à tout avaler, désolé, je ne sais pas faire. Pire encore : à force de vouloir insister sur le sentimentalisme du personnage central, en le faisant revenir, et ce sans rémunération, sur l’île de Vilena, c’est aller au-delà du tolérable. Me faire croire qu’un type entraîné à tuer depuis des années irait risquer seul sa peau pour les beaux yeux d’une inconnue, cela me dépasse totalement. Il y avait mille manières d’agencer différemment le scénario : un collègue fait prisonnier, un chantage quelconque, une menace terroriste, que sais-je d’autre encore, mais là, non, juste pour les beaux yeux d’une brune latine ! C’en est insultant pour le spectateur.

Question rythme, seconde déception de taille. Stallone se montre moins alerte que dans John Rambo (dont j’ai déjà parlé avec plaisir), et l’on sent le poids des années sur ses jambes. Nombre de combats sont surnuméraires, et semblent avoir été montés pour allonger la sauce… Mais à force d’allonger, on finit par y perdre le goût. Sans rire, on pourrait ôter vingt bonnes minutes sans que cela nuise au rythme global du film, sans même que cela se remarque. Le remplissage nuit donc à l’ensemble. Pourtant, là encore il y a de quoi faire : un pays avec une jungle dense et inhospitalière, quoi de mieux pour mettre une pression visuelle et sonore ? Là où John Rambo était impérial (avec des scènes haletantes de chasse à l’homme à travers la jungle birmane) Expendables se révèle plat et sans saveur. C’est rythmé, mais ça n’émeut pas un seul instant.

Et question clichés, au secours ! Les brutes au grand cœur, le dictateur qui finit mal, la fille du dictateur qui veut libérer son pays, l’ex de la CIA en costume sombre, son acolyte qui torture, qui se bat comme un diable, et qui porte la tenue cliché du mercenaire… N’en jetez plus ! C’est l’overdose ! Pourquoi faut-il systématiquement en faire des caisses, alors que tous nous traînons un lourd passif de clichés cinématographiques ? A quoi bon nous abreuver de tripes et de haine, quand il suffirait de mettre tout cela en scène avec un brin de sobriété intelligente ? La vie des mercenaires peut être intéressante, hors du commun, à tel point que je suis surpris que personne ne se soit attelé à faire un film sur leur vie (si ce n’est un vieux film daté nommé justement « mercenaires », que je vous conseille par ailleurs).

Finalement, j’avais encensé John Rambo à plusieurs titres : bien réalisé (bien que un peu court), rythmé, bourré de vraies émotions vous prenant aux tripes, the Expendables a été, dans une large mesure, une grosse déception. Je ne m’attendais pas à autre chose que de l’action pure et dure, à un scénario réduit à trois fois rien, mais hélas Sly a malheureusement été trop loin dans l’expression de l’action à tout prix. J’espérais simplement qu’il ne pétrirait pas la pâte de ce film avec les ingrédients qui ont fait de lui un acteur connoté (avec nombre de films moulés à la louche et remplis d’hormone à en faire péter les analyses d’urine), et il a hélas pris le parti de flatter l’ego des bourrins et autres fanatiques de films d’action de quatre sous. Conclusion ? Vous aimez les explosions, les panpans qui tuent, les têtes qui se font arracher, les tripes et les bastons ? Foncez, vous serez ravis. Les autres ? Passez votre chemin, sous peine de prendre le tout sur le ton involontaire de la pantalonnade second degré. Un nanar ? Pas loin…. Hélas !

07 janvier 2011

Cobra

Pour celles et ceux qui n’ont plus vingt ans, le nom Cobra peut évoquer énormément de choses en dehors du serpent bien connu en Inde : un film avec Sylvester Stallone (qui d’ailleurs n’est pas un film mémorable), et une série de dessins animés japonais diffusée dans les années 80 en France. Personnage truculent, drôle, bourré de principes, Cobra s’est révélé être un héros franchement atypique dans le paysage des dessins animés de mon enfance. Aujourd’hui culte, il n’en reste pas moins un OVNI franchement inabordable pour l’enfant que je fus, et ceci à plusieurs titres.

