20 décembre 2015

De la musique qui me remue systématiquement les tripes

Des musiques qui vous remuent, vous arrachent l'âme et qui vous font regarder le monde différemment...

Merci Pink Floyd


Et la version originale...



Toutes les réalités se mêlent aujourd'hui. Qu'on aille regarder autour de soi, ou à l'intérieur des pixels froids d'une lucarne virtuelle, les choses s'entrecroisent et sont intimement liées qu'on en vient parfois à se dire que la frontière entre le numérique et réel se fait plus ténue que jamais auparavant. Et pourtant, nous clamons haut et fort qu'il n'en est rien, que l'information n'est qu'une variable, que l'informatique qu'un outil, et que notre degré de connexion n'est là que pour consolider les relations humaines. Est-ce vrai? Est-ce exact d'affirmer ainsi que nous progressions vers une cohésion, vers une solidification et une amélioration perpétuelle de notre société? En quoi l'outil électronique apporterait-il donc un semblant de progrès, surtout dans un monde où le regard d'autrui devient toujours plus pesant et difficile à supporter?

Les sociétés humaines se sont développées parce que la culture a permis d'engendrer des échanges inconnus parmi les autres animaux de notre environnement. Le développement du langage, puis de l'écrit, des concepts tels que l'économie ou encore la politique ont autorisé la construction sociale, et donc en cela le net et nos capacités de distribution de l'information semblent effectivement tendre vers un progrès, d'autant plus que la culture, et donc le niveau moyen de connaissance de chaque individu devrait permettre cette tendance... Mais si l'on est lucide et honnête, il n'en est rien, d'autant plus que l'excès d'information ne mène plus à l'avidité et au désir de connaître, mais plus à l'orgie et à l'ingestion goulue sans saveur de données qui sitôt englouties sont aussitôt oubliées.

Le dicton veut que l'on doit apprendre de nos erreurs. Le raisonnement est tout particulièrement valide sur la toile, car celle-ci, au milieu de la marée de données où se mêlent exactitude et propagande, il est devenu au mieux difficile de surnager, au pire impossible de patauger tant le bourbier est gigantesque. A l'instar d'une bibliothèque désordonnée faute de volonté commune, le net devient peu à peu non plus le moteur de la connaissance, mais celui de l'exhibition personnelle. Dans cette volonté manifeste du voyeurisme et du paraître, il y a alors deux tendances: celle du "posséder la connaissance", et celle du "posséder l'objet". Cette avidité, c'est donc le consumérisme intellectuel ou physique, où les leaders d'opinion autoproclamés feront tout pour mélanger les deux dans une soupe indigeste.

Nous connecter les uns aux autres? Se déclarer "amis"? Apprécier un contenu pour ce qu'il est... ou bien être dans la mouvance de sorte à ne pas s'exclure de soi-même? La peur de la solitude, la peur de détonner avec les autres, c'est cela qu'amène le net. Il apporte non seulement le bienfait d'accéder à tout et n'importe quoi, mais également le malheur d'être seul derrière l'écran, et au final de nous pousser à s'insérer dans des communautés toujours plus radicales, tant dans les idées que dans le propos. La bipolarité intellectuelle est désormais une norme, une règle tacite où toute déviance est sanctionnée par l'autocensure, l'insulte comme mode de communication, et en définitive la mise au ban la solution à tous les conflits. Pour un environnement supposé permettre l'échange des idées, il est tout de même paradoxal et même honteux de se dire que l'on doit se taire afin de ne pas finir seul.

Ce monde est à présent le reflet tacite de notre technologie de l'information: clinquant, lancé dans un mouvement trop rapide pour être appréhendé, et où tout évènement, si grave qu'il soit, ne marque son temps que quelques instants. Le durcissement des lignes de conduite, l'autosatisfaction, la barbarie des images se voient tolérées et même revendiquées, parce que le monde se veut vif, excitant, loin de toute notion d'humanisme ou d'émotion. La froideur de l'écran est maintenant celle de la donnée, celle où l'on peut regarder un carnage par la lucarne sans frémir, celle où l'on peut sans s'émouvoir ou même réagir accepter n'importe quelle contrevérité, parce qu'elle est juste confortable et qu'elle ne bouleversera pas notre quotidien.

