28 septembre 2007

Câblé

Dans un monde où l’information traverse les océans plus rapidement que le plus rapide des avions, nous sommes à présent confrontés à l’affrontement virtuel entre les médias informatiques et les anciens supports de l’information. En étant réducteur, on pourrait alors dire que le journal se retrouve peu à peu sous la coupe du réseau et que le réseau devient quasi omnipotent. Pour autant il ne faut pas amalgamer ce phénomène avec l’édition dans son ensemble car le livre n’a jamais été autant utilisé. Pourquoi se priver du plaisir de la matière et du confort inaltérable de détenir un livre et non un fichier susceptible de disparaître ? L’Information est une chose mouvante, volatile et qui supporte facilement la contradiction ainsi que la mutation. En se posant les questions suivantes on peut déjà confronter ces affirmations au concret : un attentat arrive, on l’annonce. C’est un fait. Quelques heures plus tard on précise le nombre de victimes, le fait est donc affiné. Les premiers jours passent et chacun va de sa spéculation, l’information mute donc tout en gardant un fond d’exactitude. Finalement l’enquête révèle et pointe du doigt des responsables supposés : l’information originale s’est vue modifiée, triturée et alimentée d’autres données totalement différentes. Le réseau est à l’image de l’information, il bouge et tremble au gré des évènements parfois totalement dissociés mais qui mènent à des réactions mutualisées.

Si l’on parle de politique, on peut bien évidemment chercher une incidence du réseau sur les décisions et les réactions des gens au titre que les opinions et les informations (parfois invérifiables, souvent détournées, rarement explicitées) permettent de faire des analyses personnelles poussées. Pour le moment nous en sommes cependant qu’aux balbutiements d’un nouveau monstre sans cœur ni tête, une nouvelle bibliothèque d’Alexandrie à laquelle l’on aurait ajouté une conscience collective. Ne rechignez pas face à cette idée, elle est on ne peut plus réelle et c’est justement ce qui rend le réseau passionnant et potentiellement dangereux. Comparons les deux références : la première permettait de stocker les informations les plus précieuses provenant de tous les empires, le tout sous la coupe de gens lettrés et cultivés, alors que le réseau lui est une accumulation de pensées hautement personnelles, et qui dit personnelles dit sans contrôle et sans critique. Par conséquent, la bibliothèque devait supporter la chronique alors que le réseau s’est émancipé de cet interventionnisme parfois salvateur. Qu’on me comprenne bien, je ne prône pas la censure, loin de là, je parle simplement de faits. Par conséquent, le réseau est tentaculaire et mouvant parce que chaque élément pris séparément véhicule des messages qui se retrouvent exposés et libres d’être entraînés par tout autre acteur de l’information.

Une fois ces postulats placés, on comprend donc que le réseau est d’une part une manne d’informations gigantesque, et d’autre part une masse informe et dénuée de consistance pratique. Tout est présent sans vraiment l’être totalement, et bien souvent il s’agira de recouper les raisonnements à partir d’un grand nombre de sources de manière à être au plus proche de la réalité.

Appliquons nous, à présent, à prendre cette situation et la pousser à son paroxysme, c'est-à-dire en développant les interactions humaines avec le réseau jusqu’à un point supposé lointain… du moins pour les plus optimistes. Si le réseau peut avoir une influence sur les communautés c’est qu’il se fait porteur des messages, sans pour autant imposer ses vues car celui qui est influencé était déjà chercheur et sensible aux sujets. Quand on me dit que les sites communautaristes et extrémistes sont dangereux, c’est oublier que ceux qui les cherchent et les consultent et s’en imprègnent étaient déjà déterminés à les lire. On peut donc heureusement dire que le réseau n’est qu’un messager et qu’il est plutôt un catalyseur, un peu comme le serait un « messie » au milieu d’une foule sensible à ses opinions et à des discours.
Je parlais d’aborder un extrême, une sorte de fusion entre les esprits et le réseau. C’est d’une manière générale une ineptie selon des analystes, mais c’est à mon sens notre avenir, et il est moins lointain qu’on veut bien l’admettre. Quelles seraient les conséquences d’une telle capacité, quels seraient les moyens techniques mis en œuvre, c’est là les questions pertinentes à se poser.

D’un point de vue technique sous sommes dans un cycle évolutif très rapide, en ce sens que nous sommes déjà capables d’interfacer un homme avec une machine, notamment des membres artificiels. Les expériences actuellement menées dans le monde nous laissent peu de doutes sur la capacité prochaine de remplacer un membre, un œil ou une oreille par son équivalent cybernétique. Ca en a fait sourire plus d’un, jusqu’au jour récent de la démonstration que ça fonctionne réellement. Dans le même ordre d’esprit, on peut donc redouter que si l’on sait connecter un bras, on saura connecter un accès au réseau de manière cérébrale, ce qui implique que ce sera notre esprit et non nos membres qui piloteront la connexion. Schématisons : ce que nous voyons est notre « monde », un environnement de perception, de sens, de réactions où la cohérence tient plus à notre acuité à dire « c’est cohérent » qu’en la cohérence même de l’évènement (par exemple un chien qui s’assoit nous parait naturel, un homme s’asseyant par terre et aboyant nous parait absurde). Maintenant, imaginons que nous puissions remplacer notre perception par « autre chose », sous entendu que notre vue, notre ouïe et même le toucher se trouveraient pris sous la coupe d’une application : on aurait donc des résultats assez étranges comme voir des fenêtres et du texte droit dans nos yeux sans que ça nous paraisse imbécile. Dans la même lignée, se balader virtuellement dans une reproduction fidèle d’un lieu disparu semblerait parfaitement normal… mais dans quelle normalité se trouverait-on ? Celle du monde ou celle du virtuel ? L’esprit souffrirait vite et serait même enclin à ne plus se déconnecter. La séduction d’un monde dénué de haine, de violence, pouvant autoriser un être humain à voler sans aile, à se téléporter, le tout sans même se mouvoir, ça amènerait l’esprit faible au bord du gouffre.

Si le comment est intéressant en soi, les conséquences et le pourquoi pourraient aussi bien nous amener au naufrage. Je parlais de rêves accomplis virtuellement, d’évènements « impossibles » rendus vivants par le réseau, mais ceci n’est qu’accessoire par rapport à la suite que pourrait donner le réseau connecté sur chacun de nous. Potentiellement l’information se diffuse uniquement par le bon vouloir de chacun, sauf que le réseau lui fonctionne à l’envers, c'est-à-dire comme des bouteilles à la mer : on laisse la donnée là où on le souhaite, chacun peut tomber dessus ou la chercher, et chacun peut en tirer ce qu’il désire. Admettons donc que nous n’ayons plus à préciser et taper nos réflexions, le tout se stockant au fur et à mesure de nos divagations intérieures. Comment consulter ces milliards d’idées disjointes ? L’information deviendrait flux, comme des fleuves dans lesquels se déverseraient chacune de nos envies ou colères, et a fortiori sans tri réel ni censure. Par conséquent, la gangrène fasciste, les névroses graves pourraient donc corrompre l’eau à laquelle on irait mentalement s’abreuver. La barrière de la langue disparaitrait puisqu’après tout, nous fonctionnons tous sur le même principe, ce sont nos âmes et nos pensées qui nous distinguent bien plus que notre physique. Le poison des idéologies se mêlerait donc et viendrait nous imbiber sans que nous le désirions.
Là où le risque devient terrifiant c’est la possibilité qu’aura toute personne mal intentionnée de détourner la richesse au profit de ses vues : on a bien constaté que le discours terroriste arrive à séduire toutes les couches sociales, que l’anarchisme n’incombe pas qu’à des populations en position de réagir. Les brigades rouges tout comme Al Qaeda ont les unes comme les autres séduites plus d’un étudiant, docteur ou architecte. Il est donc évident que les discours utopiques ou dangereux sauraient trouver un écho favorable dans les rêves de chacun. Dans quelle mesure pourrions-nous protéger notre intégrité puisque chacun ne serait qu’une portion congrue de l’unité universelle du réseau ?

On parle du cyber terrorisme comme d’une activité allant de la copie illicite au détournement de fonds par le piratage de données bancaires par exemple, alors que ce ne sont que des actions « financières », un peu comme pourrait le faire un braqueur avec un guichet de banque. Le terrorisme cyber n’existe pas encore, quoi que bien des nations se sont lancées dans des affrontements virtuels de manière à tester et éprouver les sécurités de l’adversaire. Dans cette guerre virtuelle, c’est avant tout l’information, celle qu’on cache à l’ennemi qui est recherchée. On peut aussi envisager un terrorisme basé sur du sabotage de serveurs, comme pour paralyser des offices bureaucratiques par exemple. L’idée séduirait facilement un groupuscule quelconque, car cela pourrait tétaniser le Pentagone, ou bien des services comme une perception régionale des impôts. Tout cela n’a aucune envergure finalement, ça n’est qu’une simple mise en bouche en comparaison de ce qui pourrait arriver si l’on ne réussit pas à parfaitement sécuriser le réseau neuronal.

Perfection ? Cela existe ?

Faisons-nous peur : une action d’envergure est lancée contre les cerveaux câblés d’une nation, par exemple les USA qui sont une cible évidente. Imaginons maintenant que l’attaque consiste à bloquer la déconnexion, comme si l’esprit ne pouvait plus reprendre le contrôle du corps de sorte à devoir maintenir perpétuellement l’utilisateur dans le monde virtuel. Coupons alors toute capacité d’alerter l’extérieur. Prisonnier mental, on pourrait envisager une gigantesque mortalité puisque le tout à chacun serait potentiellement pris dans ce piège pernicieux. Ce serait d’une efficacité sans précédent, moins risqué que poser des bombes, et plus dévastateur que n’importe quel avion envoyé contre un immeuble. A l’échelle d’un continent, on dénombrerait rapidement des milliers de morts, des anonymes vivants seuls, des familles jouant à un jeu mondialement connu, des bureaux où tous les employés seraient donc morts de ne pas pouvoir s’entraider.

Autre scénario qui saurait terrifier tout analyste, l’action de dégrader les pensées, car si dans un sens nous pourrons stocker des données, nos cerveaux seront probablement des aires de stockage. Chacun a cette mémoire qui lui permet de dire qu’il se souvient, qu’il voit mentalement un évènement donné, mais à terme, insérer dans cette mémoire « interne » des informations « externes » pourraient créer des réactions très étranges et dangereuses. N’allons pas jusqu’à parler d’embrigadement, je doute qu’on puisse réellement manipuler jusqu’au bout un être humain, mais jouons avec les opinions en ajoutant des contre vérités. Rien ne serait plus pervers que d’écrire « le président est responsable de la mort de milliers de personnes » avec forces démonstrations absurdes certes, mais présentes en soi. Qui pourrait alors revendiquer du respect pour cet homme ? Manipulation et propagande se feront forts de venir se mêler à ce nouveau monde totalement impossible à contrôler dans sa totalité, mais si facilement influençable…
Revenons au présent : des milliers (millions ?) de personnes ont vus les vidéos truquées du 11 Septembre, celles où l’on aperçoit (soi-disant) des visages, des explosions, des cornes de démon, que sais-je encore… Les auteurs de ces canulars, cet ensemble sans teneur, ces gens, ces unités vivantes, étaient ils tous convaincus de détenir une Vérité ou bien ont-ils détournés la Vérité pour en faire un canular ? La question se pose vu le sérieux mis par certains pour expliquer ce qu’ils ont « vus » ou crus voir. L’important est donc de discerner les risques et de les voir démultipliés par l’ajout de l’homme dans le réseau. Aujourd’hui nous ne sommes pas dedans, nous l’utilisons et c’est une sacrée différence.

