31 mars 2008

L’odeur du vieux papier

Après avoir abandonné ma série littéraire des grandes batailles et autres désastres militaires, je me suis mis en quête d’un ouvrage à dévorer. J’ai un instant envisagé retourner à « ma » libraire, du moins celle que j’estime m’offrir non seulement une compétence commerciale mais avant tout un accueil chaleureux, j’ai dû me raviser avec effroi : muté ! Ayant changé de mission technique (ce qui est le lot des prestations informatiques), je me suis vu éloigné de ce Byzance de la plume, mon paradis aux remparts de papier et aux tours de guet bâties à coups de dictionnaires. On ne se rend vraiment pas compte de l’importance de l’humain dans le commerce : quoi de plus agréable que d’être abordé avec le sourire et un « Je peux vous aider ? ». A chaque fois que j’ai eue le plaisir d’acquiescer ce fut toujours suivi d’une conversation riche d’enseignements et de connaissances manquant cruellement à mon bagage personnel. C’est un drame je vous le dis : de la froideur des étals d’un supermarché sans âme et d’un libraire amoncelant les perles, je préfère l’odeur particulière des livres dans ces refuges culturels. Telles des grottes pour ermites fuyant l’automatisme et l’électronique, je me serais volontiers enterré dans la luxure de la gloutonnerie littéraire… Sans omettre l’accessoire détail qui précise que les vendeuses étaient d’un charme indéniable, mais là je m’égare.

Pâte de papier, couvertures diverses allant du carton au cuir le plus noble, tranche à peine distinguée ou dorure la plus fine, le livre vit, vieillit et s’anoblit avec le temps. Quand j’entends ces maniaques de la blancheur ammoniaquée se targuant de conserver des exemplaires non ouverts ni même cornés, je hurle et peste sans retenue. Le livre est fait pour être lu tas de parasites des librairies. Si votre but est d’arborer l’intégral de Zola en édition limitée cuir de kangourou numéroté à la main, et que la moindre tentative d’ouverture de ces ouvrages vous semble être un viol total du « précieux », permettez-moi de vous dire que vous êtes à la littérature ce que l’alignement de containers à ordures est à l’art urbain ! Non messieurs dames, le livre n’a pas à stagner dans une vitrine, il doit vivre, respirer et offrir son essence à celui qui souhaite s’en imprégner. D’ailleurs, l’odeur d’un livre qui a déjà vécu est inimitable : mélange étrange entre le bois légèrement acidifié par la pourriture et le parfum âcre de l’encre séchée, sa couleur même semble être celle d’un whisky ayant vieilli dans un fût plus de dix années consécutives. Savourez donc la qualité de ce parfum en humant la tranche fermée, puis ouvrez donc lentement la pièce que vous tenez en mains. Magie du temps, il est d’un brun très clair, uniformément réparti sur les pages qui défilent. Même la texture de chaque feuille semble s’être bonifiée, plus souple, plus agréable au toucher, ce cher bouquin devient alors un compagnon intime et pas un vulgaire « vite lu vite oublié » de gare.

Le bon vieux livre qu’on a du lire au lycée, ou celui qui ressort d’une malle après des décennies d’oubli… ces annotations faites par des mains malhabiles ou inconnues, ces tampons aux numéros de téléphone périmés depuis des lustres, et que dire de ces adresses et codes postaux n’ayant plus de sens ! C’est aussi ça l’âge d’un livre, c’est une époque, une pensée, des doigts ayant longés les feuilles avec soin, le marque page oublié à la fin entre la page finale et la couverture... Songez donc à ces tranches de vies qui sont racontées sans être écrites quand on reprend un livre imprimé il y a plusieurs décennies : était-ce avant la guerre, appartenait-il à quelqu’un disparu, a-t-il été protégé des autodafés criminels, fut-il interdit ? Le livre raconte donc son histoire et celle d’un temps perdu. On peut juger qu’un auteur fut un sombre besogneux sans talent, qu’un autre fut un génie et qu’une dernière plume fut aussi utile à l’humanité que le téléphone en forme de Garfield, mais tous ont étés lus, écrits et appréciés à divers degrés. Il n’y a pas de « mauvais livre », il n’y a que de mauvaises histories. A chacun d’en apprécier à sa juste valeur le contenu autant que j’en apprécie le contenant.

Là, à présent je me replonge dans un de mes classiques, une œuvre dont le papier fleure bon un passé de lycéen, un numéro de téléphone à huit chiffres, et un jauni qui me fait frémir. « Des fleurs pour Algernon » ressort de l’étagère, je l’ouvre, je plonge avec volupté dans les remous d’un Daniel Keyes pas assez connu à mon goût, et lentement mon esprit divague… Que c’est bon de sentir encore et encore les volutes boisées du livre tant apprécié. Cela pourrait mériter un poème tant c’est agréable, mais c’est en chacun de nous que celui-ci s’écrira, chacun à notre manière, chacun utilisant ses souvenirs propres pour en déclamer toute la complexe alchimie hésitant entre le dégoût des classiques imposés par l’école et l’inoubliable larme pour un héros disparu…

Des fleurs pour Algernon

30 mars 2008

Le visage dans la lunette.

A toutes les époques le régicide fut employé pour changer le cours de l’histoire soit pour que ce meurtre permette une nouvelle autocratie, soit dans l’espoir d’un peu plus de démocratie. Quoi qu’il en advienne, cet acte extrême d’éliminer un chef d’état est souvent autrement plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, si la cible est un personnage aussi puissant, peut-on facilement admettre que sa mort soit un véritable changement ? Est-on en droit d’éliminer un tyran sans se poser la légitime question du « Et après ? ».

L’Histoire comme je le disais recèle quelques exemples de meurtres perpétrés au nom d’un changement d’orientation ou bien de maintien d’une situation au profit d’un successeur : César, Cléopâtre, Henri IV, Sadi Carnot, Paul Doumer, Hitler, Kennedy, De Gaulle, Indira Gandhi, la liste est longue pour ces cibles gouvernantes dont certains eurent la vie sauve. Certains me feront remarquer qu’au milieu de cette liste rares sont ceux qui n’ont pas été des bourreaux de leur peuple, et étrangement ceux qui survécurent aux tentatives ne furent pas forcément les plus populaires, loin de là. Observons donc avec un regard glacé les conséquences de ces assassinats : combien menèrent à de véritables changements radicaux ? Combien purent se targuer d’avoir remis un ordre « nouveau » dans la politique du moment ? A mon sens aucun, tous furent perpétrés avec un manque flagrant de considération pour le changement, ou alors justement doit-on en déduire que jamais le changement ne fut visé ? Ce serait donc que le régicide n’est pas un acte révolutionnaire mais au contraire un conservatisme forcené ?

Entre causes et conséquences il est important de faire une distinction très précise. En effet, des causes identiques ne mènent pas nécessairement aux mêmes conséquences, et qui plus est la plupart de ces meurtres (ou tentatives, j’y viens par la suite) sont majoritairement le fait non pas de décisions mûrement réfléchies mais au contraire d’actes d’idéalistes voire de fous espérant que la mort d’une tête puisse faire périr l’hydre gouvernante. Sottise, surtout si l’on prend patiemment le temps d’analyser les évènements : César était encore en pleine guerre, cela changea à sa mort ? Henri IV fut traité comme le bourreau des protestants, la tolérance revint-elle à l’honneur pour autant ? L’attentat manqué contre Hitler en 1944 aurait-il fait cesser les combats plus tôt ou l’Union Soviétique aurait-elle roulée jusqu’à Berlin ? De Gaulle, en périssant, aurait-il cédé la place à un « modéré » ou bien au contraire le pouvoir aurait-il été pris par l’armée ? Enfin, lorsque Kennedy mourut à Dallas en 1963, fut-il abattu pour la fin du conflit au Vietnam ou au contraire pour le maintenir ? Toutes ces questions nous orientent donc vers une difficulté plus profonde encore à savoir que, si c’est un pouvoir et non un fanatique qui œuvre pour la mort du gouvernant, comment les services de sécurité supposés protéger la personnalité ne se rend pas compte de ce qui se trame ?

Il m’est très difficile d’admettre qu’un chef d’état ne soit pas entouré de personnes compétentes pour assurer sa sécurité, et qui plus est tout un pan des services secrets pour maintenir sous surveillance l’entourage proche du président/dictateur/roi. Un peu de lucidité voulez-vous ? Tout gouvernement se doit de préserver son image en maintenant sous bonne garde son propre chef de manière à éviter tout débordement. Un chef d’état accessible c’est une victime potentielle tant pour le fusil d’un fou que celui d’un professionnel. Il n’y a pas d’idéologie dans les services secrets, il n’y a que la fonction de servir l’état, quelque soit sa forme. N’oublions pas non plus que les présidents passent, mais les hommes de l’ombre demeurent. Dans ces conditions, soit il y a laxisme, soit une volonté délibérée de laisser passer le moment opportun. Recadrons : une enquête récente a démontré que César était au courant pour ce qui se fomentait et qu’il a sciemment choisi de se sacrifier pour que les ambitions des comploteurs soient anéanties. Il aurait tout aussi bien pu les faire tuer… et devenir alors un tyran, chose qui ne convenait pas à l’image qu’il avait bâti à Rome. C’était donc un suicide assisté pour que le pouvoir reste en place et que pardessus tout ceux qui attendaient au portillon soient déboutés. Encore plus étrange : avec une Gestapo et le SD (SicherheitDienst ou sûreté intérieure) omniprésente dans l’armée, on ne peut que croire qu’il y eut une décision de laisser faire les comploteurs pour voir Hitler mort, et ce non pour changer de direction mais simplement pour qu’il n’interfère plus dans les actions menées par l’armée. Et que dire de Kennedy ? Certes Oswald fait un coupable trop parfait et la théorie du complot menée tambour battant est séduisante, mais je me demande s’il n’était pas réellement derrière le fusil et simplement sacrifié par ceux qui ont fait en sorte de le mener à la lunette.

En tout état de cause l’assassinat d’un chef d’état ne mène pour ainsi dire jamais à une révolution. Tout président, empereur ou roi se repose sur des subalternes compétents et dévoués, et la mort du chef ne peut qu’inciter un ambitieux de la hiérarchie à prendre sa suite dans la même veine. Franco en mourant dans son lit fut maintenu dans un état comateux par ses proches et sa « cour » pour s’assurer qu’aucun changement brutal ne se produirait. Quiconque aurait pressé la détente contre lui n’aurait fait qu’inciter l’armée à maintenir un statu quo et même à instaurer la loi martiale. Lorsque Gandhi mourut tuée par son garde du corps, les Sikhs furent alors exclus de tous les postes à pouvoir des administrations de l’Inde, aussi bien dans les bureaux que dans l’armée. Ce ne fut donc pas un acte révolutionnaire, mais juste une vengeance : le sang par le sang. On peut donc raisonnablement affirmer que si l’acte est décidé par des gens de pouvoir, cela ne sera jamais dans l’espoir de changement. Que se passe-t-il lorsqu’un personnage aussi influent meurt assassiné ? Il devient une icône, un symbole soit d’une cause ou bien d’une façon de gérer le gouvernement. Kennedy est idéalisé alors que, finalement, on ne peut pas vraiment affirmer qu’il a été un président au dessus de tout soupçon. Hitler, mort par suicide, est encore idolâtré par des fanatiques et ce même après plus d’un demi siècle. Un politique ne tuera que si cette mort lui est profitable et un martyr n’est jamais un bienfait. Alors pourquoi ? Parce que le bilan est alors positif : occupons l’opinion publique avec la mort du président pour que les affaires d’état, elles se gèrent dans l’ombre. L’attentat du petit Clamart ne fut jamais autre chose qu’une revanche de l’OAS, une vengeance dénuée de la moindre efficacité politique. Dans ces conditions, il est même nécessaire de se demander la nécessité de tuer un tyran.

La révolution se fonde non sur le sang mais sur le changement, mais malheureusement le changement se fait bien trop souvent dans le sang. L’assassinat politique peut avoir un dernier aspect très pratique : quand on a un opposant, autant le faire tuer et mettre ce meurtre sur le dos d’un ennemi réel ou supposé. Trotski fut assassiné sur ordre de Staline, mais sa mort fut instrumentalisée à outrance. Les exécutions de ministres, juges, politiques et même de personnes sans grand pouvoir mais avec une influence sur le peuple furent éliminées sans remord, simplement parce que menacer la foule avec la mort d’un leader coûte bien moins cher que d’affronter la foule elle-même. Poussons le vice jusqu’au bout : pourquoi prendre le risque de mettre un professionnel au travail si l’on peut employer un véritable fanatique ? La méthodologie terroriste et l’attentat politique ne diffèrent guère que sur les buts mais les méthodes sont les mêmes. Conditionner pour tuer, former pour exécuter, sacrifier le pion en question pour s’assurer son silence. L’exemple le plus connu demeure Oswald qui fut probablement la pièce d’échiquier la plus connue du monde. C’est d’ailleurs un personnage exemplaire dans son genre : formé à l’espionnage, impliqué dans les basses besognes de la CIA pour assister les réfugiés cubains, puis finalement mis sur le devant de la scène avec l’assassinat de Kennedy. Splendide ! Il fut donc brûlé sur le bûcher, tué à son tour en pleine lumière, l’exemple type du sacrifice du pion aux échecs. Faites le avancer pour qu’il meure et qu’il permette à la reine de vivre…

Souvent le président est éliminé de manière à ce que la résistance s’effondre par manque de leader. C’est pour ça qu’on peut supposer qu’Allende périt dans le palais présidentiel en 1973. L’histoire affirme qu’il s’est défendu jusqu’au bout et qu’il est mort l’arme à la main. Fort bien, je ne conteste pas, mais je peux supposer sans difficulté que personne ne désirait le maintenir en vie. Du changement vous dites, une dictature ? Hélas, la vérité sur Allende fut embellie par la passion communiste d’un état démocratique, mais ce serait oublier le désastre économique provoquée par ses réformes, ainsi que le désastre social qui mena le pays au bord de la famine. Aussi dramatique que cela puisse paraître le putsch fut soutenu par une partie du peuple et non juste par l’armée, révoltée de voir diminuer ses prérogatives. Cynique vous dites ? Alors finalement, le changement fut un échec et donc confirme ce que je disais : tue ton président, tu ne feras que tuer l’espoir.