La donnée est brute. L'information, l'histoire, la culture, ce sont des concepts, des choses malléables avec lesquelles chacun devrait jouer, pétrir et modeler l'avenir... Mais dans un environnement où l'on devient de simples spectateurs, ce sont des briques qui montent des murs d'incompréhension, de sectarisme, et où l'on substitue aux déités des idoles. Tout comme furent sanctionnés le peuple juif pour le veau d'or, notre société se sanctionne d'elle-même en ayant refusée de voir dans quel monde elle évolue. L'humanité n'est ni tendre ni charitable, l'Homme a toujours eu de l'ambition, qu'elle soit dévorante pour les despotes, ou égocentriques pour ses sous-fifres. Nous ne pouvons pas refuser l'opinion d'autrui sous prétexte qu'elle nous dérange. Nous ne pouvons pas vomir notre haine de l'autre parce qu'il a le malheur de ne pas être conforme à notre idée du citoyen. Ce monde, comme celui virtuel, a des codes qui sont de notre fait et non du fait de puissants occultes comme trop voudraient le croire. La paranoïa ambiante n'est pas issue d'une réalité, mais bel et bien née de la mélasse qui nous sert de piscine à idées. Le virtuel ne reflète que nos idées, nos actes, et certainement pas d'une manipulation ou de complots absurdes.

Nous voudrions croire que nous contrôlons les choses. Notre esprit est par trop étriqué pour qu'il puisse aussi bien admettre l'immensité de l'univers, que l'immensité de notre méconnaissance de notre propre monde. Par analogie, c'est du même acabit que d'admettre qu'on connaît mieux la surface de la lune, que les fonds de nos océans. Cela semble ridicule, mais c'est bel et bien le cas: nous ne savons rien des autres, parce que nous nous contentons donc de ne gratter qu'en surface, nous supposons que trois lignes sur un écran suffisent à déterminer ce que l'autre peut être ou peut représenter. Toute société humaine a eu cette idée qu'on peut réduire un peuple, ou même une personne à quelques mots simples. La xénophobie naît de la méconnaissance et de la peur d'autrui, et la toile s'en fait l'écho le plus flagrant. Tu n'es pas avec nous parce que tu es contre nous, tu es l'ennemi parce que n'acceptes pas d'entrer dans nos codes, tu es l'adversaire parce que tu défends une autre vision du monde que celle qui convient à nous.

Dans cette attitude général, il y a une constante, à savoir l'apparent rejet dans le discours de toute forme d'élitisme. Et pourtant, c'est bien ce même élitisme culturel et moral qui renaît de ses cendres. Tout comme la noblesse dénigrant le bas peuple, les "élites" de la toile se font fortes de revendiquer une différence de connaissance et de niveau avec le tout à chacun. Le "tu n'y connais rien" est aujourd'hui une charge classique, et la matraque du "tu ne sais rien" ou encore "tu crois que tu sais?" sont des phrases qui servent d'armes. Est-ce cela votre vision de l'équité? Est-ce cela votre aperçu d'une société totalement interconnectée? En quoi ce monde serait-il meilleur que celui qui interdisait aux masses de se cultiver? En quoi diffère-t-il finalement des dictatures où l'on enfonçait dans les crânes malléables des enfants des mensonges éhontés?