Je ne crois pas qu’il soit judicieux d’espérer l’accouplement total entre l’homme et la machine, au titre que l’homme est trop sensible à l’influence extérieure, et qu’il subit bien plus souvent l’information qu’il n’en est la source. Pour ceux qui ne croient pas à ce scénario d’homme « câblé », qu’il se demande pourquoi les téléphones portables permettent de prendre des photos, écouter de la musique et même d’aller sur internet. C’est ce qu’on appelle la convergence numérique, et il ne manque finalement que peu de choses pour que nous-mêmes soyons les derniers maillons à se brancher directement sur le monde.

27 septembre 2007

Mensonges

Allez comprendre pourquoi, mais les gens qui se disent honnêtes oublient vertement de vous avouer leurs petites combines, tricheries, arnaques, baratins, mensonges… sous couvert de rester dans une vertu autrement plus valorisante qu’un costume de bagnard à qui l’on peut mettre tous les oripeaux de la monstruosité ordinaire. Notre honnêteté se mesure non à notre morale mais à nos lois, et de ce point de vue on a beau jeu de prétendre être propres, puisque les mensonges du quotidien ne prêtent que rarement à conséquence. Quoique…

Pourquoi prétend-on que le mensonge n’est pas un acte naturel et réfléchi de l’être humain ? C’est avouer qu’on en a usé qui provoque un tel rejet de l’acte ? C’est amusant tout de même quand on rapporte cette pseudo moralité à l’enfant. Lui, il n’a pas encore ce carcan moraliste et il n’est pas empêtré dans les considérations philosophico baratinesques où l’on se cherche les pires excuses possibles. L’enfant est nature : quand il ment, il le fait dans son seul intérêt, et dans l’intérêt de l’instant présent. Jamais il ne planifiera son acte, et ce sera avec une désarmante sincérité que « C’est pas moi le vase a mamy ! » alors que vous êtes vous-même témoin de l’accident. Il est donc intéressant que, bien qu’on n’ait pas encore enseigné le concept de vérité mensonge à l’enfant, celui-ci le maitrise aussi bien que n’importe quel adulte, sinon mieux. De là à dire que le mensonge est génétique...

Ne me regardez pas avec ces yeux inquisiteurs, vous êtes tous coupables, et moi avec ! On a tous mentis : sur notre âge pour entrer en boîte de nuit, menti au compagnon pour obtenir ses faveurs (puis dans la foulée les perdre en se faisant prendre), menti au dragueur en disant « je suis déjà casée » et j’en passe. L’usage veut qu’on soit parfaitement limpides et honnêtes en toute occasion… comme si nous étions conçus avec l’esprit de perfection et de netteté de l’âme ! C’est tout de même fort qu’on aille bourrer le mou à nos gosses alors que nous sommes infoutus de respecter ces règles ! Ca me fait songer à l’ado qu’on sermonne pour une cigarette fumée en cachette et qui répond très justement « Oui, mais toi aussi tu fumes ! ». Quelle ironie ! On n’est donc de bon conseil que pour soi, les autres devant suivre nos préceptes sans qu’on en soit pour autant tenus à les respecter. C’est un concept assez proche de la politique somme toute… « Faites ce que je dis, pas ce que je fais »

L’hypocrisie c’est mentir pour la paix des ménages dira le sociologue, moi je dis que l’hypocrisie c’est la flemme et la lâcheté d’assumer ses responsabilités. « Ah mais tu es humm… magnifique ! » lancera votre compagne en vous voyant débarquer dans un costume avec un col pelle à tarte et pattes d’éléphant. Faux derche ! Pourquoi ne pas dire sincèrement « Vire moi cette horreur, maman va nous lyncher ». Réciproquement, c’est tordant de voir un homme s’échiner à jouer les hypocrites en disant « tu es la plus belle » tandis que ses yeux lorgnent les passantes avec avidité. Dites ce que vous pensez et puis qu’on en finisse ! Le mensonge c’est donc aussi l’omission, la compromission de ses opinions avec pour ultime rempart sa propre sécurité. Que ne ferait-on pas pour le confort…

Ne voyez rien de sexiste dans mes propos, tout le monde est à la même enseigne à mes yeux : nous sommes tous des spécialistes du faux semblant, et le travail est le royaume du baratin. Qui n’a pas payé son café à ce « gros con de responsable » ? Qui ne s’est pas abaissé à dire « mais vous avez raison monsieur le directeur », en pensant naturellement le contraire ? On peut bien entendu justifier l’obséquiosité par le risque de perdre son emploi, mais en même temps… nous ne sommes pas payés pour plaire mais pour faire un travail. Evidemment il faut savoir y mettre les formes, comme dans tous les cas d’ailleurs. Je déconseille l’utilisation de la dialectique vulgaire, elle est bonne pour le bistrot pour le voisin, mais sûrement pas pour le supérieur hiérarchique. Remplacer les « gros con » par « faire des progrès » peut être judicieux. Par exemple, on ne dira pas « tu es un gros con, ça peut pas marcher ton plan là ! » mais plutôt « Je pense qu’il serait judicieux d’améliorer ce plan, il me semble receler quelques failles graves ». Pointer du doigt n’est pas provoquer, et insulter n’est pas construire. Mais j’avoue… qu’est ce que ça peut me démanger parfois !

Allons, je vais être sincère : j’aime l’Homme, je crois en son avenir et son intelligence… Comment ça, ça se voit ? Ah ? Ca se voit tant que ça que je suis en train de … mentir ? Et merde…

26 septembre 2007

Pandémie

Ce terme a pour but de définir qu’une maladie réussit à conquérir tout un continent lors d’une épidémie. Typiquement on peut dire que le SIDA est une pandémie à l’échelle mondiale, et que la peste fut pandémique au moyen-âge. Là où je reprends ce terme médical c’est sur des aspects différents, comme la pensée ou la culture. Il est en effet intéressant de constater non sans inquiétude que bien des choses se trouvent multipliées et distribuées à chacun d’entre nous sans que pour autant nous soyons en contact direct avec le sujet considéré.

Observons tout d’abord des phénomènes sociaux classiques comme les peurs et les craintes de l’étranger ou plus spécifiquement la peur des banlieues. Depuis la fin du conflit mondial toutes les nations industrialisées se sont trouvées face au problème du logement à bas prix, et surtout face à une nécessité absolue de loger des ouvriers à qualification basse. Entre les centres villes maudits des USA, avec Détroit comme exemple pour placer à proximité des usines automobiles les familles des employés, et la France avec les barres d’immeubles dédiées aux immigrés travaillant dans les industries implantées non loin de là, on a là les clichés classiques de zones urbanisées à la hâte et sans plan d’avenir. Après des décennies d’inaction et la disparition progressive des emplois premiers ayant suscités ces besoins, les médias se sont emparés de ces gens déçus par leur pays d’adoption puisque relégués au rang de « France d’en bas » ou « citoyen de seconde zone ». Qui n’a pas vu les émeutes dans les cités ? Qui n’est pas tombé d’effroi face aux images rudes et brutales montrant la situation américaine ? En quoi devrions-nous craindre ces réalités puisqu’elles sont le fruit pourri d’une politique dénuée d’intelligence ? Est-ce d’ailleurs aux concitoyens de trembler ou aux politiques de frémir ?
Plus l’on martèle que ces endroits sont dangereux, plus l’émulation grandit dans ces endroits et plus ceux n’y connaissant rien en ont peur. La pandémie commence alors sous la forme de l’association d’idées « Banlieues = zones de non droit ». Victimes d’une propagande interventionniste ? Pas vraiment même si la démagogie de certains élus a pu se focaliser sur des situations effectivement dramatiques mais bien loin des clichés dont on veut bien nous abreuver. Là où tout devient encore plus pervers c’est qu’on rattache ces crises à des populations immigrées, en passant bien évidemment sous silence que les émeutiers ne sont pas nécessairement basanés, et les policiers en face blancs comme du talc.

Dans l’esprit, la pandémie pose d’autres jalons étranges. J’aime à rappeler que bon nombre de terroristes n’ont jamais connu la rudesse de gouvernements ségrégationnistes ou intolérants, que la plupart ignorent tout des enjeux réels des situations dont ils se réclament, et que l’embrigadement est une arme redoutable, surtout quand elle est le fruit de frustrations somme toute légitimes. Lorsqu’on a commencé à prendre conscience (fin des années 80) que les attentats n’étaient pas forcément perpétrés par des « soldats » sortis du rang mais de locaux acquis aux causes revendiquées, on peut alors se poser les questions suivantes : « Qu’est-ce qui les as attirés ? » et surtout « Pourquoi sont-ils allés au bout ? ». La foi n’explique pas tout, bien qu’elle puisse être le vecteur de bien des messages sournois et dangereux. Le fondamentalisme n’est pas en soi un risque car il suppose que les croyants reviennent aux fondements, c'est-à-dire à ce qu’est vraiment leur religion, mais là où le bat blesse c’est qu’après une analyse précise des faits les fondamentalistes se laissent aller à vouloir pousser au-delà même des préceptes dictés il y a des siècles. Qu’on ne se méprenne pas sur les croyants : ils ont une fois inébranlable en leurs convictions et agiront de sorte à être dignes d’elles. Ceci amène donc à deux réflexions : d’une part la pandémie extrémiste est le fruit d’un monde où les gens se cherchent des repères à tout prix et d’autre part l’enfant illégitime d’une politique d’assimilation dénuée de respect. Inciter des peuples différents à croire en la même chose est un bienfait, mais l’y forcer est une erreur. Peut-on faire avaler à un jeune Algérien que Vercingétorix ou bien Napoléon sont ses ancêtres ? Non sens total.

Prenons à présent une information, quelque soit celle-ci et partons du postulat qu’elle s’affiche sous la forme d’une couleur au front des gens. Il serait stupéfiant de voir à quel point cette information est véhiculée rapidement, et à quel point elle peut se déformer en passant de la bouche de l’un à l’oreille de l’autre. Au global, ça serait comme voir un océan changer de couleur au rythme des apparitions et disparitions du soleil derrière les nuages. La pandémie idéologique est un syndrome édifiant : quand Le Pen a commencé à peser sur l’échiquier Français, il s’est avéré que son populisme a séduit bien des gens sur des thématiques qui les touchaient : emploi, immigration, administrations « pourries » et j’en passe. Il est d’autant plus notable que plus Le Pen devenait indésirable avec des discours sciemment provocateurs, plus sa cote montait en flèche. Dans l’esprit des gens je crois qu’il a représenté la diabolisation totale d’un parti et que cette situation a permis aux autres de se poser en sauveurs de la nation. Etrangement, ce sont les mêmes mécanismes qui ont touchés toutes les nations du monde avec un retour en force des nationalismes et des indépendantismes de tous poils. Mettons en parallèle l’indépendantisme Kanak et Le Pen : Leurs points culminants sont bizarrement placés dans les mêmes périodes, comme si les francophones avaient été contaminés par des idées analogues… à des milliers de kms les uns des autres… A méditer.