Un dernier point: regardez cet extrait du film I comme Icare: il est stupéfiant à plusieurs titres. Tout d'abord il est tiré d'un des meilleurs films parlant de l'assassinat d'un président, et d'autre part il étaye l'idée qu'on peut manipuler un homme pour en faire une arme. Ici, c'est l'expérience de Milgram sur la soumission à l'autorité. Regardez... et frissonnez parce qu'il ne s'agit pas de cinéma, la dite expérience est réellement effectuée dans ces conditions. Sachez qu'il y a des gens qui ont poussés jusqu'à la dernière manette à plusieurs milliers de Volts! Vous comprendrez mieux en regardant cette vidéo jusqu'au bout.

28 mars 2008

Ca y est je suis un vieux con

N’étant pas d’âge canonique, j’ai pourtant la désagréable impression d’être une de ces reliques que les « jeunes » observent avec commisération et inquiétude, comme si toute parole émanant de mes lèvres pourrait rapidement leur être défavorable. Ne me sentant pas spécialement adepte d’un jeunisme à la mode, j’ajoute au surplus que mes propos ne visent que rarement la proportion d’adolescents boutonneuse de notre population pour le simple égard que je leur dois. Moi aussi je fus un avorton braillard et revendicatif, moi aussi j’ai arboré avec complaisance l’anarchisme de circonstance aux manifestations saugrenues de fausse virilité estudiantine. Ah la première cuite vécue par mes camarades, les premiers émois érotiques, les premiers slows langoureux avec des filles aux prénoms perdus dans les limbes de mes neurones carbonisés… tout ceci pourrait faire croire à une certaine nostalgie, mais il n’en est rien : je ne suis pas un nostalgique du lycée pas plus qu’un poilu n’a jamais fait acte de nostalgie concernant la canonnade à Verdun.

L’adolescence est cette étape pathétique où le corps se transforme pour rejoindre l’inévitable pourriture de l’âge, mais c’est aussi et avant tout les moments où la conscience de soi s’éveille au détriment de la conscience du groupe. L’égoïsme naît quand l’enfance meurt, et les plus grands égocentriques sont finalement les adultes contrairement à ce qu’ils affirment. Oui l’enfant et l’ado cherchent la reconnaissance et l’identification du soi en rendant dingues leurs aînés, mais c’est dans l’objectif salvateur d’être pris au sérieux et non d’obtenir une compensation à leur état de non décideurs. Pourquoi ne suis-je alors pas pour le jeunisme ? Tout simplement parce que la jeunesse a le terrible handicap de s’accompagner d’une bêtise sans borne nommée « idéal ». Ils rêvent les imbéciles, ils fomentent un avenir radieux alors que nous autres, adultes accomplis dans notre besogneux devoir de produire, nous bâtissons des gouvernements et des armes en nombre suffisant pour nous mettre à la rôtissoire de l’enfer nucléaire. Jeunes de tous les pays, pacifistes et autres écolos aux idées neuves, ne vous inquiétez pas de votre différend moral avec les vieux, vous y viendrez tous comme on vient tôt ou tard à l’aspirine pour s’éviter un devoir conjugal. C’est ainsi : vous vieillissez et les cyniques comme moi se marrent à l’idée de vous sentir dépités dans vos espérances.

Je suis donc cruel ? Hélas je suis un pragmatique forcené. Le rêve est magnifique quand celui-ci ne s’orne pas des tambours et trompettes de l’illusion, car à mon sens il faut distinguer le fantasme du lucide, notamment pour ce qui est de la politique. La raison du plus fort ? C’est nécessairement la meilleure sinon pourquoi fait-on des armées ? De l’expérience naît la sagesse ? Bien entendu que la sagesse est le résultat abâtardi d’un accouchement au forceps de nos erreurs passées, sinon que ferait-on si ce n’est répéter nos conneries jusqu’à plus soif ? Les slogans, aphorismes et autres flatteries intellectuelles ne valent que si ceux-ci subissent l’épreuve pyromane du feu de l’expérience, et dans bien des cas l’expérience n’est que le signe d’une bourde monumentale. A ce propos, je suis hilare à l’idée que les « jeunes » puissent croire que toute évolution scientifique soit le fruit de recherches précises et méthodiques. La pénicilline n’est que le produit d’un éternuement hasardeux, la science du nucléaire de l’exposition des Curie à la radiation jusqu’à la mort, et puis pardessus tout la science fait si souvent des erreurs menant à des réussites qu’il y a de quoi douter sur les principes fondamentaux de la recherche… Bref, l’espoir d’un monde fait d’intelligence et de constructivisme n’est et ne sera bon qu’à finir que dans des essais philosophiques de lycéens torturés par le baccalauréat.

Oh toi jeunesse qui s’enfuit aussi vite qu’un braqueur de banque avec la police aux miches, n’es-tu donc qu’une garce, une maîtresse malsaine qui nous pousse à faire les malins pour ensuite nous coller au mitard de l’âge qui avance ? Tu es pourtant séduisante avec tes filles trop belles, tes expériences trop essentielles pour être ignorées, et puis au bout du compte tes souvenirs qu’on se doit de chérir pour pouvoir en parler à notre descendance… c’est étrange comme j’ai peu de ces souvenirs dont on se targue avec un rien d’orgueil. Au sanctuaire des moments inoubliables on se doit (apparemment) de mettre en exergue la première expérience sexuelle ainsi que l’inévitable premier baiser. Mouais, je suis comme qui dirait dubitatif… c’est dingue l’idolâtre attitude que l’on a vis-à-vis de notre maladresse, alors que l’autre, en face, ne fut pas aussi marquée par la première étreinte. Décevante constatation qu’on a plus de facilité à dire « première fois = très bonne fois » alors qu’il serait plus important de dire « Pour toujours = une vraie bonne Vie ». J’admets évidemment qu’on puisse repousser cette fidélité désuète mais qui me tient à cœur, mais c’est sûrement mon côté vieux con qui ressort.

Comment ça je suis déjà un vieux con ? Oui c’est vrai que tenter de communiquer avec un de ces iroquois aux tympans décomposés par une pseudo musique m’est aussi facile que la discussion entre un hérisson et les pneus d’une camionnette… Enfin bon, promis j’essaierai un de ces jours !

27 mars 2008

Alchimie

Un des plus vieux rêves de l’humanité est d’interférer avec les règles immuables de la Nature de manière à les utiliser pour son usage personnel. Entre science et magie, bon nombre de personnes se sont attaquées aux fondamentaux supposés avec les principes des éléments (eau, feu, terre, air) ainsi que sur la possible transformation de certains éléments naturels en d’autres plus intéressants ; ainsi, le Graal de cette « science » qu’est l’alchimie fut d’arriver à une méthode permettant par exemple de transformer le plomb en or. A l’heure de la maîtrise de l’atome, de la recherche sur la naissance de l’univers et du tableau périodique de Mendeleïev, que reste-t-il de ces hypothèses que bon nombre d’hommes ont étudiées à priori en vain ?

Avant même l’étude poussée des atomes, bon nombre de multitâches philosophes / mathématiciens / scientifiques ont revendiqués l’idée que le monde serait fait de particules et que selon le principe énoncé par Lavoisier « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». En gros, le fond de cette loi serait alors qu’on ne peut pas obtenir plus que ce qu’on a donné pour une opération donnée. Le principe qui selon le raisonnement subjectif de valeur faisait que l’or valait « plus » que le plomb posait donc problème aux alchimistes. Or, il est à présent évident que c’est tout sauf une problématique de prix mais une délicatesse atomique qui rend la chose techniquement très improbable même si, à partir de certaines théories sur les atomes, le processus soit envisageable. Mi sorciers mi chimistes, les alchimistes furent donc sur la trace de manipulations chimiques de plus en plus complexes pour réaliser des transmutations de matières… y réussirent-ils ?

Certaines légendes prétendent que des alchimistes se soient enrichis du jour au lendemain et qu’ils furent de véritables mannes financières pour les cités les accueillant, ceci expliquant probablement pourquoi rares furent ceux qui finirent au bûcher alors que la nature même de leur science aurait dû être proscrite en vertu des préceptes de l’église. Nul alchimiste n’aurait supporté un simple interrogatoire sans même passer par la « question » étant donné leur idée de changer la nature d’une chose en une autre. Ces alchimistes légendaires ont-ils réellement réussi ce que la science semble infirmer ? Je serais enclin de par un esprit cartésien à parler de fumisterie ou même d’arnaque pour camoufler des crimes, mais le romantisme latent m’impose tout de même quelques doutes. Après tout, n’a-t-on pas traité Gama de fou et de menteur quand il a affirmé l’existence du charbon en Chine ? La poudre, en Europe, n’a-t-elle pas été l’arme du diable avant qu’elle devienne une arme? Il y a de quoi se perdre en conjectures tant la nébuleuse des vérités et folklores se mêlent concernant cette profession à présent pratiquement disparue.

Peut-on résumer à la transmutation du plomb en or l’étendue des recherches de l’alchimie ? Une seconde légende court concernant les buts à atteindre dans ce domaine : la pierre philosophale. Comme je l’ai précisé précédemment, l’échange équitable entre ce qui est donné et ce qui est alors obtenu est semble-t-il immuable. C’est pourquoi la dite pierre philosophale fut si intensément recherchée. Sans aspect précis, elle aurait le pouvoir de s’affranchir de telles règles et donc d’interagir directement sur la matière. Quelle belle rêverie lance le scientifique qui sommeille en chacun de nous. Mais un cyclotron brisant les atomes, n’est-ce pas là une sorte de pierre philosophale en plus pragmatique ? L’idée même de concevoir une telle pierre séduirait tout scientifique, si tant est que cela soit réalisable. En effet, qui ne serait pas tenté d’exploiter un tel pouvoir pour découvrir les fondements du monde ?

La face sombre de l’alchimie concerna malheureusement la tentative de créer artificiellement la Vie. Créer l’homme artificiel, l’homme « parfait » pour éventuellement permettre de devenir immortel, voilà pourquoi la pierre philosophale fut si intensément recherchée. Nommés hononcules, les hommes artificiels restent tout à fait légendaires et sans réelle description pas même succincte de la part des rares alchimistes ayant écrits sur la question. Cependant, il est notable que l’on peut rapprocher l’hononcule de l’eugénisme ou de la reproduction ex vivo si décriée de nos jours. Les bébés éprouvette sont nés de par des problèmes biologiques compris et identifiés, mais le clonage, finalement, sans mère porteuse, n’est-ce pas là nos hononcules à nous ?

Enfin, si l’on reprend le ton philosophique et romantique, l’alchimie n’est-ce pas aimer, le cœur n’est-ils pas la pierre philosophale puisque son contact transforme en or (bonheur) la personne que l’on aime sincèrement ? Toute science a sa face sombre… je me plais à croire que les alchimistes furent majoritairement de doux rêveurs emprunts d’une humanité dont trop de scientifiques modernes se sont départis. Dire que la science est supposée apporter le bonheur…

26 mars 2008

Monologue de foi

La prière est un acte personnel de communion avec une autorité supérieure qui peut être soit représentée par une iconographie complexe, soit en solitaire par réflexion et introspection. L’acte de foi est donc profondément lié à l’âme et aux convictions qui nous sont propres. Maintenant, si nous, pauvres humains parasites nous réfugiant dans l’obscurantisme dès qu’une catastrophe nous ramène à nos fondamentaux de bétail sans foi ni loi, avec qui les dites autorités communiquent-elles ? Sont-elles comme certains d’entres nous des schizophrènes maladifs qui se cherchent alors refuge dans une seconde personnalité ? Osons imaginer l’impossible, la blasphématoire retranscription d’un monologue d’un Dieu, quel qu’il soit. Chrétiens pardonnez mon offense par avance, n’ayant pour ainsi dire aucune connaissance liturgique je pense que les propos à venir seront truffés d’infamies et d’inexactitudes… Bon d’accord là je cire des pompes mais c’est pour m’éviter des plastiquages ou des voitures suicides. Ah bon ? Ca ne se fait pas trop chez les cathos ? Ouf, je peux donc m’en donner à cœur…. Non finalement.


