25 mars 2008

Ca va de soi

L’affirmation lapidaire, l’acte mettant en principe terme à toute tergiversation est une des armes préférées de l’arsenal du minus intellectuel dans le sens où cette phrase lui offre une échappatoire fort pratique. Quand le « Ca va de soi ! » tombe, il est difficile de rebondir et c’est là que fond le lâche pour s’éviter l’opposition ou la rhétorique d’un adversaire. Vous avez déjà subi la diatribe glaireuse aux relents racistes d’un imbécile prétendant avec emphase que l’étranger est un fainéant ? Systématiquement un « ça va de soi » se camouflera en tâche de fond de sorte à rendre toute nuance impossible à exprimer. Oh, je sais bien que les clichés ont la peau dure et qu’il est plus simple d’en user que de broder autour, ceci dit c’est tout de même trop facile de laisser la responsabilité du discours aux prédécesseurs plutôt que de forger une explication sur ses idées « propres » (si j’ose dire).

Ce n’est pas pour rien que le contact avec l’extrémisme m’irrite : tel un poil à gratter moral, j’ai du mal à m’approcher du défenseur des grandes idées de la « Realpolitik » sans me prémunir d’un collier anti-puces. Le poux fascisant a le don de me pomper le sang à grands coups de propos absurdes et dégorgeant de démagogie, et pourtant je suis bien obligé, tôt ou tard, de m’employer à l’écouter pour pouvoir alors lui répondre du point sur les i en attendant le poing sur la gueule que ses idées de fond de poubelle ne sont pas miennes. Certes, l’éructation spasmodique d’un leader endimanché en kaki semble exciter le fanatique du « ça va de soi », lequel saura colporter le bouillon croupi à coups d’affiches et de slogans grandiloquents. Prenez le FN … non c’est presque trop facile, prenons donc un adorateur du despotisme en général et plongeons le dans une foule bigarrée. Qu’observons nous : une réaction épidermique d’urticaire s’ajoutant à une incroyable production de salive le menant à avoir la bave aux lèvres. La colère montant, son corps s’agite, il est prêt à hurler sa rage contre la différence, et voilà que la SPA le fait piquer pour le bien de tous. Et oui, l’enragé est donc condamné comme le renard l’est au matin d’une battue de nettoyage de nos chères forêts. Où je veux en venir ? Tout simplement qu’autant le chasseur que l’honnête homme nous battons de la campagne pour chasser les renards bruns de nos belles contrées !

Je coupe la parole comme d’autres coupent la route aux cars scolaires, mais par chance je me contente d’un carnage verbal alors que l’autre semble apprécier le collégien melba. D’une certaine façon c’est désagréable de devoir tolérer une telle impudence de ma part, notamment quand il s’agit de mettre en exergue mes nombreuses tares morales qui font état de ma profonde décrépitude cérébrale. A ce titre, j’aime tout particulièrement contrarier ceux qui supposent que la seule solution à une incurie sociale est une bonne dictature. Pour moi, tomber sur notre fameux « ça va de soi » est du pain béni et même l’hostie libérateur. Que mes péchés soient lavés Seigneur, je vais pouvoir m’en faire un à la matraque ! Comment ça, tu ne tueras point ? Bon d’accord, admettons que le meurtre soit une chose interdite par la morale, alors dans ce cas admettons également la différence et laissons les dire pour qu’ils puissent exister. Ca non plus ce n’est pas acceptable ? Voilà que je me mets à discuter avec le Créateur comme je pourrais disserter avec un camarade de bouteille. Encore une fois au lieu de préserver l’éthique et donc permettre que la tribune des intolérants soit permise je me fais chantre du génocide des cons. Pénible de devoir hésiter entre la justice et l’équité je trouve…

« Ca va de soi » se plaindra donc qu’on ose mettre en doute ses assertions, il sera même le premier à revendiquer haut et fort qu’il n’est pas acceptable de lui saboter son discours, et qu’au fond il est moins méchant que celui qui l’agresse verbalement. Qui t’as dit que je comptais m’en tenir à la seule verve pour te faire ravaler tes idées ? Le râtelier en compote et les dominos au fond des amygdales, bien que ce soit peu incitatif pour une discussion posée, cela aura le mérite de soulager ma conscience outragée. Et puis, pour une fois, notre couineur aura l’occasion de découvrir la gastronomie hospitalière à la paille ainsi que le confort de la literie qui le supportera quelques semaines. Comme ça, il pourra, et ce aux frais de sa mutuelle si chèrement entretenue, apprécier les services de ces étrangers qu’il dénigrait avec tant de virulence. Un retour aux fondamentaux ? Disons que, pour une fois, qu’au lieu d’aller chercher la pulpe au fond de la molaire le dentiste ajoutera de la pulpe entre les oreilles de son patient. N’étant pas amateur de la roulette je crois que cela sera malgré tout un bienfait. En attendant, je vais m’offrir un casque, des fois qu’un petit malin me prenne par surprise et décide de me faire taire par le même procédé revendiqué précédemment !

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