29 mai 2009

Boarf

Etant donné un week-end prolongé en prévision... rendez-vous mardi!

Votre obligé/emmerdeur/râleur,
JeFaisPeurALaFoule - Frédéric

Testament ?

Après ces centaines de messages rédigés par mes soins, il est probable que vous ayez constatés qu’il m’arrive d’avoir une certaine fascination pour le morbide, ou tout du moins une propension à ironiser concernant la mort. A vrai dire, c’est que j’estime la mort non comme une menace, mais plutôt comme une constante, une inévitable finalité qui nous attend patiemment en bout d’existence. Après tout, la vie n’est intéressante que parce qu’elle se termine toujours trop tôt (en tout cas, au goût de nos proches). Alors, franchement, pourquoi s’inquiéter pour l’inévitable ?

C’est sur cet aspect commun à tous que je trouve moyen de rire cyniquement, notamment parce que nous faisons tout pour nous y préparer : conventions obsèques, plans d’épargne, assurances vie, et puis surtout le testament, ce document inique que j’adore pardessus tout. Pourquoi ? Mais réfléchissez un instant : quoi de plus stupide qu’un papier contenant votre façon de concevoir le partage de vos biens terrestres… après votre mort ? Je n’arrive même pas à comprendre comment l’on peut décréter « tiens, un tel aura plus que l’autre, juste pour qu’il y ait une bonne engueulade devant le notaire ». Je caricature, je force le trait, mais après tout, en quoi serions nous concernés par ces tractations pécuniaires une fois les chrysanthèmes posés sur le marbre ?

Il est vrai que la mesquinerie humaine n’a pas de limite, donc, en prévision, nous rédigeons des documents conçus pour que chacun voie sa part rester équitable, et ainsi s’assurer moralement que la faucheuse ne soit pas la cause de dissensions familiales. Soit. Admettons, mais c’est alors oublier une autre habitude de l’homme qui est de systématiquement mettre en doute son prochain. Pas content de l’héritage ? Paf, une expertise médicale, une plainte au tribunal, ou bien encore une mise sous tutelle préalable pour ne pas voir le pécule partir en fumée ! Ah les ingrats, déjà qu’ils sont prêts à vous coller en maison de retraite à la première occasion, les voilà en train de découper les éconocroques sur le papier comme un gâteau pendant un anniversaire. De fait, le testament est donc non pas une préservation, mais je crois une façon cruelle de rappeler à autrui que l’on décide pour soi de ce que l’on fera de nos biens, ceci avec l’aide consciencieuse d’un notaire. Hé oui : le fonctionnaire sera tout simplement un exécuteur testamentaire, le type froid, sans réflexion, validant simplement la légalité des choix de l’auteur du testament. Si ce n’est pas du cynisme ça…

On songe bien entendu aux familles recomposées, aux riches voulant ne pas trembler concernant la dote de chacun, mais il est tout à fait hilarant d’imaginer un fauché s’amusant à rédiger son propre testament. Comment ça ce n’est pas drôle ? Mais si ! Par exemple « Je lègue la télévision couleur qui marche qu’en noir et blanc à ma fille, le magnétoscope qui bouffe les VHS à mon fils. Pour le mobilier Conforama, démerdez vous, il est tellement pourri qu’il vaudra mieux le passer dans le barbecue du voisin ». Et pourtant, chacun se fend de financer, jour après jour, un plan de sécurité pour avoir un « contrat sur la vie ». Les assureurs ont le sens de l’humour n’empêche : vendre à un vivant la façon dont on le traitera une fois la paillasse dans la caisse en agglo. C’est comme s’ils vendaient à une poule la sauce avec laquelle elle sera mangée. Ironique non ? Bref, un testament, c’est le plus drôle des contrats, en tout cas pour son contractant, mais pas pour ceux qui en subiront les effets. Je m’imagine bien, écroulé de rire là haut (ou en bas, allez savoir), à l’ouverture de l’enveloppe. « Vous aurez que dalle, bande de rats, j’ai tout filé à la croix rouge ! ».

Bon… j’ironise la situation, car il est plus que souhaitable d’anticiper les problèmes et de délester ses proches de toutes les complications administratives… mais qu’on m’explique l’utilité d’un testament politique. Hitler s’est fendu d’en pondre un au jour de sa disparition, et cela m’a semblé être d’une prétention indigne d’un dictateur, ou de qui que ce soit d’ailleurs. Politique ? Chacun sait lire le passé à sa façon, et ce n’est pas un de ces papelards prétentieux qui y changera quoi que ce soit. A tout choisir, j’aurais préféré un vrai testament où il aurait listé ses biens, ainsi que la façon dont il aurait voulu les voir distribués. Cela aurait ajouté à son côté monstrueux le côté pathétique de l’être humain ordinaire, l’homme aussi misérable à la fin d’une existence que nombreux croyait être miraculeuse. Que grâce nous soit rendu que son seul héritage soit le dégoût pour la guerre et la bêtise des marcheurs au pas de l’oie !

28 mai 2009

Furieux au point d’envisager l’homicide

Quoi que l’on puisse me reprocher sur ma haute opinion concernant l’âme humaine, j’ai toujours estimé les bourreaux comme étant sa lie, et pardessus tout les rares êtres nécessitant la guillotine. Bien sûr, je me suis posé l’interrogation fondamentale du bien fondé de la peine de mort, et, comme énormément de gens, je suis resté dubitatif tant sur son aspect répressif que sur son côté menaçant contre les criminels. Et pourtant… là, je l’admets sans honte ni hésitation, c’est une « saine » colère qui me prend, de celles qui me feraient crier « pendez les haut et court ! ».

Et dire que j’étais parti pour un article à caractère ironique, un message moqueur quelconque, de ceux que l’on peut envisager quand on a envie de se payer la fiole des hommes. Seulement, à la lecture de l’article ci-dessous, je n’ai pas résisté, j’ai explosé de fureur.

« Une fillette russe de 5 ans ne parle que le chien et le chat. Elle a été trouvée dans un appartement délabré où ses parents et grands-parents vivaient aussi mais ne s'occupaient pas d'elle et lui interdisaient de sortir. Elle peut juste communiquer avec ses animaux domestiques. ».


Monstres ! C’est la seule étiquette qui puisse convenir à ces gens qui osent traiter l’enfant de la sorte. A la lecture de ces mots, je n’ai pas mis le moindre frein à ma rage, et j’ai même mis en veilleuse mon « humanisme » d’hypocrite craignant de me salir les mains. Qu’on les pende ! Quel autre châtiment envisager pour de tels bourreaux ? L’enfant est-il coupable de sa naissance, est-il responsable de son existence ? Il est là, attendant tendresse, éducation et respect de la part de ceux supposés prendre soin de lui. Qu’on me dise quelles circonstances permettraient de « comprendre », si ce n’est « pardonner » une telle attitude. L’Homme a toujours su devenir cruel, mais là, cela dépasse mon entendement. Avec la meilleure bonne volonté du monde, je ne suis pas parvenu à faire taire cette petite voix éraillée me disant à l’oreille de les faire griller, leur couper la tête, ou trouver un autre châtiment indigne et aussi cruel que possible.

L’écoeurement est la première des réactions. Tous, nous sommes tôt ou tard confrontés à la cruauté de la vie : sans logis, mort d’un proche, blessures dans la chair ou l’âme, mais tous nous cherchons la rédemption dans l’amour, ou tout du moins dans l’oubli d’une manière ou d’une autre. C’est au-delà de ma force intérieure que de leur permettre un pardon : traiter un enfant comme cela, c’est d’office choisir l’enfer, et si possible (je le souhaite), celui sur terre et non celui imaginaire de la foi. Un enfant n’est pas un animal, ce n’est pas plus du gibier qu’un chien ou un chat, il n’a pas à subir ce qu’il est sous prétexte de lâcheté ou de cruauté facile. Car oui je le revendique : il est plus facile d’agir méchamment avec un gosse qu’un adulte, car l’adulte, lui, peut potentiellement se défendre. Alors : ligotons les, faisons leur subir pour cinq ans un traitement inhumain, et qu’on en finisse une fois leur corps émacié et contrit non par le remord mais par la douleur d’exister.

Ce qui me fait le plus vomir à présent, c’est que cette fillette va devoir passer des années à réapprendre à vivre, à redevenir « humaine », si tant est qu’il soit capable de la laver de cette horreur. De quelle manière aborder son éducation ? Apprendra-t-elle à parler, à lire, peut-être à compter ? Comment va-t-elle appréhender sa relation avec l’humanité ? Soumise comme elle le fut à la manière d’un animal domestique ? C’est dans ces moments là que mon humanisme s’étiole, dans ces instants critiques où ma propre bête intérieure hurle et désire mordre, broyer et massacrer l’innommable. Si seulement je n’avais plus à l’esprit une notion de « justice », ou tout du moins d’équité… Celle-ci, malgré sa faiblesse, malgré son bâillon fermement noué sur la bouche, me susurre calmement « Et tu veux devenir comme eux en les châtiant ? ». Saleté de conscience. Devenir un monstre pour punir des bourreaux, s’exproprier de mes dernières onces d’humanité pour que ceux qui en sont dénués paient le prix fort. Quelle est donc cette humanité tant rêvée qui en arrive à faire d’une gosse une victime de l’infamie ?