Et encore une cuite au vin de messe. Quelle plaie ce vin, cette invention de mortel pour détruire des mortels. A vrai dire, c’est plutôt rare que je me prenne une biture avec ces trucs là, étant donné ma pureté supposée il m’est difficile d’enfourner une quantité suffisante pour que l’ivresse se saisisse de moi. Bien heureusement d’ailleurs, sinon je serais foutu de faire une connerie aussi monumentale que celle de créer l’Humanité. Tu parles d’une bavure… des bestioles ordinaires, ni rapides, ni si futées que ça, juste le pouce en opposition pour tenir l’outil ou l’arme dans la main. Si j’avais voulu merder je ne m’y serais pas pris autrement ! Non franchement, après avoir collé le requin dans les océans, l’éléphant dans les forêts ou la savane, ou même le faucon, qu’est ce qu’il m’est passé par la caboche de me coltiner un blaireau pareil. Je ne dis pas qu’il n’est pas agréable d’être élevé en divinité ou de voir des temples dédiés à ma gloire, mais franchement servir d’alibi à des génocides ou à des dictatures, ça a le don de me mettre en colère…

Foutue migraine. Ca me reprend… ils se plaignent « Oh aidez moi Seigneur, sauvez moi ! » ou encore l’inusable tirade du « Je veux pas mourir, je suis trop jeune ! ». Trop jeune ?! Et Jésus ? Sympathique les mecs, on le laisse se faire agrafer à des planches (sacrée ironie pour un fils de charpentier soit dit en passant), il y reste avec les souffrances qui vont bien, je fais un geste puisqu’il est le sauveur, et voilà qu’on me le représente tout le temps cloué à la croix ! Merde alors, Je ne l’ai pas sorti de sa boîte pour qu’il finisse en poster ! Sans déconner, quand ça merde on se pend au cou du curé mais quand tout va bien on se pend au cou du banquier. Et c’est qui qu’on accuse de ne pas faire attention au sort du monde, c’est bibi ! Plein les sandales d’être encore et encore le responsable de tous les malheurs du monde : un ouragan, c’est moi, les volcans, c’est encore moi… et la Nature, vous la prenez en compte bordel ?! J’ai laissé le monde aller et fonctionner sans mon intervention pour justement donner une possibilité de libre arbitre aux hommes, et voilà qu’ils me demandent de faire tout le contraire. Un comble !

Dans le genre boulot pénible le mien se pose là : jamais peinard ; toujours sollicité de tous les côtés pour me battre contre le Mal, on va jusqu’à foutre des slogans en mon nom sur des bouquins et des maillots. Qu’est-ce qu’il y a de plus pénible que d’être encore plus emmerdée qu’une rock star ? Tout le monde ne porte pas la tronche de Mick Jagger autour du cou, non vous me refoutez du Jésus crucifié en médaillon. Sympa la solidarité ! Lui il peut absorber encore et encore les douleurs et souffrances de son peuple, moi je crois que vous, les souffrances, vous les lui donnez gratos pour vous en débarrasser ! C’est pas un peu facile, ça ? C’est comme la confession ! « Lavé de vos péchés ». Une douche spirituelle quoi, le cachet moral pour tringler la voisine, s’envoyer en l’air avec le postier et faire des moutards qui sont de on ne sait pas trop qui. Et au bout du compte, et allez qu’on me demande ma bénédiction avec le baptême. Ca va pas non ? Et les dix commandements ? C’est fait pour faire joli dans le caillou ?! Bordel, on leur file les clés d’un Eden, tu leur files le mode d’emploi et, sympa le gars il file même la possibilité de raisonner pour trouver des moyens d’améliorer les choses, et l’Homme lui, meuh non il vous bousille tout, massacre ses potes pour un oui ou pour un non et vient au bout du compte coller de jolies croix sur les tombes en chialant que je suis injuste. INJUSTE ?! Vous m’emmerdez ! C’est vous et vous seuls qui agissez, qui teniez l’épée ici ou le fusil là, pas moi. Mais ils vont crever en me foutant la paix ou quoi…

Et c’est rien tout ça, c’est rien comparé à ces blaireaux qui viennent de foutre de vous concernant certaines de vos créations… Ah la girafe qu’elle est conne avec son cou démesuré, et c’est quoi ce machin d’ornito je ne sais quoi qui pond des œufs mais qui est un mammifère ? J’étais bourré ! Voilà ! Qu’est-ce que ça peut vous faire si c’est moche tant que ça fonctionne ? Je vous ai créé moches, cons et égoïstes, encore heureux que je n’ai pas pris le temps de réfléchir sinon vous auriez finis à la corbeille avec les chimères, les bestioles de légende comme les licornes et à côté de quelques démons un peu trop virulents à mon goût. Alors quoi, ce monde il ne vous plaît pas ? Moi il me plaît comme Je l’ai créé. Pour info les râleurs vous n’êtes pas à MON image… manquerait plus que ça tiens pour finir cinglé. Voir des milliards d’abrutis avec ma gueule, non merci !

Ah si, j’ai une bonne nouvelle quand même : aussi têtus et casse noix que vous êtes vous crevez tous tôt ou tard. Heureusement que je n’ai pas oublié de ne pas mettre « immortalité » dans votre CV les mecs…

25 mars 2008

Ca va de soi

L’affirmation lapidaire, l’acte mettant en principe terme à toute tergiversation est une des armes préférées de l’arsenal du minus intellectuel dans le sens où cette phrase lui offre une échappatoire fort pratique. Quand le « Ca va de soi ! » tombe, il est difficile de rebondir et c’est là que fond le lâche pour s’éviter l’opposition ou la rhétorique d’un adversaire. Vous avez déjà subi la diatribe glaireuse aux relents racistes d’un imbécile prétendant avec emphase que l’étranger est un fainéant ? Systématiquement un « ça va de soi » se camouflera en tâche de fond de sorte à rendre toute nuance impossible à exprimer. Oh, je sais bien que les clichés ont la peau dure et qu’il est plus simple d’en user que de broder autour, ceci dit c’est tout de même trop facile de laisser la responsabilité du discours aux prédécesseurs plutôt que de forger une explication sur ses idées « propres » (si j’ose dire).

Ce n’est pas pour rien que le contact avec l’extrémisme m’irrite : tel un poil à gratter moral, j’ai du mal à m’approcher du défenseur des grandes idées de la « Realpolitik » sans me prémunir d’un collier anti-puces. Le poux fascisant a le don de me pomper le sang à grands coups de propos absurdes et dégorgeant de démagogie, et pourtant je suis bien obligé, tôt ou tard, de m’employer à l’écouter pour pouvoir alors lui répondre du point sur les i en attendant le poing sur la gueule que ses idées de fond de poubelle ne sont pas miennes. Certes, l’éructation spasmodique d’un leader endimanché en kaki semble exciter le fanatique du « ça va de soi », lequel saura colporter le bouillon croupi à coups d’affiches et de slogans grandiloquents. Prenez le FN … non c’est presque trop facile, prenons donc un adorateur du despotisme en général et plongeons le dans une foule bigarrée. Qu’observons nous : une réaction épidermique d’urticaire s’ajoutant à une incroyable production de salive le menant à avoir la bave aux lèvres. La colère montant, son corps s’agite, il est prêt à hurler sa rage contre la différence, et voilà que la SPA le fait piquer pour le bien de tous. Et oui, l’enragé est donc condamné comme le renard l’est au matin d’une battue de nettoyage de nos chères forêts. Où je veux en venir ? Tout simplement qu’autant le chasseur que l’honnête homme nous battons de la campagne pour chasser les renards bruns de nos belles contrées !

Je coupe la parole comme d’autres coupent la route aux cars scolaires, mais par chance je me contente d’un carnage verbal alors que l’autre semble apprécier le collégien melba. D’une certaine façon c’est désagréable de devoir tolérer une telle impudence de ma part, notamment quand il s’agit de mettre en exergue mes nombreuses tares morales qui font état de ma profonde décrépitude cérébrale. A ce titre, j’aime tout particulièrement contrarier ceux qui supposent que la seule solution à une incurie sociale est une bonne dictature. Pour moi, tomber sur notre fameux « ça va de soi » est du pain béni et même l’hostie libérateur. Que mes péchés soient lavés Seigneur, je vais pouvoir m’en faire un à la matraque ! Comment ça, tu ne tueras point ? Bon d’accord, admettons que le meurtre soit une chose interdite par la morale, alors dans ce cas admettons également la différence et laissons les dire pour qu’ils puissent exister. Ca non plus ce n’est pas acceptable ? Voilà que je me mets à discuter avec le Créateur comme je pourrais disserter avec un camarade de bouteille. Encore une fois au lieu de préserver l’éthique et donc permettre que la tribune des intolérants soit permise je me fais chantre du génocide des cons. Pénible de devoir hésiter entre la justice et l’équité je trouve…

« Ca va de soi » se plaindra donc qu’on ose mettre en doute ses assertions, il sera même le premier à revendiquer haut et fort qu’il n’est pas acceptable de lui saboter son discours, et qu’au fond il est moins méchant que celui qui l’agresse verbalement. Qui t’as dit que je comptais m’en tenir à la seule verve pour te faire ravaler tes idées ? Le râtelier en compote et les dominos au fond des amygdales, bien que ce soit peu incitatif pour une discussion posée, cela aura le mérite de soulager ma conscience outragée. Et puis, pour une fois, notre couineur aura l’occasion de découvrir la gastronomie hospitalière à la paille ainsi que le confort de la literie qui le supportera quelques semaines. Comme ça, il pourra, et ce aux frais de sa mutuelle si chèrement entretenue, apprécier les services de ces étrangers qu’il dénigrait avec tant de virulence. Un retour aux fondamentaux ? Disons que, pour une fois, qu’au lieu d’aller chercher la pulpe au fond de la molaire le dentiste ajoutera de la pulpe entre les oreilles de son patient. N’étant pas amateur de la roulette je crois que cela sera malgré tout un bienfait. En attendant, je vais m’offrir un casque, des fois qu’un petit malin me prenne par surprise et décide de me faire taire par le même procédé revendiqué précédemment !

23 mars 2008

En mémoire d'un jour de Pâques 1916

Je ne puis exprimer autrement que par ces quelques mots le respect que j’éprouve pour celles et ceux qui se sont levés à Pâques, en 1916, contre l’oppression et les fusils, à Belfast. Qu’il soit rendu hommage à ces gens courageux qui ont refusés la répression, qui ont choisis le combat et l’orgueil plutôt que la mort de ce qu’ils étaient. Que les drapeaux irlandais soient placés sur les avenues, qu’on les mette en berne de manière à rappeler la douleur d’un peuple à qui l’on refuse, aujourd’hui encore existence et respect. A ceux qui ont mis leurs pas dans ceux des Michael Collins, de Patrick Pearse, puis plus tard lors du « Bloody Sunday » ceux de John Duddy, Patrick Joseph Doherty, Bernard McGuigan, Hugh Pious Gilmour, Kevin McElhinney, Michael G. Kelly, John Pius Young, William Noel Nash, Michael M. McDaid, James Joseph Wray, Gerald Gerald McKinney, William A. McKinney et John Johnson, je baisse les yeux de honte et salue votre courage et ce dévouement qui mène trop souvent à la mort.

On oublie, on tourne la page, mais eux n’ont pas accepté de tourner celle du grand livre de l’indépendance, ces écrits qui réclament liberté et honneur. Pour la majorité des gens ces mots sont creux, vides de sens tant ils sont vendus leurs âmes à des causes minables et égoïstes, ils souillent la valeur de l’héroïsme ordinaire de leur existence. A exister sans être fier, autant ne plus exister du tout. Sacrifiée sur l’autel des bonnes relations avec l’empire britanniques nous avons fermés nos portes et les yeux quand la répression s’est faite honteuse dans les rues de Belfast. Qui sommes-nous pour oser leur refuser le droit de se tenir droit ? Nous ne sommes même plus capables de regarder en face la vérité simple qui est qu’il subsiste, à nos portes, un système basé sur l’impérialisme et la répression. A quand les prochains coups de fusils pour faire taire les envies de liberté d’un peuple ? Les villes d’Irlande du nord sont les dernières d’Europe où circulent régulièrement l’armée et les blindées au nom du maintien de l’ordre. Qui peut tolérer une telle insulte à la dignité d’un peuple ? Quand ôtera-t-on les barbelés placés sur les murs entourant les quartiers catholiques ? Quand le traitement d’un catholique sera-t-il équivalent à celui d’un protestant ?

L’Angleterre a la mémoire courte : les protestants furent pourchassés, torturés et massacrés de part leurs croyances, l’église romaine leur a fait subir le joug politique du bras armé des états d’Europe. Pourquoi oublient-ils ? Pourquoi répètent-ils le même modèle honteux ? Sommes-nous si arriérés qu’on doive oublier le respect d’autrui ? A l’heure actuelle la gestion du territoire Irlandais tient en deux mots : ordre et soumission. En quoi les négociations faites jusqu’à présent sont-elles profitables à qui que ce soit puisque le Sinn Féin est encore considéré comme un parti terroriste ? L’IRA n’a jamais eu pour but d’être une armée de terroristes, elle a tenté de défendre l’existence d’un état oublié de tous. Je renie donc à toute autorité européenne le droit de critiquer ou même de commenter les actions de ces groupes armés. N’a-t-on pas élevé en héros les combattants de l’ombre de la seconde guerre mondiale ? N’étaient-ils pas considérés par l’occupant comme des terroristes ? Remettre de l’ordre dans notre morale à deux vitesses est une nécessité absolue.

Pâques est symbole de renaissance et non de mort. De part le monde des millions de catholiques se remémorent cet événement, et les autres fêtent tels des païens la venue des cloches. Le chocolat est distribué dans les maisons, mais combien savent que ce jour là, en 1916, des gens prirent leur courage à deux mains pour obtenir ce qui n’était pas une exigence mais un droit, celui de vivre libre. Simplement libre. La foi parle de la renaissance comme d’une chose qui symbolise aussi l’ascension de l’âme vers le paradis, la pureté des convictions face à l’oppresseur armé. Si le Christ a été crucifié ce fut pour symboliser le joug des romains et leur détermination à écraser la foi des chrétiens. L’ironie de l’histoire voulut que l’empire fut peu à peu métamorphosé par cette nouvelle croyance, et pour finalement faire de l’empire Romain le premier empire du monde au gouvernant converti au christianisme. Cette ironie, pourrait-elle arriver en Irlande pour qu’enfin les drapeaux ne soient plus en berne mais flottant à la brise légère d’un printemps verdoyant ?