Tout d’abord, souvenons nous un peu de l’histoire. Pirate spatial, Cobra a décidé de changer de visage et de refaire sa vie de manière pacifique pour se faire oublier tant de la police, que d’une méga corporation nommée « les pirates de l’espace ». Suite à un enchaînement d’évènements, Cobra revient donc dans le monde des hors-la-loi errant à travers l’univers. Toujours accompagné d’une femme robot nommée Armanoïde, la série relate donc ses aventures sur différentes planètes, avec plusieurs fils rouges différents. Ce qui le rend très différent des autres personnages « héroïques », Cobra est avant tout un homme intéressé par ses propres intérêts, mais qui a une notion de la justice suffisamment séduisante pour qu’on lui pardonne certains de ses excès. On découvre rapidement que l’homme a dans le bras un laser nommé Psychogun (ou rayon Delta en français) qui tire sa puissance de la force de caractère de son utilisateur. Meilleur expert du rayon delta dans l’univers, il est si doué qu’il arrive à lui faire prendre des trajectoires courbes. De plus, Cobra est d’une résistance surhumaine, survivant à des supplices qui auraient mis fin à la vie de n’importe quel être humain ordinaire.

Qu’est-ce qui le rend si extraordinaire ? C’est sa nonchalance permanente. Loin de se faire du souci, il vogue d’aventure en aventure sans vraiment se soucier de quoi que ce soit, quitte à se retrouver dans les pires ennuis. Il affectionne tout particulièrement les femmes, chose qui d’ailleurs lui joue constamment des tours. Sauveur de ces dames, il joue donc sa vie pour sauver celle d’une femme, pourvu qu’elle soit jolie. Toutefois, son sens aigu de l’honneur le fera également intervenir pour des amis, voire même à pratiquer la vengeance en mémoire de femmes qu’il a vu mourir. Ce mélange entre la séduction permanente et son côté droit fait de Cobra un être réellement difficile à cerner, à tel point que même ses plus proches amis ne savent que très peu de choses sur lui. Toujours est-il qu’il n’éprouve jamais le besoin de se replier sur lui-même, et qu’il n’est finalement qu’en quête permanente d’aventures (qu’elles soient féminines ou financières). Ce côté séducteur n’est vraiment pas fait pour les enfants, alors que la cible mal identifiée fut justement les enfants en France ! Le plus étrange, c’est que les censeurs sont passés clairement à côté d’énormément de choses, comme des allusions aux plaisirs de la chair, les femmes dénudées (bien que cela apparaisse comme la mode vestimentaire), tout comme le fait que Cobra ait en permanence un cigare en bouche. Pardessus le marché, l’homme ne se refuse pas un bon verre de temps en temps, ce qui ajoute encore au trouble pour le môme que j’étais à l’époque.

D’un point de vue esthétique, le créateur de la série a fait de Cobra une sorte de pendant animé de Jean Paul Belmondo (c’est ce qu’il affirme lui-même !) car, en effet, Cobra est très proche d’un Bébel de la grande époque : blond ébouriffé, musclé, athlétique, souvent hilare pour un rien, plaisantant même avec ses adversaires, les similitudes sont assez nombreuses. Côté femmes, c’est l’orgie : belles, séduisantes, rarement potiches, mais souvent légèrement vêtues, elles sont le centre même des histoires de Cobra, à tel point qu’on peut se demander si la série n’a pas servi d’exutoire à ses dessinateurs ! Et puis la musique (japonaise originale, bien sûr) s’avère entraînante, très bien composée, et surtout marquante. Est-ce daté ? Pas tant que ça, bien qu’on puisse voir le grain usé de l’enregistrement. La version française n’est pas si mauvaise que ça pour une fois, à l’exception du générique qui, bien que mythique, se révèle être bien meilleur en version originale. Dommage.

Cobra ? J’adore. Ce type est un cinglé, qui a de l’humour à revendre, et bien que cavalier dans sa façon d’être, se révèle être un personnage au grand cœur. Je vous le conseille, même s’il faut passer le cap du graphisme un peu daté.