Le propagandisme couvert par la morale et la bonne conscience sont des violences faites au libre arbitre. Quand le "être bien vu" est considéré comme une obligation, quand l'objet possédé devient le vecteur d'une existence sociale, il y a de quoi se demander si l'on a pas là strictement les mêmes déviances ayant réduites à néant des empires comme celui de Rome. L'analogie semble hors de propos, mais elle est d'une actualité terrifiante. Suivez le raisonnement. Quand Rome a atteint son apogée, son obsession pour la sophistication, son acharnement à perpétuer un système de caste sociale a poussé l'empire non plus à s'étendre, mais se replier sur lui-même. Les arts se sont enrichis, les plume se sont déchaînées, mais en contrepartie les dirigeants se sont mis à payer les barbares pour se préserver des guerres, et les luttes internes de pouvoir ont fini par créer une forme d'anarchie flottante, une sorte de sable mouvant où chaque despote succédait au précédent sans même avoir eu le temps de régner. Ainsi Rome fut mis à sac. Ainsi l'empire se disloqua, ainsi la nation unique vola en éclats, et ainsi les barbares purent envahir, contrôler, se développer, se sédentariser... puis se diluer pour disparaître dans les méandres du temps. De la même manière, nous avons financés la barbarie terroriste, de la même manière nous payons notre confort, et de la même manière nous tentons de sauver les apparences lorsque notre monde est pillé et mis à sac.

Notre cohésion ne vaut rien si elle n'est pas physique et morale. Notre unité affichée après les attentats est déjà brûlée et foulée du pied. Quand quelqu'un se dit patriote, on l'insulte et on le traite de nationaliste. Quand une personne se détermine par les urnes pour un parti radical, on ne taxe de fasciste. Qui est fasciste? Celui qui censure l'autre il me semble. Je ne crois pas aux idées d'une extrême droite drapée du drapeau tricolore pour se donner une consistance, mais ce n'est pas pour autant que je qualifie le vote FN comme étant immoral. L'immoralité, c'est ceux qui l'agitent en tant qu'épouvantail qui sont immoraux. Pourquoi avoir des opinions est désormais une menace, ou pire encore une cause d'injures? Moi qui croyais que les gens qui gueulaient "Internet lieu de liberté d'expression" étaient sincères!

Le monstre numérique est là. Il s'est implanté dans chaque demeure, dans chaque appareil connecté, et il diffuse des choses si radicalement différentes que l'indigestion est perpétuelle. Quand un peuple a faim de libertés, il consomme chaque chose, s'en imprègne, et les plus beaux esprits se développent. Comme la fleur poussant sur le fumier, l'intellect pousse parce qu'il est stimulé par le besoin. En revanche, l'obésité naît quand on croit se nourrir, alors qu'on se gave. Nous ne prenons plus le temps, parce que le temps file, parce que l'information se doit d'être instantanée, rapide, et qu'en définitive on ne retiendra que des fulgurances, comme le flash brûlant d'une bombe, l'éclair brutal d'une rafale de mitraillette, sans même tenir compte du contexte ou de l'histoire qui se cache derrière. Pas même un an est passé que déjà les attentats de Janvier sont passés à la trappe. D'ici quelques mois, les victimes de Novembre seront un jalon parmi d'autres, et le "détail" de notre histoire moderne sera oublié au profit de n'importe quelle autre nouvelle choquante.

Le net offre une tribune, un support idéal et facile à manipuler pour quiconque tient à se voir diffusé à outrance. On est bel et bien seul derrière son écran. On est bel et bien seul face à la donnée, et c'est à chacun de la prendre en main, de ne surtout pas accepter qu'on vous la présente d'une manière ou d'une autre. Il y a une très belle analogie qui fera comprendre mon raisonnement, c'est celle de la pièce de monnaie. Trois personnes observent la même pièce que l'une d'elle tient entre deux doigts. Le premier voit une des faces: ronde, il y a une silhouette dessus, et des mots gravés sur le pourtour. Le second ne voit que la tranche de la pièce: c'est un parallélépipède rectangle strié, d'une couleur bronze. Le dernier, lui, a conscience qu'il s'agit d'une pièce car il aperçoit la pièce de biais. Il tente d'expliquer aux deux premiers qu'il s'agit d'une pièce, d'un cylindre de métal... mais les deux autres se moqueront de lui parce qu'ils sont convaincus de détenir "la" vérité, la seule acceptable. La toile est faite de cette même absurdité: en refusant d'écouter toute autre voix parce qu'elle semble dissonante, nous nous isolons donc au lieu d'échanger. Un échange, est avant tout écouter et non s'écouter. Un lieu de partage, c'est autant donner que recevoir.