Bien sûr, on me dira que Le Pen est un phénomène Français et non continental… mais pour autant que je sache tous les pays d’Europe se sont faits peur avec des partis proches voire siamois du FN, non ? Le retour des idéologies fascisantes n’a rien eu d’étonnant au titre qu’elles renaissent à chaque fois qu’une crise sociale majeure (économie en déclin, chômage, immigration difficilement contrôlable…) se place sur le devant de la scène. J’estime d’ailleurs qu’il est amusant de voir que dès qu’une embellie si ténue soit-elle se présente, les gens abandonnent ces extrêmes pour revenir à des positions plus modérées. A votre avis, est-ce vraiment 2002 qui a servi de prise de conscience contre le FN, ou bien est-ce simplement que « C’était moins pire qu’on croyait » qui joue ? Je souris cruellement quand je songe à deux faits avérés : le danger idéologique est inévitable car il brassera toujours des populations fragilisées par la guerre, la crise économique ou morale, et ce danger se fera tout petit dès qu’une défaite aura été cinglante pour les partis extrémistes ou quand la crise initiale se sera résorbée. Reste à savoir dans quelle mesure et par quelle manière on pourra rappeler aux gens que le civisme et le respect d’autrui sont indispensables pour que notre monde se porte mieux.

25 septembre 2007

Il pleut

J'ignore pourquoi, j'ai eu envie d'écrire un poème...


Il pleut

C’est comme si je déversais,
A grandes tirées de mon âme,
Des flots incessants de larmes,
Sur la terre qui de gris se revêt.

Ne demande pas à ce soleil,
Macabre moqueur dans la prairie,
D’offrir sa chaleur après la tuerie,
Car il garde pour lui son vermeil.

Les collines sont les côtes démolies,
Du cadavre de l’armée impériale,
Et la plaine défoncée par le mal,
Est son corps partant sans homélie.

A Waterloo l’aigle est mort à jamais,
C’est sa Tombe d’argile et de mitrailles.
A Waterloo seuls les corbeaux raillent,
La folie des hommes enfouis sous les genêts.

24 septembre 2007

« Stand alone complex »

Je m’attaque à une théorie fort intéressante émise dans une série japonaise (Ghost in the Shell - Stand alone complex) qui se résumerait selon le principe suivant :
« Le stand alone complex (S.A.C) est l’apparition spontanée de copies d’une idéologie, méthode ou comportement à partir d’un original n’ayant finalement jamais existé ». D’un point de vue purement sémantique ça semble déjà totalement incohérent. Le pragmatique va lancer « Une copie sans original ? Ca n’a pas de sens ! », alors que le philosophe ira de son « Si l’on copie quelque chose, c’est qu’il y a un trait à imiter ». Et pourtant, j’ai l’impression que ces deux penseurs se trompent terriblement en excluant ce principe qui, à mon sens perce de plus en plus dans notre monde « moderne ».

En terme d’explications du « S.A.C », je vais passer par la démonstration par l’exemple, en me référant à ces choses concrètes et non juste des idées purement théoriques. J’espère permettre au plus grand nombre de comprendre la théorie du S.A.C et ainsi laisser des pistes de réflexions ou de critiques.

Premier abord au principe S.A.C : le terrorisme moderne.
Dans une société moderne, la communication et les médias offrent un défilé ininterrompu de données et d’informations sur tout et n’importe quoi, le tout agrémenté de commentaires plus ou moins judicieux laissés aux bons soins de la ligne éditoriale du média. L’exemple le plus concret est le terrorisme : d’un côté nous diabolisons l’Islam en classant tous les musulmans dans le S.A.C extrémiste des Talibans ou de Al-Qaeda, en face des chaînes de télévisions en feront l’éloge. Jusque là, tout semblerait simple sauf que la pratique nous permet de constater un phénomène inquiétant et étrange : l’émulation, ou plus précisément à mon sens le « Stand Alone Complex ». Pourquoi ? En recoupant les évènements survenus dans bon nombre de pays du monde étiquetés Al-Qaeda et le personnage fantomatique de Ben-Laden, on peut légitimement se poser les questions suivantes : existe-t-il vraiment ou est-ce un épouvantail fabriqué de toutes pièces par la propagande étatique des USA, et dans ce cas ceux qui se réclament de lui sont-ils donc des victimes du S.A.C ?
Je m’explique plus clairement : si Ben-Laden n’existe pas, que copient donc les groupuscules terroristes ? En élargissant la vue sur ce principe, on constate que tous les mouvements fonctionnent sur un schéma type très simple : embrigadement, entraînement effectué à l’étranger et de préférence en zone de guerre, financement occulte par des dons anonymes et au final montage d’une unité totalement indépendante de toute hiérarchie réellement organisée. On accuse Al-Qaeda d’être une pieuvre, mais au fond, ses tentacules se connectent-elles réellement à un corps quelconques ou bien chacun de ses groupes n’est-il que l’expression du S.A.C dans une société dont ils rejettent le fonctionnement ? Si Ben-Laden est l’épouvantail tant agité pour permettre de faire passer tout et n’importe quoi aux USA (patriot Act 1 et 2, lois liberticides…), il y a fort à parier que l’effet S.A.C n’était pas du tout prévu par les « génies » du renseignement…

Le S.A.C en politique.
Terrain favori de ce phénomène, la politique permet une intrusion radicale du concept « stand alone » dans nos vies. Encore une fois il semble de prime abord impossible qu’on puisse dupliquer et répandre une idéologie politique sans qu’il y ait de tronc commun, de symbole fort. J’imagine bien la surprise des gens à qui j’irais expliquer l’idée du S.A.C en politique, ils me traiteraient de rêveur ou de fou, chose que je comprendrais, sauf si l’on prend pour exemple les arnaques politiques et le principe même de propagande. L’émulation humaine, encore une fois, joue un rôle majeur dans la création de masses dociles et obéissant à des modèles n’ayant aucune réalité physique ou morale. A chaque fois la revendication part d’un « idéal », d’un principe impossible à atteindre mais qu’on martèle avec tant de force qu’elle en devient vérité, du moins pour le peuple harcelé d’idées reçues. Le nazisme, le fascisme, le communisme soviétique, toutes ces idéologies ont fleuries sur le fumier fertile de l’idéal physique et moral. Qu’on m’explique comment un homme brun, pas très grand, braillard et nerveux en diable a-t-il enfoncer dans le crâne de son peuple qu’il se doit d’être grand, blond, musclé et aux yeux bleus. En poussant au bout de l’idée, les « plus royalistes que le Roi » sont donc des S.A.C puisqu’ils revendiquent d’agir selon une ligne de conduite que nul ne leur a dicté. Ils se copient donc sur quelque chose… qui n’existe finalement pas, voire pas même dans le discours officiel ! Les communistes les plus acharnés, les plus grands bourreaux de l’Histoire se sont réclamés des ordres d’un chef qui, dans l’absolu, n’est jamais directement intervenu ni même annoncé une telle volonté. Le drame de la Shoah est un exemple terrifiant : Hitler n’a jamais clairement énoncé le vœu de créer des chambres à gaz, ou bien d’exterminer les juifs. Il a simplement demandé « une solution définitive »…
La haine irrationnelle de la différence est un autre Stand Alone Complex. Qui le premier a décrété que le noir est inférieur au blanc, et qui parmi les racistes peut prétendre avoir pris un tel discours en dehors de toute influence extérieure ? La question est posée au même titre qu’on n’ignore pas une part de préjugés en soi, dont on ignore l’origine et dont a bien du mal à se départir… Je suis donc un Stand Alone Complex, en imitant malgré moi un modèle qui n’existe pas…

Stand Alone Complex et commerce.
Les deux exemples précédents ne font qu’entériner l’idée que la masse est plus docile que l’individu, et que si la masse accepte, l’individu fléchit. En tenant compte de ce précepte, on peut observer des attitudes consuméristes dignes du S.A.C, car oui, en imitant autrui sur des idées dont on ignore l’origine même, on finit par être un Stand Alone Complex. Ne vous offusquez pas, inutile de hurler que vous êtes des êtres doués de raison et ayant toute liberté de réflexion. Un exemple ? Apple ! A chaque nouveau produit la foule de fans se jette littéralement sur la marchandise, brandissant l’objet tel un Graal technologique, et jurant à qui veut l’entendre que « Jamais il n’y a eu d’aussi bon produit ». Comment sont-ils arrivés à ce comportement ? Sont-ils doués du sens de la critique et de l’analyse ? Que les produits Apple soient bons est indéniable (quoique tous ne sont pas nécessairement les meilleurs du marché), mais ça ne fait pas de Steve Jobs un messie ! Alors d’où vient cette folie ? J’imagine bien qu’on parlera de rumeurs, de « buzz » internet, de la réputation et de la qualité de la propagande de la société à la pomme, mais je crois surtout qu’il s’agit là d’un Stand Alone Complex de qualité. Depuis des années bien des gens répètent que Apple est génial… sans avoir jamais vu un produit à eux, et en poussant un peu bon nombre d’entres eux seront incapables de savoir d’où vient cette réputation, ou même pourquoi ils « aiment » Apple. Choquant quand il s’agit de votre argent… Tout est à l’avenant : on croit décider, mais dans l’absolu on est guidés non par des faits mais par des demi-idées qu’on module et s’approprie, pour ensuite les disséminer comme du pollen.

Dernier aspect : le S.A.C et la morale.
Là c’est le point le plus sensible car après tout il nous touche tous autant que nous sommes, et là où le S.A.C est vraiment terrifiant c’est que nous acceptons tous des comportements qui nous semblent normaux alors qu’au fond ils ne sont le reflet que d’une morale à laquelle l’on n’adhère pas nécessairement. En voici quelques exemples : des siècles durant la Famille était élevée au rang de cellule vitale et indispensable, et en l’espace d’à peine trente ans nous l’avons rendue obsolète et même inutile. Nous ne sommes plus choqués par les familles recomposées, les familles mono parentales, les situations étranges où l’on ignore même qui est le père ou la mère des enfants, et au surplus on regarde comme une bizarrerie le mariage, comme si c’était une résurgence passéiste et démodée.
Quand diable ces idées ont-elles commencées ? Qui le premier ou la première a énoncé que nous devions nous débarrasser de ces carcans ? Nul ne saura répondre à une telle question, ce qu’on sait en revanche c’est que ces nouveaux principes se sont répandus à une vitesse phénoménale et qu’un sociologue aujourd’hui souffre de ne pas forcément tout saisir d’une société en perpétuel mouvement. Référence hier, aujourd’hui périmé, et demain décrié, chaque jour on fait varier nos opinions avec une propension à la déformation choisie. Revendiquant le respect de certains principes, je passe aujourd’hui pour un rétrograde en mal de contrôle masculin, alors qu’il s’agit juste d’avoir un environnement sain pour vivre et y faire grandir des enfants.
La surprise provient donc qu’on copie des idées sur la famille à partir de modèles qui n’existent pas. Les stars comme meneurs ? Bien souvent on leur reproche des vies dissolues où les enfants pâtissent des frasques de leurs parents, alors que nous ne valons guère mieux qu’eux. La télévision ? Elle n’est qu’un reflet de notre quotidien, avec le soupçon de rêve que chacun peut y coller. La littérature alors ? L’écrivain aussi génial soit-il crée-t-il de toute pièce des règles auxquelles on s’adonne ou bien représentent-elles juste une belle peinture du réel ? Nous sommes donc face à une incongruité, c'est-à-dire que nous avons des modèles de vie basés sur des schémas… qui n’existent pas ! Chacun perpétue alors sa marque, modifiant ainsi d’un rien indispensable le cycle du S.A.C général.