Le pardon est trop loin pour leur être permis. En ayant délibérément fait de cette enfant une « bête », ils s’excluent à jamais de ceux qui méritent notre charité. Mais comment punir ? Des idées sur la question ? Torturer ? Tuer ? Maintenir en vie en détention ? Cela ne saurait rembourser ces années de torture morale et physique, cela ne paiera pas leur dette à la fillette qui n’a jamais couru dans l’herbe, qui n’a jamais jouée avec ses camarades de classe, et qui, lentement, découvrira ce que fut son sort. A-t-elle conscience de ce qu’elle est ? J’espère qu’un jour elle aura assez d’humanité retrouvée pour en parler, qu’elle pourra écrire avec sérénité ce qu’elle a ressenti en tant « qu’animal humain ». Car c’est bien de cela qu’il s’agit : d’humanité retrouvée… Souhaitons lui le courage et la force morale nécessaire pour vivre, vivre dignement, sur ses deux jambes, fille, un jour femme, à jamais plus humaine que ses bourreaux.

L'article sur liberation.fr

27 mai 2009

Rien ce soir... (Je râle)

Figurez vous que, pour changer un carreau cassé sur une voiture, qu'il faut identifier le modèle de véhicule (logique), les travaux (passe encore... il s'agit de changer une vitre, pas désosser l'engin), mais aussi la couleur du dit vitrage! Hé oui, nos chers ingénieurs en automobile trouvent amusant de fournir plusieurs teintes pour un même modèle, et ainsi pousser le client à faire "diagnostiquer" les carreaux de la voiture en cas de bris de glace

De ce fait, pas d'article complet, juste une petite pique personnelle concernant l'obligation de déplacement au garage pour pas grand chose.

Sur ce, je m'en vais voir le garagiste!

26 mai 2009

Les gosses ont raison

Hé oui ! Les mômes sont des oracles, ils ont cette capacité de voyance totale, cette pureté du bon sens que l’adulte lui a laissé choir soit dans le caniveau un soir de cuite carabinée, soit sur la dernière étagère de son salon par souci de disparition visuelle. Foutu moutard : ses yeux sont des Hubble, ses oreilles de véritables Echelon, et sa voix un acte fort de propagande. Dieu qu’ils me gonflent, à avoir systématiquement raison !

Comment ça, vous n’êtes pas d’accord ? Bien sûr, vous supposez que, en tant qu’adulte raisonné et responsable, qu’il est de votre ressort d’édicter lois et Vérités à votre entourage, et tout particulièrement à votre progéniture braillarde. En voilà une belle ineptie mes chers lecteurs : la Vérité ne peut être qu’enfantine ou bien mortuaire, l’enfant voyant clairement notre jeu de dupes, le cadavre s’en moquant totalement. Dans ces conditions, il serait temps que l’on cesse d’être des moralisateurs, ou alors de l’être en totale union intellectuelle avec notre chère descendance. Le gamin sait, il voit, il entend, et surtout... il répète. C’est bien là notre plus grand cauchemar : que ce soit bon ou mauvais, le cerveau primitif d’un marmot a pour fonctionnement principal l’imitation, et celle vocale semble tout particulièrement au point. Un juron ? Soyez assurés que l’enfant saura le répéter à tort (ou à raison, c’est selon), et ce avec une répétitivité digne des plus obstinés magnétophones de mise en attente des commissariats de quartier.

Concernant la Vérité, vous prétendez la détenir... mais le gosse lui, il ne le prétend pas, il se fout totalement de prétendre, il la détient, tout simplement. Ecoutez donc cette honnête remarque concernant un homme aussi laid que mal fagoté : « l’est moche le monsieur m’man ». En effet, notre sujet a cette apparence hésitant entre Sammy (de Scoubidou), et les errements d’un designer italien en manque de cocaïne, mais pourquoi le dire ? Parce que l’enfant, dans sa soif de Vérité, l’affirmera, sans méchanceté, sans doute, juste parce qu’il faut affirmer les Vérités. D’ailleurs, remarquez que nous sommes incapables d’agir de la sorte au quotidien : votre patron est un imbécile ? difficile de lui vomir votre haine de son incompétence... Votre voisine de palier est une bêcheuse doublée d’une malpolie ? Impossible de la remettre à sa place sans passer pour un goujat. Dommage que nous ne pouvons pas rester au stade infantile sur cet aspect, nous serions alors dans des relations tant plus franches que claires !

Et puis merde quoi, la malhonnêteté de l’adulte est flagrante, voire même tacite dans son relationnel. Ecouter un politicien, c’est écouter un poème à la gloire du baratin, alors qu’écouter un mioche, c’est se farcir une ode à l’inepte, au non sens humain, bref à nous-mêmes, pauvres cons d’adultes engoncés dans nos certitudes. Il faut être diplomate, accommodant, savoir louvoyer pour ne pas fâcher.... Et puis quoi encore ? Le moutard, lui, ne s’encombre pas de négociations car, s’il te trouve con, il te le dira sans autre forme de procès. Se prendre une mandale dans la tronche de la part d’une brute, ou bien se prendre une baffe intellectuelle d’un enfant, qui choisit quoi ? A tout choisir, je pourrai retourner le coup à l’adulte, mais quoi faire contre le rase moquette ?

La parole des gosses est d’or et contient la Vérité car, au fond, ils sont le miroir de notre incurie : vocabulaire de charretier, impolitesse crasse, tout est héritage tant éducatif que social. A chacun de se mettre en situation pour ne pas avoir chez soi un modèle réduit de chroniqueur cynique. Car oui, au fond, le gosse est cynique par essence : il vous taillade l’âme de sa sincérité exacerbée, oui il saura vous faire mal sans une once de pitié ou de charité (concept faux derche que l’on apprend vers l’adolescence), et enfin oui il se fera encore plus cynique en se jouant de vos sentiments à coup de tendresses. Pourquoi cynique ? Parce que l’être cynique ne calcule plus, il laisse la Vérité calculer pour lui. Si un enfant vous dit « je ne t’aime pas toi », croyez le sur parole, alors qu’un adulte vous disant avec emphase « je vous aime bien », méfiez vous...

25 mai 2009

Fosse aux lions médiatique

Je ne vais pas me relancer dans une énième diatribe contre les scribouillards vassaux des ordres établis, pas plus que je ne vais suggérer l’autodafé de nombre d’organes de presse. Aujourd’hui la question est d’actualité, tout en gardant à l’esprit mon profond mépris pour nombre de « plumes » de la presse » (au sens rédactionnel, donc qui couvre également les services d’information de la télévision). Ce qui m’intéresse là, c’est un article du figaro (dont le lien est présent en fin d’article), et qui donne la parole à l’un des accusés de l’affaire des sabotages de voie SNCF de la fin de l’année dernière. A croire que la rédemption peut exister, même dans la presse écrite !

Souvenez vous...
Psychose : des malades mettent des bouts de fer sur les voies TGV, ceci pouvant les faire dérailler. Réaction immédiate : les pandores s’activent, on chasse les assassins en puissance, et, en quelques jours (heures ?) un groupuscule crypto anarcho dieu sait quoi sort du néant. On les filme et immédiatement ils sont identifiés comme étant les coupables... ceci sans jugement, uniquement sur la foi de découvertes incriminant soi-disant les activistes en question. J’avais été plus que circonspect tant sur l’enquête que sur l’étonnante facilité avec laquelle elle avait été menée. Souvenir, quand tu me tiens par les bretelles...

Lien vers l'article du 12 Novembre 2008

Ce qui est amusant, c’est qu’à présent la chose revient sur le devant de la scène car l’un des auteurs présumés a non seulement une verve plutôt efficace, et qu’au surplus on lui donne le droit de parole si longtemps réclamé. Terroriste ? Le droit a pour devoir vis-à-vis des citoyens de prouver, car l’innocence est reconnue par défaut de culpabilité, et non le contraire. Ne sont coupables qui sont reconnus comme tels, et pas l’innocent qui doit prouver sa bonne foi. Plus nous avançons, plus la présomption d’innocence est littéralement bafouée, mais ceci à petites doses : quid de l’innocence des accusés d’Outreau ? Quid de tous ces innocents à qui le droit de parole a été ôté par la vindicte de la presse ? M.Coupat (un des accusés de l’affaire) dérange car il tranche singulièrement avec les gens ordinaires : il sait s’exprimer, il défend ses opinions, et il représente donc ce qui est le plus désagréable pour n’importe quel état (même de droit)... l’électron libre. Que l’on soit d’accord ou pas avec ses théories (je vous laisse seul juge et parti en lisant l’article), je ne saurais trop recommander à mes lecteurs d’agir « comme lui », c'est-à-dire en assumant leurs opinions, en les revendiquant, et en agissant de manière citoyenne.