Je me sens honteux de ne pas pouvoir mieux rendre hommage à cette volonté de ne pas se laisser briser par la volonté d’un empire, j’ai honte de n’être qu’un homme parmi tant d’autres, de ceux qui ne font que tenir une plume et non un fusil pour, moi aussi, pouvoir présenter ma poitrine et hurler aux automitrailleuses : « Si je dois mourir, ce sera avec fierté. Si je dois vivre, ce ne sera jamais à genoux ! » Gloire à vous, oui gloire et honneurs. Que les verres s’emplissent pour arroser votre sacrifice qui ne sera jamais vain. Malgré l’absence de victoire la mort d’un homme est sans prix : la mémoire d’un peuple suffit à en faire de l’or. Qu’il soit rappelé aux peuples du monde les paroles de Shakespeare concernant une autre bataille, celle de la Saint Crépin :

« Cette histoire, l'homme de bien l'apprendra à son fils,
Et la Crépin Crépinien ne reviendra jamais
A compter de ce jour jusqu'à la fin du monde
Sans que de nous on se souvienne,
De nous, cette poignée, cette heureuse poignée d'hommes cette bande de frères.
Car quiconque aujourd'hui verse son sang avec moi
Sera mon frère; si humble qu'il soit,
Ce jour anoblira sa condition.
Et les gentilshommes anglais aujourd'hui dans leur lit
Se tiendront pour maudits de ne pas s'être trouvés ici,
Et compteront leur courage pour rien quand parlera
Quiconque aura combattu avec nous le jour de la Saint Crépin. »


A toi Irlande, à toi mon ami l’Irish, je dédie ces paroles, et qu’un bouquet de violettes soit déposé sur les tombes pour leur dire que non, nous autres qui ne sommes pas Irlandais, nous n’oublions pas…

21 mars 2008

Sic transit gloria mundi...

Ne me blâmez pas ! Je sais bien qu’il est facile de mettre en doute la validité des raisonnements d’autrui et d’y adjoindre quelques sarcasmes, mais reconnaissez tout de même que certaines situations sont inévitablement impossibles à ne pas critiquer. Dans toute chose malheur est bon déclare un vieil adage aussi creux qu’il est stupide, car j’ai bien du mal à voir en quoi certaines catastrophes peuvent nous donner quoi que ce soit de bon. Oh bien sûr il y aura toujours le cynique qui sait s’enrichir sur le malheur, l’ironique qui profitera de la chose pour en rire et même le commun des mortels qui, par la truchement de la brève de comptoir, se trouva un sujet de conversation à placer entre le dessert et le digestif pousse calories.

Dans le bestiaire des désastres on peut classer les choses en trois grandes catégories : ceux qui nous touchent directement, ceux qui nous indiffèrent et ceux qui sont finalement si bien ancrés dans les mœurs qu’on les qualifiera d’historiques. Raisonnablement on pourrait donc séparer les aspects militaires et guerriers du reste, mais à mon sens ce serait alors séparer de l’âme humaine son côté mesquin et violent, chose à laquelle je me refuse avec obstination. Evidemment que les guerres sont de grands désastres humains, prétendre le contraire ce serait réfuter 10.000 ans d’histoire… mais ce sera pour beaucoup renier des convictions si profondément ancrées qu’elles ressemblent à des dents de sagesse dans la bouche d’un vieillard édenté. Ne nous méprenons donc pas : le désastre ne se qualifie pas par la violence et par le nombre de morts mais bien par sa portée symbolique. Une marée noire mérite tout autant le terme « désastreux » qu’une invasion de sauterelles en Afrique ou bien l’utilisation abusive de l’agent orange sur les orphelinats Vietnamiens. N’oublions pas non plus de dire que le désastre peut aussi être simplement verbal ou visuel : qui a eu le malheur de supporter les interviews hautement philosophiques des candidats guignols des pseudo écoles du « spectacle », généreusement retransmises à la télévision (tout ça pour dire Star Ac’… à croire que je veux faire mon quota de mots …) sait, dans sa grande souffrance, qu’un tel désastre intellectuel mérite autant le bûcher qu’un hérétique prétendant entendre Dieu quand il colle sa tête contre sa soupière en céramique.

Y a-t-il un classement officiel ou officieux des plus grands désastres ? A ce que je sache il n’en existe aucun tant il serait vite soumis à fluctuation. L’actualité et la bêtise humaine étant sans bornes, il serait bien entendu difficile voire impossible de classer avec honnêteté nos carnages divers et variés. Ceci dit, certains laissent une empreinte plus indélébile que d’autres, avec au surplus la force de la médiatisation qui est devenue possible grâce à la fée électricité. Je songeais récemment à ce qu’est devenu Tchernobyl après autant de temps… De désastre à tout point de vue le spectre nucléaire vaut tout de même son pesant de radons je trouve : villes abandonnées, zones sinistrées pour des décennies, nourriture empoisonnée, sans compter un bilan humain atroce entre les morts irradiés et les enfants atteints de maladies diverses, Tchernobyl tiendrait sans conteste une place d’honneur sur le podium. Quoi qu’il en soit, c’est un bel exemple de désastre cumulant tant l’incompétence de politiques friands de décisions absurdes que d’une gestion de crise invraisemblable. L’accident aurait pu être évité… mais ça, bien entendu, l’histoire ne retiendra que le résultat.

Un autre désastre à mettre à notre joli compte c’est tout de même l’état pitoyable de notre environnement après notre passage. Joyeux pollueurs, inconscients des dégâts irréversibles, nous détruisons, rasons et polluons comme des sauvages sans même nous préoccuper du fait que nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Personnellement, autant nous donner quelques tronçonneuses supplémentaires histoire de solder une fois pour toute notre présence aussi parasitaires qu’inutile en ce monde ! Quitte à être débiles autant l’être correctement non ? Certes, j’admets avec une pointe de tristesse que ce serait un choix extrême, mais la nature, elle saura nous rendre notre sacrifice utile. N’est-ce pas là, le principe de la nature ? Tout recycler ? J’en vois déjà qui me prennent pour un partisan du génocide, un amateur de destruction massive. Mais non, je prône juste l’annihilation… comment ça c’est pareil ? Ah oui, il est vrai que le démon, Satan ou toute autre entité malfaisante n’a jamais été rencontrée ailleurs qu’au cinéma… ça réduit donc le champ d’investigation sur des moyens rapides et surtout efficaces pour nous éliminer. Laissons ce travail aux laborantins, quelque chose me dit qu’ils doivent bien avoir la fiole idéale, le tueur muet qui saura nous faire retourner au néant plus vite qu’un plat cuisiné finit dans la poubelle.

J’ai quelques doutes sur la liste que je pourrais dresser : le LICRA se mettra en branle pour venir me harceler de commentaires sur l’absence de la « shoah » dans mon propos, les indiens d’Amérique réclameront, eux aussi, une place dans la liste des massacrés et oubliés de l’histoire, et enfin la plupart des états africains me regarderont avec méchanceté s’ils n’apparaissent pas dans l’annuaire, que dis-je, le panthéon des désastres. A chacun de vous je vous dis merci ! Oui merci d’avoir participé à la grande œuvre de dépopulation du globe, avec au surplus une superbe réussite sur le thème du « Tuons pour rien ». A qui l’oscar du meilleur bourreau ? Mengele ? Un autre ? Peu m’importe, nous sommes, chacun à notre échelle, de désastreux citoyens du monde : entre ceux qui s’en foutent et ceux qui en crèvent, m’est avis que la communication passe assez mal. Ces derniers temps j’admets une amertume grandissante tant chacun se complait à ne pas se mouiller… ah cette agréable lâcheté de circonstance qui prétend laisser à un tiers élu le soin de se souiller les mains ! Ah, cette visqueuse fascination pour le malheur d’autrui le temps d’un reportage poignant mais toujours oublié sitôt terminé ! Et que dire de nous tous, vils dégonflés, pour qui le malheur n’est qu’une valeur marchande pour faire du tirage ou de l’audimat ? Notre désastre à tous c’est finalement d’avoir oublié ce qui faisait de nous des êtres humains au profit du souvenir de notre dernier achat…

Sic transit gloria mundi...

20 mars 2008

Ce soir pas de texte

Pour une fois je me tiens coi... et non par manque d'inspiration mais par manque de temps. Je travaille en effet à un texte urgent qui accapare en ce moment mes dix doigts (et accessoirement ce qui me sert de boîte à neurones).

En conséquence, vous n'aurez donc pas le loisir de lire autre chose que cette excuse...

Par avance désolé,

Bonne soirée à chacun de vous.

Cordialement,
JeFaispeurALaFoule.

19 mars 2008

Cinq ans

Cela fait cinq ans que les américains se sont lancés dans la lessive Irakienne en espérant que les spontex blindés soient plus efficaces que la prise en compte de la situation générale du pays. Comme à leur habitude les questions posées par les observateurs neutres et lucides furent mises de côté et même démontées à coups de propagande. Hélas pour les soldats tout comme pour l’économie mondiale, bon nombre d’analystes furent à la limite de la divination avec des mots tels que « bourbier » et « enlisement inévitable ». En tout état de cause cette guerre qui devrait à mon sens se nommer « situation d’occupation territoriale » ne fait qu’empirer et les sacs poubelles remplacent les fauteuils en première classe pour le retour des boys. Si l’enfer existe, il a un petit goût de Bagdad pour les Gi’s.

Spontanément et ce plus par inimitié avec les USA que par véritable réflexion nombre de personnes se sont opposées à ce putsch qui n’a jamais dit son nom. Les USA ont déposés le président Hussein, et malgré ses crimes, sa dictature et l’usage d’armes atroces, celui-ci avait la légitimité pour lui. La présidence américaine a donc provoquée une haine féroce contre la bannière étoilée, colère totalement justifiée de part l’absence d’un tel précédent dans l’histoire. Se targuer d’être un sauveur tout en poussant dehors le gouvernement en place, il y a comme un non-sens flagrant. Il est d’autant plus dramatique que les troupes américaines soient sur place que les différentes rivalités interethniques se sont exacerbées depuis la chute du parti Baas : chiites, sunnites, tout s’est considérablement délité pour en arriver à une anarchie incontrôlable. L’armée ne peut pas jouer le rôle d’une police et la police recréée de toutes pièces est une catastrophe car le peuple la considère comme à la solde des occupants. Pas de légitimité donc pas de pouvoir sur le terrain.

Revenons sur les critiques formulées dès le départ : l’ingérence américaine fut prise comme un camouflet envers les mandats de l’ONU et notamment contre ses oppositions à cette action. Dans les faits l’ONU est donc devenue une SDN bis, c'est-à-dire un organe verbeux mais totalement inutile dès que les superpuissances décrètent unilatéralement qu’une action militaire est nécessaire. Allons même plus loin, l’organisation s’est vue incapable de sanctionner les USA d’une manière ou d’une autre, ce qui amène donc à la castration pure et simple du dispositif mondial supposé entériner toute action militaire de ses adhérents. La raison du plus fort est la meilleure dirait l’adage, on peut sans conteste lui adjoindre la notion financière : dollar contre Euro, billet vert contre pouvoir mondial, faites vos jeux rien ne va plus ! La plus grande défait médiatique de la présidence Bush au court de ce conflit fut très probablement son incapacité à trouver une justification suffisamment acceptable pour que l’envoi de troupes soit toléré par le peuple, et indirectement par le monde entier. Lors de l’invasion de l’Afghanistan chacun comprit l’idée de revanche après le 11 Septembre, mais accuser l’Irak de soutenir le terrorisme et parler d’armes de destruction massive amena l’administration de l’époque au fin fond du ridicule médiatique. La règle est pourtant simple : n’affirme rien que tu ne puisses prouver !

L’escalade est assez similaire avec celle constatée pendant le conflit vietnamien : plus cela se complique plus on envoie de troupes. Plus il y a de troupes plus la population se révolte donc plus le besoin de soldats se fait sentir…et ainsi de suite. Le bilan de cinq ans de guerre est lamentable : un pays sans économie, sans sécurité, réduit à la féodalité afin de contrôler un minimum les différents peuples, du terrorisme « légitime » de par la relation occupé occupant, et surtout une radicalisation des opinions. Nul ne saurait trouver une réussite dans cette guerre si ce n’est la possibilité de spéculer sur le cours du brut. Le prix du baril a littéralement explosé et il ne diminuera probablement plus jamais. Les pays producteurs de pétroles sont aujourd’hui contraints d’absorber la demande tout en sachant que le débit maximal est déjà atteint. Malheureusement pour les consommateurs américains, ce jeu d’offre et de demande biaisée les as menés à bouder les véhicules produits par Ford et consoeurs… de par une consommation indécente. Quand le portefeuille prend un coup c’est toute l’économie qui tremble.

Dès le premier jour des manifestations et des mouvements « populaires » sont apparus pour dénoncer cette action aux buts obscurs et tout sauf patriotiques. Comme pour tout mouvement contre la guerre, ces actions furent prises pour ce qu’elles sont, un frémissement dans l’indifférence générale. Là où la colère s’intensifie c’est dans les familles des soldats morts qui ne comprennent pas pourquoi leurs fils, leurs filles, leurs frères sont tombés là-bas et sans le moindre résultat tangible. Encore une fois le trauma NAM est très présent parmi les habitants, sans compter l’obstination de Bush à admettre les difficultés rencontrées. La seule chose qui soit visible c’est l’allocation de budgets colossaux à l’armée ainsi que la réduction des libertés individuelles.