Premières conclusions.
Pour faire une conclusion rapide (je m’épancherai peut-être un jour sur le Stand Alone Complex dans un livre, qui sait…) je pense que notre monde de communication et d’intelligence a permis l’apparition du clonage d’idées à partir de rien, si ce n’est des illusions montées de toutes pièces, puis ensuite véhiculées par chacun d’entre nous sans même nous en rendre compte. De plus, fonctionnant en société et propageant nos idées les uns aux autres, nous sommes chacun la fourmi ouvrière d’une foule bigarrée et pourtant homogène où les changements s’opèrent de manière imperceptible jusqu’au point d’être indétectables, puis de constater que les changements sont alors devenus normalité. A l’instar de la peau du caméléon, nous changeons de couleur d’opinion sans pour autant que la transition soit un choc, et surtout sans savoir vraiment pourquoi nous réorientons nos vues…

Stand alone…

21 septembre 2007

Let's ROCK!!!

Ah ! Le rock, la parole donnée à la saturation sonore et aux cris de rébellions tant qu’aux passions déchainées. Depuis que le rock est apparu, bon nombre de préjugés sont tombés et bien des évènements d’ampleurs mondiales se sont produits dans le monde. Ce qui est intéressant à observer c’est le mélange de paradoxes qui font que ce style de musique n’est toujours pas désuet et qu’il arrive, malgré tout, à progresser et ainsi faire apparaître un véritable renouveau perpétuel. Sans me lancer dans un historique fastidieux ni même une liste inutile de styles, il me semble toutefois intéressant de rapprocher des moments avec des musiciens ou des groupes, ceci de manière à pouvoir comprendre que le rock n’est pas un monolithe comme l’est devenu la musique dite « classique » ou hors des modes comme le musette.

Années 50, le monde se relève du conflit mondial, chacun panse ses plaies comme il peut et les USA interviennent en Corée, tandis que la France a de son côté fort à faire avec ses anciennes colonies. Les Américains rêvent d’un monde parfait, parlent de la « American way of life » aujourd’hui si décriée et espèrent avec candeur que le monde pourra oublier ses divergences pour devenir une unité capitaliste où le consumérisme est une marque de réussite sociale. Le racisme est réel, les états du sud traitent les noirs avec violence, le tout encadré par des lois ségrégationniste. En face de la bannière étoilée, les Soviétiques épongent le sang coulé par la guerre et la folie Stalinienne, et le pouvoir reste pour autant dictatorial et brutal. Les goulags se remplissent et les idéaux de liberté sous l’étoile rouge s’effritent déjà.
La peur de l’arme atomique n’est plus un fantasme, elle guette tous les états et bien des nations (Royaume Uni et France en tête) courent après l’étude scientifique pouvant à terme les armer comme leurs deux grands voisins.
Au fin fond des USA commence à se trémousser une foule toujours plus dense au rythme endiablé et suit le déhanché d’un jeune blanc qui passera dans la légende du rock. Elvis Presley commence sa carrière et provoque les crises d’hystéries des midinettes cherchant à oublier un moment le carcan bien pensant de leurs parents. Du haut des stèles bâties par l’esprit de famille, on regarde ce « blanc dansant comme un nègre » avec colère et même avec une certaine haine. Le changement est là, il commence, et personne ne saura l’arrêter…


Le temps passe, inexorable. La guerre de Corée est un match nul pour l’aigle Américain, l’Algérie n’est plus française. La guerre du Vietnam qui se déclare encore « assistance contre le communisme » s’intensifie de plus en plus, au prix de centaines de boîtes scellées ramenant les corps au pays. La jeunesse, déçue par ce gouvernement devenu interventionniste et militariste monte le ton, exigeant la fin des combats et l’équité pour tous. Le « flower power » s’annonce comme une révolution à venir, les capitales du monde occidental en frémissent de peur. 1963, Kennedy paie son engagement et ses grandes phrases par son exécution en pleine rue de Dallas. A côté de ça, un certain Jimmy Hendrix exulte sur sa guitare électrique, traumatise les auditeurs et stigmatise les rancœurs contre l’oppression. Entre le souvenir du l’ex GI tirant dans la foule d’un campus (All along the watchtower composé avec Bob Dylan) et l’hymne Américain devenu solo baroque, l’homme deviendra rapidement un symbole d’une nouvelle forme de rock : la revendication politique.



De l’autre côté de la Manche, deux groupes se forment et améliorent les mélodies, les essais tant rythmiques que sonores pour devenir deux géants incontournables : Les Beatles et les Rolling Stones sont sur les rails. Les premiers semblent être des gentils garçons un peu turbulents alors que les seconds en sont l’antithèse. Etonnamment, tous les deux convergeront vers une forme de militantisme déguisé, les uns chantant l’usage des stupéfiants, les seconds les déceptions de la jeunesse.



La drogue ne pardonne pas, les rêves disparaissent au réveil. La descente aux enfers des hippies convaincues que le monde pouvait changer est d’autant plus douloureuse que les overdoses s’enchaînent : Hendrix, Joplin, probablement Presley, les années 70 sont une période où le rock prend une envolée plus sombre, où le ton durcit autant que les mélodies s’affirment dans la rigueur rythmique. En marge des Led Zeppelin, des Black Sabbath et autres Deep Purple apparaissent des expérimentateurs, des sorciers qui tentent de mélanger rock et nouvelles technologies. Pink Floyd débute et aligne ses morceaux étranges et décalés. En Angleterre apparaît une nouvelle espèce de rockers, des jeunes désœuvrés par la faillite des entreprises, la fin de l’âge d’or industriel et la rigidité d’un gouvernement semblant incapable de sauver l’île. Les Doors ne sont plus mais l’esprit subiste. Les Sex Pistols braillent « God save the Queen » et « Anarchy in the Uk », deux titres qui feront date dans le mouvement. A côté l’Australie nous offre un monument indéboulonnable du rock simple et sympathique : AC DC.



Les années 80, un pivot bizarre où se mélangent une certaine dose d’adoucissant nourri d’argent et de réussite sociale avec des groupes devenus des stars internationales. Entre les Beatles séparés permettant une carrière solo réussie pour Lennon (jusqu’à sa mort prématurée) et pour McCartney qui continue, aujourd’hui encore, son rock « gentillet », et les Stones qui tiennent plus d’un reliquat d’une époque que de véritables révoltés, on a en face des musiciens qui tiennent à leurs revendications et qui le font savoir. En France Trust anime les foules et revendiquent une saine colère contre l’individualisme lattent avec un « antisocial » toujours d’actualité. Paradoxe des genres et électronique font apparaître plein de satellites bizarres où le synthétiseur dispute la vedette aux guitares et à la batterie. Les boîtes à rythme fleurissent dans les studios. Les punks, eux, meurent dans cette conscience collective et cette culture de la réussite, noyés par des jeunes qui ne savent plus à quel saint se vouer. En URSS la faillite s’apprête à éclater au grand jour et Pink Floyd lance son « another brick in the wall », Ovni cinématographique associé à l’Ovni musical qu’est l’album « the Wall ».



Les années 90… ah ces années qui voient monter en puissance le son de plus en plus brutal des divers mouvances « hard rock », l’apparition du « death » et autres styles du genre. On ne chante pas plus qu’on ne hurle, chacun trouvant un style différent pour arriver au même but : revendiquer. Les grunges, ces débraillés se campent derrière un Nirvana symbolisant le renouveau d’un rock franc et presque simpliste. En parallèle d’autres styles apparaissent puis disparaissent, la mode offrant à Offspring un moment de gloire puis une lente mais inexorable descente dans les ventes. Et pourtant, à côté les dinosaures subsistent, Jagger s’est assagi et passe pour un papy du rock. U2 s’engage, hurle contre la guerre en Irlande (Sunday Bloody Sunday). D’autres apparaissent, trop nombreux pour les énumérer…


Les années 2000 ? La lancée de la décade précédente perdure, l’innovation vient à cheval sur le millénaire avec la fusion de deux styles semblant de prime abord antagonistes : le hip hop et le hard rock. Les Rage Against the machine martèlent une haine féroce contre le système Américain qui ressemble de plus en plus à celui connu là-bas des années 70, le tout scandé comme dans le rap. La réussite est spectaculaire, la disparition du groupe pour des carrières séparées tout autant. A côté d’eux vont et viennent diverses choses plus ou moins connues et réussies, mais sans éclat aussi brutal qu’aux débuts du rock « pur et dur ».



L’avenir existe, il est partout, dans les caves des jeunes qui s’amusent à imiter leurs grands parents (que le temps passe vite), d’autres plus âgés s’offrent un revival de la crête teintée et du perfecto à clous, et au final la musique continue coûte que coûte.

20 septembre 2007

Lire sur les traits

En voilà un, de jeu passionnant… c’est un véritable défi que de décrypter sur le visage d’une personne connue ou inconnue ses motivations et ses décisions. Evidemment, ça n’a d’intérêt que lorsqu’on peut en tirer un fou rire sincère, ou tout du moins une réaction judicieusement accompagnée d’un mot d’esprit.

Coupons court à toute idée saugrenue : loin de moi l’idée d’aller observer des larmes ou des visages fermés par la douleur, là il s’agit simplement de comprendre ce que la vie courante nous offre comme portraits. Prenez un miroir, il est supposé être le reflet de l’âme, alors que souvent il n’est le reflet que de la platitude et du néant intérieur de chacun. Parfois il arrive tout de même que l’œil glauque marquant une soirée trop arrosée et les joues creusées par une fatigue excessive puissent être la marque indélébile d’un surplus fêtard ainsi que d’une passion dévorante pour la boisson. Ainsi, l’observateur un rien malin pourra en déduire que la fête fut plutôt réussie et que le sommeil s’en retrouvera être trop court.