Ces déclarations sont un retour de manivelle fort intéressant en tout cas : à force de croire que les affaires s’enterrent dès que l’on colle des accusés au fond d’une geôle, nombre de politiques et de journalistes oublient que le peuple a d’une part une mémoire, et que d’autre part les accusés peuvent, et parfois savent se défendre. J’ai beau ne pas tolérer des sabotages stupides comme ceux sur les voies SNCF, je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire narquois et moqueur en songeant à ce dossier. On a voulu des coupables idéaux ? Ah bah merde, ils sont tout sauf idéaux en fait ! Le coupable idéal, c’est celui qui se fait broyer par la machine judiciaire, qui finalement s’accepte coupable sans l’être, et qui ne fait plus de vagues. Là, la presse accepte donc d’ouvrir tribune avec M.Coupat, et visiblement l’auteur du billet se voit alors très gêné. Hé oui, les gens peuvent tenir des propos cohérents sans avoir fait l’ENA ou journalisme, et qui plus est étayer ses propos de manière concrète et intéressante. J’applaudis donc l’effort fait par le journaliste, car il a eu le « courage » d’aller au bout de l’interview, de ne pas fustiger bêtement le gauchisme revendiqué par l’accusé, et d’admettre enfin la compétence du dit accusé. C’est assez rare pour être souligné.

Pour conclure, je suis assez content d’être tombé sur un article pareil. En effet, il démontre que, malgré les choix d’autocensure et de déformation de l’information, certaines choses savent rebondir et revenir sur le devant de la scène. La vindicte voulait crucifier, elle assiste à présent à l’assomption. Certes, M.Coupat n’a rien de Jésus, pas plus que je ne peux prétendre à son innocence, toutefois je suis convaincu d’une chose : innocent ou pas, l’état et la presse se sont ligués de manière trop flagrante pour être honnête. Il est temps de redonner de l’autonomie aux journalistes afin que, finalement, ils puissent traiter le quotidien avec honnêteté et justesse. Pour la propagande et le soutien aux institutions, c’est l’état qui doit savoir communiquer. Pour la critique objective et constructive, c’est à la presse d’agir, et surtout le faire sans un contrôle systématique et ostensible de l’état.

Source Lefigaro.fr

22 mai 2009

Le petit doigt levé en buvant son thé

Je ne résiste jamais à l’hilarité lorsqu’au détour d’un restaurant, un lieu public, ou d’une émission de télévision quelconque, mon regard se pose sur les caricatures du monde des nantis, ces archétypes d’une société que d’une je ne connaîtrai sûrement jamais, et de deux que j’espère n’avoir jamais à côtoyer. Le snob, la bulle de champagne hésitant entre le pet et le rôt (S.Gainsbourg) existe encore, et qui plus est semble être de plus en plus visible. De noblesse déchue, notre snob est aujourd’hui le « bobo » le fameux bourgeois bohème qui est, à mon sens, un monument Français à part entière.

Regardons bien ce qu’est le snobisme. Contrairement à l’idée véhiculée par un Lucchini jamais avare en mimiques et gestuelle maniérée, le snob doit se percevoir sur différents plans aussi différents qu’ils sont complémentaires. Ecoutez les gens que vous pensez être atteints de snobisme, et prenez les critères suivants pour estimer son niveau de contamination. Linguistiquement, le snob sera un adepte des anglicismes supposés chics : il ne parlera pas de mode vestimentaire mais de « dress-code », il sera fera une joie de vous coller des mots anglais à tout propos, et surtout se targuera, non sans une pointe de moquerie à votre encontre, de savourer le cinéma d’auteur « in VO ». Ben voyons, parce que s’envoyer un film d’action bourrin en VO, cela fait toute la différence aux moments des fusillades, « gunfights » pardon.
Une fois votre ouïe adaptée à ces barbarismes de mauvais aloi, observez la tenue de votre snob passé au microscope. Jamais en mal de choix infâmes (mais revendiqués comme audacieux), notre patient saura vous rappeler que la chromatique des couleurs peut être aussi agréable qu’agressive. Passons bien entendu sur les dégaines déjà vues et revues sur les étoiles du moment et attardons nous sur les détails qui font la différence. Vous avez les mêmes godasses que le client ? Rassurez vous, il sera le premier à vous donner une explication dithyrambique sur l’origine du cuir, sur les coutures faites par des salariés du commerce équitable, ainsi que sur l’estampille d’un créateur aussi cocaïnomane que probablement daltonien. C’est ça, la classe Française ? Faire de la pompe un ode à l’autosatisfaction ?

Alors, si l’on prend déjà le langage parlé et la tenue, difficile de manquer notre bobo au milieu de la foule… quoique, la mode étant ce qu’elle est, nombre de personnes moins atteintes se laissent bercer par les chimères de l’apparence à quasiment tout prix (Faut pas déconner non plus, le Monop’, ça passe mieux que le traiteur tout de même). Mais là où tout cela devient exceptionnel, c’est que notre bobo s’octroie les moyens d’obtenir son univers chimérique et égocentrique en étant un capitaliste forcené… tout en braillant à qui veut l’entendre, ses idées gauchisantes d’étudiant sur le retour. Ah ça, pour être un héritier décadent de Mai 68, vous en avez des wagons pleins ! Amusant tout de même : la parole arrondie, la gestuelle choisie pour son style décalé (comprendre maniérée comme une caricature d’homosexuel des films fin années 70), votre cadre coiffure pétard, vêtu mal fagoté vous fera tout un discours sur la société, critiquant vertement tant la présence policière, que son consumérisme malsain. Deux choses : cela remonte à quand, son dernier contrôle de police ? Et la télé grand écran à deux SMIC, ou bien ses appareils nouvelle technologie, ils sortent d’une foire « au tout à un Euro » ? Dans ces conditions, appliquez mon guide de survie : soit vous taillez le malotru en brèche en dévoilant votre cynisme mâtiné de cruauté animale, soit fuyez à toutes jambes en prenant soin de faire disparaître les coordonnées du personnage.

Ceci dit, j’évoque ces snobs avec méchanceté car ils sont les proies faciles de notre monde moderne. En effet, sans eux, point d’émergence de produits de haute qualité (merci Monsieur Apple d’avoir ciblé cette population pour nous pondre de chouettes produits), et d’autre part ils représentent une source non symbolique de revenus pour toute une tribu de petits trafiquants, ravis de vendre hashisch, cocaïne et autres amphétamines ces idiots qui pensent que « fumer c’est cool et pas nocif », « la coke, ça rend speed », et « les amphet’, c’est top pour la fête ». Continuez donc, offrez votre corps aux poisons du quotidien, cela ne saurait être néfaste à votre mortalité, et donc à ma quiétude. Le bobo est le prototype même de l’être humain aussi parasitaire que surnuméraire. Il parasite l’humanité en se prétendant progressiste, tout en votant malhonnêtement pour les programmes politiques sécuritaires, et l’empoisonne en se déclarant expert dans des domaines qu’il n’aura abordé qu’en songes. Je suis tout particulièrement sidéré de les écouter discuter et se flatter les uns les autres. Tenez, encore tout récemment j’ai eu le sinistre plaisir de « profiter » d’une discussion sur la politique sociale appliquée en France. Lieux communs, contresens, propagande de bourgeois craignant la plèbe, en résumé un ramassis de conneries promptes à me faire bondir. Les remettre dans le droit chemin ? Leur dire qu’ils sont « des cons » ? Ce serait trop d’honneur, par contre leur suggérer deux trois lectures ou « voyages » m’a effleuré. J’en reviens que trop souvent à quelques classiques de la littérature et de l’histoire, mais somme toute, proposer à un soi-disant « culturé » de lire London et son talon de fer, ou bien de se faire une idée de ce qu’est la rue en allant faire un tour dans un centre d’hébergement, ce n’est pas si méchant que cela, non ?

Au final, je crois que nous avons une société qui, à force de se vouloir idolâtre de la réussite sociale (et donc nécessairement économique), s’est vue devenir ce que les grands chantres du communisme craignaient : une société de classes, une société découpée et cloisonnée pour le bonheur des uns, l’insouciance de quelques uns, et surtout le malheur des autres. La crise ? Si ce n’est les placements douteux et les risques de découvrir quelques mois le chômage, ces bobos la connaissent-elle ? En toute franchise, j’en doute, si ce n’est à travers les images de la lucarne colorée, à travers la détresse d’ouvriers soldés sur l’autel du tout argent, ainsi que par la courbe de leurs placements. Qu’on se le dise : le bobo est un connard (et je pèse mes mots), qui a oublié que l’humanisme, ce n’est pas que lire le canard enchaîné, prétendre être de gauche… et piétiner les grandes idées dès que leur statut social est en danger.

Alors les bobos ? Inquiets ? Vous le devriez. Pour le moment, la crise existe, elle est tangible, mais elle est encore très loin d’avoir fait tous les dégâts qu’elle aurait dû. Que ferez vous quand la faim touchera ce que l’on appelait les prolos ? Vous cacherez vous derrière ces flics que vous vilipendiez la veille ? Changerez vous le « dress-code » en « tenue anonyme » ? Pour ma part je laisserai la vindicte vous rappeler que la société est une unité, et non juste « nous, puis éventuellement les autres s’ils en ont les moyens ».

20 mai 2009

Petite analyse d’un futur 3.0

Sur fond de crise mondiale annoncée, revendiquée, et instrumentalisée tant pour licencier qu’effrayer la ménagère de moins de cinquante ans, l’avenir proche est pourtant soumis à des critères plus larges que la seule perspective financière. En effet, que l’on soit au Bengladesh dans une case de tôle, ou bien à Paris dans un quartier huppé, les perspectives d’avancées majeures en terme de technologies auront un impact identique. Que l’on ne se leurre pas : l’avenir sera bâti autour et avec la technologie de l’information, et les conflits se déportent déjà sur le domaine de l’informatique et des réseaux, ceci en concurrence directe avec les batailles à coups de canon.