A terme Bush disparaîtra des cartes puisqu’il ne pourra légalement pas faire un autre mandat. Cependant, tout comme Nixon avant eux, les candidats en lice pour la présidence auront cet héritage nauséabond sur les bras. Parmi eux Mc Cain continue à soutenir l’action. Intérêts économiques, déterminisme au patriotisme faisandé, ou tout simplement véritable conviction personnelle ? L’essentiel est d’attendre la fin des élections pour voir lequel sera élu et s’il (ou elle) osera prendre le problème à bras le corps. A l’heure actuelle les USA ne peuvent décemment plus se retirer : ce serait d’une part un désastre politique comparable à la guerre de Corée et socialement ils laisseraient un pays en proie au chaos total. Demandons nous donc quelle solution saurait empêcher l’extrémisme de prendre le pouvoir à Bagdad mais aussi comment réduire le plus possible la fuite en avant pour que ce conflit ne soit pas une nouvelle guerre de 100 ans. L’image choisie par certains analystes fut celle des croisades avec son lot de raisons politiques et religieuses, et ne fut en fait qu’un prétexte pour pouvoir contrôler l’économie des flux de marchandises en provenance et à destination de l’orient. Les USA seraient-ils donc les nouveaux croisés, sans le lustre de ces illustres prédécesseurs ?

Juste pour le plaisir

Il m'arrive parfois d'être accroché par une musique au point de l'écouter en boucle. En voici un exemple...

Bonne écoute.

Frédéric/JeFaisPeurALaFOule

18 mars 2008

Mieux vaut fermer sa gueule…

Et passer pour un con que de l’ouvrir et ne plus laisser de doutes à ce sujet. Cette maxime au combien utilisée devrait être imprimée en énormes caractères dans les rédactions des organes de « presse » et surtout, oui surtout dans les studios où sont enregistrés les émissions à caractères « politiques ». Pourquoi user des guillemets ? Etant amateur de propreté intellectuelle j’ai un peu de mal à me commettre et user de mes doigts boudinés pour saisir ces torchons où tout s’enrobe d’une incompétence crasse et d’une démagogie que n’aurait pas renié quelques experts en la matière. Après les élections municipales les manchettes ne tarissent pas concernant la débâcle du parti du président, sur la déferlante rose et j’en passe… Dites, les analystes, ça ne vous vient pas à l’esprit que les partis changent pour bien d’autres raisons que celles que vous énumérez telle une liste de courses ? Les inventaires à la Prévert, ça a de la gueule en poésie mais cela ressemble plus à un chariot de ménagère quand vous vous en saisissez !

Dans l’esprit très étriqué de vos déblatérations creuses vous omettez donc une compréhension plus lucide de la question : si les résultats d’une élection se fait en dépit de vos statistiques c’est peut-être que le peuple s’est mis en tête de prendre des décisions locales et non en fonction d’une étiquette politique. Certes, la majorité gouvernante s’est comportée avec une incompétence digne des présidents coupes rubans de la quatrième tant sur le terrain de la communication que sur les principes économiques, mais pour autant est-ce nécessaire de désavouer un maire de droite faisant un véritable travail de fond sous prétexte que son étendard est fané ? Qui n’a pas compris cela corrompt forcément la réalité communale, la seule qui soit d’ailleurs à analyser pour faire un choix. J’aime à croire que les électeurs qui se sont déplacés l’ont fait dans un esprit de franche décision pour placer un vrai maire et non un de ces parachutés mercenaires recherchant à tout prix une solution transitoire en attendant un poste à l’assemblée, et que, s’ils ont délogés des maires déjà présents depuis des années, c’est pour en sanctionner la gestion et non l’appartenance politique. Ce n’est pas pour rien que certaines mairies sont encore communistes alors que l’idiot moyen croit le PC mort et enterré…

A ajouter à ce côté pénible il faut sans doute se saisir de ces recycleurs de résultats qui se targuent de réussites indéniables dans certaines circonscriptions qui ont changées de bord. A les écouter il s’agit plus du discours de fond (de commerce … disons même d’épicerie de quartier) que du travail de l’élu en question. Bien entendu, ces mêmes petits malins s’épargnent la douloureuse tâche d’introspection en cas de défaite cinglante. A les entendre, aussi bien à gauche qu’à droite c’est une victoire. Et les défaites ? C’est « l’autre » qui les mettra en avant pour se prendre le retour de manivelle des victoires d’en face. Rageante symétrie de procédés et surtout d’inaptitude à la communication. J’avoue être sidéré quand un haut placé d’un parti se vante ouvertement de « notre » réussite, tout en sachant que sa seule tâche fut d’intervenir de temps en temps dans un débat. C’est si simple d’annoncer un chiffre victorieux puis de le taire quand les prochaines désavoueront le poulain s’avérant être un bourricot mou et malhabile…

Là où je suis un peu déçu par l’électorat c’est aussi par son manque de mobilisation. Une fois de plus bien des villes se sont vues être prises par simple défaut de voix et non par un retournement électoral. L’abstention est signe d’un désintérêt et non pas d’une revendication politique. Comme je l’ai déjà répété avec virulence, se refuser à voter c’est choisir de se taire une fois la décision faite dans les urnes. C’est un véritable drame tant cela représente à mes yeux une France plus passionnée par les frasques sentimentales du président que par sa propre pérennité. Pourtant, il me semble que chaque habitant du pays dépend directement de la gestion du maire, ne serait-ce que concernant les impôts locaux, et malgré cela, voilà qu’une majorité se fout de tout et refuse la démarche citoyenne. Je ne râle plus contre les fainéants, je leur ris au nez quand ils se plaignent… En tout état de cause quand on choisit de laisser aux autres le soin de décider on s’expose à des phénomènes électoraux plus que désagréables. Ramenons par exemple le score du FN qui, contrairement à bien des partis, sait faire bouger sa base : sur un résultat de fin de triangulaire, on a un 15/20% … avec 60% d’abstention. Passons donc cette valeur à 100% de votants… la proportion tombe à 10% de votants FN. Quoi qu’il en soit, on pourrait croire qu’un tel parti maintiendrait des proportions équivalentes, et dans les faits ce n’est pas tant le cas. L’extrême droite s’est de tous temps approchée du pouvoir non par la force de ses votes mais par et surtout grâce à l’indécision chronique de la population.

Pour finir, certains commencent à exiger un remaniement du gouvernement suite à la « débâcle ». Je vais être vache : si au niveau local les majorités varient, ce n’est pas à l’échelon de l’état que cela doit se sentir. Vous lui avez filé le trousseau des clés de l’Elysée et de Matignon, vous lui avez également offert l’assemblée, n’allez surtout pas exiger qu’il démonte le barillet pour y installer un autre locataire ! Maintenant, on assume son choix de président, avec les conséquences que cela implique. Je peux comprendre l’exaspération de certains floués par les promesses non tenues, mais à écouter la plèbe personne n’aurait voté Sarkozy. Dites, les hypocrites, il est monté sur l’estrade avec un escabeau et par derrière la scène ou bien vous, nous, bref les électeurs n’avons-nous pas légitimé sa place en votant majoritairement UMP ?

17 mars 2008

Un autre "V"

Après avoir abordé avec chaleur une chronique du film « V pour Vendetta », voilà que la lettre V me revient en pleine figure avec un homonyme tout aussi emblématique « V – Les visiteurs », série américaine des années 80. Pour ceux qui ne se souviennent pas (ou qui n’étaient pas encore en âge de regarder la dite série) voici un petit rappel vidéo de la chose.


Ca y est ? Vous remettez un peu la série ? Non ? Alors voici un rafraîchissement de mémoire. La série porte sur l’arrivée d’extra terrestres sur terre se faisant passer pour des humanoïdes pacifiques. Rapidement les humains découvrent avec horreur que non content d’être des dictateurs il s’avère que l’ennemi est une forme évoluée de reptile qui compte se nourrir des humains. On assiste donc dans la série (décomposée en une « mini série » et une série complète) à l’arrivée des « Visiteurs » (d’où le V), puis à la lutte de la résistance contre l’invasion que rien ne semble pouvoir arrêter.

Emblématique, cette série l’est par plusieurs aspects novateurs tant sur le ton que sur la forme. Tout d’abord, esthétiquement les concepteurs ont créés une véritable symbolique pour les visiteurs, ceci en partant de la tenue rouge sang jusqu’aux vaisseaux mères (immenses soucoupes volantes). Pour la première fois dans le domaine de la science fiction à la télévision, l’environnement est réfléchi, c'est-à-dire qu’il n’y a que peu d’effets spéciaux clinquants et d’engins surréalistes. Les vaisseaux mères apparaissent fonctionnels, froids, en un mot militaires, et l’impression laissée par une visite à l’intérieur de ses entrailles laisse une sensation désagréable de crédibilité. Ajoutons à ceci une exploitation fort bien pensée de l’aspect des vêtements : c’est un choc culturel entre uniforme taillé à la serpe et civils humains, avec un arrière-goût bizarre...


Observez, vous ne remarquez rien ? Avec un peu d’imagination, oh pas grand-chose, juste un rien nécessaire, on constate de nombreuses similitudes avec un uniforme bien plus ancien et tout aussi symbolique d’une époque sombre de l’Histoire. C’est là aussi le choc de cette série : rien n’est totalement manichéen malgré des aspects permettant une lecture superficielle. Avec réflexion on peut alors creuser des thèmes autrement plus durs que la simple confrontation humains monstres comme ceux de la collaboration, de la déportation, de l’esclavage, du racisme et j’en passe… En tout état de cause ce niveau de lecture est aussi visuel que sonore. Le générique prend déjà le parti d’utiliser des percussions, technique éculée utilisée dans toutes les dictatures « modernes » pour symboliser la puissance et la grandeur du pouvoir. Ensuite, le V du générique qui semble être peint à la bombe est celui de la mini série : la scène est simple, si simple qu’elle en est magnifique. Des adolescents dégradent des affiches de propagandes en peignant les visages et les slogans. Un vieil homme, survivant des camps de concentration arrive, leur prend la bombe… et peint un V en travers de l’affiche. Symbole pour la victoire, le V fait avec les doigts, encore un rappel de l’Histoire pour les générations futures.
Regardons également une des forces exceptionnelles de cette série, c’est donc d’amener les spectateurs à se demander ce qu’ils feraient à la place de personnages. Les résistants sont parfois pires que les occupants, et certains occupants ne sont que des soldats qui ne peuvent pas se dérober à leurs obligations. Au fond, qui est bon, qui est méchant ? Le choix délibéré de faire des visiteurs des « animaux » permet de laisser une référence, une bouée pour ceux qui seraient tentés de basculer du côté dictatorial et militariste de la série… Quitte à défendre les idées de résistance et liberté, autant s’assurer que l’auditoire soit bien convaincu de ce qu’il doit penser. Certes, c’est un peu facile, mais c’est vital quand on sait ce que pourraient suggérer une bonne partie de la thématique « V ».

Raisonnablement je ne saurais trop vous conseiller d’acheter le coffret qui vient de sortir. Il est abordable et qui plus est vous permettra de revoir ce petit chef d’œuvre de télévision.

V : une série qui mérite de revivre après des années d’oubli.

14 mars 2008

Droit à la vie

L’éthique, ce rempart moral derrière lequel on se réfugie souvent pour se considérer dédouané de toute réflexion, cette astuce de persifleur indécis quand il doit se prononcer sur un sujet délicat… C’est derrière cette éthique boulevardière que se réfugient les pouvoirs publics concernant un grand nombre de sujets et la Vie dans son ensemble est un terrain propice aux annonces sur « l’éthique ». Rien que le fait d’entendre ce mot est aujourd’hui signe qu’on va aborder l’euthanasie et le serment d’Hippocrate. Pourtant, ce ne sont pas des médecins qui traitent la question avec l’expérience requise du quotidien hospitalier mais des politiques sclérosés et trop inquiets d’être taillés en brèches par l’opinion publique. En parlant d’elle, que pense la dite vox populi si souvent revendiquée comme étant instigatrice des changements ?

« Tu protègeras la vie avant tout ». Fort bien, préserver la vie, ne pas l’ôter à autrui, c’est une volonté louable de soulager le corps de ses souffrances et ainsi offrir à l’âme un peu de repos. Pourquoi refuser le choix légitime vivre ou mourir à un malade qui se sait condamné ou dans une situation qu’il estime ne plus être humainement digne ? L’homme naît, vieillit et meurt, c’est inéluctable tout comme la trotteuse arpentant un cadran de montre. On a élevé en principe immuable la préservation de la vie, mais à quel prix ? Quelqu’un qui sait que la maladie l’emportera dans de grandes souffrances mérite-t-il un acharnement thérapeutique aussi douloureux qu’inutile ? En quoi le choix de la dignité et du départ choisi brusque-t-il tant les politiques ? Probablement parce qu’il s’agit là de confier la fin d’une vie à des médecins et donc de leur confier indirectement un pouvoir immense sur les patients. Le législateur sera donc dans la situation confuse de savoir si oui ou non le dit patient aura fait le choix de mourir ou bien si l’entourage ou le médecin lui-même auront faits en sorte que le choix s’impose… Difficile de légitimer une telle brèche dans le système de valeurs morales il me semble. Pourtant, il faut être capable de trouver un moyen d’offrir la possibilité de ne pas devenir un « légume » attelé à des machines en espérant qu’une bonne âme vous débranchera dans l’illégalité la plus totale. Nombre de médecins pratiquent des injections létales à la demande du malade, seulement la loi considère ceci comme un homicide avec préméditation. (Logique : préparation d’un meurtre, exécution de celui-ci et camouflage en « mort naturelle »).