Pourquoi aborder une telle analyse ? Et bien ceci fait juste suite à un de ces évènements ineptes mais jouissifs qui ponctuent parfois le quotidien. Je m’explique et précise le contexte : un collègue débarque, le sourire aux lèvres, et m’annonçant avec une certaine fierté qu’il a un entretien avec un haut responsable. Allez savoir pourquoi, mais j’en ai déduit qu’il démissionnait, chose qu’il confirma dans une demi hilarité s’accompagnant d’une hilarité totale de mon côté. Epris d’esprit je ne pus alors pas me retenir d’ajouter avec malice que « Oui, c’était évident : on ne vient pas voir un patron avec le sourire aux lèvres pour autre chose qu’une démission… » Cynisme, quand tu nous tiens tu ne nous lâches plus…

Bref, l’humour peut s’avérer un moyen radicalement efficace pour effacer la grisaille d’un après-midi sans relief. Rire de l’absurdité d’un raisonnement rend toute chose bien plus futile et surtout désacralise cette notion imbécile d’urgence. Ici, il ne s’agit pas de soigner des âmes ou des corps, mais juste de rectifier des défauts d’outils informatiques, chose qui, on doit bien le reconnaître malgré tout le tintamarre fait autour de ma profession, n’a rien de si critique que ça. Attendre deux heures ou deux heures et demie pour récupérer un programme défaillant, ça n’est pas soigner un blessé grave tout de même…
En fait, lire sur le visage des autres ce qu’ils ressentent amène aussi à se critiquer soi-même car voir un regard courroucé accompagné d’un silence appuyé doit inévitablement inviter à se demander « où est ce que j’ai bien pu merder ? » et, tant qu’à faire, « Bon… je répare ma connerie comment, moi ? ». Pour ma part, je suis d’une maladresse chronique est tout à fait à la hauteur de ma diplomatie de bulldozer. Hélas, j’ignore souvent le principe qui énonce que le silence permet de passer pour un con, parler permet par contre de ne plus laisser de doutes à ce sujet. Bien évidemment, nous sommes tous le con de quelqu’un…

Le visage parle souvent plus que les mots ne veulent bien le dire. Prenez votre compagnon (ou compagne, tout dépend qui me lit) et surveillez ces joues, ces yeux et ces lèvres qui s’agitent tandis que vous abordez un sujet : vous y trouverez autant, si ce n’est plus que la simple réponse verbale et bien souvent formatée pour ne pas vous vexer ou vous peiner. Quoi que parfois les mots sont suffisamment riches pour ne pas se turlupiner outre mesure. Mesdemoiselles, si un homme vous dit qu’il vous trouve belle malgré les bigoudis ou le masque de beauté, ne le mettez pas en doute, il est sincère. Messieurs, si une femme vous dit non… c’est non pour toujours… Enfin bref je digresse un peu du propos principal qui était que tous nous serions avisés de regarder l’autre et y trouver des clés pour, tant qu’à faire, essayer de faire moins pire que d’habitude.

A bon entendeur…

19 septembre 2007

Lettre à Poutine

Petite note préalable : l'article précédent n'avait pour but que celui de faire rire... mais comme parfois je constate avec amertume qu'on me lit au premier degré, je tenais à la précision. C'était donc de l'IRONIE... bref, passons aux choses plus sérieuses...


« Cher Vladimir,

C’est avec un amusement non dissimulé que je regarde les médias occidentaux ces derniers jours, et d’ailleurs même depuis plusieurs années, surtout quand ils se mettent à déblatérer sur tes prises de position. J’admire ces cancres de la plume et de la lucarne luminescente qui, sous des dehors de moralisateurs démocrates, se permettent d’offrir une image biaisée du pouvoir Russe ainsi que de la situation que ces mêmes défenseurs du droit du commerce et des libertés « à l’américaine » ont créées. Ils râlent et grognent sur tes actions décrites comme celles d’un dictateur digne d’un Staline, alors que pour autant que je sache ce sont les urnes qui parlent chez toi. Ils veulent te faire la leçon ? Qu’ils se regardent et qu’ils se jugent avant de venir te montrer comment gérer un pays.

Ton soutien occidental. »

Je disais que la situation actuelle en Russie est un fait non des Russes mais du reste du monde… là je vois déjà les défenseurs de la démocratie me hurler dessus que le pays est indépendant et autonome et que nous ne sommes pas responsables des actions politiques du président Poutine. Oublierait-on que le marasme, que dis-je le naufrage économique et l’émergence de la mafia Russe sont des résultats non de l’ère post Soviétique mais de la transition que nous, le FMI en tête, nous leur avons imposée ? Et oui : nos experts sont allés expliquer aux banques et à l’état Russe fraîchement sorti des ruines du communisme qu’il fallait s’empresser de libéraliser et privatiser les sociétés. De fait, les magasins Vuitton et Gucci ont fleuris dans les grandes villes, sans pour autant garnir les portefeuilles du Moscovite et encore moins les étals des supermarchés passés aux mains de ceux qui avaient su détourner des fonds. Il est donc tout à fait clair que dans une telle position, tout président qui se targue d’être ferme et décidé ne peut agir autrement qu’en verrouillant l’économie et prendre sous tutelle certains marchés. Bien des pays gueulent sur la Russie à cause de l’augmentation du coût des matières premières (gaz en tête). Dans ce cas qu’on m’explique pourquoi ces mêmes pays voulaient maintenir un prix du gaz dérisoire, alors que tous les autres concurrents potentiels eux s’alignent sur un cours du marché raisonnable ? Poutine a imposé que le marché soit équitable… que ça plaise ou non.

De la même manière toutes les nations européennes ont vu l’effondrement de l’URSS comme un bienfait, mais ceci en oubliant sciemment que l’unité Soviétique arrangeait tout le monde pour faire taire les minorités remuantes. C’est un paradoxe : on critique mollement la politique de Moscou concernant la Tchétchénie, mais en même temps on l’accepte en sachant que cet état a servi de base arrière au terrorisme. Le drame humain Tchétchène est double : islamisation et radicalisation des mouvements menant à une guerre, et réplique violente de l’état Russe. Bien entendu qu’on va dire qu’il est intolérable d’agir ainsi en tortionnaire, mais à contrario est-il plus tolérable de prendre en otage une école ? D’une manière générale on s’est bornés à expliquer ce qui est gênant pour les Russes, non toutes les vérités. L’exercice du pouvoir est difficile, bien plus difficile qu’une critique sans connaître tous les faits en tout cas.

Autre point qui me fatigue sincèrement sur les critiques des méthodes Russes, c’est qu’on compare des pays riches et stables à un état jeune qui a encore un héritage lourd à porter. En effet, le simple fait d’avoir poussé à l’économie de marché sans contrôle a créé une génération de démunis, déçus du capitalisme et nostalgique de l’ère à l’étoile rouge. Qu’on se le dise, ils représentent une part terrible de ce peuple qui, par orgueil et fierté, continuera tout de même à soutenir le gouvernement quel qu’il soit du moment que ceux au pouvoir s’appuient sur le nationalisme de son peuple. Staline a été un tortionnaire, mais il a malgré tout obtenu une résistance nationale et efficace avec un volontariat gigantesque quand il a fallu se défendre contre l’occupant Allemand. Ce sont des choses incompréhensibles pour un occidental. Au surplus, Poutine a montré sa détermination sur bien des points qu’apprécient le peuple Russe : rétablissement d’une fierté nationale par la reconstruction et la restructuration de l’armée, le retour d’un état « fort » demandé par la majorité des gens, et surtout l’image d’un état déterministe ayant ses opinions, pas celles de Washington ou Paris.

Je conçois que la réduction de la liberté de la presse, la reprise de force d’entreprises privées ou l’action militaire puisse choquer, mais dans l’absolu ce pays est encore en phase de stabilisation, il a besoin d’être mené fermement pour qu’à terme ses ressources soient correctement exploitées et son industrie menée non par des mafieux mais par des capitaines dignes de ce nom. Le communisme a laissé un pays totalement sinistré : des outils de production hors d’âge, une administration lourde et si complexe qu’un génie ne saurait s’en sortir, des fonctionnaires sclérosés dans leurs fonctions de planqués régionaux, des gens dépourvus de propriété privée et habitués à travailler (peu) pour l’état. Quand on met quelqu’un au travail, et qu’il n’a jamais effectué correctement sa tâche durant sa carrière précédente, m’est avis que le contraste se fait immédiatement sentir avec un volontariste fermement décidé à avancer.

Là, c’est la mise en place d’un « héritier » qui dérange le monde. Pourquoi ? Ils voulaient une demi portion à la solde des USA ou de l’UE ? Les médias se plaignent du rapprochement de la Russie avec la Chine, mais par contre personne n’a daigné émettre la moindre remarque sur l’implantation d’industries Françaises en Chine… aux conditions de travail Chinoises. Ne me faites pas miroiter l’amélioration des conditions par l’implantation de méthodes européennes, celles-ci sont à faire avaler aux aveugles et aux rêveurs. La Chine avance vite, trop vite pour l’Europe et le fait que la Russie souhaite apprendre de son voisin fait peur. Et alors ? Dans tous les pays du monde ceux qui sont au pouvoir ont des gens de l’ombre derrière eux. On a beau jeu de dire que Poutine sera un marionnettiste avec celui qui sera élu en 2008, mais Blair n’était-il pas, d’une certaine manière, une marionnette de Washington ?

Je ne revendique pas que la dictature soit un mode de fonctionnement sain, mais il s’avère parfois nécessaire de jouer du gourdin avant d’envisager l’oreiller de plume. Nous, habitants de pays où la démocratie est réelle (quoi qu’en dise les détracteurs anarchos et gauchos de tous poils), nous ne pouvons pas comprendre cette problématique. Et oui, en France la mafia n’enlève pas les banquiers, elle n’est pas armée comme des paramilitaires (ex KGB ou unités spéciales de l’armée ayant servi en Afghanistan) et ne défie pas ouvertement la police dans certains quartiers.

L’avenir reste à écrire, mais il se peut qu’il le soit avec le sang de certains. Faites que ce soit avec l’encre coulant des grands bavards occidentaux…

17 septembre 2007

« Sont chelous ces Belges ! » (sic)

Je n’aurais jamais cru pouvoir citer une telle phrase en titre d’une chronique, mais là, franchement, je me retrouve dans l’obligation de remonter quelques impressions franchement étranges en provenance directe de la Belgique. Comment diable est-ce que je peux parler du pays prétendument expert de la frite, des moules et de la bière ? Et bien ceci fait suite à un week-end passé à un festival de rock dans la « charmante » localité de Braine le Comte. Toute la bizarrerie de la chose est que je m’y suis présenté accompagné d’une excellente amie, le tout pour fondamentalement un groupe dont je parlerai un peu plus tard dans ce texte, mais avant cela recadrons les choses…

Comme tout fumeur qui ne respecte pas ses poumons mais qui se cherche des excuses pour payer moins cher son poison, nous avons vainement tenté de nous procurer des cigarettes. La Belgique a pour réputation d’être moins chère de ce point de vue, mais encore fallait-il réussir à en acheter ! Première tentative : un commerce dont la couleur locale serait plus celle de Bamako que de Bruxelles. Déception, la carte bleue y est refusée. Après tout pourquoi pas, n’étant pas fainéant nous retentons la chose dans un véritable tabac où là Ubu se serait senti à domicile : entre un vendeur probablement décérébré prétendant qu’il n’est plus approvisionné (chose terriblement crédible… en plein centre ville) et un appareil à carte bleue refusant obstinément ce maudit bout de plastique, nous voilà refoulés et déçus. Tant pis, tentons plus loin ! Erreur ! Arrêt à une pompe essence, et une fois de plus la réponse lapidaire « on a pas de cartouches ». Bref, tout cela pour dire que la réflexion nous a menés mon amie et moi que « ils sont chelous ces Belges ».