L’actualité ne saurait faire mentir ces affirmations : depuis quelques mois, la Chine s’est « apparemment » (euphémisme de rigueur sans preuve tangible des dires de nos chers grattes papiers) lancée dans un véritable assaut de masse contre les systèmes de l’information des autres nations du monde : USA, Australie, Nouvelle-Zélande, et très certainement toutes les autres nations susceptibles de détenir des données intéressantes se vont vues agressées par le biais de l’électronique. Le piratage à échelle industrielle n’est plus une lubie de maniaque de la science fiction, il s’agit d’une nouvelle réalité qui ne saurait disparaître à coups de bonds technologiques.
Je me dois toutefois de moduler le propos : l’espionnage de l’information n’est pas un fait nouveau, ce sont les méthodes et l’ampleur des résultats qui le sont. Echelon, célèbre système d’écoute des satellites, ne date pas d’hier, mais plutôt de trois voire quatre décennies. A l’heure de l’usage de la fibre optique, les moyens changent, pas les méthodes dans leurs concepts : écouter, trier, et finalement… savoir. En tout état de cause, Echelon remplit au jour le jour son rôle d’oreilles des USA (à travers des installations disséminées sur nombre de nations du Commonwealth et de pays adhérents officieusement au système), et leur offre une certaine suprématie sur la quête et la connaissance de l’information. Nous sommes donc potentiellement sur écoute, potentiellement surveillés dans nos activités, et donc finalement potentiellement considérés comme des agents d’une subversion quelconque. Tenez, avec mes propos, m’est avis que j’ai sûrement été lu à mon insu, analysé et … raillé dans mon impuissance de râleur indépendant.

Revenons donc au futur : à aujourd’hui, la donnée n’est pas encore totalement fondamentale. Quoi qu’on en dise, nous sommes encore tributaires du papier, du traitement manuel, de la lecture et de l’interprétation humaine. A un horizon pas si lointain, la donnée va, et sera forcément, l’élément le plus important du quotidien. Au sens large du terme, la donnée unitaire recouvre finalement tous les périmètres possibles et imaginables : téléphonie numérique, télévision quittant l’antédiluvienne technologie hertzienne, informatique, jeux vidéo, presse sur le network, enfin bref, tout va être réductible à une série de données enchaînées les unes aux autres. Bonheur de l’interopérabilité des systèmes ? Imaginons un peu ce que c’est, l’interopérabilité, ceci par l’exemple : vous vous levez, et vous voulez un café. Le réveil sonne, et, connecté au réseau local de votre habitation, informe que vous avez interrompu son cri strident. La cafetière démarre donc pour vous mettre une tasse à disposition, tandis que la climatisation rectifie la température ambiante, ceci pendant que les stores s’ouvrent pour laisser filtrer la lumière du jour qui naît. Une fois le petit déjeuner, la douche et l’habillement finis, vous quittez les lieux sans fermer à clé. Votre téléphone portable, en s’éloignant de la maison, prévient que vous quittez le périmètre. Les lieux se voient donc verrouillés, mis sous surveillance de l’alarme, les éventuels appareils électriques ou lumières oubliés s’éteignent pour économiser de l’énergie. Qu’en pensez-vous ? sur l’aspect domotique pur et dur, un vrai petit plaisir de vous débarrasser des corvées, mais quid de votre vie privée ? Hé oui, qui dit donnée dit stockage, donc historique de vos faits et gestes, avec, à terme, la capacité pour nombre d’entreprises d’analyser vos mouvements pour en tirer des habitudes de consommateur potentiel. C’est déjà un peu le cas avec la publicité ciblée sur le web, mais dans une moindre mesure heureusement.

Ce premier abord n’est qu’un survol de la vie chez vous, maintenant poussons le vice au-delà : publicité modulaire détectant votre présence, analysant votre identifiant unique de téléphonie mobile, et vous restituant vos favoris Internet, ainsi que de la publicité supposée vous correspondre. Lieu de travail : gestion pointue des horaires, analyse de vos mouvements dans les locaux, et ainsi optimisation du positionnement des équipements pour réduire au maximum les délais. Tout serait donc lié à vos données, vos informations… votre vie. L’état civil est au courant de la naissance de votre fille ? Alors comment diable cette société qui vend des layettes est au courant ??? Cela vous semble caricatural, mais réfléchissez à une chose déjà existante, et heureusement pas exploitée car interdite : lorsque vous faites des achats, vous usez souvent de la carte bleue. Donc, au moment du passage à la caisse, chaque référence produit est lue, et l’information stockée pour gérer les quantités vendues. Lions donc ce que vous avez mis dans votre caddie et votre carte bleue : après quelques mois de consommation, n’importe quelle entreprise pourra déceler que vous aimez boire du vin, que vous achetez souvent des films, que vous avez des couches pour le petit dernier, et qui plus est, que vous recevez probablement souvent vu que vous achetez pas mal de biscuits pour l’apéritif.

Tous ces propos ne restent que sur le domaine de l’économique, passons à autrement plus important et plus grave, nos libertés individuelles. Vous allez sur l’internet comme d’autres se baladent dans les musées. Très bien : les nouvelles lois mises en œuvre contre le piratage permettent également la collecte de vos mouvements virtuels, et donc d’en tirer des profils politiques. Nul n’est à présent à l’abri de la surveillance numérique, et par recoupement il devient dorénavant assez simple de dire qui vous êtes, où vous travaillez, avec qui vous sortez régulièrement. Prenons quelques exemples dissociés, que l’on va regrouper pour en faire une trame de surveillance indirecte. Tout d’abord, prenons votre historique bancaire, ajoutons y un soupçon de sécurité sociale, et enfin couvrons le tout avec l’état civil. Jusque là, nous savons que vous êtes monsieur ou madame X, que vous demeurez à une adresse donnée, et que votre numéro de sécurité sociale est XXX-XXX. Maintenant, recoupons avec qui paie vos cotisations, en l’occurrence votre employeur. Donc monsieur ou madame X travaille pour la société Y, avec un revenu mensuel donné. Fort bien. Suivons maintenant la piste bancaire : vous êtes allés ce mois-ci dans un bar, puis la semaine suivante au cinéma, et avez mangé dans un restaurant. Prenons ces dossiers, recoupons les en terme d’horaires avec tous les clients ayant été client des mêmes lieux que vous. Si une personne ou plus ressortent, c’est donc que, potentiellement sauf hasard grandiose, vous étiez ensemble à table, ou côte à côte dans un fauteuil de velours rouge foncé. Donc : Monsieur X, habitant …., salarié de la société Y, avec pour salaire nnnn Euros, sort souvent avec mademoiselle A, qui elle-même habite à une adresse, travaillant pour quelqu’un… et ainsi de suite. Stupéfiant, non ?

Nombre de personnes se supposent hors de la cible de la surveillance 3.0 qui nous attend. Qu’elles soient rassurées, c’est juste que nul ne sera exclu de la cible, bien au contraire même. Chacun d’entre nous est potentiellement ciblé, ne serait-ce que par principe de précaution. Ces recoupements semblent fallacieux, inexistants en démocratie, et ne sont que du fantasme selon vous ? Alors pourquoi les opérateurs de téléphonie mobile disposent-ils d’un historique de vos déplacements ? Vous ne me croyez pas ? A chaque mouvement, à chaque appel, vous passez de relais en relais téléphonique. De fait, cet historique est soigneusement stocké et exploitable pour les forces de police. Nombre de cas criminels furent résolus grâce à la géo localisation tacite des téléphones portables… mais cela permettrait aussi de dire « tiens, madame Y est restée à l’adresse de monsieur W depuis hier soir ». C’est tout de suite bien moins agréable et discret.

Nombre de personnes finissent aujourd’hui par confondre vie publique et vie numérique. Il faut bien distinguer ces deux modèles sur l’aspect sociologique, et ce contrairement aux affirmations de nombre d’analystes aussi compétents en psychologie que je le suis en biologie moléculaire. La personne numérique et celle physique n’ont de commun que celui qui tape sur son clavier, et rien d’autre. En effet, le web et son pseudo anonymat (en tout cas celui qui est espéré par bien des utilisateurs) permet d’être « différent », et de s’offrir une visibilité ainsi qu’un tempérament aussi fantasmé qu’inapplicable dans le quotidien. Le phénomène Blog et plus récemment Twitter en sont la preuve : je me mets en scène, je décris mon quotidien comme dans un carnet secret, mais accessible de tous. J’ai un coup de gueule temporaire ? Vite un message sur Twitter ! De fait, chacun s’expose volontairement à l’œil observateur et critique de la foule, tout en oubliant que celui qui lit n’est pas forcément lecteur anodin. Vous consommez des substances illicites ? Vous avez des propos injurieux envers les institutions ? Dommage que vous ayez l’indécente bêtise de le faire en live, sur le web, sans même penser un instant à camoufler votre visage ou votre adresse. Des cas d’arrestations sur la foi de vidéos Youtube existent déjà, et il est, à n’en pas douter, certain que la méthode va être de plus en plus exploitée à mauvais escient.