Regardons les choses en face : notre corps est supposé nous appartenir et pourtant si la loi interdit fermement aux médecins d’intervenir, alors finalement le serment d’Hippocrate devient hypocrite puisque l’on nous maintient alors en « vie » par tous les moyens possibles et imaginables. Je ne crains pas la mort, je crains avant toute chose de devenir un fardeau pour mes proches et de devoir sentir la douleur d’exister… pour rien. Etre en sursit accroché à une pompe, non merci. La législation a changée pour autoriser les traitements dits de « confort », ce qui cache en fait l’emploi massif de calmants divers et souvent, hélas, de narcotiques très puissants. Donc, derrière ce changement « mineur » apparaît donc le spectre de la morphine. Est-ce une solution que de faire planer le patient au lieu de le soigner ? J’estime qu’en arriver là n’est plus un acte médical mais un acte cruel. On ne peut pas dire que « vivre » soit être allongé à jamais en attendant que l’organisme décide de tomber en panne. J’ai en horreur le discours de certains qui parlent égoïstement de la douleur de la famille. Si ce n’est pas cruel qu’est-ce donc ? De la même manière qu’une famille préfère savoir un enfant mort que le savoir disparu à jamais les proches d’un malade sont souvent soulagés pour lui s’il peut mourir dignement et sans douleur. Je sais, cela va être taillé en brèche, mais j’estime pour ma part que l’on doit confier ce choix au patient et lui permettre de régler ses comptes avec sa vie, pas celle d’autrui.

Je comprends que malheureusement personne ne se mouillera pour remettre de l’ordre dans la morale hypocrite de ceux qui se refusent à agir, car après tout « On achève bien les chevaux » ! Dit comme ça, c’est froid et cynique, mais après mûre réflexion je ne vois pas pourquoi nous refusons le débat au lieu de l’affronter, quitte à décider de ne pas changer les choses. En l’absence de réflexion concertée avec les gens confrontés à ces problèmes nous seront encore et toujours dans l’épicerie médiatique et non au cœur de la chose. Survolons, faisons comme les faucheurs de marguerite au lieu de creuser les sillons nécessaires à la germination d’idées bâties sur du concret.

Enfin, n’allez surtout pas croire que toute personne handicapée soit susceptible de demander un tel acte. Contrairement au fils Humbert mon ami tétraplégique a fait le choix de vivre et d’aimer son prochain. C’est donc que le choix doit être laissé à ceux qui vivent et non à ceux qui légifèrent. J’ajoute également que l’état mental du patient doit être impérativement jugé pour que ce ne soit pas un « coup de tête » ou pire encore quelque chose qu’on utilisera pour se débarrasser de nos aïeux atteints par Alzheimer ou Parkinson…

13 mars 2008

Dans la série n’oublions pas

Les thèmes de société, ou ceux que l’on définit comme tels sont étonnamment remis au goût du jour à chaque fois qu’il est nécessaire de créer un rempart médiatique entre la population agacée, voire courroucée et ses dirigeants. Dans un but bien entendu de pure amélioration de la société les politiques se sont rués aussi bien sur la situation de la femme battue, de la mémoire des évènements de la seconde guerre, puis là du souvenir du dernier des poilus. Demandons nous quel sera le prochain thème qui sera mis sous les feux de la rampe… Les stupéfiants ? Trop racoleur et sûrement traité avec la désinvolture d’une série américaine. Alors pourquoi pas la prostitution ? En voilà un de sujet « brûlant » qui inciterait le bien pensant à lorgner du côté des bas résilles que des bas de laines de nos patrons.

Il est clair que la prostitution pose énormément de questions sur ce qu’est la définition de la moralité, ainsi que sur la sexualité de la population. D’un abord obscur, le sujet est plus souvent tabou qu’autre chose, comme si aborder le fait même de rémunérer le sexe serait en soi un péché très grave. Loin de toute considération moraliste concernant tant les clients que les prostituées elles-mêmes, j’aimerais comprendre pourquoi nous faisons en sorte de les marginaliser et non de gérer l’urgence sanitaire et sociale que comporte un tel emploi. Entre clichés de la « pute » arpentant le trottoir en faisant moulinet avec son sac à main et les réseaux de traite des blanches la réalité doit probablement se situer entre les deux extrêmes. Pourtant, au lieu de tenter d’analyser la situation, nous avons créés un arsenal répressif pour interdire le racolage sur la voie publique… ah oui j’oubliais de préciser : la profession de prostituée est reconnue par la loi et nombre de femmes déclarent leurs revenus à l’état. Paradoxal non ? Il est interdit de racoler où que ce soit (Internet, voie publique…) mais il est autorisé de faire commerce de son corps ! De là à se dire que nous naviguons en pleine hypocrisie il n’y a qu’un pas.

Existe-t-il un modèle de prostituée ? A mon sens j’en doute fort. On doit cependant distinguer un certain nombre de situations qui mènent à cette profession. La première est bien entendu le besoin de rémunération : il existe certainement autant de femmes qui font ce métier parce que l’argent récolté en une soirée peut représenter (avec de la chance) l’équivalent d’un mi-temps que de femmes accrocs aux stupéfiants ou si désespérées qu’elles se rabattent sur ce moyen extrême pour nourrir un enfant ou s’envoyer de l’héroïne dans les veines. Où est le sordide et où est le choix ? L’insalubrité de la situation ajoutée aux maladies, à la violence potentielle des clients et celle plus officielle de la maréchaussée ne facilitent pas la tâche des associations souhaitant apporter aide, réconfort et sécurité médicale à ces femmes sont de plus en plus confrontées à la vie souterraine. Les moralisateurs prétendent qu’en menaçant le métier ils effaceront sa place dans les rues des grandes villes. C’est une erreur que de croire que la prostitution s’éradique à coups de matraques car la clientèle existe, le marché existe, et donc autorisée ou non la prostitution est et restera une formidable machine à brasser de la monnaie.

Le plus catastrophique c’est qu’en plus de rejeter dans la clandestinité des femmes ayant besoin de protection médicale et physique on ne sanctionne que très peu le proxénétisme, le « maquereau » qui est à mon sens encore plus coupable que les clients. Pourquoi lui laisser la part belle alors qu’il impose sa volonté et ponctionne sa part ? Nous jouons dans le malsain jusqu’au bout : au lieu de tenter un recensement prudent et salutaire qui permettrait en outre de réduire fortement la venue de femmes esclaves on fait proliférer ces trafics humains où des femmes de l’est et même d’Asie sont amenées à se prostituer pour rembourser des frais de passage… puis finalement n’être rien d’autre qu’une marchandise sexuelle. La police et les tribunaux font ce qu’ils peuvent mais la juridiction se doit d’être protectrice et non pas répressive car quoi qu’on en pense, on n’arrive pas à la prostitution comme on arrive au séminaire.

Ces femmes ont du courage en dépit de l’image sale et sordide du sexe dans une camionnette ou l’hôtel de passe miteux. Ca n’a rien de simple que d’accepter de coucher avec des inconnus et d’être traitée comme une chose et non comme une personne humaine. Quand elles sont mères, le jour, qui remarque qu’elles sont la nuit celles qui remontent discrètement les avenues ? Il n’est pas écrit « pute » sur le front d’une Femme, pas plus qu’une prostituée ne mérite d’être appelée ainsi. Certains parlent de la maison close comme étant une solution pour faciliter la gestion de ce phénomène de société… après tout l’idée me dérange autant qu’elle me semble, hélas potentiellement efficace : contrôle, présence médicale, sécurité assurée dans les locaux, bref tout ce qui manque à l’heure actuelle. Pourquoi cela me dérange ? Parce que ce n’est qu’un pis aller et qu’au fond, une femme ne devrait pas avoir à se vendre pour survivre…

12 mars 2008

Une page se tourne

Et quelle page… Le dernier des poilus de la grande guerre est décédé aujourd’hui. Lazare Ponticelli est mort à l’âge de 110 ans et emporte avec lui la dernière voix française de cet enfer que furent les tranchées. Gardons nous de toute polémique sur ce qu’est la guerre, laissons de côté les vaines discussions que menèrent quelques politiques soucieux de se faire une image avec cet homme et rendons hommage, à travers lui, au courage des soldats tombés des deux côtés. Gentil ? Méchant ? Quelle importance ? Il a vu et entendu de telles horreurs que les mots manquent, que le superfétatoire de la langue devient ridicule et que seul le silence parvient à définir l’immensité de la douleur.

A vous, Monsieur, à vous tous, hommes et femmes ayant eu à vivre cette terrible et inutile guerre, à ceux qui ont creusé des tranchées pour y périr, j’estime que la sonnerie aux morts du clairon n’est pas juste nécessaire, elle est encore trop petite pour élever la gloire de votre sang versé. A présent que cet homme n’est plus la vielle Europe peut décréter que l’oubli est autorisé. Les monuments érigés au souvenir du « plus jamais ça » seront peu à peu délaissés, oubliés, puis qui sait un jour rasés pour construire une autre place ou un autre monument pour les conflits à venir. Quel sens la jeunesse donnera au 11 Novembre à présent ? Des générations se succèderont et le souvenir de l’aïeul parti au front et souvent jamais revenu se perdra dans les méandres de la généalogie et bien des tombes finiront abandonnées faute de personnes au courant qu’elles existent.

L’anonymat, atroce situation où un « inconnu » est porté sur la pierre fut le lot de trop de tombeaux et aujourd’hui encore des dépouilles ressurgissent pour être, elles aussi, inhumées avec une certaine dignité… mais sans la famille autour. De ces millions de morts qui saura évoquer avec justesse leurs souffrances ? Ce fut le premier conflit filmé et couvert par la presse, ce fut également le premier grand conflit tant mécanisé (aviation et blindés) qu’extrême dans l’atrocité (emploi des gaz de combat). Ne méritent-ils pas de survivre dans nos mémoires plutôt que de périr dans le passé ? C’est un défi permanent que de savoir où nous mène le destin, c’est un problème délicat que d’envisager le futur et de savoir si, par chance, la paix sera maintenue.

Monsieur Ponticelli n’a pas eu la chance de vivre la paix comme nous la connaissons : premier conflit mondial, puis le second, les guerres de décolonisation… que de jeunes il vit partir au front, que de pleurs il a du entendre de mères effondrées. N’est-ce pas là un prix terrible à payer pour avoir le droit à un peu de quiétude ? Volontaire à 16 ans, il est parti comme trop de ses camarades pour défendre la patrie. 1,6 millions ne sont jamais revenus côté français. Les chiffres, ces maudits chiffres n’ont plus de sens tant ils sont démesurés. Aujourd’hui l’on se contente de voir ces statistiques bien ordonnées dans les livres et nous sommes parfois même amenés à ne pas nous en souvenir. Lui se souvenait, lui parlait et savait ce qu’est la douleur de perdre quelqu’un pendant le combat. Rien que pour cette mémoire perdue il mérite une larme et un silence respectueux.

Certains politiques vont se servir de l’image de cet homme pour « un hommage national ». La dignité voudrait qu’on lui rende hommage en effet, mais qu’on le fasse pour tous les combattants. Il a vécu pour nous dire, nous faire dire que « la der des ders » ne l’a malheureusement pas été que le vœu pieux du « plus jamais ça » est resté vivace en lui. A chacun de trouver la voie qui mène à la paix, à chacun de nous d’amener le monde et ses dirigeants à comprendre que ce n’est pas le peuple qui doit payer l’absence d’entente mais aux chefs de ne pas se cacher derrière « C’est la faute de l’autre » pour se donner une caution morale.

Il reste aujourd’hui dix survivants dans le monde. Dix, juste dix sur les 11 millions de morts au front. Un bien petit chiffre qui pourtant représente ce qui reste de ces combats atroces qui, je le souhaite, restera à jamais un symbole de la folie humaine pour que jamais plus nous recommencions un tel carnage. Encore un vœu pieux ? Probablement mais qu’importe, mieux vaut faire un vœu que de laisser faire…

Le dernier des poilus . (c)AFP 2008

11 mars 2008

Actualité « débile »

Les vieux démons rattrapent le monde moderne comme les puces rattrapent l’homme dès qu’il perd pied dans sa société aseptisée. Chaque jour les médias concentrent toutes ces informations souvent idiotes, parfois totalement débiles, rarement émouvantes mais systématiquement liées à l’ubuesque que l’Homme s’entête à créer à longueur de journée. Hélas, si cela restait de l’ordre de l’humoristique bien nous en prendrait, mais généralement le ridicule est associé au rétrograde voire au dangereux.

Ce qui me pousse à réagir aujourd’hui c’est un article classé dans « insolite » et non dans « actualité » concernant un problème invraisemblable : un ancien cinéma a été reconverti en boutique du Ku Klux Klan et son propriétaire légitime est… noir. Dans le genre paradoxal cela ne passe pas inaperçu ma foi. Comique ? D’un certain point de vue l’affaire ne manque pas de sel si cela ne se passait pas dans un état du sud des Etats-Unis où la ségrégation raciale est encore très forte. Comment apaiser les tensions ethniques quand on autorise de tels commerces ? Bien évidemment l’échoppe se contente de vendre tenues et livres historiques sur l’association (que je qualifie pour ma part de secte raciste) et donc évite l’écueil d’être soumis aux lois fédérales. Evidemment, les T-shirts et autres badges aux slogans plus que limites restent accessibles sans que qui que ce soit ne puisse agir. Le lecteur attentif demandera alors « Qu’il vire la boutique s’il n’en veut plus chez lui ! ». Si seulement la chose était possible : la propriété a été transférée en 1997 au révérend Kennedy et à l'église baptiste qu'il dirige, mais ces textes précisent que le propriétaire du magasin, John Howard est autorisé à poursuivre ses activités commerciales jusqu'à sa mort. Par conséquent, il sera nécessaire de faire appel à un tribunal pour obtenir une décision de justice en ce sens.