Mais ça, ce n’est qu’un point parmi d’autres… l’aventure, le goût de découvrir et de commander un café. Une terrasse de bistrot est sûrement le meilleur endroit pour voir les habitudes des habitants concernant l’alcool et le petit déjeuner. Nous, sobres et intelligents, nous nous prenons deux cafés, dont moi un double. Pourquoi préciser ce détail platement inutile ? Parce qu’en France, un café tient dans un dé à coudre, alors que là-bas oh surprise, un café tient dans une grande tasse (ou « mug » pour les anglophones). Agréable mais surprenant pour le touriste que je suis. C’est en sirotant ce jus noirâtre qu’une autre surprise étrange nous prit de court : une femme, commandant… un Picon bière à dix heures et demi du matin. Seigneur, moi qui de base ne voit pas dans la mousse de ce breuvage quoi que ce soit d’attirant, voilà que je constate que c’est un liquide savouré dès le matin. « Sont chelous ces Belges »…

Passons au festival à proprement parler. En toute honnêteté je suis arrivé comme une fleur, sous entendu que je ne me suis pas spécialement préoccupé des groupes se présentant sur scène, du moins sur les deux scènes séparées sous deux chapiteaux distincts. Arrivés sur place, nous nous sommes plantés sous le plus grand pour assister à l’ouverture. Le drame, l’entrée en matière qui vous ferait frémir un mort de tout son squelette : voilà que montent sur scène une bande d’adolescents maigrichons et chevelus, des caricatures de fanatiques de « rock métal death dieu sait quoi » dont le chanteur m’a immédiatement fait penser à une caricature. Le pauvre, je le plains sincèrement : bâti sur le modèle d’un balai le voilà grognant et vociférant des borborygmes gutturaux hésitant entre le vomissement et la toux cancéreuse. Agrémentant cette horreur sonore de guitares sur saturées, nous voilà prisonniers d’un massacre à la guitare sauteuse… Pitié, faites que toute la programmation ne soit pas du même tonneau ! me dis-je en me lamentant sur une météo agréable que j’aurais volontiers mise à profit pour ne rien faire ! Bref, encore un « Sont chelous ces Belges » à aligner dans nos deux bouches hallucinés. La foule, ah elle j’ai failli passer à côté ! Je me suis senti rajeunir d’au moins dix ans en revoyant des punks et des gothiques. Moi qui croyait qu’un punk méritait le zoo tant ils sont rares, que nenni toute une tribu s’est pointée dans l’assistance et s’est lancée dans un pogo des familles. Pour les néophytes, un pogo consiste à se jeter à corps perdu contre les autres danseurs, pieds en avant et tête vide… Rhaaa ! Souvenirs !!!

La suite fut plus affriolante : une minette braillant avec un certain talent dans son micro mais singeant trop Evanescence…. Et le choc de ma journée : Von Durden ! Là, j’avoue, j’ai cédé. Ils sont franchement excellents, du grand art rock avec des dégaines improbables : chemises de soie noire à manches courtes et cravate jaune fluo, un look à vous faire hurler de rire d’entrée de jeu ! Impressionnant par le talent musical, et spectaculaires par l’énergie développée, à mes yeux ils valent sérieusement le détour. Je mets d’ailleurs le lien du site qu’ils mettent en ligne avec toutefois un avertissement : les morceaux sont trop proprets question enregistrement, enfin disons un rien plus fades que sur scène. Vivement qu’une personne talentueuse se charge d’un mixage professionnel pour qu’ils prennent un envol mérité.

Repas… et ambiance… frites sur grasses chargées de deux cuillérées à soupe de mayonnaise (beurk !) et hot dog… choucroute (re beurk !), sans commentaire ! Encore une fois… « sont chelous ces Belges ! »

Encore ! Encore ! Me dis-je concernant la musique, et la suite alla crescendo : Sharko, un cinglé bourré de talent et enfin (alléluia !) Mud Flow, Le groupe qu’attendait la demoiselle… là j’avoue, ils ont aussi un grand talent bien que certains morceaux me semblent faits pour des midinettes en mal de héros. Cependant, je me suis ravisé car lors d’un des morceaux vraiment endiablé et différent des autres, j’ai cru reconnaître un certain Jim Morrison tant dans l’attitude que la passion dévorante sur les traits. Terrifiant et attirant à la fois… Ceci dit je ne suis pas fan mais j’apprécie le talent. Franchement, là pour le coup ils étaient pas si « chelous que ça » ces Belges.

Conclusions : Ne mangez pas Belge en cours de festival rock, mais appréciez le talent de nos frontaliers, ils sont vraiment bons… très bons !

Liens:
Mud Flow
Von Durden Party Project
Sharko!

14 septembre 2007

Bucolique

Depuis que le monde est monde, et surtout depuis que l’Homme a trouvé le moyen de transmettre sa mémoire à ses héritiers, tous nous vouons un culte à la Nature, du moins au retour de l’Homme vers elle à diverses occasions. Quel poète n’a pas rêvé de vivre en harmonie avec les chardons, les abeilles et les pommiers ? Quelle personne ne s’est pas vue vivre à la campagne, retirée de la vie trépidante et enfumée des villes grises ? Dans l’absolu, cette vision maniérée et attendrie du monde naturel est tout de même une belle supercherie digne d’un canevas de roman à l’eau de rose, car ne nous leurrons pas, la Nature sait s’exprimer avec une brutalité non feinte et dénuée de la délicatesse indispensable aux mains fines et manucurées des dits rêveurs.

La forêt ? C’est un endroit de rêve la forêt ? Entre les moustiques, les animaux sauvages et l’humidité, il y a de quoi faire peur aux plus aguerris de nos citadins. Quel comique de parler de forêt quand il s’agit juste de balades pédestres un jour d’été sur les chemins balisés… Ah cette effronterie de croire que la Nature dénuée de contrôle attend après nous. J’adore ces ignares des fondamentaux que nécessite la vie dans un campement. Faire du feu ? Otez donc les allumettes ou le briquet qu’on rigole. La tente ? Sans elle nul confort et nulle survie pour nos incompétents. Et que dire de l’indispensable et toujours présente radio qui encombre le sac en lieu et place de la couverture ou d’ustensiles de cuisine. Et je ne parle même pas de ceux qui poussent le vice jusqu’à l’ignorance totale des méthodes de lecture d’une carte…

Je sais je sais, c’est cruel de dire cela de cette manière, mais somme tout à vivre dans un confort non relatif mais plutôt total, nous en oublions que la Nature elle provoque des conflits incessants, et ce non que pour des notions de territoire mais surtout pour des questions de survie. Lorsqu’un loup dévore un lapin, ce n’est pas un jeu ni un documentaire animalier, c’est la Nature, la faim et l’instinct qui parlent. Oublier cela c’est manquer de respect à la Nature quelque part. D’ailleurs, c’est en ça que bien des écologistes lucides demandent carrément l’absence de l’homme dans certains lieux plutôt que de suggérer une cohabitation impossible. Sans notre technologie et notre savoir faire, vivre en harmonie avec le règne animal n’est plus une gageure mais une impossibilité totale. Nous n’avons ni le droit de saccager ni le droit de nous imposer partout où c’est possible. Dans cette éternelle difficulté qu’est de choisir entre évolution et protection, la frontière entre rêverie bucolique et pragmatisme parfois cynique est trop fine pour la préciser.

J’aime rêver en regardant la Nature déployer ses atours, mais aussi quand elle se montre intraitable avec nous : un orage me fascine même si parfois il m’impose de me vêtir différemment ou d’annuler un projet, le vent me laisse songeur et ce même s’il siffle violemment sur les tuiles de ma toiture, et après tout… je ne suis rien d’autre qu’une fourmi au milieu d’un monde gigantesque non ?

L’écologie doit prendre place dans nos vies car c’est un enjeu mondial et urgent, toutefois essayons de ne pas le rendre totalement utopique et ainsi en faire une idée stupide. Il va falloir apprendre à nous contrôler mais en même temps aussi comprendre que pour changer il faut du temps, et malheureusement nous ignorons si nous en disposons suffisamment avoir que ce soit irréversible. Enfin, irréversible, ça aussi c’est une idée somme toute saugrenue : les volcans explosent, des météores ont déjà percutés la Terre, il y a déjà eu des glaciations, et la Nature n’ a eu de cesse de continuer malgré tout. Nous sommes une étape, une évolution qui peut mener à la destruction, notre destruction en tout cas, mais dans le fond quoi qu’on en dise, la Terre nous survivra, bon gré mal gré. Cela ne nous dispense pas pour autant de prendre les choses en mains et de nous faire plus respectueux de notre environnement. Obéissons à des fondamentaux comme se servir des conteneurs à ordure et non d’un terrain vague comme décharge, ne jetons plus nos piles dans les rivières et j’en passe…

On nous demande bien de faire attention au volant, alors pourquoi pas en consommant ?

13 septembre 2007

Inepties montées de série.

Ca doit chauffer gravement sous certains chapeaux tant il nous arrive de pousser la réflexion hors des frontières du raisonnable. Nous avons ce don incroyable de nous compliquer la vie au point de rendre les choses inexploitables et insupportables alors qu’elles se devraient de nous aider dans le quotidien. Prenez une porte, non, pas sous le coude, observez la attentivement : mine de rien, à elle seule elle présente toutes les indélicatesses du vice Humain ! Depuis le modèle simple qui trône toute proche de vous à celle qui se plante sentencieusement à l’entrée de votre logement, elle possède toujours cette foutue serrure qui trouve le moyen de se bloquer alors qu’en principe elle se doit de survivre à tous les outrages. Et que dire des verrous ? Certaines portes collectionnent les orifices à clés comme d’autres collectionnent les boutons sur le visage, et souvent cela mène à la crise de nerfs au moment d’ouvrir ou verrouiller le logis. Notre paranoïa nous mène à tout : l’œilleton pour voir celui ou celle qui a eu le malheur de sonner, la petite chaîne qu’on engage pour ainsi dire jamais, et cette batterie de serrures, reluisantes de nos craintes les plus profondes et que les cambrioleurs avertis mettent à mal en quelques instants et dans un silence de cathédrale. Et que dire du courant d’air moqueur qui claque la porte derrière votre dos, avec les clés à l’intérieur et quelques centaines d’euros en perspective pour l’ouverture. SALETE !