Alors quoi ? Censurer ? Freiner le développement du web et de la donnée pour s’assurer une certaine quiétude numérique ? Certainement pas, la machine est lancée à trop grande ampleur pour prétendre la freiner ou même légiférer dessus. Toute loi créée aujourd’hui sera obsolète au moment de son application, d’autant que les armes choisies seront toujours utiles… pour la génération précédente d’utilisateurs. L’expansion phénoménale du réseau, alliée avec une maturité croissante des utilisateurs, nous amène donc à un futur numérique aussi sombre qu’il peut être très éclairé. En effet, autant l’espionnage du quotidien deviendra un fait avéré et inévitable, autant nous pourrions assister à une nouvelle résistance, celle de l’homme numérique, qui, troquant son uniforme de maquisard pour celui du bidouilleur fou, viendra saboter les systèmes de surveillance, tentera de fédérer une riposte à l’assaut des espions, et fera probablement transiter ses informations vers tous ceux intéressés par le pourquoi de la surveillance. Le terrorisme numérique est encore du domaine du fantasme d’amateur, mais cela ne saurait être une idée à rejeter dans les années à venir. Il est plus que probable que les grands groupes de la finance, les sociétés les plus impliquées dans la mondialisation, seront des cibles de choix pour celles et ceux décidés à casser le modèle ploutocrate vers lequel nous tendons actuellement. D’ailleurs, c’est aussi pour cela que nombre de solutions viables économiquement apparaissent en riposte au tout payant : systèmes d’exploitations communautaires, ouverts et libres, outils gratuits (ou tout comme, ceci à travers des méthodes rigolotes et décalées de paiement tels que la fourniture d’une pizza commandée par le net en échange d’une clé de licence du produit), mais aussi explications et méthodes pour trouver un anonymat « plus grand » sur le réseau, hébergement décentralisés, réseaux de partage… et j’en passe. Avec l’explosion de l’offre d’information sur Internet, tant le quidam que le surveillant vont devoir apprendre, prendre pied sur la montagne des données, et ainsi identifier comment surveiller… et comment bander les yeux au voyeur.

19 mai 2009

Pérégrinations radiophoniques

Si j’aborde la radio avec circonspection, c’est avant toute chose par la segmentation drastique du marché. Entre la radio dédiée aux vieux nostalgiques d’une musique créative révolue, et les canaux faits pour abrutir les tympans d’une jeunesse fascinée par le clinquant et l’artificiel, difficile, pour moi, de trouver une station capable d’offrir tant un contenu culturel que musical. J’admets un certain sectarisme auditif, et plus encore, une forme d’allergie profonde aux miaulements pénibles de midinettes vêtues aussi court que possible. Alors, évidemment, j’enquille plus facilement un de mes disques dans l’autoradio que de laisser libre court aux ondes hertziennes.

Cependant, lorsque mes rares errances nocturnes me le permettent, je me laisse tenter par l’exploration de la bande FM. Ah, que la nuit est douce quand elle s’accapare les microphones, lorsque, enfin, elle expulse l’adolescence boutonneuse des canaux ! Je comprends mieux pourquoi certains auditeurs s’enivrent d’émissions tardives, quitte à rogner sur le sommeil tant les contenus semblent retrouver forme culturelle : discussions vulgarisées (sans être expurgées) sur les sciences modernes, débats construits sur l’Homme, et puis ces styles de musiques qui ne sont pas consensuels, ou du moins peu ou pas suivis en France. L’autre nuit par exemple, j’ai pu tour à tour savourer le style Nashville pour de la country, songer aux progrès de la microbiologie et de la thérapie génique, et même m’étonner en découvrant des inconnus à la prose intéressante. C’est ainsi, le culturel est obscur, alors que paradoxalement elle a fait les beaux des lumières.

Quand vous saisissez le bouton d’une radio, n’est-ce pas frustrant d’être tenu de supporter le même refrain formaté et diffusé partout ? Que dire de la radio si ce n’est qu’elle est devenue (à moins que je fusse trop jeune pour m’en rendre compte il y a quasiment deux décennies de cela) le support aux grosses ventes sans saveur, le média favori des braillards vindicatifs, et hélas, le dernier refuge des noctambules épris de notre belle langue. Qu’on se le dise : l’adolescent n’est pas le roi, pas plus que nul n’est tenu de supporter l’inqualifiable boucan prétendument musical. Arrivez-vous, sans frémir, à écouter la dernière compilation des plus grosses ventes de l’année ? Expérimentez cela chez votre disquaire, ou dans le centre commercial le plus proche. Personnellement, je trouve cela édifiant, d’autant plus informatif que cela me conforte dans l’idée qu’il est plus simple de formater un adolescent par la musique que par l’uniforme kaki, comme du temps du service national obligatoire.

Alors la nuit, quand le sommeil n’est pas prompt à se saisir de moi, ou quand je dois rejoindre mes pénates au volant de mon véhicule, je me berce de ces émissions où la découverte n’est pas un vain mot, où le consensuel disparaît au profit du débat. N’ayant jamais vraiment adhéré au concept des « antennes libres », je trouve que laisser la paroles à ceux qui savent, quitte à ce qu’ils se disputent, a une vertu informative des plus importantes. Pour revenir rapidement sur l’antenne libre : prenez un demeuré avec une équipe d’idiots, laissez leur le studio avec pour mission de discuter avec les auditeurs. Sujet ? Ce que l’auditeur veut, sans limite ni réflexion. Alors tout y passe : la sexualité de l’adolescente manquant d’information sur la contraception, les fantasmes de l’adolescent boutonneux (enfin fantasme… copie conforme d’un film pornographique quelconque), ou encore les colères de diva d’une révoltée gauchiste de seize ans qui révisera ses idées dans une décennie (pour voter à droite, tant qu’à faire).

Je me souviens d’avoir vécu un de mes plus grands chocs radiophonique lors d’une nuit d’insomnie. J’étais encore ado, féru de culture et amateur de réflexion « de révolté ». Et là, l’illumination : en faisant tourner la molette des fréquences, je suis tombé sur « Le fantôme de l’opéra » sous forme de théâtre radiophonique. Une perle, un diamant, un vrai bonheur d’entendre ainsi des comédiens jouer les rôles, d’entrer dans l’histoire et de bâtir, avec mon imagination, les lieux décrits par le narrateur. Une sorte de livre interactif, un petit plaisir pour celui qui sait s’offrir tout entier au monde des songes. Dites les producteurs, pourriez-vous faire l’effort de présenter ce genre de contenu à des heures décentes ? Il y a tant de livres d’aventure, tant de mondes parallèles, tant de héros à lire et à entendre ! Ce serait tellement plus enrichissant que le « français » (guillemets et pincettes de rigueur) de ces animateurs à la bêtise monumentale. Non, « si j’aurais su » n’est pas acceptable, pas plus qu’il est intéressant de savoir les derniers écarts de conduite d’une star.

Avez-vous une émission en tête ? La seule à laquelle je songe, concernant un horaire tolérable est les grosses têtes. Bouvard et sa bande, malgré un humour parfois potache et un rien pénible, arrive à dresser encore bien haut les couleurs de la verve et de l’esprit. Qu’il leur soit rendu hommage… en espérant qu’il y a d’autres personnes pour brandir un tel flambeau.

18 mai 2009

hasard?

« Le hasard n’est qu’une façon de justifier le mensonge ou la méconnaissance ». Cette citation, de moi (pour une fois), a pour but de vous expliquer en quelques mots ce que l’on pourrait qualifier de « vérité ». A ce jour, nous sommes certainement la société ayant le plus développé le concept de propagande, et qui plus est sûrement la seule à l’utiliser à sa grande échelle. Que l’on soit féru d’obscurantisme politique, ou, comme moi, plus sceptique et pragmatique, il est certain que nombre d’informations qui nous sont relatées avec emphase sont au mieux de vulgaires montages, au pire de vastes entreprises de désinformation. Dans la jungle des sujets, épaissie par les intérêts économiques et politiques, s’offrir une traversée pour arriver à la clairière de la vérité fondamentale est aujourd’hui chose quasi impossible à faire. Savoir, c’est le nerf de toute société, de toute civilisation ; faire croire que l’on sait, c’est l’art et la manière des gouvernants (politiques ou financiers) d’obtenir une population docile et prompte à obéir à leurs préceptes.

Fondamentalement, la théorie du hasard voudrait que, comme disent les anglophones, « Shit happens ». Oui, la merde, ça arrive quand on s’y attend le moins, on peut tomber en panne au milieu de nulle part avec une voiture neuve, être hors couverture téléphonique, le tout par temps orage diluvien… Mais cela reste de l’ordre de l’anecdote. Il ne faut pas être particulièrement malin pour douter du hasard quand nombre d’éléments s’accumulent et viennent s’empiler pour former un tout apparemment incohérent, mais finalement totalement unitaire et paradoxalement clair. Prenez la spirale du terrorisme : les nations se disputent les zones d’influences, elles affament ou spolient un camp, puis aident ce camp pour qu’il reprenne sa place dans la société des nations, pardon l’ONU. De là, on crée des générations de frustrés et blessés par l’expropriation ou la déportation, des milliers de soutiens de par le monde, et ainsi potentiellement des groupes prêts à prendre les armes, soit pour se faire entendre, soit pour se venger. Hasard si les grands groupes criminels sont équipés d’un armement de pointe ? Hasard également s’ils réussissent toujours à se financer ? Il y a, dans ce schéma apparemment anarchique, une constante indéniable : maintiens la terreur par l’existence d’un ennemi, et ton peuple te sera redevable en l’en protégeant, quitte à annihiler la notion de liberté individuelle. Les Américains paient actuellement ce prix par le « Patriot act » premier et deuxième du nom, tout comme nous commençons réellement à ressentir les effets sur la durée à travers vigipirate. Parlons en de ce plan : mis en place par crainte (légitime) des attentats, il n’a finalement pas été levé et sert à présent de moteur de surveillance à grande échelle.