Perçue de loin l’affaire est donc comique avec un révérend noir « logeant » un commerce ségrégationniste, cependant élargissons un peu le débat : si un tel commerce est toléré et autorisé, c’est que techniquement celui-ci fait du chiffre, donc qu’il vend, et par conséquent qu’il y a des adeptes du KKK en suffisamment grand nombre pour lui permettre de fonctionner. En ces temps où l’on pourrait vanter la relative intégration des minorités aux USA avec un candidat noir aux élections, il est donc foncièrement difficile de croire à cette si fulgurante réussite sociale des noirs là-bas. Le sud véhicule énormément de nostalgie dans la signalétique (drapeaux des confédérés), la musique (émissions contenant des chansons parlant de la guerre de sécession) et donc d’une espèce de contre-culture où l’état fédéral passe pour être trop souple avec les étrangers, tout comme trop curieux de ce que font les résidants « de souche » de ces états. C’est également dans ces états qu’on constate la plus forte concentration de milices privées, de partis politiques d’extrême droite et de sectes de la mouvance directe ou indirecte du KKK. Raisonnablement il y a de quoi douter sur la stabilité d’une union dirigée (hypothétiquement) par un noir ayant autorité sur des régions où la couleur de peau est considérée comme une tare.

Elargissons encore un peu l’observatoire sur ce sujet qui, au départ semblait amusant : les USA s’emploient à maintenir une union basée sur la mixité des pouvoirs, c'est-à-dire un pouvoir fort venant directement des états, et un gouvernement centralisé permettant de chapoter le tout avec fermeté. Ce n’est pas pour rien que des lois sont très variablement appliquées d’un état à l’autre : certains appliquent la peine de mort, d’autres l’ont abolie, le jeu est autorisé dans le Nevada alors qu’il ne l’est pas forcément ailleurs, et ainsi de suite. Conséquence directe : être juriste est une bénédiction financière tant chaque région a besoin de juristes spécialisés dans le droit local, et être dans la situation de passer devant un tribunal peut rendre le résultat final plus que variable d’un coin à l’autre des USA.
N’oublions pas non plus quelques phénomènes tout aussi préoccupants que le KKK : l’armée, à court de volontaires, s’est employée à « embaucher » des soldats parmi les prisonniers dans les pénitenciers. Un échange simple : un tour au Vietnam contre une réduction de peine. Aujourd’hui le principe demeure avec l’Irak, et bizarrement la grande majorité des détenus sollicités sont noirs ou hispaniques. Pourquoi ? Parce que les prisons sont majoritairement peuplées de noirs et d’hispaniques ou bien parce que les autorités parquent ces mêmes communautés dans les si tristement célèbres ghettos. La morale à l’américaine m’aurait déjà sanctionnée parce que je ne dis pas « afro américain ». Désolé, ce genre de détournement pour se donner bonne conscience je n’en ai cure que pour m’en moquer : je suis né blanc, je n’y suis pour rien, il est né noir, je n’y peux rien non plus !

Au demeurant l’actualité qui aurait pu avoir quelque chose de comique est finalement plutôt sordide et inquiétante : on autorise donc de faire commerce du racisme, on permet alors une propagande tournant autour… et l’on espère la paix universelle. Chapeau bas les guignols, balayez chez vous avant de balayer chez vos voisins !

La news en question sur Yahoo

10 mars 2008

Je me demande…

C’est suite à des remarques réitérées et pleinement justifiées d’une violette que je pose une question existentielle tant à moi qu’à la foule de mes lecteurs : pourquoi faut-il aborder la guerre ou la crise comme sujet majeur pour l’analyse et la compréhension de l’humanité ? Certains se lanceront tout de suite dans un bilan historique avec documents et crimes odieux à l’appui, d’autres avanceront une psychologie indigente et une intolérance aussi culturelle qu’innée, et les derniers et non des moindres argueront que de toute façon l’homme est fait pour se détruire. A ce compte, autant dire tout de suite que la discussion est close en prenant le parti de dire que nous sommes foutus, ça évitera aux philosophes des phrases kilométrées et des formules éculées sur la nature même de notre humanité.

La question se pose de manière d’autant plus aiguë qu’aujourd’hui les nations européennes peuvent légitimement se vanter d’avoir réussi, au prix de sacrifices parfois inacceptables, à ne pas s’engager dans quelque conflit que ce soit. Evidemment, j’exclue toute intervention moralisatrice sou l’égide de l’épicier ONU ou pour jouer les tuteurs avec les républiques bananières africaines, non là je songe surtout aux conflits territoriaux européens, de ceux qui ont provoqués par deux fois un désastre mondial. Bien sûr qu’il est bon d’éviter à tout prix la guerre, bien sûr qu’il est indispensable de partager le monde avec bon sens et générosité, mais le pendant malsain de la paix c’est qu’elle crée à mes yeux des générations de personnes qui se détachent avec véhémence de valeurs qui me semblent pourtant nécessaires à la vie en communauté. L’identité n’est pas accessoire et à trop vouloir lisser le passé on obtient au contraire des aspérités difficiles à combler. Le discours récurrent des politiques est l’intégration (on a poussé le vice jusqu’à en faire une affaire d’état par la création d’une charge ministérielle) alors qu’il faut non pas maintenir des pièces rapportées mais plutôt assimiler pour que l’identité de nos enfants soit celle de la nation où ils vivent.

Pourquoi respecter un drapeau ou avoir une haute idée de l’intégrité d’un peuple est devenu une espèce de tabou ? En quoi la revendication d’être soi devient une tâche au lieu d’être un bienfait ? Au lieu de proposer des pis allers à toutes les nations reconstituées (avec le résultat qu’on connaît), pourquoi ne pas prendre le temps de savoir si oui ou non ces peuples sont faits pour cohabiter ? La Tchécoslovaquie s’est scindée sans un coup de feu, c’est donc qu’il est possible d’avoir une paix sans pour autant dénigrer l’identité nationale. Dans ces propos certains nationalistes se reconnaissent et poussent jusqu’à invectiver les minorités : une minorité n’est pas une tare, ce n’est pas non plus une opposition à combattre, une minorité c’est une identité à respecter mais avec l’obligation réciproque de respect des institutions en place. J’estime qu’on ne saurait dissocier unité de la nation Française avec la multiplicité de ses riches culturelles : bretons, alsaciens, parisiens, chtis pour ne citer qu’eux sont tous français avec chacun la spécificité de la langue, de la cuisine et de l’histoire. Il est donc urgent de comprendre qu’assimilation ce n’est pas détruire la particularité, c’est au contraire de se l’approprier pour qu’elle devienne une part intégrante du patrimoine. C’est pour cela qu’il m’est incompréhensible quand les dites minorités refusent l’effort de s’approprier la langue française ou pire encore quand elles dénigrent les institutions qui les accueillent et les aident.

Tout un tas d’associations braillent leurs grands dieux qu’il y a du racisme de la part des autorités, que les expulsions sont des drames sanitaires et qu’au surplus il s’agit plus de déportations que de retour au pays. Qu’on leur pose deux questions : la première, quelle est la limite « acceptable » pour l’immigration ? La seconde est que fait-on de celles et ceux qui profitent du système au lieu d’en être une partie prenante ? Pour la première je pose la question sous une forme plus insidieuse : dans quelle mesure peut-on envisager de laisser les portes ouvertes, et à partir de quel surplus de population cela deviendrait inacceptable ? Pour la seconde je laisse à chacun le choix de sa conscience ainsi que la lecture des dépenses de l’état. A force de choisir le paternalisme nous générons toute une population qui ne participe plus à la vie du pays mais qui au contraire s’en nourrit au point de l’étouffer. Il ne s’agit plus d’une question d’étranger opposé au « français » mais carrément d’actif à l’inactif. Que chacun trouve ses marques.

Je reviens sur le respect de la nation et de ce que peut représenter un engagement personnel. En quoi est-il déshonorant de défendre des convictions ? Comme dit un grand ami « le pays a la jeunesse qu’elle mérite », ce qui, je le crains sincèrement, signifie que bien trop de personnes se sont abaissées à se moquer de tout. J’ai senti un frémissement salutaire concernant le vote mais hélas, encore une fois la versatilité de la population est à hurler de colère : si l’on tend l’oreille on n’entend que des critiques et des « je n’ai pas cautionné ce président ». Mais alors, qui a voté pour lui ? Les faux culs comptez-vous ! Assumez votre décision, assumez celui que vous avez mis aux commandes. Je n’apprécie pas ce qui nous pend au nez pas plus que je ne tolère les entorses à la démocratie qui sont en cours de discussion (voir mon article sur la « Schutzhatft ») mais je ne lui renierai pas le droit de gouverner. Choisi par le peuple… donc à assumer de par ce choix. Cela n’interdit pas la critique, si seulement elle pouvait se faire constructive…

J’aime et je m’amuse de ce qui peut se dire au moment du dépouillement des urnes, notamment quand les grandes pointures de la politique viennent deviser à la télévision comme une bande d’analystes de comptoir. Dans ce fatras d’idées et de discours j’ai relevé un certain nombre de choses méritant d’être dites : d’un côté une gauche qui tente de se rénover mais qui en guise de programme parle de vote sanction, et de l’autre une droite prise à parti pour sa gouvernance mais prétendant à un bilan dont on n’a pour le moment vu que les mauvais aspects. Ce fut d’ailleurs particulièrement risible quand une certaine dictatrice en puissance (Mme Dati pour la nommer) fut remise en place par M. Fabius qui lui suggéra de ne pas parler de bilan avant d’avoir entamé quoi que ce soit de concret. N’étant pas spécialement amateur des deux personnages, je dois tout de même saluer cet homme qui a, lui au moins, une véritable expérience de ce que peut être la politique. Bref, aucune réflexion, rien que des petites phrases pour assassiner le parti d’en face. Hé dites, si ce sont les municipales c’est donc que le débat doit se faire localement sur les compétences et résultats de chacun et non sur une couleur politique. Prenons ma ville (Champigny Sur Marne) : elle reste communiste depuis des décennies parce que les habitants sont satisfaits, alors que le choix aux présidentielles, bien que de gauche, ne s’est pas majoritairement porté sur des candidats PC. C’est une preuve que les politiques d’en haut n’ont qu’une vue étriquée et qu’une conscience limitée de ce qu’est une nation… Dramatique non ?

Si donc nos politiques sont aussi peu compétents à défendre une véritable éthique nationale, comment peuvent-ils exiger du peuple d’être meilleurs qu’eux ? Il me paraît donc d’autant plus difficile d’obtenir une quelconque assiduité électorale que sociale dans la foule que ses dirigeants n’en respectent pas plus les principes. Elus, défendez une fonction, des principes, des idées, pas des partis, des fanions ou des couleurs simplificatrices. Le maire porte une écharpe tricolore pour symboliser son rôle dans sa communauté, n’oublions donc pas d’où viennent ces couleurs, d’où viennent notre droit de vote, et qui plus est celles et ceux qui luttèrent pour une véritable idée de la démocratie. En dénigrant l’armée, la police, la justice, la politique, nous, population, nous créons une aire de non droit où viennent se loger l’extrémisme, le communautarisme mais aussi l’immoralité économique. Nous ne respectons plus rien, alors qui nous donnerait la moindre légitimité pour critiquer ceux qui se servent à la gamelle de la démocratie ? Des idées dites « innovantes » sont balancées concernant l’économie, l’imbécile pouvoir d’achat agité tant en tant que menace qu’en tant qu’étendard, et finalement personne n’est gagnant à part celui qui sait se mettre hors de portée des lois. Ne demandez pas au pays de faire quelque chose pour vous, faites quelque chose pour votre pays pour qu’il vous donne votre part de sa réussite. A tous ceux qui couinent sur le portefeuille qui se vide, je rappelle que d’un côté vous demandez à avoir une véritable couverture sociale, que vous exigez une qualité de vie, de transport et d’infrastructures, mais qu’à l’opposé vous ne voulez plus revenir sur des acquis comme les 35 heures ou toucher aux retraites… je suis le premier à comprendre qu’on puisse refuser de venir mettre les mains dedans, mais ne vous demandez pas pourquoi les salaires se réduisent, pourquoi les prix augmentent si la proportion de productifs devient de plus en plus faible. Des entreprises sont aujourd’hui rentables non par la production mais par le négoce de leurs actions. On a vu de grands groupes jouer de la fusion acquisition pour gonfler artificiellement ses chiffres et personne ou presque saurait vous dire quelle entité est rentable ou non. Demandons nous donc ce que nous voulons : un pays qu’on respecte et où nous sommes moteurs, ou bien un pays qui ne demande qu’à être saigné à blanc…

08 mars 2008

Conteur

Je vous mets en garde, ce texte est long et risque de contenir des fautes. Ecrit rapidement, je ne sais pas trop ce qu'il donne une fois lu à tête reposée... mais j'espère qu'il saura vous plaire.