Pour autant que je sache, il n’est pas incongru d’offrir des possibilités de se différencier tant dans le vestimentaire que dans l’accessoire à outrance. Pourtant, chaque jour qui s’offre à nous permet de voir et d’entendre ce que nous nous acharnons à accumuler en pure perte et même en totale contradiction avec le bon sens. L’automobile, quel monde merveilleux ! Entre le ventilateur de tableau de bord qui vient vous brasser l’air… chaud en été et qui gène péniblement la visibilité, l’autocollant gigantesque à placer sur la lunette arrière pour vous rendre unique, et même ces œuvres d’art injustement nommés « accessoires de carrosserie » et qui ne sont rien de plus que des lames de plastique assassines pour les piétons en cas de contact, je me demande si les pseudo ingénieurs ayant pondus ces saletés ne l’ont pas fait avec un sens aigu de la moquerie. Je suis intimement convaincu que le type qui a dessiné et fait fabriquer les fresques « Tuning touch » à coller sur les vitres s’est payé un fou rire dément en voyant pour la première fois son œuvre dans la rue.

On va me dire alors que tous les goûts sont dans la nature… oui, après tout tous les égouts y mènent aussi d’une certaine manière, par contre expliquez moi ce besoin maladif de faire d’une chose simple un objet nécessitant des connaissances en technologie spatiale. Un grille-pain, bon sang c’est tout bête un grille-pain : une fente où placer le pain, une tirette, et hop ça remonte grillé à souhait. Mais non ! Maintenant on vous colle non seulement un thermostat, ce que je comprends, mais carrément des minuteurs, des automatismes horlogers (dès fois que vous soyez deux qui programment la cafetière la veille pour le matin…) et comble du luxe des voyants avec une musique pour vous signaler que « tiens… c’est déjà prêt ? ». De quoi devenir cinglé si tout l’électroménager se mettait à claironner sa victoire sur la crasse, ou sur la viande crue. Malheur à celui qui porte un sonotone dans la cuisine moderne.

D’aucun me dirait que je ne suis pas tenu d’acheter un appareil aussi richement équipé, que je peux rester simple. Essayez d’acheter un téléphone portable sans appareil photo intégré ! Essayez donc de trouver une télévision qui vous annonce fièrement dans un livret de 600 pages mal traduites du Mandarin que « pour programmer les 200 chaînes, pressez le bouton –PRG- situé sous le cache en façade de l’appareil », cache secret que vous n’aviez bien entendu pas remarqué et qui parfois même n’existe pas ! Comble de la finesse perverse de notre monde, tentez de trouver à des prix raisonnables de l’équipement audio comme une chaîne hi-fi qui ne ressemble pas un sapin de noël et qui s’avère facile à utiliser. Plus c’est sobre et simple, plus c’est cher ? Merci pour eux (nous en l’occurrence).

J’aime pardessus toute chose ce plaisir qu’on a pu avoir à mettre au point des tracasseries proches du sadisme intellectuel. Le parcmètre, c’est l’œuvre d’un fou ! Garez votre voiture, payez deux heures…. Si vous envisagez de rester au-delà, nul doute que vous scruterez vainement votre montre pendant la dernière demi heure, histoire de ne pas prendre une amende. Dans le même ordre d’esprit il y l’interphone, objet cruel vous interdisant l’accès d’un bâtiment qui, si vous en êtes résident vous demande un code qui bien entendu trouve le moyen de changer pendant vos congés, ou bien de sonner à un nom de famille… qui n’est pas présent sur la liste. De quoi marteler sa façade à l’aide d’une masse de démolition, entrer en trombe et bousiller une fois pour tout le dispositif de fermeture de la porte. Encore une porte !!! Celle là… elle vous en fera voir…

12 septembre 2007

Suis-je communiste ?

En voilà une question qu’elle est bonne ! En ces temps troubles où l’on retrouve une fascination étrange pour les régimes totalitaires et où l’ordre est de plus en plus dressé en vertu, je me demande sincèrement si, au milieu de ce fatras d’opinions mal dégrossies je ne suis pas un communiste en puissance. Bien entendu, dès que j’ai le malheur de parler de communisme j’ai immédiatement droit à la levée de boucliers anti Staline qui me lancent sans aucune pitié si circonspection « Et que le communisme c’est de la merde », « Les communistes y ont faits que des problèmes »… avec une acuité et un niveau d’analyse dignes de l’école primaire. Boutade mise à part, on observe un rejet massif de l’idéologie communiste comme si celle-ci pouvait être assimilée à des modèles fascisants ou national socialistes. En soi, je suis le premier à affirmer que ce fut bien le cas pour plus d’un dictateur frappé de l’étoile rouge, cependant je suis plus modéré quant aux discours et aux idéologies.

Ne mélangeons pas tout : le fascisme c’est d’office le principe d’une autorité suprême, un guide qui a tous les pouvoirs et qui en conséquence ne peut ni ne doit se tromper. A tout prendre, cette vision oligarchique du pouvoir est bien plus proche du royalisme que d’autre chose au titre qu’aucune autre entité qu’elle-même ne justifie alors l’omnipotence de sa position. Paradoxalement, le communisme lui, dans sa phraséologie du moins ne prône pas une dictature d’un seul homme, c’est avant toute chose le pouvoir au prolétaires, donc finalement une idée pas si éloignée de l’idéal démocratique que nous brandissons à chaque fois que nous estimons nos libertés en danger. Par opposition la démocratie se devrait d’être communiste et non pas capitaliste car elle serait alors une image exacte des opinions du peuple dans son ensemble. Aujourd’hui nous sommes dans une démocratie petite bourgeoise (découpage de Karl Marx), c'est-à-dire que les petits bourgeois, vous, moi, enfin ceux qui ont des revenus suffisants, des artisans ou des cadres moyens sont ceux qui font la majorité de la décision lors de toute élection. L’absolue nécessité que le vote soit représentatif de toutes les classes est alors quelque peu troublée par l’absence notoire des bas salaires des urnes (prolétaires ?)

Jusque là, il est donc « clair » que le communisme n’apporte aucune difficulté et même est un bienfait évident pour le fonctionnement de la société. Tous nous serions des votants, et tous nous serions responsables. Aujourd’hui ceux qui votent sont ceux qui se sentent concernés, les lampistes étant malheureusement écoeurés par le manque de cohérence entre les mots et les actes. Pour s’en convaincre il suffit de se souvenir de ce discours récurrent : « un pour tous, tous pourris. » Certes, une forme de demi vérité ironique passe en ces mots, mais il serait bien plus judicieux de se dire qu’en changeant les pourris, avec un peu de chance on les remplaceraient par des un peu moins corrompus.

Là où divergent le capitalisme et le communisme ce n’est que sur la répartition des richesses. Le capitalisme incite à s’enrichir, le communisme ne fait que décider fermement tout le monde à répartir équitablement le revenu du capital. En gros, le manifeste du parti communiste dénonce non pas le fait de faire du bénéfice mais juste que celui-ci n’est jamais reversé à la force vive des entreprises, à l’époque l’ouvrier nommé prolétaire. Aujourd’hui le souci est de trouver un véritable prolétaire au sens marxiste du terme : nous sommes passés (en France du moins) à une société de service où l’industrie est devenue une zone sinistrée où l’on travaille plus par obligation que pour autre chose. De fait, la répartition des producteurs de richesses s’est déviée de l’industrie vers les services, et c’est une tendance qui ne fera que s’aggraver avec le temps. Prenons les délocalisations et ne les oublions surtout pas pour bien percevoir ce phénomène qui me semble inéluctable. Là où le capitalisme est effectivement une barbarie sociale c’est qu’il permet des enrichissements colossaux, le capital appelant le capital, et ce sans que pour autant qui que ce soit de productif puisse en bénéficier. Certains parleront des primes, des avantages, mais ce sont des oboles jetées aux employés par rapport aux capitaux dégagés par la spéculation et le provisionnement. De ce point de vue, je peux comprendre le communisme comme étant une idée logique et saine pour le progrès social.

Intégrons une autre contre vérité au débat : bon nombre de personnes voient dans le communisme le collectivisme d’état et l’interdiction de propriété individuelle. Attention, ce n’est pas communiste de regrouper les possessions pour les mettre sous une tutelle étatique, c’est du collectivisme. En URSS cette méthode fut mise en place à marche forcée, le fusil dans le dos ou la corde au cou. Par voie de conséquence, tout ce qui est forcé ne fonctionne pour ainsi dire jamais, surtout quand on parle de révolutionner une Nation toute entière. Trop empressés à couler les monopoles privés et les trop riches propriétaires, les bolcheviques n’ont fait que caricaturer des idées intelligentes où la production pouvait se mutualiser et ainsi prospérer sans nuire à ceux qui s’y mettaient. De fait, je crois que Marx aurait hurlé de colère contre les membres du politburo qui se sont revendiqués de son idéologie.

Ce qui est encore plus surprenant pardessus tout c’est que finalement là où le communisme et moi nous ne serons jamais d’accord c’est dans l’idée que je trouve saugrenue qu’on peut avoir foi en l’homme. En soi, Marx comptait sur la réaction et la révolution par le peuple pour le peuple. Jamais aucune révolution violente n’a débouchée sur autre chose qu’une phase de répression puis sur une dictature plus ou moins installée dans le temps : la révolution Française, la révolution soviétique, enfin finalement toutes les révolutions menées par les armes concluent toujours par un bain de sang innommable. Je ne crois pas au volontariat, je crois au déterminisme qui veut qu’on se doive d’imposer certaines règles à la société de sorte à maîtriser et canaliser les passions. Ca rend les choses tout de suite moins démocratiques mais, finalement, la démocratie n’a-t-elle jamais été autre chose qu’une utopie ?

Je crois qu’à terme, mais d’ici deux ou trois siècles, les idéaux de Marx et Engels seront réalité : société de loisir avec la fin de la course au travail et ce grâce à l’automatisation énorme des industries, l’apparition de principes et de mœurs nés du métissage mondial ainsi que de la fin de bien des clivages religieux et sociaux, et qui sait, si nous sommes raisonnables, la fin de l’ambition toujours croissante d’avoir plus que son voisin. Ce qui dévore tous les pouvoirs c’est le désir de surpasser l’autre plus que de se surpasser soi-même. Bien entendu, cette idée encore une fois utopique d’un futur débarrassé des guerres et de la violence ne sera probablement pas autre chose qu’un doux rêve, mais je crois sincèrement qu’une bonne part de ce contrat social visant à aplanir les différences sera quelque chose de concret dans les faits.
Suis-je communiste? Pas totalement votre honneur, juste séduit par cette équité qu'on fantasme sur nos bâtiments alors qu'elle reste encore une illusion pour les enfants...


Ce qui est incroyable en regardant cette vidéo qui est pourtant de propagande, c'est l'impact des images et la force des thèmes: unité des peuples au sein de la nation, production, courage, richesses, volonté, foi dans les hommes... des idéaux à respecter je trouve, même si malheureusement tout cela a servi des ambitieux et non un peuple qui fut opprimé et une terre canibalisée pour des objectifs idiots...

11 septembre 2007

Ubu et nous

Les administrations, c’est comme les plaies d’Egypte : on se croit roi d’un empire, on ne croit pas que ça peut être remis en question et ça vous tombe dessus sans que vous puissiez y faire quoi que ce soit. Sans vouloir paraître méchant envers nos chers (dans tous les sens du terme) fonctionnaires, il y a de quoi leur en vouloir quand certaines situations imbéciles se créent, tout ça parce qu’il y a eu quelque chose d’imprévu dans le système. Bien sûr, on ne peut pas taxer tous les fonctionnaires de fainéants, mais certains mériteraient une séance de pilori aux frais de l’état, rien que pour leur apprendre que les gens ne sont pas des numéros de dossiers ou des matricules.