Passons aux stratégies appliquées à l’information concernant les thèses ésotériques du complot sur les OVNI. Aussi risibles soient la plupart d’entres elles, il est tout de même surprenant que la plupart des états soient silencieux, et ainsi nourrissent les théories les plus farfelues. Dans l’absolu, difficile de prêter foi à un hurluberlu braillant à qui veut l’entendre qu’il a vu un OVNI… sauf que, lorsque l’hurluberlu est une foule, et que, vidéo à l’appui, l’on soit pris de doutes sur le pourquoi du comment, il y a une différence non négligeable. Bien entendu, les défenses annoncées par les gouvernements vont du ridicule (le ballon sonde), au pathétique (problème atmosphérique, avion en perdition…), mais jamais aucun dossier documenté et argumenté pour se défaire de ces hypothèses polluant littéralement les recherches, sérieuses celles-ci, sur une potentielle existence d’un peuple extra terrestre. Je ne suis pas un adepte de « L’ufologie », toutefois certaines choses me semblent encore suspectes. Il est plus facile de désinformer et laisser courir des hypothèses, plutôt que de prouver qu’il n’y a rien. Pourquoi ? Parce que, comme par hasard, un peuple effrayé par une menace inconnue est, encore une fois, plus docile et ouvert à la possibilité d’être espionné et surveillé depuis l’espace…

Dans un registre autrement plus proche de nous, HADOPI, projet de loi des plus inquiétants sur la liberté individuelle des internautes, a été adopté envers et contre toutes les critiques émanant tant de l’Europe que des acteurs du marché de l’informatique sur le Net. Censure, lois d’exceptions, sanction sans jugement préalable, bref tout l’arsenal d’une dictature à l’ère du numérique. Pourtant, malgré les évidentes faiblesses du plan général, n’est-on pas en droit de se demander si cela ne s’inscrit pas dans une stratégie à long terme ? Les plus impatients se contenteront de râler contre une mesure à courte échéance, mal conçue et surtout inapplicable, d’autres, comme moi, se poseront des questions plus complètes. Par exemple, n’est-ce pas le prolongement de lois liberticides comme l’incarcération renouvelée sans jugement, n’est-ce pas également la droite ligne d’un passage progressif à une privatisation globale de nos libertés ? J’ai du mal à tolérer l’idée même qu’un opérateur privé puisse devenir juge et bourreau, d’autant que les choix économiques et politiques dans le monde semblent nous orienter vers un état fonctionnaire s’étant débarrassé de sa part « paternaliste » de gestion sociale : privatisation de la sécurité sociale et de la santé, responsabilisation des acteurs du média pour en faire les régulateurs réels du marché, fermeture progressive de toute structure administrative où une notion économique apparaît, bref un passage lent et définitif du national étatique à autre chose. Et ce autre chose, c’est l’entreprise reine, le talon de fer tant décrié et critiqué par Jack London… il y a un siècle. La ploutocratie ne connaît pas le hasard, elle nous le fait avaler goulûment, en tout cas c’est bel et bien ce que l’on nous sert à longueur de journée.

Finalement, est-ce un hasard si le système boursier s’est effondré ? Encore une fois, les vautours les mieux avertis fondent sur les sociétés fragilisées, le marché se réorganise avec la mort programmé des opérateurs les moins solides, et au bout du compte, les géants se consolident à coup de rachats/fusions ôtant toute notion de concurrence. C’est la naissance d’une dictature économique, l’avènement de l’oligarque banquier, capable d’un claquement de doigts, de faire disparaître ou apparaître des milliers d’emplois. Le long terme est la force principale de ces sociétés. Elles tablent non sur quelques mois, mais plutôt sur des décennies. Me faire croire que l’explosion du prix du pétrole, l’engouement plus que suspect pour l’écologie ne soient que des hasards du calendrier, c’est me mentir effrontément. C’est quand même étrange : les mêmes sociétés s’étant enrichies sur la hausse incroyable du baril profitent à présent de leur branches « écolos » pour nous parler d’économies, de respect de l’environnement, de suppression de la pollution, et donc d’amélioration des conditions de vie. Notez au passage que la méthode est la même : on se finance sur les gagnes petits, puis on leur prédit un avenir meilleur… Meilleur pour qui ? Pour le commerçant, sûrement pas pour le consommateur final. Total tout comme Mosanto profitent de la faim, du pétrole roi sur le déclin, et d’un avenir voué à la gestion accrue de nos ressources pour nous infantiliser. Consommer ? Bien sûr, à condition que ce soit du pétrole de leurs raffineries, ainsi que leur maïs manipulé génétiquement.

J’ai une profonde méfiance pour les paranoïaques, et encore plus pour les augures hystériques. Fin du monde, antéchrist, anéantissements bibliques, tout cela me laisse au mieux très froid, au pire hilare et moqueur. Toutefois, force est de constater que, chaque jour, on se fout de nous avec un aplomb digne d’un César triomphant de la Gaule asservie.

Je vous mets un lien vers un site qui, sous des dehors très sérieux, s’avère être une sorte d’explication de texte. Bien entendu, la majorité des choses présentées dedans sont des manipulations assumées pour que le film ait de la crédibilité, mais regardez le au second degré : c’est avant tout un plaidoyer contre ce que nous appelons « hasard », ou plus lucidement « complot ». Observez, gardez l’œil perplexe et critique, mais absorbez les idées. Nombre de passages sont édifiants, et un me glace le sang en particulier. Le film explique que, en fait d’une attaque extraterrestre totalement bidon, les gouvernements useront de ce moyen pour devenir encore plus sécuritaires, afin de passer de la menace terroriste à autre chose de tout aussi inquiétant, voire plus. Si l’on fait un parallèle, c’est ce qui s’est passé après la chute de l’URSS : plus d’ennemi ? Pas de problème, fabriquons en un vêtu d’une djellaba et brandissant le Coran en vociférant contre l’occident.

A bon entendeur...

Les liens :
Le site officiel de l'Orion Conspiracy
La vidéo de l'Orion Conspiracy sur Youtube

15 mai 2009

Bruit de respiration

On se soucie aisément de bien des choses futiles parce qu’elles sont notre quotidien, et pourtant, là, sous notre nez, nous avons tous de quoi nous repentir de notre comportement égocentrique. Vais-je me lamenter sur le sort qui frappe, encore et encore, ma famille ? J’ai autre chose à faire que d’attirer les larmoyants messages de soutiens d’inconnus qui ne se priveront pas de jouer « l’amicale des pleureurs professionnels », le tout à la sauce Internet. De fait, contentons nous d’oser la vérité, dévoiler notre puérilité au plus grand nombre, et d’accepter, sans fard, ce que nous sommes.

Nous nous contentons bien trop souvent de survoler les choses, tant par peur de la réalité que par nécessité de choisir des priorités. C’est ainsi : l’Homme n’a pas la place requise en lui pour gérer son humanité. Suis-je meilleur ou pire que mon voisin à ce sujet ? Je l’ignore, et en toute franchise, je ne lui jetterai pas la pierre. A celui qui, malade de longue durée à cause d’un crabe lui bouffant les entrailles, je ne ferai pas la leçon. Tu as déjà suffisamment à craindre de ton destin maudit pour qu’en plus je vienne te secouer concernant ton désintérêt de la cause de l’Homme. Pourquoi aller se préoccuper du sort des gosses soldats quand, chez nous, l’ivresse, la drogue et la violence conjugale emplissent les tribunes des feuilles de choux spécialisées dans le malheur ordinaire ? Quand j’ai le déplaisir d’ouvrir un de ces torchons, c’est pour y lire avec tristesse la dérive d’une jeunesse qui ne se reconnaît pas dans une société formatée et abêtie par l’intolérance, pour y sentir avec douleur le désintérêt des gens pour la famille, et puis pour s’assurer de notre incompétence notoire à préserver les fondamentaux de l’existence. Personne ne s’offusque quand on apprend que des personnes âgées décèdent seules, alors qu’ils ont une famille, personne ne semble touché par la brutale vie de celui qui finit sous les ponts. Qu’importe, chacun est au chaud, assuré de ses choix par une télévision vouée à la gloire de l’argent.

Il y a des âmes qui s’usent, d’autres qui se préservent, et certaines qui se donnent intégralement à une cause. Le malheur n’est pas réfléchi, il vise sans se demander si l’accumulation peut pousser au suicide, il ne s’inquiète pas des conséquences pour ces mômes voués à une vie d’errance sous le label DDASS. Alors, parfois, derrière les gestes ordinaires d’un anonyme, on découvre la richesse d’un cœur qui s’acharne à améliorer le quotidien de celles et ceux qui, par les travers de la Vie, finissent démunis et solitaires. Solidarité ? Soutien moral ? Rares sont ceux qui, malgré leurs propos pétris de bonnes intentions, dépassent le stade de la déclaration. On critique la langue de bois des politiques, on conspue ceux qui trichent et arnaquent le système, mais, au fond, nous sommes tous des Crozemarie en puissance. Ah, la conscience satisfaite du don par chèque à une association… Quel honneur de se revendiquer donateur ? Aucun, si ce n’est d’être aussi prétentieux que pédant. Donner, ce n’est pas en attendre les lauriers, c’est avant tout être entier, décidant sans incitation de faire au lieu de parler.