Cordialement,
Votre obligé

Les hautes murailles de la cité symbolisaient sa fierté. Taillées dans la roche, orgueilleusement enluminées par des gargouilles et des meurtrières, elles représentaient un havre apaisant pour les voyageurs et une menace pour les conquérants. Bâtie sur la base de deux enceintes circulaires, la basse cour était faite d'allées hautes et étroites où le petit commerce pullulait. Entre étals et bâches les animaux étaient gardés pèle mêle près des victuailles. Une odeur étrange mêlant bois brûlé et épices fraîches rendait la visite de ces voies bariolées très étrange, comme si d'un pas à l'autre on changeait de lieu. Les escaliers en colimaçon, solidement gardés par des hommes équipés d'une hallebarde emportaient les gens vers la seconde enceinte aux rues et chemins plus larges. Là haut le marché était interdit, seules les négociations orales étaient permises sur la grande place pavée. On y voyait nobles en tenues aux couleurs vives et négociants de toute sorte se serrer la main en signe d'accord commercial. Les dames palpaient des échantillons d'étoffes, sentaient de minuscules bocaux afin d'en choisir le plus subtil, le dernier à la mode dans la cité. Garnie de six tours disposées avec soin, le cœur même de la ville fortifiée se dressaient, rectangulaires et percées de rares fenêtres toutefois décorées de vitraux. Les toits pyramidaux semblaient briller au loin tant leurs tuiles vernies reflétaient le soleil. Toute la force et la richesse de ces lieux reposaient sur deux choses essentielles: l'innovation et la précision.
Le suzerain de ces lieux, homme ferme et peu enclin au compromis s'était entouré d'une foule de scientifiques de tous les recoins du monde connu. Chacun apportait sa pierre à l'édifice : Chimie, biologie, médecine, mécanique, art de la guerre, métallurgie, chacun avait emmené avec lui une connaissance que nul autre n'aurait pu développer ici même. Depuis les lames des couteaux forgés avec une finesse inégalée jusqu'aux techniques de construction audacieuses, chaque jour apportait le renouveau et l'évolution. On avait assisté à des feux d'artifice, à l'envol d'oiseaux de papier, à la fabrication de livres pour le petit peuple, bref une éternelle effervescence.

L'envie. Le désir de posséder ces biens, voilà ce qui tourmentait les autres cités. Leurs maitres avaient tous une haine féroce pour ce "roi de pacotille" offrant à la populace le luxe et l'opulence. C'était contre nature que de faire en sorte que chacun soit libre de ses opinions et soit capable de s'enrichir. La légende voulait que toute personne volontaire et capable puisse devenir riche derrière les murailles. Plusieurs batailles s'étaient déroulées et toujours à l'avantage de la ville. Il faut dire que les sciences étaient mises à profit pour s'assurer des victoires radicales: usage du feu, de la poudre, d'engins projetant la destruction. C'était comme si cette étincelante beauté était à la fois bijou et arme redoutable.

Il arriva une nuit sans lune, vêtu d'un pagne détrempé et souillé par des jours et des jours de marche forcée à travers les collines forestières de la région. L'automne avait tracée ses sillons dans la boue fraiche et lui y avait laissé des empreintes fugaces de son corps fatigué. On le fit entrer sans difficulté une fois qu'il accepta de se laver au bain public. Un étranger à la peau mate avait fait comprendre à la population quelques temps auparavant que l'hygiène les sauverait de la maladie. Une fois épouillé, lavé et vêtu avec pour seule contrepartie l'engagement de rester à travailler un mois entier, il alla se coucher dans la pièce commune réservée aux arrivants. C'était une allée gigantesque, haute sur colonnes au plafond fait de voûtes dont le sol de pierre voyait sa surface occupée par d'innombrables paillasses. Quatre soldats faisaient régner l'ordre et une certaine discipline, tandis que quelques camelots étaient tolérés pour vendre boisson et nourriture pour de modiques sommes. On lui fit prendre une place près d'un des murs, places peu appréciées à cause de la fraîcheur permanente de la roche. Son but était de faire comme tout le monde, s'enrichir puis repartir vers sa province et ainsi acheter sa terre si durement travaillée pour un propriétaire.
Il commença à s'assoupir, fermant les yeux et serrant contre lui son sac de lin contenant ses derniers effets personnels. Lentement, il plongea dans les songes et se replia pour prendre sa place dans la couche de paille fraîche…

Un bruit.

Des pas rapides. Puis des chuchotements.

Une main qui se pose sur son épaule, il émerge. Un garde le secoue et l'invite à se lever. Il sursaute, remet ses vêtements en ordre et écoute avec attention, comme pendant la chasse au cerf. Quelque chose se passe, mais quoi. Une fumée lui pique les yeux et les poumons, il tousse un peu. Un incendie? Connaissant le danger du feu dans les villes, il se mit à dévaler les couloirs à peine éclairées par les torches et sortit dans la basse cour. Là, il vit les colonnes grisâtres et les braises qui s'élevaient sur les flancs des murailles ainsi que dans plusieurs parties de la cité. Rien à voir avec un simple incendie accidentel, il vit plusieurs traits de flèches embrasées atterrir sur les toits en tuiles de céramique. Par chance, peu de maisons étaient couvertes de chaume et ce n'était que la paille et les fourrages qui prirent feu. Accourant vers les postes de garde, il entendit les ordres déferler de la bouche des hommes. "A gauche, sur le mur! Là, les meurtrières! Sortez les arcs! Qu'on apporte le poix!" Vite!" Bousculé, pris dans la foule, il vit les civils se jeter sur les récipients et les seaux pour faire des chaines humaines et éteindre les feux qui commençaient à menacer certaines charpentes. Lui, il sentit son cœur battre à tout rompre et se sentit emporté dans une brigade en armes fonçant droit sur la porte principale. On avait abaissé les grilles de défense qu'un lourd bélier fait d'un chêne à l'horizontale tentait de faire tomber. Une brèche avait été ouverte sur la droite, les barreaux ayant été tordus aux premiers chocs. Des corps gisaient là, encore saisis par la stupeur du combat nocturne. Sans hésiter il se saisit d'un glaive planté dans un corps. En le tirant il vit la lame souillée et frémit tant d'excitation que de frayeur. Que faisait il, lui fils, petit fils de paysan, n'ayant jamais vu autre chose que la campagne et les bosquets? Décidé à en découdre, il se lança dans la foule s'agitant devant lui. Des cris s'envolaient, des mains, des bras et des jambes s'enlaçaient avec brutalité. Sans même prêter attention au risque, il monta sur les morceaux de bois et les morts, hurlant des mots sans suite ni logique. A ses côtés plusieurs soldats le virent et tentèrent de le repousser vers l'arrière. L'un d'eux lui cria "va te vêtir imbécile!" Puis se jeta avec rage, une hache à la main.
Soudain, le mouvement se fixa, comme interrompu dans le temps. une série de sifflements déchirèrent le ciel, terrifiante mélodie provenant du néant. Une voix brailla "FLECHES!" et tous se jetèrent à terre, se couvrant de boucliers ou de corps pour ne pas être empalés par les carreaux lancés par milliers. Il imita les soldats et se mit à l'abri derrière un recoin d'un mur. Il vit défiler les pointes de fer fixées aux branches taillées et fut surpris du bruit infernal que cela produit à l'impact. De partout des pointes se fichèrent dans les hommes, les objets et même les fissures et les jointures des murailles. L'instant d'après tous se redressèrent ou presque et reprirent l'assaut pour défendre la cité. Pas question de laisser entrer qui que ce soit. Lui, il fit quelques pas en arrière et prit sur un blessé sa cote de mailles ainsi que son casque. Quitte à mourir au combat, autant le faire dignement se dit-il en revenant à la charge. Là, l'autre soldat lui lança entre deux coups de hache "tu vois quand tu veux petit!".
A nouveau le cri pour les flèches! Encore une fois la nuée de frelons s'envola et vint percer le ciel avec violence. Il n'eut pas même le temps d'avoir peur quand il sentit les traits le frôler de toute part. il se tâta, vérifia son corps, pas de trace ni blessure. Que Dieu soit loué souffla-t-il pour se rassurer. Du haut des tours on hurla un ordre "Reculez! FEU!" De toutes les ouvertures le jeune paysan vit dégoûter des quantités énormes d'un liquide sombre et fumant, dont certaines parties étaient en flammes. Du poix brûlant, de l'huile en ébullition! Les fantassins en dessous furent pris d'une terreur incroyable quand les premiers malheureux furent touchés. On se jeta dans les douves pour y trouver une eau salvatrice et signe de survie, de partout on recula pour ne pas être consumé par cette arme terrible et sanglante. Le bélier pourtant reprit son mouvement après s'être un instant arrêté, une seconde vague d'assaillants l'ayant saisi aux flancs. En avant... en arrière... A pleine vitesse. Un tremblement..La lourde grille allait céder, impossible qu'elle supporte un impact de plus avec une telle puissance. Il se décida alors à se faufiler, déterminé à empêcher quiconque de réussir une telle victoire. L'épée brandie bien haut, il se jeta entre les ruines enflammées, entre ces corps noircis et fumant, puis planta au hasard sa lame, serrant les dents à chaque estocade.

Il n'entendit pas les cris de ses compagnons qui le suivirent dans sa folie, il n'entendit pas l'ordre de ne pas y aller. Passant le tronc, il vit au loin quelques chevaux et une troupe tenant lances et boucliers dans l'attente d'une riposte. Arrivé à mi chemin de l'entrée et de cette troupe, il se fixa et pointa son arme vers les cavaliers. Menaçant, il les invita à ne pas être lâches, à se battre jusqu'au bout. Celui qui semblait être le chef de l'assaut ôta son casque, observa le jeune arrogant et le salua de la main. Il fit pivoter son cheval intégralement protégé d'une lourde armure de plaques et battit les flancs du percheron de ses talons. Toute la troupe pivota en voyant le maître donner l'assaut. Pas question de le laisser seul, ce serait déshonneur et mort assurées Le cri de guerre retentit dans la cuvette, de partout le pas s'accéléra. Sûr de lui, sûr de son fait le jeune homme se mit en attente, bien positionné pour supporter le choc terrible qui se préparait Il regarda autour de lui et vit alors qu'il n'était plus seul. Les soldats l'avaient rejoint et se tenaient, comme lui, droit et fermes face à l'assaillant. Toujours ce gaillard près de lui, toujours cet homme fort qui lui lança avec chaleur "Tu es courageux petit... prêt?" Il sentit un sourire de fierté se former en lui. Un soldat qui lui fait l'honneur de le dire courageux... mourir serait doux ce soir. Tout à coup, on entendit un craquement, comme un arbre qui s'effondre dans la forêt. Un, puis deux, puis un troisième craquement identique résonnèrent depuis les murailles Cela fit trembler le ciel quand les blocs de pierre s'abattirent aux pieds des défenseurs. Les catapultes avaient été chargées et se mettaient enfin à tirer. Les lourds blocs tombèrent dans un fracas assourdissant, faisant trembler la terre avec fureur. Loin d'être effrayés, les attaquants ne réduisirent pas d'un pouce leur vitesse, comptant ainsi sur la proximité de l'ennemi pour que l'artillerie n'ose plus lancer ses jets.

La charge de cavalerie fut dévastatrice: la première ligne s'effondra d'un seul tenant, saisie par l'avancée et emmenée comme un fétus de paille. Jeté à bas par les lances, certains cavaliers lourdement équipés se retrouvèrent à terre sans pouvoir se défendre. Derrière, l'infanterie s'avança dans une course infernale, brandissant pointes et protections pour s'ouvrir le passage. Nombre de soldats périrent piétinés par les deux camps. Les chevaux piaffaient, sautaient et jetaient leurs sabots ferrés tant sur l'ennemi que sur les alliés. On entendit plus d'un cri déchiré de douleur, on vit plus d'un regard se vider de la Vie. Le paysan lui, tournoyait, heurtant de son arme toute personne à portée. Il voyait la fin d'approcher, la mort l'emmener et oublier son nom à jamais. Il sentit une douleur à son épaule, juste en haut de son dos. Une flèche! Il se jeta à terre pensant à une nouvelle volée ennemie... mais celle-ci provenait des remparts. On avait fait signes aux archers de raser le couloir d'accès, quitte à blesser et tuer des amis, des frères et des serviteurs de la cité. Le digne sacrifice des enfants de la prospérité pour que la ville ne meurt pas envahie et pillée.
On lui ôta la pointe avec brutalité et des mains l'aidèrent à se relever. Au milieu du tumulte il y eut encore énormément de morts et de blessés. Il affronta sans reculer la cavalerie en débandade, il planta sa lame ensanglantée dans plus d'un corps, quand il vit reculer lentement le chef. Celui-ci leva la main droite, fit un signe et chacun se retira lentement, à reculons. Pas un mot ne fut dit, pas une seule parole ne sortit de qui que ce soit. C'en était fait, l'assaut avait échoué. Le soldat, ce nouvel ami et frère d'arme lui ayant adressé la parole se redressa lui aussi, ôta lui aussi son casque et fit signe au chef. Tous les autres soldats entourèrent l'homme qu'il put enfin distinguer: de haute stature, le menton carré, les cheveux bruns, la barbe en broussailles et l'œil pétillant, tous saluèrent l'homme en lui disant "Hourra à notre Roi!". Le roi?! Le Roi tenant une hache et défendant sa cité de ses mains?! Voilà qui est impossible! Un roi ne se bat pas, il guide, domine et dirige!

Il s'approcha du jeune paysan, lui frotta la tête de sa lourde main calleuse et lui dit en souriant "Jeune homme, si tu survis à tes blessures, tu prendras ton prochain repas avec moi, à ma table! Qu'il en soit ainsi, c'est ma décision!"