Quand nous ferons évoluer notre modèle de communication vers un autre niveau, alors peut-être qu'on pourra parler de culture et non d'inculture. Le net est bien notre image, ni déformée ni malade, sauf si l'on accepte le fait que notre société est malade. Elle est malade de ne plus se donner les moyens de réfléchir, elle est malade de sa propre obésité, car savourer une chose ce n'est pas l'avaler d'une traite puis de pousser un rot sonore. Nous sommes encore dans les premiers instants d'une vie complètement indissociable d'une existence numérique, mais tôt ou tard nous serons amenés à accepter que chaque geste, chaque pensée, chaque idée sera transportée par devers nous dans le réseau. Et ce jour là, que ferons nous? Serons-nous plus tolérants, fiers d'échanger sans entrave, ou serons-nous terrifiées d'avoir de nous-mêmes construits des murailles numériques propres à nous protéger de nous-mêmes?

Enfin, je ne sais pas si je dois espérer ou être terrifié. Les indices laissés par le monde me font penser que nous n'aurons de cesse que de nous embarquer dans un 1984 volontaire, là où des rêveurs espéraient un monde sans frontière. Malheureusement, la frontière est toujours la même, tangible et ordinaire, celle de notre humanité. Chacun de nous a ses tares, ses peurs, sa xénophobie. Nous sommes tous des racistes ordinaires. Qu'on ne vienne surtout pas me tancer d'un "moi je ne suis pas raciste", parce qu'il s'agit là d'un mensonge éhonté, et d'une prétention narcissique. Le racisme, qu'il soit religieux, culturel ou ethnique fait partie de notre attitude, parce que nous cherchons et chercherons toujours des causes à notre malheur, alors que nous l'avons sous nos yeux. Notre intelligence est notre malheur, notre mémoire notre faiblesse, et notre incapacité à raisonner autrement que par réaction notre ennemi le plus intime. Comme n'importe qui, je peux être intolérant, sectaire, brutal, vindicatif même, et c'est en l'admettant que je tente d'être moins pire qu'autrui. Le progrès passera donc non par le numérique, mais bien par soi-même. N'oublions jamais que le numérique devrait être un moyen et non une finalité en soi. Bien trop de gens soucient de l'image qu'ils sont sur la toile, et chaque jour ce phénomène s'amplifie. A croire qu'on n'a pas encore compris que l'outil est ce que nous en faisons, tout comme notre monde est ce que ne nous en avons fait. Se réfugier derrière des phrases comme "c'est la faute des autres" ou "c'est la faute des politiques", c'est une lâcheté, un confort de plus, une sorte de cocon confortable où l'on peut se cacher et jouer la pureté des idées et des sentiments. Il est plus qu'urgent de se mettre en défaut et d'admettre, bien que cela soit douloureux, que tous nous faisons notre monde, et pas uniquement quelques signatures sur un bout de papier. Nos politiciens, les dictateurs ne se font jamais seuls. Ils ont des soutiens, on les aide car oui chacun participe à un système. Celui qui se croit hors du circuit est celui qui le favorise le plus, puisqu'il n'agira jamais contre.

Ne l'oubliez jamais: nous sommes tous citoyens du monde, et pas des entités numériques anonymes. Nous sommes tous membres de cette même humanité, et c'est l'inaction individuelle qui offre le meilleur terreau au despotisme.

09 décembre 2015

Si simple, si chouette

Juste une vidéo parce que je l'ai trouvée drôle, touchante, intelligente, et d'une simplicité absolue.