Pourquoi le silence est-il souvent le remède à la douleur ? Combien de mères se sont usées à la tâche pour que les enfants ne pâtissent pas de la misère quotidienne ? Pourquoi a-t-elle choisie d’être en guenilles pour que sa fille puisse entrer dans une école réputée de qualité ? Est-elle héroïne, bonne mère, ou simplement humaine ? Le fondement même de la nature humaine, ce n’est pas, contrairement aux phallocrates épris de masculinité, une notion de domination de l’Homme sur la nature (et homme au sens masculin du terme). Ce n’est pas plus notre capacité de raisonnement qui fait de nous des humains supposés être dotés d’une âme. Non. La nature humaine, c’est être foncièrement tangent, hésitant entre le bien et le mal. Un dicton espagnol (je crois) énonce que « Le ventre domine la tête ». C’est terriblement vrai et douloureusement pathétique car, au fond, nous cédons à l’instinct quand l’esprit n’a plus de prise. Alors, blâmer celui qui est égoïste n’est pas justifié, si ce n’est parce qu’il pourrait, éventuellement, comprendre que, grâce à lui, le monde pourrait s’en trouver que meilleur.

Et moi, là, je songe à la respiration que personne n’entend ou presque, à ce souffle court, haché, qui fait monter et descendre une poitrine fatiguée. Je songe à ce gosse souffrant d’une terrible maladie, prisonnier d’un cocon d’hôpital, prisonnier des murs blancs d’un bâtiment qui lui tiennent lieu de cuisine, de chambre à coucher, et de salle de jeu. Ecoutez le, ce râle sifflant, ce sommeil pénible que la science n’arrive pas à traiter. Sentez sa vie qui s’agite, ce corps malingre et chétif qui supplie le monde de lui venir en aide. Etes-vous sensibles à cette douleur ? Seriez-vous devenus trop égoïstes pour punir l’enfant pour les péchés de nous autres, adultes sans cœur ni générosité ? Il ne s’agit pas de donner de l’argent, de donner du temps, ou même d’agir autrement que d’y penser. Votre voisin n’est pas plus l’ennemi que celui qui a une autre couleur de peau. Pourquoi se retourner vers la haine quand la peur prend le pas sur le courage de découvrir la différence ? Ce gosse n’a pas demandé à vivre dans une bulle, ce dont il rêve, c’est de courir dans un parc sans nuage pollué, c’est de jouer au ballon avec ses camarades, c’est d’enlacer sa mère sans qu’elle soie vêtue d’une blouse blanche et d’un masque de protection. Lui, il est le symbole même de notre déchéance, il représente tout ce qu’il y a de plus mauvais en nous. J’entends déjà celui qui dit qu’il n’y a rien de symbolique. Alors que l’on m’explique comment l’on peut tolérer la douleur dans la chair de notre chair, comment l’on peut se venger sur le visage d’un gosse qui n’a d’autre ambition que d’être aimé.

A tous les tenants de la force humaine, à tous ces gens qui, sous couvert de représentativité, qu’ils m’expliquent ce qu’il y a de mal à aimer son prochain. On se vautre dans notre canapé, on presse un bouton, et les images de souffrance disparaissent comme par enchantement. Plus de favelas, plus de mines dans le désert, plus de traque aux enfants dans les rues de Rio, on fait tout s’envoler dans le bruit sourd de l’extinction de l’appareil à mauvaises nouvelles. Et la justice là-dedans ? Quelle équité ? Je suis ému par ceux qui se vouent à une cause, je suis troublé par le regard adulte du gosse né là où l’humanité s’effondre, je suis blessé par cette main perdue à cause d’une BASM (Bombe à sous munitions) ressemblant un peu trop à une ration alimentaire, et je suis torturé par les larmes de ce bambin qui n’aura pas son repas, comme n’importe lequel des enfants devrait avoir sans supplier les miettes des puissants.

Nous n’avons qu’une seule vie. On l’emplit tant qu’on peut de souvenirs, de sentiments et de bonnes choses. Certains tentent de combler leur solitude par la possession, d’autres s’emplissent de chaleur en s’offrant sans compter aux autres. S’il était une règle vitale que nous devrions accepter, c’est que chacun peut et doit être entier, sans mensonge, sans illusion non plus. Vais-je me glorifier d’être meilleur que ceux qui ne donnent pas ? Quelle gloire à aimer ? La gloire d’aimer c’est pour soi, c’est sentir chez les autres le bonheur de vous revoir, le plaisir de vous enlacer, et surtout l’envie de vous donner en retour cette même tendresse. Lorsqu’on fermera la tombe d’une pierre, c’est à ce moment précis où je pourrai, je l’espère, sentir que j’ai agis pour les autres afin que moi, égoïstement, je sois bien. Car au fond, moi aussi, je respire difficilement, comme cet enfant. Je respire difficilement de ne pas toujours voir de la générosité dans les yeux d’autrui, j’étouffe de me savoir aussi ordinaire que les autres. Comme l’a dit un grand musicien que j’adore. Monsieur Servat, merci à vous.

« L'hydre du fascisme est en chacun de nous. Chaque soir je la décapite. Chaque nuit, ses têtes repoussent dons ma tète. Parfois, elle me soumet. Parfois, je suis vainqueur. En moi l'intolérance, moisissure fadasse que je ne vaincrai jamais définitivement. Mais, sans relâche, je décapiterai le monstre. Jamais je ne prendrai la Kalachnikov pour imposer mes idées, ma loi ou ma croyance. J'ai trop peur d'avoir tort! ».


08 mai 2009

Le dernier jour du dernier mois de la dernière année de ma vie.

Ce texte m’a été inspiré par la date du jour, ainsi que par la vision de nombre de documentaires diffusés à cette occasion. Le 8 Mai, jour symbolique où les combats cessèrent, où la mort décréta que sa moisson de vies devait prendre fin en Europe, où les portes grillagées des camps furent montrées dans le monde entier. Nous, génération bénie de n’avoir pas combattue, nous, enfants d’une Europe exsangue, nous ignorons totalement le sens des mots victoire et défaite. Pour nous, cela se résume généralement à un score d’un match de football, ou bien au résultat d’un tournoi entre gamins réunis pour s’amuser. Celles et ceux qui connurent l’enfer terrestre du conflit mondial peuvent témoigner à quel point notre monde pouvait plonger dans l’horreur.

Il est facile de se représenter l’esprit du vainqueur, celui qui, fièrement, peut dresser son drapeau et hurler sa joie. Il est évident de sentir la joie élémentaire de l’épouse qui sait que son mari reviendra sous peu… Mais qu’a donc ressenti cet homme qui a dû se rendre ? Qu’a-t-il donc bien pu éprouver quand on lui a annoncé la reddition sans condition, la chute de son étendard ? Qui peut prétendre ressentir et exprimer cela par des mots ? Je n’ai pas cette prétention, je n’ai pas cette hypocrisie de me croire capable d’éprouver une telle douleur, toutefois, par respect pour celles et ceux tombés, quelque soit leur nationalité, leur religion, ou leur parti politique, je tiens à raconter ce que j’ai ressenti en voyant certains visages usés, fatigués et qui gardèrent pourtant cet éclair de volonté dans le regard.

A vous tous, combattants passés, présents, et avenirs, je pense à vous.

Cessez-le-feu, drôle d’expression n’est-ce pas ? Elle est supposé nous dire à tous que l’on arrête juste de tirer, en se demandant comment l’on va se mettre d’accord pour mettre fin à une guerre. Je devrais être heureux, ravi même de déposer ce maudit fusil sur le grand tas créé à cet effet. Je devrais être enchanté de me débarrasser de cet uniforme avec cet aigle, symbole d’enfer et de souffrances. Et pourtant, je suis là, j’observe, incrédule, la foule de mes camarades qui s’alignent face aux soldats bolchéviques qui nous insultent et nous conspuent. Tous, nous sommes las, épuisés, mais tous nous avons résistés jusqu’ à la dernière extrémité face à ce que notre état déclarait être « l’ennemi mortel ». L’ennemi est toujours mortel, la mort est toujours définitive, on ne négocie pas plus avec la Mort que l’on tergiversait avec la Gestapo. Ai-je été un nazi ? Je n’ai pas adhéré, pas plus que ces millions de soldats forcés à se lever en masse pour sauver notre « Grande Allemagne ».

Ils sont tous sales, certains pleurent, nombreux sont ceux qui ne sont que des gamins tout juste sortis des jeunesses. A leurs yeux, je passais pour un père, voire même un vieillard tant notre écart d’âge est monstrueux. Moi aussi, je suis souillé de boue, moi aussi je dois probablement sentir mauvais. La seule chose qui nous distingue c’est que je ne suis plus imberbe. Je fais alors la queue, comme tout le monde, me mordant les lèvres de lassitude et de rage. Voilà quoi ressemble donc Berlin, voilà le but final des fous du Reich. Des ruines, des pleurs, des morts, des sans-abris, des femmes hurlant de folie, des gosses courant et cherchant refuge comme des rats traqués. Ca et là traînent des douilles, ça et là on retrouve des restes déchiquetés. Un peu plus loin, le brasier continue à ronger les immeubles, mais personne ne semble s’en soucier. Après tout, l’Allemagne paie sa brutalité au juste prix de la vengeance.