Les exemples sont légions et prêtent à rire alors qu’ils n’ont rien de drôle. Prenons un premier exemple de situation incongrue et qui semble pourtant commune à bien des bureaux de sécurité sociale. Une personne se présente, prend son ticket, attend patiemment puis s’assoit avec un dossier somme toute assez simple : ayant perdu son attestation, le demandeur ne désire qu’une chose toute bête, qu’on lui en refasse une ou bien qu’on lui remette une carte vitale qu'il n'a bien entendu jamais reçue. Et là, le vice commence, le diable sortant par les pores de la peau du fonctionnaire emmitouflé dans ses procédures pompeuses. « Pas de numéro de sécu ? Donnez moi vos noms, prénoms, date de naissance… » et hop, l’ordinateur magique sera votre sauveur… Dommage, celui-ci renvoie aux yeux mornes de l’utilisateur une fin de non recevoir. « Vous n’existez pas ! » lance alors fièrement à votre encontre le squatteur de chaise qui sied face au « client » qui n’avait rien demandé pour être ainsi traité de « n’existe pas ». Bien sûr, la colère n’aidant pas, notre chère personne présente divers documents contenant le sésame en question… qui s’avère, lui aussi, totalement inconnu des services de la sécurité asociale. Le voilà donc paria en son propre pays, inconnu des services dont il a bien entendu jamais fait usage, la conscience professionnelle lui interdisant en effet la maladie et les interventions chirurgicales coûteuses, alors que ses paies, elles se souviennent douloureusement de la ponction lombaire effectuée entre les vertèbres du brut et la réduite du net.
Peu à peu le ton monte, l’un se moquant vertement du problème, l’autre ne saisissant même plus s’il est ou non une personne à part entière. De regards assassins de condescendance « mon pauvre, encore une erreur informatique je pense » (elle a bon dos cette satanée informatique), à la lâcheté de reconnaître qu’on s’en fout « Je cherche ! Je cherche ! » c’est le mord aux dents que l’assuré social en vient à devenir cruellement réaliste « Je suis dans la m... » songe-t-il en observant son détracteur. « Appelez moi votre chef ! » lance-t-il en désespoir de cause. En vain, le fonctionnaire EST le chef, quand bien même si c’est un mensonge éhonté… allez vérifier vous, s’il est chef ou pas. Bref, cela finit par la remise d’un formulaire de réclamation vous demandant de bien vouloir remplir les cases, de remettre le tout par la poste au service concerné, en espérant que quelqu’un de moins obtus saura vous tirer de l’embarras.

Bien d’autres services s’offrent des luxes que d’autres ne sauraient se permettre en temps normal : une poste qui vous annonce glorieusement par courrier qu’elle a perdu votre colis attendu avec anxiété, un tribunal vous envoyant des amendes d’un véhicule… vendu par vos soins depuis des années à un tiers, chose qui ne semble pas avoir été recensée par la préfecture, la mairie n’enregistrant pas correctement un changement d’adresse, ceci entraînant tout un tas de retards et erreurs pénibles… et que dire de ces impôts vous réclamant des sommes dignes d’un ISF, ou vous taxant de mauvaise foi alors qu'ils ont juste omis de vous envoyer la paperasse nécessaire ? Tout concorde à rendre fou le plus patient et le plus méthodique des êtres humains.
Les services administratifs ont un goût immodéré pour l’abstrait. Non, je ne parle pas des locaux décorés par un designer épris de sa règle et de la couleur crème délavée, non je veux parler de ces codifications obscures qui sont supposées vous définir. « Avez-vous le formulaire XBF-45701 ? », « La procédure DSZT-FERE indique que vous devriez toucher cet argent, mais comme vous êtes sous le régime 33 de l’alinéa 79 de l’article 4897-11, vous ne toucherez rien. Désolé », je doute qu’autre chose qu’un robot ou un fonctionnaire puisse comprendre quoi que ce soit à ce charabia.

L’amusant dans tout ça c’est qu’il est, en général, difficile de taxer de mauvaise foi le fonctionnaire qui est assis en face de vous. Pour lui, l’opération à exécuter tient en quelques feuillets, des références exactes, et le tout placé dans des dossiers dédiés de manière à « simplifier » le plus possible la tâche. Mais de là à simplifier la vôtre… Pour certains documents, la liste des pièces à fournir ressemble à s’y méprendre à un inventaire à la Prévert : 3 photos d’identité couleur, une photocopie recto verso de votre carte d’identité, un certificat ceci, la pièce machin, le relevé truc… » et j’en passe. Là où ça devient ubuesque c’est quand cette liste varie selon l’interlocuteur : appelez à une heure précise le matin, vous obtiendrez un résultat foncièrement différent en renouvelant l’appel dans l’après-midi… quand les deux listes ne se contredisent pas carrément : « Ah non pas besoin du livret de famille », ce qui donne bien entendu une fois au guichet (et une attente d’une heure au minimum) « Ah ! Mais sans le livret de famille on ne peut rien faire ! ».

Au final, il arrive (souvent, heureusement !) que la conscience professionnelle du fonctionnaire s’éveille, comme si la compassion ou un éclair de lucidité avait traversé l’esprit retord de votre interlocuteur. Là, par la magie de ses doigts agiles jouant avec des fiches diverses, le voilà revenant fièrement sauver votre journée et vos nerfs en vous tendant… un formulaire à remplir. Fausse joie ? Non, il est sincère, il a le sourire bonhomme et la trogne du sympathique et affable. Remplissons le, histoire de… et là vous demandez « et c’est tout ? ». La réponse est la même à chaque fois « Oui, c’est tout, on a simplifié la procédure, vous aurez un courrier d’ici dix jours ». Faites qu'il ne mentait pas...

10 septembre 2007

Le grand cauchemar

Si l’enfance est une chance, c’est aussi une des vacheries les plus cruelles pour les adultes, car d’une certaine manière l’enfant a le don de cumuler les mandats : non content de se croire le centre du monde, il s’octroie également le droit de taper sur les nerfs de ses parents et de l’entourage proche. Tout le jeu est de réussir à exaspérer sans pour autant risquer la sanction finale qui peut être la vague claque ou bien l’interdiction pure et simple d’un loisir désiré. Mais pourtant, en soi, l’enfant ne peut pas être traité comme une arme offensive puisqu’il n’est techniquement pas apte à exploser, s’embraser ou détruire physiquement quoi que ce soit… en dehors du vase de la grand-mère ou la vitre du voisin acariâtre.

Bref, c’est médire que croire qu’un gosse est foncièrement méchant, sauf pendant quelques périodes restreintes qui se concentrent généralement aux alentours de la rentrée scolaire et les semaines précédant Noël. Quand on y songe, ces deux moments sont en soi des jalons terrifiants pour tous les parents de notre planète car ils représentent tout ce qu’on peut haïr dans notre système consumériste : les achats en masse, les dépenses, les cohues et les crises de nerfs lors du choix cornélien d’un produit. Observez donc les rayonnages dégorgeant de marchandises, surveillez un peu les mines décomposées de ces pauvres erres qui souffrent le martyr sous les cris stridents du morpion surexcité à l’idée d’avoir LE cahier estampillé de son héros préféré ou LA trousse d’une marque quelconque. Je les plains, car comment trouver un argument massue pour calmer les ardeurs d’un enfant quand il s’agit de le brider dans ses choix ? On peut avancer l’argent, nerf de la guerre aux prix, mais comment ce foutu mioche pourrait-il saisir l’intérêt flagrant pour nous adultes de préserver son assiette au détriment de sa dégaine ?

Le travail de fourmi des rentrées est hallucinant car chaque professeur ou maîtresse trouve le produit à acheter que forcément nul fournisseur ne sera foutu de vous mettre sur un étalage. Qui n’a pas craqué devant l’incompréhensible concept du « cahier à spirales grand format 192 pages petits carreaux papier 80 grammes couverture rigide » ? Et pourquoi pas ajouter la marque et le code référence, ne serait-ce techniquement pas plus simple ? Mais non, faisons jouer la concurrence et les neurones des parents au passage, lâchons les dans la jungle papetière avec pour seule aide cette référence absconse. Mais ce n’est qu’un début ! Prenez la suite, on touche au sublime : « effaceur d’encre » et « stylo plume à encre bleue effaçable », en lieu et place d’une bonne gomme et d’un crayon ou au pire un critérium. De quoi craquer quand on voit ce que donne le dit « effaceur » qui de nettoyeur devient outil de torture de copies raturées.

Ah, l’extase des lyrismes chimiques qu’emploient nos éducateurs, cette poésie dans la sélection des marchandises telles que les colles et les correcteurs. Quelle idée de mettre entre les mains des enfants un produit aussi cruel que le Tipp-ex ? Cette saleté blanche, qui, au lieu de s’étaler correctement devient plâtre écrasé à la truelle, qui forme de jolies couches d’enduit sur les cahiers, qui tache au possible et qui sent aussi bon qu’un bidon de solvant nocif… Sans rire, à quoi bon leur demander de faire propre quand on leur dit de prendre des trucs aussi infâmes ? Et la colle, parlons en de cette satanée colle qui ne doit ni couler, ni coller les doigts, ni coller instantanément, qui ne doit pas être en tube, qui doit permettre de coller n’importe quoi et qui pardessus toutes les vertus, doit impérativement tenir dans la fameuse trousse ! Le bâtonnet UHU ? Trop classique répondra le gosse agaçant. Le pot Cléopâtre ? Ah non ils ont arrêtés la fabrication. Bon ! Alors passons à cette marque supermarché ? NON ! Hurle alors le bambin qu’on a envie d’étrangler…

Dans tout ça, l’enfant lui se pose en juge avec ses critères obscurs de style, de marque connue qui « marche mieux que l’autre », et surtout les symboles ostentatoires d’un certain luxe scolaire que sont les cahiers haut de gamme, les classeurs marqués d’un logo oublié dans quelques mois et les sacs à dos qui se doivent d’être d’un fabricant de vêtements de sport. Et là, une fois le caddie bien plein, les poches frémissent, les mines se décomposent à l’arrivée en caisse. La queue, interminable, les brailleurs s’accordant aux parents râleurs pour nous composer un opéra cacophonique, et au bout de la chaîne le ronronnement stressant du tapis roulant accompagné de l’édition finale d’une douloureuse tenant plus de l’Everest que du volcan d’Auvergne.

Et c’est là que le petit con trouve le moyen de reprendre sa liste, la détailler ligne à ligne et de faire un scandale pour la foutue équerre à 45° qui n’était plus en rayon et qu’on lui a dit qu’on en trouverait une demain à la papeterie du coin. C’est généralement l’occasion de rappeler à ce sale gosse que les baffes sont sources de sérénité familiale et signes de la venue prochaine d’un sommeil réparateur…

Et dire… oui et dire que j’en ai fait voir à mes parents de la même manière. J’ai honte…