Cinq ans, cinq longues années à marcher, encore et encore, à porter ce barda, à sentir mes bottes tour à tour s’engluer de glaise, s’alourdir de neige, durcir par le gel, et me brûler en été. Où sommes-nous à présent ? Nulle part, dans les ruines, dans les flammes, dans la poussière des immeubles réduits à néant. Je n’ai jamais porté quelque espoir que ce soit concernant nos conquêtes, pas plus que je n’espérais un meilleur avenir pour nous tous. Que de voix furent silencieuses quand nous fûmes tous pris dans la spirale de la violence et de la xénophobie, que de penseurs s’allièrent à la barbarie pour être vus et connus. Chacun doit, paraît-il, assumer sa part de responsabilité dans une guerre. Quelle est la mienne ? Les vainqueurs en décideront, ils verront mes galons, ils verront mon âge, jugeront à juste titre que je suis un vétéran. Vont-ils m’accorder le pardon ? Me garder en vie ?

Je n’ai pas honte de ce que j’ai fait. Je n’ai pas été meilleur ou pire que ceux en face, je n’ai pas à regretter ces instants de combat, sous le feu et l’acier. Ils furent mes frères, mes camarades. Nombreux sont morts, leurs corps disparus dans des champs anonymes, d’autres mutilés à jamais par un éclat ou une balle criminelle. Vais-je pleurer sur mon sort ? Je suis encore vivant, en ce jour de fin de combat. Nous avons baissés les armes, ils sont là, prêts à décider pour chacun de nous de notre sort final. Des remords ? J’ai bien celui d’avoir vu trop d’enfants mourir un fusil pour un idéal qu’ils ne comprenaient pas. On leur a inculqué une foi religieuse dans le Führer, on leur a bourré le crâne de chants patriotiques. Et moi de devoir prendre leur plaque d’identité pour avertir leurs familles… Quelle infamie ! Certains étaient en âge d’être un fils pour moi.

Je me sens trop vieux pour tout cela, trop vieux pour pleurer comme un gosse dépité, trop vieux pour craindre un châtiment. J’ai donné mon sang, mon corps porte les stigmates d’un sacrifice perpétuel et infâmant. On a marchés côte à côte, tous, le visage droit, l’œil vif, la main assurée sur les crosses de nos armes. Parfois, nous chantions des marches qui, demain, seront taxées de racistes. Et elles l’étaient quelque part. Mais nous étions un corps, une famille, des frères, des amis, prêts à périr les uns pour les autres. En cela, j’éprouve une grande fierté d’avoir servi, non sous la croix gammée, mais avec eux.

J’ai dit que je ne regrettais rien. C’est faux, je regrette simplement d’avoir vécu tout cela. Jamais je n’aurais voulu voir mon pays réduit en cendres, jamais je n’ai désiré sentir l’odeur âcre des corps qui se consument. Jamais je n’ai fantasmé sur le bourdonnement des bombardiers nous pilonnant jour après jour. Et jamais, non jamais je n’ai éprouvé l’envie de donner la mort à quiconque. Mon cœur que je croyais lui aussi mort au combat se serre à présent. Sans cérémonial, j’ai balancé ma mitraillette, jeté au diable mes cartouches, défait mon ceinturon, puis ôté mon uniforme pour l’empiler sur le tas trônant avec vanité devant moi. Je ne suis pas humilié individuellement, j’ai perdu cette notion de dignité quand j’ai tué pour la première fois. Non, j’ai honte collectivement, honte d’avoir été le bras armé de crimes innommables, honte d’avoir perdu face aux envahisseurs, honte enfin d’avoir à me rendre au lieu d’être tombé comme tant d’autres.

Si je suis fusillé, alors c’est que j’aurais été traité en criminel. Si je suis mis en détention, c’est qu’on m’aura estimé pas assez grand ou intéressant pour mériter le poteau… et que ferai-je si je suis libéré ? Où aller ? Vivre dans les ruines ? Vivre dans la rue ? Souffrir de malnutrition ? Devoir se battre pour de l’eau ? Encore une nouvelle guerre, celle des civils, celle des victimes de notre folie à tous…

07 mai 2009

Gilles Servat...

Inutile de vous dire que je suis sensible à ces chants qui revendiquent une identité, qui savent exprimer avec volonté que nous autres, les hommes, sont des souillons incapables de se tenir tranquilles. Merci à lui, et bonne audition.

Un conseil tout de même : écoutez les titres suivants en priorité :
  • Touche pas à la blanche hermine (live)

  • La blanche hermine (fait suite à l'intro ci-dessus)

  • Je ne hurlerai pas avec les loups

  • Litanie pour l'an 2000

  • Je dors en Bretagne ce soir

  • Au bord du lac Ponchartrain


06 mai 2009

C’est par la haine que commence la création

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la création est terriblement tributaire de la haine, de la violence et de la peur de la différence. Ainsi, contrairement à l’apparente richesse créatrice des « génies » (proclamés par la foule, ou simplement établis ainsi par quelque autocrate), c’est bel et bien dans la destruction que s’exprime le plus la force inventive.

N’abordons pas l’ingénierie, tous nous savons que la guerre est grande consommatrice de progrès, car détruire la vie est une façon redoutable d’avancer dans la technologie. Non, là je songe à l’art, ce superflu indispensable à la société et vital à toute représentation d’une civilisation. Quand on songe aux romains, on pense autant aux invasions et guerres qu’aux miracles d’architectures implantés un peu partout en Europe. Quand on parle des mayas, c’est ces temples monumentaux qui marquent les esprits. Mais à la gloire de quoi ? De la puissance d’un pouvoir terrestre ou religieux, en l’honneur de héros vivants ou morts, et enfin pour symboliser tout l’orgueil qu’un peuple peut porter en lui. Tenez, n’est-ce pas de l’autosatisfaction que de bâtir un arc de triomphe ? N’est-ce pas aussi par simple prétention que tous les rois et empereurs se sont faits mécènes des arts ? La toile fut tout autant vecteur politique que le devient le cinématographe dans les années 30… Certes, d’une manière autrement plus léchée (selon nos critères modernes), mais la finalité était la même : flatter l’ego, vanter la force d’un dictateur et le présenter comme un Dieu à la population.

Je comprends difficilement les gens qui supposent que l’art est contre le pouvoir, contre la richesse, bref contre tous les systèmes. L’art est tributaire de l’argent autant qu’il peut devenir lui-même source de revenus ou de spéculation. Historiquement, les artistes furent non pas des créateurs solitaires, mais des artisans de la beauté, travaillant à la commande pour des puissants autant emprunts de passion artistique que de pragmatisme. Rien n’est plus impressionnant qu’un Botticelli dans un salon, et de la même manière Florence fut avant tout le siège de l’art à façon, et les Médicis surent se servir de l’art comme vecteur de la réputation de la ville. Somme toute, la majorité des toiles et sculptures de la renaissance durent autant au génie créatif et non conformiste de rigueur dans la ville, que des finances d’une famille de banquiers aux méthodes souvent peu scrupuleuses.

Alors quoi ? N’est-ce pas malhonnête que de prétendre à l’art sans rémunération ? Certes, nombre de grands ne furent reconnus qu’une fois recouverts de pissenlits, mais combien d’autres jouèrent avec intelligence de leur éclat éphémère ? Ne soyons pas enfantins : la création artistique sait être aussi cynique qu’elle peut être magnifique. Les musées du monde entier témoignent de la destruction engendrant la création : portraits de conquérants, scènes de bataille, bronzes de cavaliers, et même la représentation de la Marianne révolutionnaire. La guerre, la haine et le meurtre surent se mettre en scène avec autant de beauté que les scènes naïves et bucoliques si chères à toute une génération de peintres.

On définit l’art moderne comme une famille de peintres et toiles sortant des carcans de la convention. Personnellement, je crois que l’art moderne c’est aussi les médias modernes tels que le cinéma, ou à présent l’informatique. Nous disposons de supports capables de servir autant l’art que la propagande, et la vidéo s’est souvent fait chantre des tyrans. Trop de gens sont convaincus que le cinéma est libre d’influences… Ah ? Parce qu’il n’y a pas de notion de financement ? Les grandes structures politiques telles que l’armée ou les services de communication des présidents sont tout aussi moteurs pour assister les créateurs de films conventionnels à la gloire de leurs services, qu’ils sont de redoutables censeurs quand un tordu tente une critique lucide de son temps. Tout le paradoxe est donc que le créateur est souvent bâillonné… parce que le vrai génie, celui qui crée pour la création, celui qui ne dépend pas des codes, est souvent solitaire dans ses idées, et souffre bien souvent d’être traité en anarchiste. Le cheminement de l’art n’est donc qu’un équilibre précaire entre compréhension critique de son monde, que dans sa capacité d’être suffisamment cynique pour en vivre. Même les plus grandes plumes et pinceaux furent capables de mettre au monde des œuvres, parce que l’estomac dictera toujours sa loi au cerveau…